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Citations de Edgar Allan Poe (862)


Je n'ai pas l'intention, toutefois, de tracer ici le cours de mes misérables dérèglements, - dérèglements qui défiaient toute loi et éludaient toute surveillance. Trois années de folies, dépensées sans profit, n'avaient pu me donner que des habitudes de vie enracinées, et avaient accru d'une manière presque anormale mon développement physique. Un jour, après une semaine entière de dissipation abrutissante, j'invitais une société d'étudiants des plus dissolus à une orgie secrète dans ma chambre. Nous nous réunîmes à une heure avancée de la nuit, car notre débauche devait se prolonger religieusement jusqu'au matin. Le vin coulait librement, et d'autres séductions plus dangereuses peut-être n'avaient pas été négligées; si bien que, comme l'aube pâlissait le ciel à l'orient, notre délire et nos extravagances étaient à leur apogée. [...]

Trad. Charles Baudelaire
"William Wilson", p. 34
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Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus. »

Ah ! distinctement je me souviens que c’était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin ; en vain m’étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, — et qu’ici on ne nommera jamais plus.

Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu’à ce jour ; si bien qu’enfin, pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant : « C’est quelque visiteur qui sollicite l’entrée à la porte de ma chambre, quelque visiteur attardé sollicitant l’entrée à la porte de ma chambre ; — c’est cela même, et rien de plus. »

Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N’hésitant donc pas plus longtemps : « Monsieur, — dis-je, — ou madame, en vérité j’implore votre pardon ; mais le fait est que je sommeillais, et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu taper à la porte de ma chambre, qu’à peine étais-je certain de vous avoir entendu. » Et alors j’ouvris la porte toute grande ; — les ténèbres, et rien de plus !

Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu’aucun mortel n’a jamais osé rêver ; mais le silence ne fut pas troublé, et l’immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté : « Lénore ! » — C’était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot : « Lénore ! » — Purement cela, et rien de plus.

Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j’entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. « Sûrement, — dis-je, — sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre ; voyons donc ce que c’est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère ; — c’est le vent, et rien de plus. »

Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d’ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta pas, il n’hésita pas une minute ; mais, avec la mine d’un lord ou d’une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre ; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre ; — il se percha, s’installa, et rien de plus.

Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : « Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n’eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d’un grand secours ; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d’un nom tel que Jamais plus !

Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus ; il ne remua pas une plume, — jusqu’à ce que je me prisse à murmurer faiblement : « D’autres amis se sont déjà envolés loin de moi ; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées. » L’oiseau dit alors : « Jamais plus ! »

Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d’à-propos : « Sans doute, — dis-je, — ce qu’il prononce est tout son bagage de savoir, qu’il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu’à ce que ses chansons n’eussent plus qu’un seul refrain, jusqu’à ce que le De profundis de son Espérance eût pris ce mélancolique refrain : Jamais, jamais plus !

Mais, le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l’oiseau et du buste et de la porte ; alors, m’enfonçant dans le velours, je m’appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son Jamais plus !

Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n’adressant plus une syllabe à l’oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu’au fond du cœur ; je cherchais à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l’aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, — ah ! jamais plus !

Alors il me sembla que l’air s’épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient des séraphins dont les pas frôlaient le tapis de la chambre. « Infortuné ! — m’écriai-je, — ton Dieu t’a donné par ses anges, il t’a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore ! Bois, oh ! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon, mais toujours prophète ! que tu sois un envoyé du Tentateur, ou que la tempête t’ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l’Horreur hanté, — dis-moi sincèrement, je t’en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée ? Dis, dis, je t’en supplie ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Prophète ! — dis-je, — être de malheur ! oiseau ou démon ! toujours prophète ! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore. » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

« Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon ! — hurlai-je en me redressant. — Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la Nuit plutonienne ; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré ; laisse ma solitude inviolée ; quitte ce buste au-dessus de ma porte ; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte ! » Le corbeau dit : « Jamais plus ! »

Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre ; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve ; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher ; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s’élever, — jamais plus !
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Edgar Allan Poe
Toutes les choses créées ne sont que les pensées de Dieu.
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Pendant les six ou sept jours qui suivirent nous restâmes dans notre cachette sur la colline, ne sortant que de temps à autre, et toujours avec les plus grandes précautions, pour chercher de l’eau et des noisettes.
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La chaleur de l'eau était alors vraiment remarquable, et sa couleur, subissant une altération rapide, perdit bientôt sa transparence et prit une nuance opaque et laiteuse.
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Mais voilà qu'en travers de notre route se dressa une silhouette voilée, de proportions beaucoup plus vastes que celles d'aucun habitant de la terre.
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J'ai eu depuis lors l'occasion de remarquer que cet espèce d'oubli partiel est ordinairement amené par une transition soudaine, soit de la joie à la douleur, soit de la douleur à la joie, -- la puissance d'oubli étant toujours proportionnée à l'énergie du contraste.
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La noirceur des ténèbres qui enveloppent la victime, l’oppression terrible des poumons, les exhalaisons suffocantes de la terre humide se joignent à cette effrayante considération, -- que nous sommes exilés au delà des confins les plus lointains de l’espérance et que nous sommes bien dans la condition spéciale des morts, -- pour jeter dans le cœur humain un effroi, une horreur glaçante qui sont intolérables, -- qu’il est impossible de concevoir!
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Il était positivement évident qu’ils n’avaient jamais vu aucun individu de race blanche, -- et d’ailleurs notre couleur semblait leur inspirer une singulière répugnance. Ils croyaient que la Jane était une créature vivante, et l’on eût dit qu’ils craignaient de la frapper avec la pointe de leurs lances, qu’ils retournaient soigneusement.
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Le brick a ramassé pas mal d’eau par ses coutures, et l’une des pompes n’a pas cessé de fonctionner, Auguste pompant à son tour comme les autres. Juste à la tombée de la nuit, un grand navire passa tout auprès de nous, qu’on n’aperçut que quand il fut à portée de voix. On supposa que ce navire était celui qu’on guettait depuis longtemps. Le second le héla, mais la réponse se perdit dans le mugissement de la tempête.
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UN RÊVE

En des visions de la sombre nuit, j'ai bien rêvé de joie défunte, - mais voice qu'un rêve tout éveillé de vie et de lumière m'a laissé le coeur brisé.

