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Critiques de Esther Duflo (33)
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Repenser la pauvreté

Souvent lors de collectes, de campagnes de dons, je me suis demandé : où va mon argent ? est-il utilisé intelligemment, pour des projets viables, indispensables.

Mais jamais je n’avais réfléchi vraiment aux questions que posent Esther Duflo et Abhijit Banerjee dans leur livre.

Les deux économistes sont partis des comportements des individus et des programmes mis en place par les différentes institutions pour lutter contre la maladie, pour promouvoir l’éducation et la contraception, pour améliorer les ressources.

Ce que montre très bien ce livre c’est que la pauvreté est un piège dont il est difficile de sortir.

On sait que le niveau de vie augmente quand les enfants sont vaccinés, quand les hommes ont accès à l’eau, quand les enfants sont scolarisés, quand le nombre d’enfants par famille est en lien avec les ressources, quand l’agriculture est bien menée.

Alors ?

Pourquoi les pauvres ne vaccinent-ils pas leurs enfants alors même que c’est gratuit ?

Pourquoi n’épargnent -ils pas un peu en prévision d’un mauvaise récolte ?

Pourquoi n’utilise-t-il pas les comprimés de désinfection de l’eau qu’on leur distribue ?

Pourquoi n'utilisent-ils pas les moustiquaires distribuées pour lutter contre le paludisme ?

Pourquoi quand leur ressources augmentent un peu ne consacrent-ils pas l’argent à améliorer leur nourriture ou les cultures ?

Si nous nous posons ces questions c’est parce que nous dans le même cas c’est ce que nous ferions !

C’est oublier un peu vite que nous vivions dans des pays où nous avons accès à l’information, où nous pouvons (presque toujours) faire confiance au médecin, aux médicaments. Nos croyances et nos représentations ont évoluées et nous permettent la plupart du temps de prendre les bonnes décisions. Mais les modèles sociaux qui nous régissent sont forts et il ne faut pas oublier que parfois les programmes de limitation des naissances se sont transformés en campagne de stérilisation obligatoire sans que les pauvres aient leur mot à dire, que les contrefaçons médicamenteuses sont une plaie en Afrique, comprendre les bienfaits d’une action préventive est compliqué et que parfois une désinformation peut mettre à mal la santé y compris dans les pays occidentaux ( recrudescence de mort par rougeole aux USA).

Avoir une famille nombreuse est indispensable quand vous n’avez ni sécurité sociale ni système de retraite. Il est inutile d’espérer améliorer votre outil de travail si vous n’accédez pas au crédit.





Esther Duflo et Abijit Banerjee s’attaquent aux idée reçue bien ancrées dans nos façons de voir et nous montrent le piège de la pauvreté qui est basé sur l’intrication de multiples facteurs.

Le livre incarne les problèmes à travers des individus, des familles ce qui rend à la fois le propos plus proche, plus concret et en même temps rend la lecture très facile et les données statistiques et économiques moins ardues.

Ce que les auteurs pointent comme problème c’est :

Le manque d’informations des pauvres et les croyances qui freinent leurs choix, le fait qu'ils assument trop de responsabilités alors que nous sommes en permanence soutenu (école, hôpital, prêts, assurances, stabilité politique), qu'ils manquent de confiance en l’avenir, si nous acceptons de nous priver aujourd’hui c’est pour utiliser notre argent demain, mais ce discours n’a pas de sens quand l’avenir est très incertain.

Ces problèmes ils les ont identifiés à travers des expériences concrètes dont on peut mesurer scientifiquement les résultats.

Un exemple :

Des vendeuses de légumes verraient leur affaire se développer et prospérer si elles s’achetaient un chariot pour les transporter, elles pourraient économiser en se privant du thé qu’elles consomment chaque jour, pourquoi ne pas le faire ? simplement parce que l’effort consenti est certain alors que l’avenir ne l’est pas, que leur vie n’est pas suffisamment stable pour qu’elles aient confiance dans le résultat.



Autre exemple en matière d’incitation à la vaccination donné par Esther Duflo dans le livre

« Une des solutions est de donner un petit encouragement, 1 kg de lentilles, par exemple. Petit, car cela ne forcera pas les gens qui ne le veulent pas. On a fait cette expérience dans 120 villages en 2007. Résultat, si l’on ne fait rien pour les inciter, 6% des gens se font vacciner ; après avoir mis en place des campagnes d’informations, on passe à 17%, et lorsqu’on donne un sac de lentilles, on arrive à 38%. Depuis, les taux ont même augmenté. »

Le livre fourmille d’anecdotes très concrètes comme celles là et aide à comprendre les motivations et les freins à la lutte contre la pauvreté même lorsque comme moi on a des notions d’économie très très basiques.

Il faut nous disent-ils mettre en place et tester des programmes d’aide selon des protocoles scientifiquement choisis, lister ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce ne sera pas une panacée universelle mais aujourd’hui 204 expérimentations sont en route dans 40 pays pour des programmes de santé, d’éducation, de microcrédit, d’amélioration des techniques agricoles.

J’ai aimé leur foi forte dans l’idée que « Les petites changements ont de grands effets » et que la lutte se construit brique à brique.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Lutter contre la pauvreté. Tome 1 : Le développ..

