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Citations de Emilie Frèche (205)


Le pire ? C’était peut-être toutes ces fois où ma mère avait accueilli chez nous les maîtresses de mon père et où, taisant sa jalousie, elle s’était occupée de ces filles bien plus jeunes et plus jolies qu’elle, mannequins pour les campagnes publicitaires qu’ils dirigeaient de concert. Russes, polonaises, norvégiennes, argentines, brésiliennes, ces filles venaient passer leurs vacances aux Bulles ou leurs dimanches d’hiver à Georges-Mandel, je les revois encore allongées telles des odalisques sur le lit nuptial où ma mère leur apportait un plateau-repas pour eux trois tandis que j’avais soupé seule, dans la cuisine, un peu plus tôt dans la soirée. Ces filles sublimes, mon père les tirait à la sauvette dès que ma mère avait le dos tourné. (…)
Comment ma mère pouvait-elle supporter cela ? Où trouvait-elle la force d’abnégation nécessaire pour fermer à ce point les yeux ? N’y tenant plus, une année, je lui avais lâché le morceau. Je devais avoir treize ou quatorze ans et ma mère m’avait giflée – De quoi tu te mêles ? Je t’interdis de parler de ton père comme ça ! Il ne fallait surtout pas abîmer l’image du couple soudé et harmonieux qu’ils formaient. Parce que ce couple était aussi une société, M.E.K. Agency, qui faisait désormais plusieurs centaines de millions de francs de chiffre d’affaires, et que, s’il explosait, c’était tout un système qui risquait de s’effondrer avec lui, des actifs, des salariés, du patrimoine immobilier. Cela ne m’empêcha pas de recommencer. Cette fois, j’étais majeure, et la jeune femme meurtrie d’avoir une mère pareille, une mère capable par soumission de donner à sa fille une si piètre image de la femme, lui avait posé la question un jour au déjeuner, devant une dizaine de convives. Mais Maud ne s’était pas démontée. Elle était demeurée d’une dignité exemplaire pour très calmement me répondre qu’il n’était pas donné à toutes les femmes d’épouser Alain Delon – Toi, par exemple, Éléonore, tu n’épouseras jamais d’Alain Delon – et j’avais eu envie de mourir de honte.
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Ezra et Maud s’étaient regardés, et ils avaient échangé un sourire moqueur qui m’avait profondément humiliée. Un sourire qui disait : Ma pauvre chérie, tu prends vraiment tes rêves pour la réalité. Tu adorerais qu’on te demande quelque chose mais tu sais bien que ça n’est jamais arrivé, et que ça n’arrivera jamais. Je savais cela, en effet. Parce que très tôt dans leur vie, mes parents avaient décidé qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, et de ce fait, ils tarifaient toutes leurs relations. Ils payaient des gens pour les servir, les conseiller, les seconder, les accompagner, les soulager, les divertir. Ils ne demandaient rien gratuitement. Ils disaient en se marrant qu’ils voulaient pouvoir se plaindre et gueuler à leur guise, être mécontents, virer les gens si ça leur chantait. Mais en réalité, ils ne plaisantaient pas : aucun affect nulle part, telle était la règle. Et le seul moyen aussi qu’ils avaient trouvé pour se sentir libres, redevables de rien ni de personne, pas même de leur propre fille.
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Toute leur vie, mes parents avaient fabriqué des images. Et toute leur vie, par ces images et par leurs slogans, ils avaient décidé de ce qui allait ou non s’imprimer dans le cerveau des gens. Leur métier leur avait donné les pleins pouvoirs. Pendant près de cinq décennies, Ezra et Maud avaient choisi ce que leurs semblables allaient porter – des collants Dim, des pulls Benetton, des chaussures Éram –, manger – des barres Ovomaltine, du Banga, de la Ricoré –, penser et même voter – Mitterrand –, comment imaginer qu’ils abandonneraient au hasard la dernière image qu’ils laisseraient d’eux ? Alors que l’identificateur rabattait les deux draps sur leurs visages et que la psychologue m’invitait à quitter les lieux, une évidence m’apparut : Ezra et Maud avaient pensé leur mort comme ils avaient travaillé leurs campagnes publicitaires. Ils s’étaient mis en scène de manière à s’inscrire pour toujours dans la mémoire collective, et les articles, reportages, émissions et colloques qui allaient bientôt tomber en cascade, plaçant leur couple dans la grande famille des amants éternels que sont Orphée et Eurydice, Tristan et Iseult ou encore Roméo et Juliette auxquels les journalistes aimeraient tant les comparer, me prouveraient que je ne m’étais pas trompée : leur double suicide en tenue de soirée dans un palace parisien aura été leur dernier coup de pub. Un coup de génie. Un stunt1 du tonnerre ! auraient-ils dit eux-mêmes en se jetant dans les bras l’un de l’autre après la bataille, seuls au monde dans leur bureau de ministre perché au-dessus de l’Arc de triomphe, au dernier étage de leur agence.
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Deux êtres se suicident en se racontant qu’ils commettent un acte qui n’engage qu’eux, mais en réalité, c’est votre santé mentale qui fout le camp, votre vie entière qui bascule.
