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Citations de Eugène Savitzkaya (40)


Eugène Savitzkaya
Mais parce que j'étais sensible à la poésie ! J'ai un frère aîné d'un an qui m'a initié à beaucoup de choses. Il me précédait. Nous avons lu très tôt du Michaux, des dadaïstes, des surréalistes. Je ne sais même pas comment il trouvait les livres, parce que nous vivions à la campagne. On partageait la même chambre et il me lisait des textes, le soir pour m'endormir. Je me souviens encore de moments précis de lectures de Michaux, de Beckett... C'est quelque chose qui est devenu très familier pour moi. C'était même devenu plus simple de lire de la poésie que du roman pour nous. Nous faisions un trio avec le fils du fermier de la ferme voisine. Dans cette ferme, il y avait de vieux greniers et on s'était aménagé un endroit. Il y avait un poêle, on faisait du feu et devant les flammes et le bois qui se consumait, nous inventions des poèmes, sur le moment, en buvant un peu de bière. J'avais à peu près quinze, seize ans. On écoutait aussi des chansons françaises, mais on parlait essentiellement, c'était de l'invention. La poésie est donc devenue pour moi la forme la plus familière à pratiquer. Ensuite, ça a été plus difficile de passer à un genre où il y a un personnage. Ce passage a été incité par Jérôme Lindon. Il m'a conseillé de parler de grands thèmes comme celui de la mort et de l'amour. Et donc, il a fallu que je trouve un personnage. J'ai pris un personnage qui était près de moi et qui restait mystérieux. Donc, c'était vraiment un personnage romanesque. J'ai beaucoup aimé ce passage au roman. On peut faire des portraits dans la poésie, mais dans la prose, il ne faut pas avoir peur d'avoir quelque chose de perdu, en trop, car ça amène d'autres choses. On écrit et parfois ce n'est pas utile d'insister, mais quelque chose naîtra quand même de cette insistance. C'est comme ça que j'imagine un peu la prose. Il ne faut pas avoir peur de broder un peu, alors que la poésie, c'est plus ramassé, il n'y a pas vraiment de nuances, du moins telle que je la pratique.

(http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_578464/fr/interview-d-eugene-savitzkaya?part=1).
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Il s'agissait de petits cochons gris, hideux avec leur poil ras, leurs oreilles tremblantes, leur groin. Très vite, ils devenaient nerveux et méchants : il suffisait d'un peu trop de bruit ou de vent, il suffisait d'un peu de poussière, et, agacés, ils montraient leur immonde dentition, l'intérieur de leur gueule, ils criaient, rotaient, mordaient. Ils détruisaient nos arbres, piétinaient le jardin, les fleurs, fouinaient. Basile les détestait. Et ils pouvaient devenir dangereux.
Mais nous nous dissimulions dans la charrette du haut de laquelle nous leur jetions des pierres et des immondices pour les décourager ou les calmer. Parfois ils s'apaisaient, s'étendaient sur le sol, n'importe où, et admiraient notre véhicule au milieu des champs.
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Elle passe, elle passe
la joliette
elle est passée
la jolie, la jolie vie
Qu'as-tu couru mon mignon ?
As-tu moulu du son
et dans la boue
semé ?
Elle passe, elle passe
la jolie, la jolie vie
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Elle est Louise. Louise est pierre, désormais le prénom est repris aux garçons. Elle est dure, obstinée et lisse, personne ne peut l'attraper et rien ne peut entraver sa marche. Toutes les pierres sont filles et les garçons ne sont que de petits cailloux, des rochers détachés de la montagne de pierre. Louise est la mer et la forêt et la nuit entière.
Elle est la lumière, c'est-à-dire qu'elle est l'étoile la plus lumineuse et la plus proche dans la nuit des temps, le feu qui se consume et se transforme.
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Nous aurions fait de piètres cultivateurs, incapables de distinguer un épi d'orge d'un épi de blé, l'ivraie du froment, le bambou de la canne à sucre, la ciguë du persil, le vent du nord du vent du sud, l'automne du printemps.
Eleveurs, nous aurions à coup sûr confondu tous les bestiaux, les femelles et les mâles, l'âne et le cheval, et nourri les vaches avec des pommes de terre, et les marchands nous auraient roulés et, trompés, nous ne nous serions même pas défendus, ignorants des coutumes et n'éprouvant aucun intérêt pour elles.
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Un beau désordre vaut mieux qu'une inerte ordonnance
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Et ses fils lui répétaient la même chose, ne pense pas, ne pense plus. Est-ce que les pensées sont parfois comme des poux ? Est-ce que les pensées sont comme des vers dans les intestins du temps, les suceurs du mouvement des astres ? Est-ce que les pensées sont des termites dans la charpente des toits ou des tarets dans les poutres des pontons ? Et la mère de l'enfant cessa de penser, résolument.
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L'espoir prolonge et aggrave la misère humaine, seul est heureux celui qui a perdu tout espoir.
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Même oppression…