Esther Duflo retranscrit ici avec une grande clarté la substantifique moelle de son cours au Collège de France, que vous pourrez retrouver en cliquant sur le lien en fin de chronique. Sa méthode de l'expérimentation aléatoire est aussi brillante que simple à comprendre : afin d'évaluer les politiques de lutte contre la pauvreté, elle et ses équipes testent l'impact d'une mesure auprès d'un groupe test neutre et d'un groupe soumis à ladite mesure. Il en ressort bien souvent que de petites incitations microéconomiques ont des conséquences comparables aux grandes politiques publiques des organisation internationales. Quelques exemples : le taux de scolarisation grimpe en flèche au Kenya dès lors que l'on subventionne l'acquisition des uniformes obligatoires (beaucoup plus que de coûteux programmes de scolarisation), le taux de présence des professeurs est multiplié par deux si l'on impose un contrôle au moyen d'appareils photographiques horodatés. Esther Duflo donne ici un souffle d'air frais sur les politiques de lutte contre la pauvreté, avec un grand pragmatisme et sans a priori.
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Lutter contre la pauvreté. Tome 1 : Le développ..

Esther Duflo est devenue une star de la lutte contre la pauvreté. Elle applique à l'économie ce que les médecins pratiquent quand ils testent les médicaments: administrer un remède à un échantillon de malades et comparer le résultat avec ceux observés auprès d'un autre échantillon ayant reçu un placebo. L'auteur s'intéresse ici à quatre thèmes qui, mis bout à bout, constituent les différentes briques de toute politique du développement: éducation, santé, accès au crédit, lutte contre la corruption. Ses conclusions sont de bon sens. Ainsi, pour que l'éducation soit efficace, il faut que les enfants soient en bonne santé, aient envie d'aller à l'école, que les parents pensent que cela leur sera utile et que les enseignants, enfin, soient réellement soucieux de les faire progresser. Autant de conditions rarement réunies sur le terrain.



Dans le domaine du microcrédit, l'auteur observe que le développement ne peut naître de la seule multiplication de micro-entreprises. En matière de corruption, elle explique que les cadres administratifs et politiques sont d'autant moins corrompus que la population se révèle exigeante à leur égard, mais que celle-ci ne l'est que lorsqu'elle pense être en droit d'attendre de réels services de leur part, ce qui est loin d'être toujours le cas. Un cercle vicieux dont il n'est pas aisé de sortir. Au final, les travaux d'Esther Duflo sont à coup sûr bienvenus s'ils contribuent à convaincre les décideurs que l'aide peut être utile quand on réfléchit, au plus près du terrain, aux conditions de son efficacité.En matière de lutte contre la pauvreté, trop d'objectifs demeurent fixés d'en haut - en témoigne l'échec relatif des politiques d'éducation en Afrique - sans se préoccuper des résultats. Reste une question à laquelle l'économiste-conseiller du prince ne répond pas: et si l'enjeu n'était pas aussi parfois de changer les décideurs?
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Lutter contre la pauvreté. Tome 1 : Le développ..

Beaucoup de prix Nobel, en économie, se distinguent des autres chercheurs par une originalité, quelque chose de décalé par rapport à la pensée de leur époque. Esther Duflo a une orientation très terrain et ce petit livre détaille comment, derrière les chiffres et les apparences que se complaisent à véhiculer les organismes officiels, les politiques d'aide au développement produisent leurs effets.

Que ce soit la santé ou l'éducation, il est nécessaire de mesurer comment chaque action, plus petite soit-elle, produit ou pas des améliorations, selon la culture et la bureaucratie locale, et surtout les réactions des populations.

Très bien et clairement rédigé, ce qui ressemble à un bilan présente des informations souvent à l'encontre des idées reçues, issues de travaux de fourmis d'un groupe d'experts sur une période assez longue pour en observer la micro-réalité. C'est à la fois humain et très étayé par les protocoles  expérimentaux rigoureux.

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Repenser la pauvreté

Dans ce livre, Abhjit V. Banerjee et Esther Duflo, économistes de renom, fondateurs du laboratoire d’action contre la pauvreté, analysent avec rigueur les causes de la pauvreté et les raisons pour lesquelles les pauvres ont beaucoup de mal à échapper à cet piège qu’est le manque de ressources.

Leur objectif est de démontrer que les politiques d’aide au développement ne donnent pas de résultats satisfaisants en raison d’une méconnaissance du monde réel. En abordant tous les secteurs de la vie des pauvres de plusieurs pays, alimentation, éducation, santé, économie, épargne, entreprenariat, les auteurs ont essayé de comprendre comment ceux-ci vivaient. Ils nous livrent les résultats de leurs études sur le terrain, après plusieurs années passées à comparer et à analyser les programmes mis en place pour lutter contre la pauvreté, les raisons pour lesquelles ces programmes échouent ou réussissent. Ils démontrent, par exemple, que la réussite du micro-crédit n’est pas aussi miraculeuse qu’annoncée. Ce système de crédit, en raison des petites sommes prêtées ne permet pas aux pauvres qui en ont le désir et la capacité de se lancer dans des entreprises rentables. De même, la rigidité du système de remboursement ne permet de toucher qu’une proportion variable des personnes potentiellement concernées par le micro-crédit.

La conclusion de cette étude est que si nous acceptons de remettre en cause nos préjugés et nos idéologies, de nous mettre à l’écoute des pauvres et de leurs besoins et de soumettre tout projet à une évaluation rigoureuse, il sera possible de développer des politiques efficaces au niveau local ou national.