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Chaque lettre que je déploie sur le papier me donne la sensation de me rapprocher de toi, et c'est la seule chose qui m'importe.
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les couples incapables de vivre ensemble sont aussi incapables de se séparer.
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Vivre ensemble autorise les couples à tout, même à devenir des étrangers.
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Je déteste l'autoroute. Je déteste les stations-services qui les jalonnent, leurs néons blancs qui vous rendent moche et leur sale odeur de froid, cette ambiance ne vaut que pour les films mais dans la vie elle met à sac le principe même du voyage, elle le rend lisse et monotone, sans âme. (p. 98)
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Cela fait sept ans que je n'ai pas vu mon père. Une vie entière. (...)
Mais comment retrouver cet homme ? Comment le retrouver vraiment ? Tous ces kilomètres toutes ces années surtout qui nous séparent me semblent irrattrapables ... (p. 84)
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Le temps est une machine infernale qui finit par rendre tout relatif, dérisoire, ridicule, et nous n'y pouvons rien. C'est peut-être pour cela que le pardon existe. Pour que nos souffrances aussi deviennent plus petites. (p. 169)
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" -Je veux qu'aucun homme ne puisse poser son regard sur toi et te salir. Tu es mon joyau, ma perle. Il te faut donc un écrin pour te protéger. A partir d'aujourd'hui, tu porteras la "jilbab" et un nouveau nom musulman pour remplacer celui 'haram' que tu portais. Tu t'appeleras Oum Soumeya. Et tu ne seras plus soumise u'à moi et à Allah.
- D'accord mon prince. Je serais désormais Oum Soumeya, soumise à toi et à Allah."
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(...) et elle voudrait maintenant qu'il devienne un autre? C'est absurde, mais c'est toujours ainsi que les choses se passent en amour. La raison pour laquelle on tombe amoureux de quelqu'un devient un jour celle qui nous fait le désaimer.
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J'ignore de quelle manière ton père a appris la mort de Cabu, de Wolinski et des autres. Mais je sais dans quel état psychique il était, et l'effet qu'aura nécessairement eu sur lui cette terrible annonce. Du temps où la vie était belle, il attendait les dessins de ces artistes chaque semaine. Il avait appris la France à travers eux, son esprit, son humour, sa politique.
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Vivre ensemble, toi tu dis? Vivre avec des étrangers, oui s'esclaffe Léoi d'un petit air comique. Et j'les connais pas, moi en plus, ces gars là..Ils sont clean? Est ce qu'ils ont leurs papiers au moins?"
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Était-ce ce à quoi ils étaient tous condamnés, jeunes ou vieux, enfants de divorcés ou adultes séparés, victimes de la violence terroriste ou de celle d’un parent toxique – s’allonger ?
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L'attitude de Pierre est tellement étrangère à son propre fonctionnement que par moments elle en arrive à penser que Calais est devenu pour lui une excuse, un moyen de fuir, et son ressentiment a atteint un tel niveau qu'elle voudrait le voir rompre avec le Secours Catholique. Comment en est-elle arrivée là ? Elle sait l'importance que tient l'engagement dans sa vie, et surtout c'est cela chez lui qui l'a séduite par-dessus tout, cette volonté de changer le monde comme s'il avait encore vingt ans, comme si rien de ce qu'il avait vécu ne l'avait abîmé, ou du moins découragé, et elle voudrait maintenant qu'il devienne un autre. C'est absurde, mais c'est toujours ainsi que les choses se passent en amour. La raison pour laquelle on tombe amoureux de quelqu'un devient un jour celle qui nous fait le désaimer.
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- Le quotidien avec elle était un tel Cauchemar... reprend Pierre pour lui expliquer. Elle me mettait dans un état de colère... Je ne me reconnaissais plus . À la fin, tu sais, j'avais peur de moi, peur de ce que j'aurais pu lui faire. Et peur aussi pour Salomon. C'était tellement douloureux de penser que ce petit être innocent voyait et ressentait toute cette violence entre nous... Souvent, je me dis que s'il a développé à ce point ses capacités intellectuelles et dans le même temps gelé toutes ses émotions c'est dans le seul but de ne pas avoir mal, de se protéger, mais maintenant qu'il les découvre au contact des autres, il doit apprendre à les gérer et c'est pour lui une montagne. Regarde comme un enfant de deux ans a du mal à dealer avec ses peurs, ses frustrations, ou même ses joies... Tu sais, Salomon a beau avoir le corps d'un enfant de dix ans et la maturité intellectuelle d'un jeune adulte, émotionnellement il n'a pas plus de deux ou ou trois ans. Cela fait beaucoup de monde pour un seul individu.
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« Ne me demandez pas pourquoi mon enfant est comme ça. C'est moi qui l'ai fait, d'accord, mais je n'en sais rien. Je ne comprends pas ce qui se passe dans sa tête. C'est mon fils, et c'est un étranger. »
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La raison pour laquelle on tombe amoureux de quelqu'un devient un jour celle qui nous fait le désaimer.
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Vivre ensemble autorise les couples à tout, même à devenir des étrangers.
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