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Citations de Emmanuel Roblès (141)


Je fis le tour de la pièce. De son oeil vert un chat me guettait. Il était couché sur l'appui d'un castelet, parmi des marionnettes, la patte droite en avant, la peau des doigts d'un joli cuir noir et je me souvins qu'au Japon, au cimetière pour chats de Go-To-Ku-Ji, j'avais vu la fresque des matous sur la façade du temple, la patte levée pour un mystérieux salut. Selon les légendes chinoises et japonaises l'âme d'une personne morte de mort violente pouvait être recueillie dans le corps d'un chat et même parler par sa bouche.
"Maneki Neko", dis-je doucement, en lui caressant l'échine.
C'était la formule magique qu'on m'avait apprise à Tokyo pour faire parler un chat dont le maître avait été tué. Mais celui-ci se contenta de frissonner sous ma main.
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MONTSERRAT : C'est vrai. Tout cela est vrai. Chacun de vous a sa vérité qu'il défend, et sa vie, et ce qui est plus important que sa vie. Mais Bolivar reste le dernier, le seul espoir désormais pour les Vénézuéliens de se libérer des Espagnols ! Si je livre Bolivar, ce n'est pas Bolivar seul que je livre, mais la liberté, la vie de plusieurs millions d'hommes !

Acte II, Scène 1.
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De la rue, on entendait la musique et les rires. Quelques marches à descendre sous une voûte aux briques apparentes, et l'on plongeait dans une lumière bleutée. Sur une estrade, un accordéoniste, velu jusqu'aux yeux, jouait un air sautillant dont les notes semblaient s'envoler, se heurter aux murs, aux poutres du plafond, comme des oiseaux apeurés. Les jeunes filles étaient nombreuses, en robes courtes, les jambes nues jusqu'au-dessus du genou, et dans leur visage à peine fardé, leurs yeux luisants avaient des éclats de petits miroirs.Un gamin servait des boissons tièdes et pétillantes, roses ou jaunes.
Silvia choisit des places au fond, près d'une porte vitrée qui donnait sur une cour dont on distinguait le carrelage de ciment, tout crevassé, sous la lumière pourpre du Vésuve.
Très dignes, assises sur des bancs, les bras croisés sur leurs vastes mamelles, quelques duègnes surveillaient le comportement de demoiselles dont elles avaient la charge.
Je remarquai l'une des jeunes filles ; à peine seize ans, des petits seins hauts et durs, de magnifiques cheveux noirs encadrant un visage triangulaire de chatte malicieuse. Je l'observai tandis qu'elle parlait avec son cavalier, un beau gaillard au corps délié, au buste moulé par un tricot blanc au col marqué d'une bande rouge. Quelques fresques ornaient les murs latéraux et représentaient des scènes de pêche ou de vendange dans les parages du Vésuve. Le trait avait cette souplesse et cette grâce naïve que j'admirais déjà en Algérie chez les artistes qui décoraient les cafés maures.
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KELLER : J'aurais pu tuer comme vous tous ! Deux misérables coolies de plus ou de moins parmi des milliards d'hommes ! Et parmi des millions qui meurent chaque jour sur la terre sans y comprendre davantage ! J'aurais été approuvé par les uns et haï par les autres ! C'est-à-dire que j'existerais, que je serais vivant ! Mais vivant avec une sale petite douleur au cœur, dont tant d'autres s'accommodent !

