Citations de Estelle Tharreau (353)
Dans un claquement sec, la porte de la fourgonnette aux vitres fumées et grillagées se referma sous les lumières nébuleuses et orangées de la prison Allan B. Polunsky Unit.
Vêtu de sa combinaison blanche, les mains et les pieds entravés par des menottes reliées à la ceinture par des chaînes, le condamné 0451 quittait la prison de haute sécurité. Un établissement carcéral aux allures de base militaire perdue au milieu de nulle part. D'austères bâtiments blancs en béton armé, entournés de murs barbelés tranchants entrecoupés de miradors se dressant vers le ciel.
Lorsque le véhicule franchit le portail de la forteresse carcérale, il n'eut pas un regard en arrière. Il regardait devant, droit devant lui. Il dévisageait le monde extérieur dont il avait oublié les odeurs, les couleurs et les bruits. Il voulait les imprimer dans son esprit avant de rejoindre sa destination finale, une autre prison, Huntsville Unit, plus connue sous le nom de « Walls ». [...]
Personne n'avait osé lésiner sur les moyens de conduire le condamné 0451 du couloir de la mort de Polunsky à la chambre d'exécution de Walls.
Bonjour, monsieur McCoy. Je ne vous embêterai pas longtemps. Je voulais simplement être la première à vous annoncer que mon fils, Saul, pourrait être le premier condamné innocenté grâce aux tests ADN surtout depuis que plusieurs condamnations prononcées par Ellis ont été cassées. Vous avez tué un innocent. Je le sais parce que, cette nuit-là, mon fils était avec moi, même si jamais personne ne m’a crue lors du procès et que la police a dissimulé toutes les preuves à décharge. Je peux vous assurer que le résultat de ces tests innocentera Saul. Vous l’avez bel et bien assassiné.
– Je ne faisais qu’exécuter la loi.
– Non, vous n’avez fait qu’exécuter mon fils. Un gamin innocent.
– C’était mon premier condamné… Je… Je ne suis que le dernier maillon de la chaîne.
– Gardez vos arguments. On ne sait jamais, un jour peut-être, on jugera les gens comme vous. Du premier au dernier maillon de la chaîne. Un jour, c’est peut-être vous qu’on exécutera. Les temps changent.
Dans ces prisons, on garde tout le reliquat de la souffrance humaine. Elles sont peuplées d’hommes qui ont subi et fait subir les pires horreurs. De la souffrance qui en engendre une nouvelle pour en finir par une autre. Ces taules sont de grosses tumeurs qui s’autoalimentent. Toute l’humanité pourrie que les braves gens ne veulent pas voir, ils nous la donnent et l’oublient. Gardien ou détenu, personne n’en ressort meilleur. Plus dur, plus fou ou plus coupable, c’est tout.
Pour nourrir ma famille, j’ai abattu des vaches que j’avais fait naître. J’ai abattu mon chien parce qu’il était malade et que je ne pouvais pas le guérir de son mal. Je ne les ai pas abattus de gaieté de cœur, mais parce que je le devais. Tout est permis dès que la cause est juste. Quoi qu’en dise ta femme, ces gens-là ne sont pas comme nous. Il faut les arrêter, les juger et exécuter les sentences. Ed, ici comme ailleurs, des gens comme moi comptent sur des gens comme toi.
À vous entendre, personne n’a sa place ici.
– J’ai vu passer des hommes qui ont commis la plus grosse erreur de leur vie. Ils l’ont payée au prix fort. Mais j’ai également vu de vrais monstres. Croyez-moi, je sais faire la différence. Tous ne méritaient pas leur sort et d’autres auraient mérité moins d’égards. Ce qui est juste et la justice sont deux choses très différentes.
– Si vous en êtes arrivé à douter de la justice, pourquoi ne pas avoir cherché un autre boulot ? Ne pas avoir arrêté avant d’en arriver là ?
Comme un pêcheur face à son confesseur, il éprouvait le besoin de soulager sa conscience, mais redoutait les conséquences de ses paroles.
Se faire insulter, suivre et menacer n’a jamais rassuré personne. Mais vous n’êtes pas seule. Je vais en toucher deux mots à Fred également. Il en parlera à ses clients. On va veiller sur vous et votre fille. Surtout garder mon numéro sur vous !