Cet ouvrage est incontestablement une mine d’informations. Il nous rappelle que les pauvres ont les mêmes préoccupations que nous, mais de fait de leur situation financière, ces préoccupations prennent des proportions énormes. Ainsi, se soigner peut devenir un parcours du combattant. Enfin, la pauvreté n’est pas seulement un manque d’argent, elle est aussi un immense gâchis en terme de talents et de créativité.

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Experience, science et lutte contre la pauv..

Certains parcours ne peuvent que susciter l’admiration. Il en est ainsi de Esther Duflo qui, après des études d’histoire à Normale Sup, a bifurqué vers l’économie et est allée, sur les conseils de son mentor Thomas Piketty, soutenir son doctorat au MIT (Massachussets Institute of Technology). Elle n’a pas trente ans qu’elle en devient professeur associé en 2001. En 2005, Le Monde et Le Cercle des économistes lui décernent le prix de Meilleur jeune économiste de France. En 2009, elle est nommée professeur au Collège de France – dont elle est la benjamine et l’une des très rares femmes – où elle se voit confier la direction de la chaire internationale « Savoirs contre pauvreté » mais continue d’enseigner outre-Atlantique où elle dirige le laboratoire d’action contre la pauvreté Abdul Latif Jameel.



C’est sa leçon inaugurale au Collège de France, prononcée le 8 janvier 2009, que publie Fayard. Elle y expose avec un louable souci de pédagogie son approche empirique de l’économie du développement. Elle constate avec lucidité qu’aucune réponse définitive et globale ne peut être donnée à la pauvreté – dont elle rappelle sans pathos inutile l’ampleur et la gravité. Faute d’isoler les mécanismes profonds de la croissance économique, point n’est besoin dit-elle d’attendre la fin de la pauvreté d’une croissance massive de l’aide au développement, comme le prône un Jeffrey Sachs. Pour autant, la jeune économiste française refuse de baisser les bras et de jeter le bébé avec l’eau du bain comme William Easterly ou Dambisa Moyo (dont le brulôt Dead Aid est paru après la leçon inaugurale de Esther Duflo) qui dénoncent l’industrie de l’aide au développement. Renvoyant dos à dos les tenants de solutions radicales et les contempteurs de l’aide au développement, elle propose « une troisième voie ambitieuse mais consciente de ses limites » (p. 16).



Toute la démarche d’Esther Duflo repose sur deux convictions puissantes. La première est la préférence donnée à l’approche micro-économique. « Utiliser les données macroéconomiques pour tenter de comprendre les ressorts ultimes de la croissance mène à une impasse » martèle-t-elle à plusieurs reprises donnant pour exemple les querelles sans fin qui opposent les économistes autour de l’incidence sur la croissance d’une amélioration de l’état sanitaire ou d’un relèvement du niveau d’éducation. Une démarche plus modeste mais plus opérante consiste selon elle à partir du terrain : « le modèle macroéconomique se construit comme un mécano, à partir de blocs microéconomiques » (p. 74). Car – et c’est la seconde conviction d’Esther Duflo – les économistes peuvent contribuer à l’innovation sociale. Elle s’inscrit en faux contre une tradition purement positiviste qui considère l’économiste comme un observateur neutre des faits sociaux sur lesquels il doit se garder d’intervenir. Partisane au contraire d’une économie « modestement normative », Esther Duflo estime que l’économiste est un « artisan expérimenté », un « plombier qualifié » qui peut proposer des solutions nouvelles à des problèmes concrets.



Ces deux convictions convergent dans une démarche scientifique extrêmement structurée dont la justification constitue le cœur de la leçon inaugurale : l’approche expérimentale en économie du développement. Le mot, appliqué à la science humaine, peut effrayer ; et on est surpris qu’Esther Duflo ne le manie pas avec plus de précautions, attendant l’extrême fin de sa leçon pour préciser quelques règles éthiques indispensables. Mais la démarche est la même que dans les sciences dures : pour évaluer l’efficacité d’une politique publique, on compare, toutes choses égales par ailleurs, le groupe qui en a bénéficié à celui qui n’y a pas eu accès. Ce protocole d’évaluation aléatoire (randomized evaluation), que Esther Duflo et ses collègues du MIT ont appliqué au Kenya ou en Inde, permet sinon d’éradiquer la pauvreté, du moins de comprendre comment certaines politiques pourraient mieux que d’autres y parvenir.

« Des neurones contre la misère » : tel était le titre du portrait laudatif que Le Monde avait consacré à Esther Duflo en janvier 2009 au moment de son entrée au Collège de France. Admiratif, on le serait à moins …
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Économie utile pour des temps difficiles

Les 2 auteurs récemment nobelisés portent un regard critique sur leur propre champ d'expertise, l'économie.



Sur la forme, la lecture de cet essai, sans être un "page turner" est moins aride que beaucoup d'essai de la discipline car les auteurs ont porté une attention à la visée pédagogique de leur démonstration et les exemples concrets l'illustrent. A la différence d'un Piketty dont les thèses sont proches, cet ouvrage insisté moins sur la démonstration historique et géographique pour éclairer leur propos des analyses tirées de leurs propres expériences. Pour les lecteurs les plus férus d' économie il y a une large bibliographie pour approfondir si besoin un sujet.