PLAIDOYER POUR UN REBELLE : Acte IV, Scène 9.
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Dehors le soleil de mars était clair, des branches verdissaient et Filangeri sentit sa propre vie aussi fragile que ces minuscules bourgeons. Toute son existence il l'avait consacrée au culte de la beauté et il avait oublié qu'un rien suffisait à réveiller dans l'épaisseur de la conscience humaine la cruauté du temps des hordes. Sa mère avait été servante et son père carrier. Il pensa à eux, morts depuis tant d'années et les vit dans le décor de sa jeunesse, sur les contreforts onduleux des Apennins. Alors, tout sollicitait son amour : un renard tapi dans les herbes, un arbre gonflé de vent, un oiseau dans les nappes de soleil, la roue de la noria et son eau cascadeuse, et la lampe de porcelaine, le soir, protectrice et apaisante. Il ne s'attendrissait pas à évoquer l'enfant ébloui qu'il avait été mais trouvait dans ces souvenirs un remède contre la haine et la désespérance, car l'essentiel, devant ce corps torturé et ce regard millénaire de la douleur, était de ne pas se désunir, de ne pas glisser hors de soi, de demeurer fidèle à l'être qu'il avait construit en lui-même dans la passion de vivre et d'admirer. "Soif", gémit l'inconnu. De nouveau Filangeri se leva, se rendit au robinet et revint, les mains dans l'attitude de l'offrande, semant des gouttes qui étincelaient comme des diamants.
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MONTSERRAT : Les Espagnols ne vous considèrent pas comme des hommes ! Mais comme des animaux, des êtres inférieurs qu'on peut, qu'il faut exterminer ! Tant d'horreurs, tant de bestialités ne vous révoltent-elles pas ? Ne peuvent-elles suffire à vous soulever contre ces brutes jusqu'au dernier sacrifice ?

Acte II, Scène 1.
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LE POTIER : J'ai cinq enfants, monsieur l'officier...
IZQUIERDO : Mon cher, tu ne vas t'imaginer aussi que, parce que tu as fait cinq enfants à ta femme, tu as droit à l'immortalité, non ?
LE POTIER : Mais quel crime ai-je commis ? Que me reprochez-vous ? Pour condamner à mort quelqu'un, il faut qu'il ait commis un forfait ? Monsieur l'officier, je vous jure...
IZQUIERDO : Tu m'agaces. Premièrement, pour mourir, ce n'est pas vrai, il n'est pas nécessaire d'avoir commis un crime. Tu en as la preuve. D'ailleurs, quand un brave homme meurt bêtement d'une maladie, personne ne songe à protester contre la volonté de Dieu. On se résigne...

Acte II, Scène 3.
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Encore un coup de sifflet. Une voix grondeuse monta :
"Lumière au trois !"
Ce cri parut exaspérer davantage le chahut hystérique de la D.C.A. Sandra avait légèrement replié sa robe mais gardait les seins à découvert. Elle écoutait paresseusement Sainte-Rose qui disait :
"En Allemagne il arrive que des aviateurs alliés, abattus par la Flak ou la chasse, soient fusillés en l'air par les civils pendant qu'ils descendent du ciel en parachute, et quand ils touchent la terre ils ne sont plus que des cadavres déchiquetés. Si une telle aventure m'advenait, je crois qu'au-delà de ma terreur et de mon désespoir je n'en voudrais pas trop à mes assassins. Les maisons éventrées, les décombres, les enfants écrasés sous les ruines, cela existe. Ce que nous ressentons, nous, là-haut, n'est pas une compensation. Autre chose..."
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MONTSERRAT : Je ne parviens plus à me contenir. J'étouffe depuis que je suis ici. Vous, mon père, n'êtes-vous point révolté par ces persécutions, ces massacres, ces pillages, ces violences ? Vous qui approuvez cette levée de tout notre peuple en Espagne contre les mercenaires de Bonaparte, comment pouvez-vous condamner ces hommes qui, sur leur propre sol, veulent se battre pour être libres et vivre comme des hommes ? Avant-hier, encore, des soldats du bataillon d'Alora ont voulu enlever des jeunes filles indigènes au village de Totulas. Ils se sont heurtés à la résistance de toute la population qu'ils ont attaqué sauvagement et dont ils ont incendié les chaumières... En Espagne, les Français sont nos oppresseurs cent fois haïs. Et ici, sur cette terre neuve, ce sont les soldats espagnols qui maintiennent tout un peuple dans un noir esclavage.