Ah ! qu'est ce qui n'est pas un rêve de jour pour celui dont les yeux portent sur les choses d'alentour un éclat retourné au passé ?

Ce rêve béni, ce rêve béni, pendant que grondait le monde entier, m'a réjoui comme un cher rayon guidant un esprit solitaire.

Oui, quoique cette lumière, dans l'orage et la nuit, tremblât comme de loin, que pouvait-il y avoir brillant avec plus de pureté, sous l'astre du jour de Vérité.
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LE MYSTÈRE DE MARIE ROGET

"Rien, par exemple, n’est plus difficile que de convaincre le lecteur non spécialiste que, si un joueur de dés a amené les six deux fois coup sur coup, ce fait est une raison suffisante de parier gros que le troisième coup ne ramènera pas les six. Une opinion de ce genre est généralement rejetée tout d’abord par l’intelligence. On ne comprend pas comment les deux coups déjà joués, et qui sont maintenant complètement enfouis dans le Passé, peuvent avoir de l’influence sur le coup qui n’existe que dans le Futur. La chance pour amener les six semble être précisément ce qu’elle était à n’importe quel moment, c’est-à-dire soumise seulement à l’influence de tous les coups divers que peuvent amener les dés. Et c’est là une réflexion qui semble si parfaitement évidente, que tout effort pour la controverser est plus souvent accueilli par un sourire moqueur que par une condescendance attentive. L’erreur en question, grosse erreur, grosse souvent de dommages, ne peut pas être critiquée dans les limites qui me sont assignées ici ; et pour les philosophes elle n’a pas besoin de l’être. Il suffit de dire qu’elle fait partie d’une infinie série de méprises auxquelles la Raison s’achoppe dans sa route, par sa propension malheureuse à chercher la vérité dans le détail."
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LE SYSTÈME DU DOCTEUR GOUDRON
ET DU PROFESSEUR PLUME


"Vous êtes encore jeune, mon ami, — répliqua mon hôte, — mais le temps viendra où vous apprendrez à juger par vous-même tout ce qui se passe dans le monde, sans vous fier au bavardage d’autrui. Ne croyez rien de ce que vous entendez dire, et ne croyez que la moitié de ce que vous voyez"
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LE DOMAINE D’ARNHEIM


"On entend sourdre une mélodie ravissante ; on est oppressé par une sensation de parfums exquis et étranges ; on aperçoit, comme un vaste rêve, tout un monde végétal où se mêlent les grands arbres sveltes de l’Orient, les arbustes bocagers, les bandes d’oiseaux dorés et incarnats, les lacs frangés de lis, les prairies de violettes, de tulipes, de pavots, de jacinthes et de tubéreuses, les longs filets d’eau entrelaçant leurs rubans d’argent, — et, surgissant confusément au milieu de tout cela, une masse d’architecture moitié gothique, moitié sarrasine, qui a l’air de se soutenir dans les airs comme par miracle, — faisant étinceler sous la rouge clarté du soleil ses fenêtres encorbellées, ses miradores, ses minarets et ses tourelles, — et semble l’œuvre fantastique des Sylphes, des Fées, des Génies et des Gnomes réunis."
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Le temps était remarquablement beau, et l’aspect de la campagne placée sous nos pieds, – un des plus romantiques à tous les points de vue, – était alors particulièrement sublime. Les gorges nombreuses et profondes présentaient l’apparence de lacs, en raison des épaisses vapeurs dont elles étaient remplies, et les hauteurs et les rochers situés au sud-est, empilés dans un inextricable chaos, ressemblaient absolument aux cités géantes de la fable orientale.
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Je lui avais demandé [...] s’il dormait toujours. Il disait maintenant:
-Oui -non -j’ai dormi; et maintenant, -maintenant je suis mort.
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Il est impossible de dire comment l’idée entra primitivement dans ma cervelle ; mais, une fois conçue, elle me hanta nuit et jour. D’objet, il n’y en avait pas. La passion n’y était pour rien. J’aimais le vieux bonhomme. Il ne m’avait jamais fait de mal. Il ne m’avait jamais insulté. De son or je n’avais aucune envie. Je crois que c’était son œil ! Oui, c’était cela ! Un de ses yeux ressemblait à celui d’un vautour, — un œil bleu pâle, avec une taie dessus. Chaque fois que cet œil tombait sur moi, mon sang se glaçait ; et ainsi, lentement, — par degrés, — je me mis en tête d’arracher la vie du vieillard, et par ce moyen de me délivrer de l’œil à tout jamais...
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Nous sommes condamnés, sans doute, à côtoyer éternellement le bord de l’éternité, sans jamais faire notre plongeon définitif dans le gouffre.
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La vraie peur, c’est quelque chose comme une réminiscence des terreurs fantastiques d’autrefois.
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La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c’est quelque chose d’effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l’âme, un spasme affreux de la pensée et du cœur, dont le souvenir seul donne des frissons d’angoisse.
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