Sur le fonds, cet essai est réjouissant en ce qu'il démonte le discours dominant des pseudo économistes qui dominent l'espace politique et médiatique. Au contraire des libéraux des années 80/90, dont nous subissons encore largement la pensée, et pour qui "there is no alternative", les deux auteurs invitent à une pensée critique, contredisent les idées reçues et proposent des voies nouvelles. Une lecture stimulante qui réconcilie le lecteur avec la pensée économique.
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Économie utile pour des temps difficiles

Make Economics Great Again. Tel est le titre du premier chapitre introductif mais ce titre aurait valu pour l'ensemble de l'ouvrage si ce mot d'ordre qu'il reprend n'avait pas fait trop explicitement référence à une personnalité clivante : ce qui eut peut-être nuit à la réception universelle du message. Quoi qu'il en soit, cette défense et illustration de l'économie a été lancée sur le marché de l'édition grand public en tablant sur la notoriété nouvelle des auteurs, tous deux récipiendaires du Prix Nobel d'économie 2018. Ceux-ci s'en expliquent en ouverture ; ils comptent bien que cette notoriété mondiale les aide à propager quelques idées à leurs yeux essentielles ; la plus fondamentale étant une exhortation à ne pas désespérer de la science économique.



Dans une note relative au titre de ce premier chapitre (Make Economics Great Again) les auteurs ont tenu à préciser que le mot economics en anglais désigne non pas l'économie du monde ou de tel ou tel pays mais cette discipline qui prétend d'étudier scientifiquement les échanges et le partage des ressources dont disposent les groupes humains.



La science économique n'est le plus souvent évoquée devant le public qu'à travers la politique. Les décideurs politiques s'en inspirent de façons diverses et plus ou moins nuancées pour guider ou justifier leurs décisions. Or l'appréciation des résultats de ces politiques n'a jamais pu, et sans doute ne pourra jamais s'établir de manière sereine. A l'approche de Noël, toutes les familles devraient savoir qu'il sera préférable d'éviter les discussions politiques autour de la dinde.



Pour dépassionner les débats, il est nécessaire d'introduire un peu de complexité dans les idées toujours simplistes qui enveniment les échanges verbaux (dans les discussions familiales) et maintiennent aussi bien souvent nombre de nos semblables dans une misère indigne.



Car Esther Duflo et Abhijit Banerjee sont de ces économistes qui ont mis le problème de la pauvreté au centre de leurs travaux. Ce n'est pas le cas de tous les économistes pour qui la lutte contre la pauvreté n'est qu'un aspect implicite de leur discipline ; il allait de soit pour un économiste comme Milton Friedman (qui inspira les politiques de Reagan et Thatcher) que ses travaux devaient résoudre d'une manière ou d'une autre le problème de la pauvreté. Alors en quoi l'approche Duflo/Banerjee (et de beaucoup d'autres connus des seuls cercles académiques) diffère-t-elle des autres approches ? Nous ne simplifions pas trop le propos en disant que les derniers se sont plutôt préoccupés d'observer comment les riches devenaient riches, les premiers quant-à-eux se sont attaché à comprendre pourquoi les pauvres restent pauvres. Plutôt que chercher les clefs de la réussite, ils étudient les obstacles à la réussite.



Une telle étude n'implique pas seulement la fréquentation des plus défavorisés (ce qui est cependant un minimum dont ce sont acquis les auteurs). Elle suppose aussi une évaluation concrète des politiques menées ainsi qu'une critique des concepts qui ont guidés ces politiques. Ainsi, le second chapitre s'attache réévaluer la phénomène migratoire et de ses conséquences les économies nationales. Le chapitre suivant analyse les politiques douanières et la question du libre échange. Le chapitre troisième étudie les différentes approches de la notion de choix économique dans l'histoire de la discipline. Le quatrième chapitre égrène les milliers d'études contradictoires sur la possibilité de maîtriser la croissance. Ensuite les auteurs abordent le réchauffement climatique et restituent les enjeux de l'économie carbone réglementée par le Protocole de Kyoto. Les deux chapitres suivants étudient pour l'un les conséquences de l'automatisation et pour l'autre la question de la légitimité de l'intervention étatique. Le dernier chapitre enfin analyse finement les deux modes d'intervention politique ; transferts sociaux (cash) et travail social (care).



Ce pavé de 450 pages ne vous livre pas la martingale de la politique économique qui résoudra tous les problèmes en effaçant la misère du monde. Son but est de montrer que la recherche économique est autre chose qu'une vaine spéculation abstraite éloignée des réalités. Sa façon de vous mettre face à la complexité ne vise pas à rendre vaine toute volonté d'agir. Par cet essai de vulgarisation exigeante, les auteurs nous rapportent de très nombreuses expériences menées par eux-mêmes ou par nombre de leurs collègues; les unes décevantes, d'autres prometteuses, d'autres encore n'autorisent pas à conclure. En abîmant quelques vieilles certitudes (sur l'émigration, la croissance par exemple), ils libèrent l'esprit et nous livrent un contrepoison idéologique ; l'effort critique allié à l'esprit d'expérimentation. Ce n'est pas de trop en ces temps de grand discrédit des élites qui nous gouvernent.
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Lutter contre la pauvreté. Tome 2 : La politi..