Acte I, Scène 3.
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Nous visitâmes des villas, des temples, des jardins et des boutiques de la via dell'Abbondanza. Sylvia me montrait des fresques et des mosaïques, attirait mon attention sur les sillons creusés par les charrois dans les dalles de la chaussée, sur l'usure des margelles à l'endroit où s'appuyaient les mains, sur les graffites le long de certains murs, sur mille signes et milles traces qui auraient dû m'émouvoir et qui cependant n'atteignaient pas mon coeur. C'est que des sentiments trop puissants me retenaient dans l'heure présente. Sylvia prenait visiblement plaisir à me guider, à me faire admirer les beautés et les curiosités de ces ruines qu'elle avait mainte fois parcourues. Elle me conduisit à l'amphithéâtre et à la caserne des gladiateurs lorsque déjà le jour déclinait. La mer virait au violet et le sommet enneigé du Vésuve s'éteignait lentement comme une lampe qui s'épuise. De la campagne, le moindre appel, le moindre bruit nous parvenait, aérien, mélancolique. Il était temps de rentrer.
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IZQUIERDO : Les grands principes sont comme les grands cataclysmes. Ils font toujours une effroyable consommation de créatures !...

Acte III, Scène 4.
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A gauche dans les lointains brouillés par la pluie ou la brume, Rome surgit enfin. Comme à travers un aquarium, on distinguait les coupoles et les campaniles parmi les formes bleuâtres des édifices modernes et les taches plus sombres des collines. Prise dans ces vapeurs, une planète jaune et noire dérivait lentement et Sainte-Rose reconnut le dôme de la basilique Saint-Pierre. La grisaille ajoutait à la ville un aspect inaccessible et rendait plus lugubre la maigreur hivernale des campagnes qui s'étendaient en avant des premières lignes de maisons. On aurait dit une cité au bord d'une mer figée, une cité morte, dépeuplée à jamais avec de profondes ténèbres dans les rues et une sorte d'écume au ras des toits. Aucune fumée. Rien ne bougeait. Parfois une lueur perçait entre deux nuages, se posait sur quelques hautes façades, approfondissait davantage l'aspect de désolation, d'abandon définitif. Sainte-Rose contemplait ce spectacle à travers le pare-brise.
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Le nazisme, le fascisme sont assurément liés à des circonstances précises de l'Histoire, et non réductibles à ce qu'il est convenu d'appeler si commodément le 'mal de la nature humaine'. Il est vrai, cependant, qu'en certaines conditions politiques et sociales, ils expriment une attitude toujours POSSIBLE des individus et des foules : dépouillée des mythes qui l'appuient, c'est seulement celle de la faiblesse intime, de la frustration et de l'humiliation. Il importe, comme il est fait [dans cette pièce], de ruiner aussitôt tant de fausses gloires et de fausses raisons. On l'a vu : la vérité d'Izquierdo est honteuse, et d'abord pour lui-même [...]. Inavouable aussi, d'homme à homme, la vérité du nazisme et de ses camps d'extermination, de ses haines convulsives. Inavouable, la vérité des répressions coloniales, des 'indigènes' bafoués, humiliés, torturés et massacrés dès qu'ils entendent se réclamer des droits de l'homme.
Alors il faut d'innombrables alibis, quantité de masques, d'étendards et d'éloquence et, même, un certain nombre de héros volontaires ou involontaires du côté des oppresseurs...

(postface de Georges-Albert Astres, p. 157)
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IZQUIERDO : Tu te résignerais vraiment, jolie Éléna, à mourir pour ce Bolivar que tu ne connais même pas ? Vraiment ?
ÉLÉNA : Je suis sûre qu'il faut à tout prix sauver Bolivar. Et j'ai mes deux frères à Puebla, chez les révolutionnaires.
IZQUIERDO : Moralès ! Elle me plaît de plus en plus. Ce soir, elle et moi souperons en tête-à-tête ! Tu feras préparer une table dans ma chambre. Du malaga, naturellement. (À Éléna.) Aimes-tu le malaga ou préfères-tu du xérès ?...
ÉLÉNA : Je veux subir le sort de ces gens...
IZQUIERDO : Allons. Allons. Tu serais la première de ce pays que je verrai préférer six balles dans la poitrine à ... (Moralès et les soldats s'esclaffent. Izquierdo se tourne vers eux.) Vous la paix ! (À Éléna.) Ma belle, quand un officier du roi fait à une Indienne l'honneur de coucher avec elle, il faut qu'elle le remercie très humblement... Mais j'aime assez que cela te déplaise.

