Citations de Elsa Osorio (119)
Toutes ces années en France ont formé une mince croûte sur sa blessure,mais depuis qu'elle est à Buenos Aires,la douleur s'est réveillée,elle peut la palper,la respirer,la sentir remuer dans son corps. C'est une douleur qui ne la laisse pas en paix,qui exige d'elle action,vengeance,réparation. Et la seule réparation possible,pense-t-elle,sera de remuer ciel et terre pour retrouver cet enfant,sa nièce ou son neveu,si du moins il a survécu.
-" Jamais plus ! Jamais plus ! ", c'est un seul cri qui monte de milliers de voix vibrantes et fait naître en moi une émotion nouvelle. Et maintenant :" Celui qui ne saute pas est un militaire ! " Et je chante et sautille avec mes copains de fac, avec tout le monde, tous ceux qui convergent vers la place de Mai. Et je sens croître une force dans ces voix avec lesquelles je me lie, je fraternise.
Quand je m'arrime à une ame, je prends toujours garde à son abime.
Il ne faut pas laisser les choses aux mains du destin, il faut agir pour les modifier.
Tu sens maintenant combien te fait mal tout ce qui s'est passé dans ton pays et devant quoi tu as gardé les yeux obstinément fermés.
"- Ma Lili, tu es si gentille et si jolie, que tu me fais oublier les méchants.
Et de nouveau ce petit sourire qui illumine tout. Ne plus sentir la tiédeur de Lili, combien nous nous aimons, et effacer toute l'horreur derrière cette porte. Et si je la fermais à clé et qu'on ne les laisse plus entrer? On en resterait là."
"Tu as voulu oublier. Tu aimes tellement Luz, tu la sens si tendrement tienne qu'il t'est difficile de te souvenir qu'elle n'est pas du même sang que toi."
Elle l’avait lu dans un conte: les princes, on les reçoit avec un tapis rouge. Hippo et Mika ne sont pas des princes et ne veulent pas l’être, mais maintenant qu’ils marchent sur ce magnifique tapis de feuilles rougeâtres et vertes que Paris a déroulé dans les quais et les rues pour les recevoir, Mika ne peut que se sentir flattée.
(p. 121)
Nous jouions aux Indiens et à la tache empoisonnée. Une tache adaptée à nos histoires. Je ne sais lequel des enfants – peut-être moi-même – avait inventé cette tache qui nous amusait tant pendant ces années fleurant la glycine : quand on était touché par un joueur, on tombait dans une prison russe et, si on était libéré, on pouvait prendre un bateau pour l'Argentine.
— Liberté pour tous les camarades ! je m'écriais, et tous les gamins étaient transportés vers le bonheur sans faille de Moisés Ville.
Je ne savais pas alors que j'allais passer ma vie à crier : "Liberté pour tous les camarades."
C’est dur d’être rétrogradé : tes amis – tous militants à cette époque – se méfient de toi, tu deviens sous un prétexte quelconque une cible facile pour celui à qui ta tête ne revient pas, tu n’as plus de responsabilités.
On les a identifiés, ils sont tombés un à un comme des mouches dans le miel.
Celui qui nage dans le rien ne se noie pas.
Une nuit, je rêvai que j’étais sur le divan en train de raconter un rêve que je faisais, dans lequel je racontais un rêve que j’avais fait qui racontait le rêve que je faisais pour que l’analyste l’interprète.
Pourtant mes rêves et leur alchimie de mots surpassaient toute histoire que Shéhérazade aurait pu raconter au sultan, parce que le grand djinn qui écoutait mes rêves les faisait croître, sauter les frontières, atteindre des sommets inimaginables.
Ce n’est pas une beauté, mais elle est douce, tendre, une perle de fille, quel idiot ce Martin de se tuer quand on a une femme comme elle.
Andréa ne connaissait pas cet endroit, c’était comme si un quartier magique avait soudain surgi au cœur de la ville. Elle ne savait plus si elle avançait en direction du fleuve ou non. Les rues se croisaient, se perdaient les unes dans les autres. Ce singulier tracé labyrinthique, si différent de toute la ville, éveilla en elle une étrange sensation d’irréalité, comme si elle n’existait pas, ou plutôt comme si rien de ce qu’elle vivait n’avait vraiment lieu. Un conte pour enfants avec châteaux, princesses… et sans ogre.
C'est le dernier soir, mais pas de ma vie, s'est dit Luis, en essayant d'éloigner cette tristesse à contresens, et il a décidé que ce serait une bonne soirée, quelles que fussent les vicissitudes qu'elle lui offrirait. Il faut cajoler un peu la chance.
Ce roman retrace le long parcours d’un « bébé volé » pendant la dictature militaire argentine de 1976 à 1983, pour retrouver sa véritable filiation.
C’est comme des gouttes de pluie tombant à la surface d’un lac : chaque goutte génère des cercles concentriques et ces différents cercles se recoupent jusqu’à brouiller l’eau du Lac. C’est la même chose pour ces vols de bébés qui , de la même façon, ont générés des souffrances entrant en échos les unes avec les autres.
Un pas de plus, un degré de plus dans l’horreur.
Ecrit comme un thriller, mais un thriller qui nous laisse avec beaucoup de questions à approfondir, le livre refermé.
Et quel beau titre !
Lui seul pouvait essayer d'imaginer la fillette de cinq ou six ans derrière cette femme en face de lui, cette fillette qu'il ne pourrait jamais connaître. Il lui fallait chasser ce sentiment de gêne, desserrer l'étau de la rancoeur, oublier les circonstances, les haines, pour se laisser emporter dans cette atmosphère que Luz était en train de créer, et partager avec elle, même tard, même venant d'un autre, ces histoires qu'il n'avait pas pu lui raconter.