Esther Duflo est une des figures montantes de l'économie du développement. Ces deux ouvrages (en réalité les deux tomes d'un même livre) de la jeune titulaire de la chaire "Savoirs contre pauvreté" au Collège de France sont le fruit de son enseignement. Depuis des années, l'aide au développement est de plus en plus contestée. Certains auteurs dénoncent le gaspillage, comme William Easterly, pour qui cette aide ne tiendrait pas compte des comportements individuels de ceux auxquels elle est destinée. D'autres, comme Amartya Sen, dont l'auteure revendique une certaine filiation, considèrent que le soutien doit prioritairement être orienté vers l'éducation et la santé, des domaines indispensables si l'on veut fournir aux populations les bases de l'autonomie. Esther Duflo s'emploie donc à réconcilier ces deux approches et propose, pour ce faire, de promouvoir la démarche de l'expérimentation sociale.



Cette méthode, inspirée des essais cliniques, consiste à "appliquer" un dispositif innovant à une partie de la population-cible tirée de façon aléatoire, puis à comparer les résultats obtenus avec l'autre partie qui n'en a pas bénéficié. En matière d'éducation ou de santé, elle permet de souligner que la plupart des difficultés rencontrées pour améliorer le sort des plus mal lotis n'ont rien à voir avec l'importance de l'aide distribuée. Dommage qu'elle n'ait pas été utilisée en matière d'accès au crédit, sujet auquel l'auteure consacre un chapitre très fouillé. Le microcrédit est souvent paré de toutes les vertus alors que ses pratiques très hétérogènes mériteraient des évaluations rigoureuses. Il symbolise à lui seul la nouvelle devise à la mode "rendons aux pauvres la lutte contre la pauvreté", qu'Esther Duflo juge naïve et potentiellement dangereuse.



Au final, bien que novateurs, ces deux ouvrages en restent à des considérations techniques et descriptives de la méthode choisie. La mise en perspective critique des paradigmes de l'aide au développement demeure implicite. Ce sera peut-être l'objet d'un troisième tome…
Lien : http://www.alternatives-econ..
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Économie utile pour des temps difficiles

Agréablement surprise par cet ouvrage que je craignais trop ardu pour une ignorante en économie comme moi !

J'y ai trouvé peu de jargon, et le vocabulaire indispensable (économie utile, phénomène de chambre d'écho, etc…) très clairement expliqué.

Les propos sont étayés par des études que les auteurs savent rendre accessibles, le tout légèrement teinté d'ironie et illustré de multiples exemples concrets.

Les auteurs nous aident à décortiquer les théories simplistes priorisant la croissance et à renverser les idées toutes faites ,

Oui il existe des alternatives, et il est urgent d'écouter les économistes qui comme eux ont le souci de la justice sociale et de l'environnement !
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Repenser la pauvreté

Excellent, assez subtile et tres contre intuitif
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Économie utile pour des temps difficiles

Ah bon, les économistes ne sont pas tous de droite, et obnubilés par la croissance ? C’est avec un peu d’autodérision et beaucoup de sérieux que ce couple d’auteurs, tous deux Prix Nobel d’économie 2019, présente sa vision du marché du travail, de la croissance et de la pauvreté. Dans cet essai en économie du développement, ils s’attaquent à la croissance comme leitmotiv qui ne s’accompagne malheureusement pas de politiques d’aides sociales complémentaires, pour bénéficier vraiment à tous, sans laissés pour compte. Pour l’instant, c’est le contraire qui se passe, scindant le monde en deux (les gagnants de la croissance et de l’économie mondialisée, et les autres…). Malgré la réduction de la pauvreté dans le monde, les inégalités continuent de se creuser. L’analyse comparative des politiques économiques et sociales des USA, de l’Europe, de la Chine, de l’Inde et du Bangladesh (entre autres), donne de la hauteur et fait relativiser les décisions prises. L’économie est affaire d’idéologie. Elle peut devenir du charlatanisme quand elle se fait trop prédictive. Contrairement à l’opinion générale, les enquêtes montrent que le revenu universel ne pousse pas les gens à arrêter de travailler ; elles prouvent aussi que l’immigration est loin d’être un fléau, bien au contraire. La « mauvaise » science économique est un prétexte pour justifier les cadeaux faits aux riches, et la baisse des aides sociales. Les auteurs défendent ainsi une « bonne » science économique, qui aborderait avec patience la complexité, et qui se baserait sur des faits, des études. Malheureusement, cette science économique est moins médiatisée, et moins présente au sein des gouvernements.
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Repenser la pauvreté

En tant que praticienne du développement, je trouve ce livre inspirant pour améliorer l'efficacité des projets/politiques de développement. J'ai trouvé édifiant les parallèles parfois faits entre les comportements "des pauvres" et ceux que nous pouvons avoir dans nos sociétés.

Ce que je voudrais retenir :

- L'importance des dépenses pour les loisirs (télévision, fêtes traditionnelles) ou pour des aliments jugés plus goûteux plutôt que l'augmentation de nourriture et donc d'apport en calorie et de productivité.

- "l'incohérence temporelle" : procrastiner, voir l'intérêt à long terme mais repousser le moment où on devra attendre pour la vaccination de ses enfants.