Acte III, Scène 3.
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LE COMÉDIEN : Mais pourquoi ? pourquoi ? Tu es un traitre, alors ? Tu trahis le Roi ! Tu fais cause commune avec les rebelles ? Pourquoi ?
MONTSERRAT : Parce que... je suis avec vous !
LE MARCHAND : Qu'appelles-tu : être avec nous ?
MONTSERRAT : Je suis avec vous contre les miens, contre leur oppression, leurs violences, contre cette manière terrifiante qu'ils ont de nier les hommes... Vous le voyez bien que, pour eux, la vie humaine, la dignité humaine ne comptent pas !

Acte II, Scène 1.
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IZQUIERDO : Mes hommes ont fouillé partout. Envolé... Ils étaient aussi enragés que moi. Ils ont tout massacré, tout incendié. Je n'ai pas su les retenir tant j'étais furieux... Mais, quand le feu a entamé les granges, un Nègre est sorti, à demi fou de peur. Il s'était caché sous la paille. Il a vu les autres corps au milieu de la cour et il n'a pas fallu beaucoup d'efforts pour lui faire raconter sa petite histoire. Un de mes soldats l'aidait, malgré tout, en lui caressant un peu le ventre à petits coups de baïonnette... [...] Où est-il reparti se cacher ? Le Nègre n'en savait rien. Aussi je l'ai fait pendre... Même s'il avait su, naturellement, je l'aurais fait pendre.

Acte I, Scène 2.
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IZQUIERDO : Montserrat, crois-tu à la résurrection de Lazare ?
MONTSERRAT : Oui.
IZQUIERDO : À Lazare, tout puant dans ses bandelettes, au bout de quatre jours et se levant de sa tombe à la voix du Seigneur ?
MONTSERRAT : Oui.
IZQUIERDO : Montserrat ! tu crois que Dieu, un jour, refera des hommes de ces misérables paquets de chairs qui sont jetés là-bas et qui commenceront dès ce soir à pourrir ? Mais ne comprends-tu pas que tout finit devant ce mur, qu'il n'y a plus rien après ce mur et que, s'il y a quelque chose, c'est l'éternelle indifférence des pierres, le silence infini des espaces !

Acte III, Scène 3.
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ANTONANZAS : J'aime encore mieux faire la guerre que crever d'ennui dans ce pays où l'on ne voit pas une seule jolie fille...
MORALÈS : Tu exagères. Pas une seule jolie fille ? À Siquisèque, quand nous avons pris la ville, mon bataillon n'a laissé vivants que dix-neuf habitants. Dix-neuf femmes ! Des jeunes, bien entendu ! C'était contraire aux ordres du général, qui avait exigé que l'on exterminât jusqu'aux nouveau-nés. Mais nous avons, pour nous, gardés les belles, et je vous jure qu'il y en avait de divines !

Acte I, Scène 1.
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Sainte-Rose se souvint de tous les visages, de tous les événements qu'il avait connus depuis qu'il était tombé du ciel, par une aigre journée d'hiver, au bord de la mer d'Italie. Quelque chose de triste et d'exaltant s'était alors emparé de lui comme si, à Rome, au printemps de mil neuf cent quarante-quatre et dans sa vingt-huitième année il avait approché le mystère de sa propre existence. Et à l'instant de dire adieu à Luca et à son frère il eut le sentiment qu'il disait aussi adieu à sa jeunesse, et qu'elle ne serait désormais derrière lui qu'un peu de neige au creux d'un rocher.
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Il lui avait récité la légende de cette gravure qu'il avait admiré dans l'album de Gorzone :"L'amour est un don de Dieu, ceux qui auront su aimer sauront bien mourir et Dieu aura pitié d'eux."
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