Même oppression des chambres fermées avec l'habitant unique, gisant, gorge percée et sternum retiré du corps, du fuseau ceint et rayé. Corps vaste entièrement marqué, totem usé à ses rameaux et flèches, tout maculé. Bison embaumé avec les loups, cousu à l'intérieur du tombeau (et on éparpille ses organes, tout son contenu refroidi ; on ensevelit sa corne fléchie, voilée). Simple objet d'incinération. Et on use les pylônes, les piles d'excréments, les pals ternes dont on a manipulé la base, le rasoir de la pointe. Simple outil, un peu pesant, d'usure (usage quotidien d'une même lame), de lustrage et d'oppression des métaux contre un champ pur ou salé. Usage d'une même flèche (fine et lisse porteuse, infime projectile) pour différents matériaux à dépecer, à ternir à mort d'un heurt. Matériau enseveli ou usé par plusieurs mains dans une petite loge inhabitée, chambre d'incinéré (cuirs et ivoires brûlés par un stylet porté à deux mains à la plus pure pointe). Ensevelissement le plus souple.
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Séquence Boucherie, fabrique


Extrait 4

Cria, porta ses draps hors de sa
chambre, les mêla, les colora, l
es mouilla avec l'herbe, les
donna à la fontaine, blanc édi-
fice, les jeta au décor, aux
statues, aux animaux, les dis-
persa aux boues, jaunes bouche-
ries, les perdit et périt,
foudroyé, maitre livide du jeu,
se dévorant l'index ou le cou-
teau, mentant, portant ses draps
au-delà de l'enceinte, aux cata-
pultes, aux sentinelles, les mê-
lant, morceaux et touffes, se
colorant aux buissons, pourpre
sous le feuillage, obscur garçon
devenu, pourpre mort, se mouil-
lant sur le pré avec les trèfles
et les cœurs, se donnant à la
fontaine, voué et pur, se jetant
au feu où il se déchira, voué
et pur, pourpre mort, et dévora le
linge qui puait, les feuilles
autour, au tronc, à la tête,
les figures, les morceaux perdus,
mêlés aux buissons et colorés
de la fontaine, des catapultes
blanches, et dévorant périt,
montrant sa fleur le palétuvir,
son bâton l’épée, l’incarnation,
le linge mouillé, les draps souil-
lés, ses couleurs, ses armes, et
dévorant péri, châtié périt, le
pourpoint aux orties.
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Et je crachais sur les mufliers et le lierre et j’éternuais en respirant les pollens, effrayé, assourdi par la musique des flageolets volant au-dessus de moi, les rires et les clameurs.
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Elle avait un nez de loup
Sous son chapeau
Elle cachait un cœur fou sous son chapeau
Des os et de la chair
Sous son foulard
Elle avait des yeux sans fond et le foulard
La protégeait du froid
Dans son manchon, manchon d’hermine
Ou de zibeline
Elle avait une bouche si rose
……..
La chanson ne veut pas s’arrêter
Le chanteur va de l’avant
Il avance ses vers à la va-vite
Il râpe ses rimes
Et rame au pif
Mais le vent n’arrête pas la chanson
Ni le bruit des bombes
Ni la charge des chars

Elle roulait des queues de rat
Sous son pied droit

Elle avait des yeux de chat
Sous son chapeau
Elle avait des yeux de chat
Elle roulait des queues de rat
Sous son pied droit
Je l’ai aimée comme un fou
Sous son chapeau

Je l’ai aimé » comme un rat
Sous son pied droit
……….
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Lorsque j’aurai cessé de peindre, lorsque je serai presque morte dans ma cabane en bois, que la maison se sera écroulée presque sans bruit aspirée dans l’abîme, qu’il n’y aura plus d’inconnu dans la demeure ni de poupée dans ma chambre qu’on aura murée, que la nuit sera tombée sur le paysage des forêts et des montagnes, que les troupeaux d’oies se seront endormis dans le marécage où sans cesse des chasseurs en livrée vert d’eau, presque transparents, presque inodores, presque immobiles, attendent et brillent derrière leurs murailles de joncs, dans leurs maisonnettes.
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"Louise est la mer et la forêt et la nuit entière. Elle est la lumière, c’est-à-dire qu’elle est l’étoile la plus lumineuse et la plus proche dans la nuit des temps, le feu qui se consume et se transforme. Elle est la rivière sortie de terre et creusant dans la terre son ravin et son lit.Elle est la mer dont l’amertume provoque des hoquets et du fou rire. Elle est la nuit qui englobe toutes choses. Elle est la musique, c’est-à-dire qu’elle est l’air et le vide, la pluie et le vent. L’air la traverse, la pluie la lave et la fait danser, le vent porte ses mots et son chant, et les déforme.
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Prière d'Hégésippe Moreau devant Saint-Médard avant d'accéder au paradis sous la forme d'un bièvre.


Extrait 4

     J'entends les froissements de leurs ailes et les craquements de leurs os. On dirait qu'ils sont vides comme des automates, creux et vides comme si une couturière les avait confectionnés avec les rebuts de son atelier, avec ses vieux moulages, ses armatures cassées et ses tissus dépareillés. Leurs cris, ce sont les loques qui se déchirent, des caleçons usagés qui braient, qui sifflent, qui hoquètent et dont la chaîne cède en pétant, crachant poussière noire comme suie, et les êtres humains et les chiens suffoquent dans cette pluie pulvérulente plus sèche que la plus sèche des farines.