-Problème des choix des dépenses de santé : dépenses pour les traitements et non la prévention pourtant moins chère ; demande d'antibiotiques (problème de résistance) ; dépenses pour des guérisseurs traditionnels ou établissements privés (pas toujours de meilleur qualité que le public, voir largement pire car il y a de nombreux médecins privés non diplômés en Inde) plutôt que les services publics gratuits (accessibles en Inde).

-faible demande d'éducation (ex donné : abandon d'un enfant par ennuie).

-efficacité des transferts monétaires conditionnelles démontrés par des études randomisées mais ex du Malawi où un programme inconditionnel a entraîné une même élévation du taux de scolarisation qui montre que "les parents n'ont pas besoin d'être contraints d'envoyer leurs enfants à l'école, mais seulement d'y être aidé financièrement).

-Le manque de confiance des élèves de milieu défavorisé joue sur leur réussite et abandon (parallèle fait avec les filles en maths).

-Les parents eux-mêmes investissent parfois leur ressources sur un unique enfant jugé le plus brillant afin qu’il réussisse, croyant, à tort, que les premières années d’école sont moins rentables que les suivantes.

- Système élitiste issu de la colonisation (l’objectif était de former une élite locale comme alliés et de créer une distance avec le reste de la population locale). Les professeurs sont désintéressés des élèves en difficultés qui souffrent de l’inadaptation entre leurs capacités et ce qui leur est enseigné. Solutions proposées : programmes simplifiés et redéfinition des rôles des professeurs pour qu’aucun élève ne soit mis de côté.

- Les pauvres utilisent diverses stratégies qui s'avèrent coûteuses pour minimiser les risques comme avoir une gestion conservatrice de leurs exploitations agricoles ou multiplier les activités (ce qui les empêchent de d'acquérir des compétences et de l'expérience dans leur activité principale).

- Les personnes s’entraident par obligation morale, c’est pourquoi les réseaux informels ne sont pas adaptés pour gérer les accidents de santé : une hospitalisation nécessite la participation de plusieurs foyers, un contrat social complexe serait donc nécessaire pour parvenir à les assurer.

- "L'Etat devrait assurer une partie du coût des primes d'assurance" (ex. du Ghana). "Etant donné que la peur de subir des coups du sort conduit les pauvres à adopter des stratégies coûteuses pour limiter les risques, subventionner l'assurance pourrait être une opération rentable en termes d'augmentation de leurs revenus."

- "Trouver des façons de financer les entreprises de taille moyenne est le prochain grand défi financier des pays en développement".

- L'effet d'un travail stable même peu rémunéré peut donner l'impression d'avoir une certaine maîtrise sur l'avenir et permettre de se concentrer sur sa carrière et ses enfants (ex des zones où des maquiladoras au Mexique ont ouvert et les niveaux de retards de croissance ont diminué).

- Des techniques simples de vérification peuvent fortement jouer sur la corruption. Ex1: études de comparaison des montants reçus par les directeurs d'école et les registres officiels en Ouganda : seulement 13% des fonds arrivaient dans les écoles en 1996, désormais le gouvernement publie dans les journaux locaux les montants et une étude de la BM en 2011 a montré que 80% des fonds sont bien reçus. Ex2: visites pièges auprès de commissariats indiens pour déposer de fausse plaintes. La police prenait peu de plaintes au début mais quand l'information a circulé le taux d'enregistrement des plaintes a beaucoup augmenté (de 40% à 70%).

- L'introduction du vote électronique au Brésil a facilité la prise en compte des votes des personnes illettrés, réduisant le nombre de votes nulles et entraînant l’élection d'hommes politiques qui ont entrepris des mesures plus favorables aux pauvres.

- "Les électeurs modifient leurs opinions en fonction de ce qu'ils voient sur le terrain, mêmes quand ils entretiennent des préjugés" (ethnies, femmes). La suppression de ces préjugés permet l’élection des personnes les plus compétentes et moins corrompus. De bonnes politiques peuvent entraîner un regain d’intérêt pour la politique et davantage d'exigences pour les résultats des politiques.

- Un simple travail d'information peut améliorer les choses. Pour avoir un impact une campagne d'info doit avoir plusieurs caractéristiques : elle doit révéler qqch aux gens, elle doit le faire de façon attrayante (film, spectacle) et elle doit provenir d'une source crédible (la presse bénéficie svt de cette crédibilité).

Les défaillances dans les PED découlent en générale de défauts de conception des politiques : les 3 I (ignorance, idéologie et inertie).
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Repenser la pauvreté

La pauvreté est-elle une fatalité? Peut-on en sortir? Les auteurs analysent les projets de coopération visant les familles les plus pauvres et en tirent les leçons apprises.



Je trouve ce livre trop basé sur l'Inde. Il est de plus très général et peut-être un peu trop économique.
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Repenser la pauvreté

C’est en feuilletant le livre d’un acteur important de l’association ATD Quart Monde que j’ai eu connaissance de l’œuvre des deux économistes Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo ayant comme objet de casser les mythes de la pauvreté, ses causes, ses origines, son cercle vicieux (qu’ils appellent le piège de la pauvreté) et sensé présenter des moyens de repenser nos actions (au sens international et au sens micro, de terrain) pour aider les populations les plus pauvres à sortir de la pauvreté.