La vie était dure dès le berceau. Les enfants entraient dans la vie adulte dès l’âge de treize ou quatorze ans. On apprenait sur le tas et dans la douleur comme tous les faibles. Moi aussi, j’avais commencé comme ça, mais j’avais eu la chance d’être « une fille de maison ». Comprenez que je travaillais dans la ferme de mes parents contrairement aux servantes de ferme qui travaillaient pour un patron tout puissant. Je pensais à ces filles à qui mon père ne voulait pas que je parle. Elles étaient analphabètes et isolées, traitées comme des esclaves. Des proies faciles dans ce monde masculin.
Une douceur de vivre émanait du paysage, des villages et de ces gens. La cordialité et la tranquillité semblaient être la clé de cette qualité de vie. C’était comme si on avait délibérément ralenti la vitesse d’une chanson. Pas beaucoup, non ! Juste assez pour mieux apprécier l’essentiel.
Le plus dur ne serait peut-être pas de s’habituer au calme et à la verdure. Il allait falloir se résigner à abandonner un peu de ma liberté et de mon intimité afin de rentrer dans le moule de Sauveur. De toute façon, je n’avais pas le choix, je devais me remettre à flot au moins jusqu’à ce que Célia finisse ses études. Si ses projets se réalisaient, j’avais encore de nombreuses années à passer avec les Salvarins alors autant me faire une raison tout de suite.
Elle ne voulait pas soigner les corps et les âmes, mais lutter pour les droits et les libertés. Elle s’imaginait volontiers défendre les grandes causes au péril de sa vie si cela était nécessaire. Elle était fonceuse et volontaire. Son assurance n’était pas de l’arrogance, mais de la détermination. Plus Célia me parlait d’elle, plus je trouvais cette gamine sympathique et impressionnante de maturité. Elle avait du charisme et de la témérité. Elle avait l’âme d’un chef. Je me serai trompé sur elle aussi ! La concernant, j’aurai tout misé sur une carrière politique.
Ses études de médecine en poche, elle voulait travailler dans l’humanitaire ou le social. Elle connaissait les douleurs engendrées par la solitude et les difficultés financières. Nous ne nous en étions pas trop mal sorties mais elle n’avait pas oublié toutes ces années à tirer le diable par la queue. Elle voulait se sentir utile et vivre au milieu des gens. Elle s’en foutait d’amasser du fric et de vivre une vie confortable, mais
J’étais l’archétype de l’éternelle amoureuse malheureuse que l’on désigne plus communément sous le nom de « cœur d’artichaut ». J’ai toujours confondu engagement et belles paroles, amour et ardeur au plumard. Cependant, on apprend immanquablement de son malheur : je n’ai plus jamais oublié ma pilule.
Les plus grands prédateurs essuient les affres de la disette. L'important est de tenir jusqu'au retour des grandes chasses.
Comme précédemment, mes actes meurtriers s'étaient nourris des opportunités que m'offrait la vie de mes proies. En effet, de quoi se repaissent les crimes, selon vous ? Le crime prend irrémédiablement racine dans vos faiblesses, vos défauts, vos mauvaises habitudes petites ou grandes. Il s'en inspire, s'en nourrit jusqu'à les phagocyter et vous engloutir avec elles.
Les regards aimants n'existent pas. Ils ne sont qu'une apparence sociale, une technique de manipulation, une mise en confiance nécessaire. Nous sommes condamnés à vivre seuls avec nous-mêmes. L'autre n'est qu'un moyen ou un danger.
...J'ai appris deux choses fondamentales: qu'il faut se méfier de soi-même et que la frontière entre le bien et le mal dépend également du "profil" de l'agresseur et de sa victime. Les deux catégories peuvent même s'inverser.
..écrire, c'est quand on veut dire quelque chose, mais qu'on ne peut pas le faire en parlant. Et lire permet aux gens de connaître ce qu'on ne peut pas leur dire en parlant.
Tremblante, j’avais fait couler de l’eau dans la baignoire. Je m’y étais plongée dans un état second. Tout était devenu irréel. Je respirais, voyais, entendais des odeurs, des images, des sons que je ne parvenais plus à rattacher à la réalité. Je n’arrivais plus à leur donner un sens. Il ne restait que le choc et la douleur.
Cet incident n’était pas volontaire, mais riche en enseignements. C’est grâce à lui que j’ai appris deux choses fondamentales : qu’il faut se méfier de soi-même et que la frontière entre bien et mal dépend également du « profil » de l’agresseur et de sa victime.