     Mère, tendre petite fille, ma douce protectrice, donne-nous ton sang qu'il reflue dans nos artères, et tes liqueurs qu'elles nous fleurissent, qu'elles donnent humidité à nos moelles, que ton frêne renaisse de l'hiver, que crie ton coucou, que mûrissent tes cerises, que fermente ton vin, que ton sang nous revienne.
(...)
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Prière d'Hégésippe Moreau devant Saint-Médard avant d'accéder au paradis sous la forme d'un bièvre.


Extrait 3

     La mort sort des caves au grand air pour secouer ses vieux habits et des nuées d'anges l'accompagnent pour prendre un bain dans le fluide du ciel et pour contempler les étoiles issues de la déflagration primordiale, et leurs excréments angéliques tombent dans les flots, sur les arbres et sur les toits. Tous les enfants sont aux fenêtres ou sur les terrasses pour assister au spectacle des volatiles se croisant et se heurtant comme lors des grands balais d'étourneaux en janvier.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !

     Dans les rues pavées en grès, je vois la lumière, elle est noire comme certains chiffons qu'on agite face aux événements que les humains ont pris l'habitude de nommer fléaux, noire comme le sang coagulé dans les muscles du cœur en repos létal et dans les canaux figés de la vie.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !
     …
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Prière d'Hégésippe Moreau devant Saint-Médard avant d'accéder au paradis sous la forme d'un bièvre.


Extrait 2

     Et leur sang coule dans la coupe et descend dans les entrailles de la planète, participant à ses lentes moisissures, à ses diastases et cristallisations. D'abord la puanteur des fosses et des salles souterraines, puis odeur de famille de toutes les progénitures terrestres se bousculant, se recouvrant, se stratifiant dans la belle paix des profondeurs, dans la neutralité générale des abîmes d'où les expulsera le feu fondateur...

     Joies ! Joies ! Mille Joies !

     ... Le grand feu qui marche vers le néant des choses, des êtres, des éléments, des transformations, vers le néant du feu lui-même, producteur de fumées et de scories, créateur d'astres de pierre et d'eau, se nourrissant de poussière et de gaz comme d'autres se nourrissent de rats, de grenouilles et de menu fretin, de porcs, de canards, de navets jaunes ou d'hommes et de femmes.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !
     …
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Prière d'Hégésippe Moreau devant Saint-Médard avant d'accéder au paradis sous la forme d'un bièvre.


Extrait 1

     Petite dame plus bleue que l'azur, petite fille toute menue, Madone des baies rouges, des oranges et des grenades, maîtresse des poissons et des castors, livre-nous ton sang comme miel, donne forme à nos corps défaits, insuffle vie en nous par les os de nos crânes.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !

     Au-dessus du fleuve bouillonne le sang qui est feu, fer et sérum jaune, jaune comme la pierre soufrée. Et le fil noir de la petite mère coud les corps morcelés de la grande hécatombe des anges.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !

     Ils tombent comme mouches, étourneaux asphyxiés par les fumées s'élevant du cratère où on mêle le vin et l'eau, poissons tirés tordus de la fournaise, feuilles enflammées, chauves-souris s'échappant des cheminées avalées par le soleil dévorant comme l'éternelle cible que visent tous les tueurs de la terre de toujours.

     Joies ! Joies ! Mille Joies !
     …
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"Aperçu, à la morsure, à la langue de cendre,
illuminé, ses draps déchirés dans la puanteur,
oublié près du gouffre, la salive à la bouche,
comme un garçon d'argile foudroyé, peint, dévoré et sali,
à l'agonie sur l'herbe du pré, puni, poussé dans le trou,
dévorant son foie et touchant l'eau, choisissant,
triant les coquilles dans le noir, écrasant les
bouquets qui puent et qui salissent, les morceaux
perdus dans l'obscurité, Innocent pinçait la fleur,
la feuille rouge de l'arbre, les lèvres sur le bois poli,
la bouche fermée, prêt à mourir, toujours châtié,
toujours libre, les pieds nus sur le limon, en odeur
de neige."
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Avant de descendre l’escalier de la si maigre maison, le garçon franchit le palier du premier étage et pousse la porte de la chambre de ses parents. Sa mère semble profondément endormie, la tête blottie dans l’oreiller en duvet d’oie, un bras nu étendu sur la couverture légère du lit matrimonial. Elle dort dans la lumière et les mouches vrombissent. Quel âge peut avoir cette femme qui semble dormir ? Quel chemin a-t-elle parcouru avant d’arriver ici dans ce lit en bois ? Le livre commence ici et je n’ai pas la moindre idée du trajet qu’il prendra. Dans mon métier, il est nécessaire de se munir d’échelles mais inutile de posséder un mètre ruban, une
montre. Un métronome est admis : le cœur, ses secousses, ses arythmies et ses arrêts à mesurer.
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