C’est donc avec une certaine curiosité intellectuelle que j’ai voulu découvrir cet « essai ». Est-ce que ça allait modifier mes propres idées et convictions sur le sujet ? Car tout un chacun a des convictions sur le sujet…



La démarche des auteurs part du principe qu’il n’y a pas de vérité uniforme sur la gestion de l’aide internationale. Ils rejettent le débat existant entre les partisans de Sachs, qui voient l’aide internationale comme LE moyen de sortir du piège de pauvreté, et les partisans d’Easterly dénonçant l’inutilité de celle-ci, préconisant la liberté d’action des pays pauvres pour s’en sortir.

Les auteurs proposent en effet une méthode différente des grandes organisations (OMC, ONU, etc) pour aborder le thème de la pauvreté, qui se caractérise par une démarche de terrain permettant la compréhension de la vie et des choix des pauvres, pour faire un diagnostic au plus près de la réalité et proposer des actions concrètes, qui ont déjà fait leurs preuves.



Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo pensent ainsi qu’il ne faut pas se laisser convaincre par l’idée selon laquelle la pauvreté serait trop complexe pour être résolue, et que seule l’aide internationale peut la limiter. Au contraire, il faudrait la comprendre comme une suite de problèmes concrets et solvables les uns après les autres. Là est le cœur de leur démarche : « arrêtons de nous focaliser sur de grands enjeux, arrêtons de palabrer autour d’ambitieuses questions sur le rôle de l’aide internationale, pour déterminer si la démocratie est bonne pour les pauvres » nous disent-ils, et agissons de manière empirique (observation > compréhension > expérimentation > action).

L’ouvrage n’apporte donc pas de remède miracle, mais offre une analyse particulière pour chaque problème. Les auteurs mentionnent des cas où, en se concentrant sur des petites échelles, d’importants progrès ont pu être réalisés.



Mais qu’en est-il de ces réflexions sur la pauvreté dans les pays développés, ces pays « riches » où la misère est pourtant présente et de plus en plus visible. La question se pose, et là aussi, nos responsables politiques pourraient s’appuyer sur des méthodes empiriques, plutôt que mener des politiques économiques uniformes pour tout le territoire.
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Oola : En avant les élections !

Esther Duflo, économiste ayant reçu le Prix Nobel et Cheyenne Olivier illustratrice, se sont associées et ont écrit et illustré dix albums autour de la pauvreté, à destination des enfants de 6 à 9 ans. Oola est un personnage qui vit dans un petit village fictif. Sa mère est l’actuelle cheffe du village et son mandat prend fin. Bientôt, des élections auront lieu. La mère d’Oola ne souhaite pas se représenter, d’autant plus que son mari, le père d’Oola, est le précédent chef du village et compte bien « récupérer son poste ». Cette situation n’enchante pas Oola et ses amis qui réfléchissent beaucoup sur le sujet, les femmes sont-elles vraiment moins capables que les hommes ? Pourquoi craignent-elles de s’engager ? Cet album est très différent de ceux qu’on lit actuellement, et c’est une excellente chose. Esther Duflo amène son lectorat à réfléchir et donne des exemples concrets. Elle apporte aussi un regard réaliste sur ce qu’est réellement la pauvreté dans le monde, sans caricature. A la fin de l’histoire, Esther Duflo apporte des explications et des réflexions sur la thématique des femmes dans la politique, ce qui permet aux parents d’aller plus loin dans l’échange avec leurs enfants. Côté illustrations, j’ai apprécié les dessins, des personnages assez simples et plutôt futuristes à la fois. Cela permet de transposer l’histoire partout dans le monde, sans cibler un pays en particulier. Pour conclure, cet album est une très bonne surprise et contribue à éveiller les consciences et faire bouger le cours des choses, bravo !



Merci à Lecteurs.com pour la découverte !
Lien : http://romansurcanape.fr/ool..
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Économie utile pour des temps difficiles

Quand je vois un livre d'économie, plutôt épais, écris par deux prix Nobels, je me lance avec une légère peur. Et finalement, le livre se lit très bien, car les deux auteurs ont pris grand soin de vulgariser au maximum.

Autre chose très appréciable, tout ce qui est cité est sourcé.

Et pour finir, les auteurs savent prendre de la distance avec leur spécialité et même plus large avec la sociologie et la politique.

Un super livre. Je conseil.



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Afia : Qui saura la guérir ?

Un album très réussi pour expliquer aux enfants l'inégal accès aux soins et aux médicaments dans le monde. Les personnages sont de toutes les couleurs pour ne pas associer le propos à un endroit précis je suppose. C'est clair et instructif, pour réfléchir dès le plus jeune âge aux inégalités et aux moyens d'y remédier. Il y a d'autres titres dans la même collection, par Esther Duflo dont j'avais beaucoup aimé Repenser la pauvreté: un sur l'école, sur les élections... Un coup de cœur !
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Économie utile pour des temps difficiles

"Nous avons écrit ce livre pour redonner espoir".



Ce sont par ces mots que les auteurs décrivent leur objectif. Ils veulent aussi re-crédibiliser l'économie et démontrer qu'elle est utile pour régler les problèmes des sociétés humaines. Même si l’intervention des économistes a pu parfois être un des problèmes ; lorsque ceux-ci ont perdu le sens du monde qui les entourait et oublié que l'économie est une science sociale et une science humaine, aveuglés par la beauté théorique des modèles et par l'idéologie à laquelle ils adhèrent par ailleurs.



