Citations de Emilie de Turckheim (252)
La lecture est une sorte de course d’endurance. Au début, c’est difficile, ennuyeux et décourageant. Et puis à force d’essayer, à force de mettre un pied devant l’autre, à force de pousser ses yeux de mot en mot le long des lignes, quelque chose jaillit. Le monde se rue à l’intérieur de soi. Et tout apparaît. Et toutes les voix s’élèvent. Et tout palpite. Tout tremble. Tout est amoureux.
Le jour où quelqu’un se fait du souci pour vous, vous n’êtes plus seul.
Frappe mille fois à la porte des livres. Il s’ouvriront. Je te le jure, tu auras mille cabanes. Mille mondes.
L’enfance est comme les fleurs de cerisier, déchirante de brièveté.
Quand deux vieux s’aiment et que l’un meurt, souvent l’autre le suit. La vie a le tact de se retirer.
Partout, dès qu’ils vous ont sous la main, les gens demandent : «Et vous, vous avez des enfants ?»
Je ne pense pas que les animaux se posent cette question quand ils se croisent dans la nature. («Et toi, tu as des veaux ? »)
Je voudrais passer une journée, une seule, dans le paradis du passé.
On aimerait remercier la personne dont on est amoureux, n'est-ce pas? Mais qu'est ce qu'elle y peut? Elle n'est même pas du voyage! Tout ce qu'on désire, on le désire seul. Quand l'autre s'en mêle, c'est trop tard, on a tout organisé... On a sa manière à soi de se laisser envahir et de souffrir... La joie, l'espoir, le désespoir, on tient à s'occuper de tout! À peu de chose près, l'autre n'a rien à voir avec l'amour immense qu'on lui porte.
On n’aime jamais pour la première fois. On aime une chose qu’on a déjà criblée d’amour. On aime ce qu’on est sûr d’avoir perdu. C’est la douleur du souvenir qui anime l’amour.
Les gens qui ont vécu un drame disent tous la même chose : j’ai pris un coup de bâton sur la tête et le sol s´est dérobé sous mes pieds. Je me suis toujours demandé pourquoi ils décrivaient cette scène. Pourquoi ils débitaient par réflexe une formule apprise par cœur. Maintenant je le sais : c’est parce que ce n’est pas une formule. C’est la description précise de ce qui se passe. La tête est frappée, et un gouffre, réel, géologique, s’ouvre sous vos pieds.
Les livres sont une histoire de corps. C'est notre corps qui prend les livres. C'est dans notre corps que les livres poussent. Et c'est de notre corps à corps que les livres passent.
Les pays sont délimités par un trait noir. Comme on le disait à l'école, la carte est muette. La carte est même muette comme une carpe : elle passe la violence sous silence. Elle ne dit rien de ceux qui prennent la fuite. Rien des frontières infranchissables. Rien des bateaux qui sombrent.
Reza me demande: « Pourquoi en français vous dire : Je la leur ai donnée ? Et pourquoi vous dire pas : J’ai donné leur la?»
La langue française, cette magnifique terre magnifiquement inaccueillante…
... parce qu'elle est contre les galanteries vu qu'elle dit que dans la vie faut se méfier des petits cadeaux qu'on nous donne en échange de la liberté qu'on nous vole.
Vert et brûlant
Lentement sur le paillasson
Le dos du scarabée
Les autobiographies [sont] des tissus de mensonges sincères, qui vari[ent] au gré des années et des ressentiments.
L'amour [est] un voyage solitaire.
Les livres sont une histoire de corps. C'est notre corps qui prend les livres. C'est dans notre corps que les livres poussent. Et c'est de corps à corps que les livres passent.
Nous avons joué longtemps. J’ai béni les cartes et leur langue innée. Elles ont l’art tendre et pudique de rassembler des gens qui font semblant de s’intéresser au jeu, alors qu’ils ne sont là que pour la joie d’être ensemble.
Émily était comme ces comédiennes de cinéma qui ont un rôle aussi court qu'une étoile filante et qui concentrent dans cet instant toute la lumière qui ne s'est jamais posée sur elle.