Une partie de l'ouvrage est consacrée à analyser les théories de la croissance de grands économistes, en même temps qu'à démontrer l'inanité de certaines croyances qui guident les choix des opinions publiques et des responsables politiques qui parlent d'immigration, de croissance, d'environnement, d’inégalités et de libre échange.



Pour moi, un des messages important est la nécessité de reconnaitre la légitime des préférences des personnes, y compris les plus pauvres, et y compris si elles nous paraissent aberrantes. Par respect de l'autre en tant qu'humain, parce que l'homme n'est pas un homo œconomicus censé faire le meilleur choix qui conduira à un bien être collectif. La dignité humaine est essentielle.

Les auteurs défendent la nécessité d'une intervention politique pour ne pas laisser le marché agir sans contrôle et critiquent la théorie du ruissellement de Reagan (on baisse l’impôt sur les riches qui vont dépenser et cela va profiter à tout le monde). Cela ne fait qu'engendrer une société inégalitaire.



Sur les migrations, leur analyse montre qu'au final les personnes ne sont pas aussi mobiles que ne les craignent les pays riches. A contrario, ils citent plusieurs études démontrant que, même avec la possibilité d'un gain supplémentaire ailleurs, beaucoup préfèrent rester là où se fait leur vie sociale habituelle : aversion au risque, peur de l'échec, manque de confiance en soi d'autant plus importante que les personnes manquent de ressources. Compte tenu des différences de niveau de vie entre certaine zones de la planète, pourquoi davantage de personnes ne migrent-elles pas, au final ?



Selon eux enfin, il faut faire le deuil de la croissance forte, d'autant qu'on ne sait pas exactement ce qui la déclenche ou pas. Ils illustrent leur thèse d'une multitude d'exemples d'échecs ou de réussites contradictoires qui mettent à mal les théories et les certitudes de certains économistes et hommes politiques.



De ce fait, les objectifs des politiques publiques doivent être d'améliorer le bien être, l’éducation et la santé ; plutôt que de courir, à coup de réduction de taxe, vers une croissance hypothétique du PIB qui n'induit pas en soi et mécaniquement d’augmentation de la qualité de vie des habitants. Par ailleurs, toute croissante doit être soutenable en terme environnemental.



Si les marchandises sont mobiles et le capital, extrêmement, le monde est plutôt immobile et les structures de l'économie, rigides. On ne quitte pas son pays ou sa région si facilement lorsqu'une entreprise ou un secteur économique décline. A contrario des modèles économiques qui voudraient qu'un nouvel équilibre se reconstituent avec une égalisation des salaires, les personnes restent piégées dans des zones en déclin. Il importe ne pas sous-estimer la souffrance des personnes.



A contrario du "quand on veut on peut " auquel tant de personnes adhèrent dans le monde contemporain : les auteurs réhabilitent le care, le respect de la dignité des personnes comme cœur de la politique et de l’économie. Les personnes, si en difficulté qu'elles soient, ne sont pas le problème. Ils présentent l’expérience d'ATD Quart monde et rappellent également que seuls les Etats sont là lorsque des catastrophes surviennent, naturelles ou économiques.

La crise sanitaire survenue après la publication l'illustre : c'est vers l’État que les entrepreneurs économiques se tournent pour être protégés. C'est une partie du secteur public qui doit continuer à fonctionner pour préserver les fonctions essentielles.

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Lutter contre la pauvreté. Tome 1 : Le développ..

Esther Duflo, une économiste française qui travaille en Amérique. très en vue car elle a réussi à introduire l’expérimentation dans l'économie du développement. Pour être plus précis je devrais dire qu'elle pratique l’expérimentation et surtout l'évaluation d'expériences selon une méthode économétrique solide. A terme ça permettra de déterminer quel programme d'aide.



Ce petit recueil est une synthèse de ses travaux depuis 10 ans. Il est écrit dans un langage simple, de manière compréhensible par tout un chacun, économiste ou non. Il aborde les problèmes liés au secteur de l'éducation (l'école) et à ceux liés aux secteur de la santé. Il comprend beaucoup de cas concrets, de comparaisons et d'analyses pertinentes.



Comme dans tout écrit relatif au développement économique, le nerf de la guerre c'est l'argent et l'information. Elle a la chance d'être employé par le MIT, un des institution supérieur qui a énormément de moyen, notamment en terme d'information, de réseaux et indirectement d'argent. Ainsi les expériences qu'elles évaluent et compare se situent sur 4 continent, ce qui en soient est déjà énorme. Les expériences sont assez diverses: gratuité de l'école, prime pour les enseignant, bourse pour les élèves qui réussissent, [presque] gratuité des uniformes scolaires, gratuité des repas scolaires, donner au enseignant un CDD ou un CDI, traitement préventif de certaines épidémie, etc.

L'idée est de répondre aux questions: quel programme d'aide marche et est-il applicable à l’échelle du pays et:ou dans un autre pays.

La seule note négative est que ce sont souvent les même pays qui sont cités: Kenya, Mexique, Inde. Soit des pays partenaire de l’Angleterre et/ou les USA. Je suis étonné qu'étant française elle ne mentionne pas davantage d'expériences menées pays africains qui sont partenaires de la France



J'entame bientôt la seconde partie de ce tome. Elle est consacré à la santé. Ensuite, il me restera à lire le second tome intitulé politique de l'autonomie.
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