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Critiques de France Richemond (117)
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 3

Voilà, Jeanne y est arrivé, elle et son époux sont rois et reine de France. Pour cela, le sang a beaucoup coulé, Jeanne à les mains rouges mais elle est loin d'être la seule. Ce n'est pas pour la cause que Jeanne sera heureuse et son règne tranquille, son intelligence et le dévouement de son époux la sauve (elle et le royaume) de biens des pièges retors mais quand même... Les reines ne sont pas heureuses, ni les rois, le jeu du pouvoir demande également ce sacrifice là. Une fois au somment, nuls n'est plus jamais tranquille, sans cesse il faut être aux aguets pour le conserver. Encore une fois, Jeanne se demande si elle est vraiment l'élue du diable ? Elle doute et son fils aîné tombe gravement malade, est-ce un signe d'avertissement du malin ? Jeanne y croit et renouvelle son serment à Satan, serment qu'elle ne rejettera plus jamais. Elle s'engage pleinement à le servir quitte à mettre à feu et à sang les grands royaumes de l'époque.

Entre légendes et réalités historiques, voici le portrait d'une reine qui s'est démené pour obtenir ce qu'elle désirait là ou les autres femmes étaient soumises. D'où son surnom de Mâle Reine. Dommage que la série la concernant s'arrête ici.
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 2

Jeanne n'est plus une enfant, elle est maintenant mariée à Philippe de Valois et elle cherche à venger la mort de sa sœur Marguerite. Accusée d'adultère, elle est étranglée au château Gaillard. Elle devient une femme intrigante, retors, manipulatrice et désire plus que jamais devenir reine. Elle va devoir jouer serré pour éliminer tous les prétendants au trône. Car oui, maudits sont les rois et les gouvernants qui ont arrêtés, torturés, spoliés et brûlés vifs les Templiers. (Les Rois Maudits de Druon) Est-ce donc vraiment une malédiction ? Nul ne le sait mais en tout cas, les rois se succèdent et meurent tous rapidement. Jeanne n'y est pas étrangère et autant la petite fille était esseulée, studieuse et malheureuse, autant elle est tout l'inverse. Elle embrasse pleinement sa destinée liée au diable mais à quel prix ? Assurément le très pieu Saint-Louis doit se retourner dans sa tombe, mais le pouvoir est à ce prix!

Jeanne reste un personnage intéressant, les femmes sont mises à l'honneur dans ces albums. Ai-je vraiment de la sympathie pour elle ? Mon avis reste mitigé car je peux comprendre qu'en tant que femme à cette époque, elle ait voulut une autre vie que celle de juste obéir et mettre au monde des enfants. Mais d'un autre côté, elle n'hésite pas à tuer ou faire tuer pour obtenir ce qu'elle veut, ce qui me dérange fortement.
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 1

Jeanne de Bourgogne: La trop Mâle reine, la surnommait-on à l'époque. Nous voici plongé dans l'époque de la très célèbre série des Rois Maudits. On peut en effet dire que cette lignée l'était, que de morts en peu de temps mais pas forcément naturelles...

Et Jeanne dans tout ça ? Petite fille de Saint-Louis née avec un pied bot, la marque du diable ! Elle est raillée et rejetée, personne ne veut d'elle pour épouse tandis que sa sœur Marguerite devient reine de France. Malgré son intelligence, sa vivacité d'esprit et ses ambitions, sa mère déclarera: Vous êtes difficiles à marier, ma fille !

En proie aux doutes, elle va voir le sorcier du coin, le Bau Dru lui annonce qu'elle est la servante du Diable et refuser les desseins du Diable lui apportera malheur ainsi qu'au royaume. Car Dieu n'existe pas sans lui et si elle refuse, l'équilibre entre le bien et le mal sera rompu!

Dévorée d'ambitions, sans déroger à certains de ses principes, elle entame sa lente marche vers le pouvoir ultime.

Je continue d'apprécier cette série, Jeanne me plaît en tant que reine de sang.
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Clément V : Le sacrifice des Templiers

Le pouvoir spirituel face au pouvoir politique. Lorsque les points de vue divergent, il s'agit d'une lutte qui où tous les coups sont permis. Clément V voulant contenir le roi des français fera preuve de conciliation, au prix du sang des templiers. L'église ne s'en sortira pas grandie mais continuera à jouer son rôle auprès du pouvoir.
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Léon le Grand : Défier Attila

Le « monarque » spirituel face à la dévastation et la cruauté des hommes. C'est en ces termes que je résumerais ce tome consacré à Léon 1er. Contrairement au titre, la BD ne traite pas que du sujet « Attila » et c'est d'autant plus intéressant. Ce pape fut un rassembleur face à des courants chrétiens que je ne connaissais pas du tout. L'expression « Rome ne s'est pas faite en un jour » est transposable à la religion chrétienne qui dû faire face à des ennemis externes mais également à plusieurs schismes.
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Clément V : Le sacrifice des Templiers

Dernière bande dessinée actuellement en ma possession de cette énorme série, je finis donc par un thème qui m’est cher, les Templiers. Et surtout par la chute et la condamnation horrible de cet ordre et des hommes qui la composaient tout ça à cause de l’avarice et de l’ego d’un roi Philippe le Bel, un des rois de France que je n’aime pas. Clément V peut être mis dans le même panier, mais il faut savoir que même un pape surtout s’il est moins populaire qu’un roi en place doit jouer prudemment ses cartes pour éviter de se retrouver très tôt dans un cercueil.

Ici, on retrace les événements les plus marquants de cette tragédie. On voit un homme qui aimerait sauver ceux qui se sont battus pour la foi, le pape et les pèlerins qui voulaient voyager jusqu’en Orient.

Malgré tous le pouvoir qu’il pouvait avoir, et les conseillers qui l’entouraient, il a dû faire des choix et à la toute fin n’était malheureusement plus en état de venir en aide aux Templiers injustement condamnés et dont Philippe le Bel convoitait le soi-disant trésor qui à ce jour est toujours une légende.

Pour conclure, cette bande dessinée m’a permis de mieux connaître le pape Clément V et les enjeux de sa position.
Lien : https://la-bibliotheque-du-l..
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 1

Une bande dessinée que j’ai énormément appréciée !En tombant dessus, j’ai d’abord cru que la série serait consacrée à Jeanne de Navarre, fille de Louis X et Marguerite de Bourgogne. Et bien non, c’est Jeanne, la soeur de Marguerite et femme de Philippe VI de Valois qui a le premier rôle. Je ne la connaissais pas vraiment et je suis heureux de la découvrir dans une série qui évoque ces chers Rois Maudits.
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Le Trône d'Argile, tome 3 : Henri, roi de Fran..

Une BD toujours très intéressante sur une période des plus complexes de l'histoire de France.

Nous côtoyons Henry V, Charles VI, le future Charles VII bien isolé et une jeune fille qui grandit loin de tout cela mais qui marquera la France de son empreinte.

Le dessin est assez sympathique et bien documenté.

Reste tout de même qu'il vaut mieux avoir de bonnes connaissances en histoire de France pour comprendre exactement de qui et de quoi on parle parce que l'ensemble est relativement pauvre en indications et explications contextuelles.
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Léon le Grand : Défier Attila

C’est la seconde BD que je lis de cette collection sur les Papes dans l’histoire et je suis de nouveau plutôt déçu du récit.

Cette BD s’attache à raconter les derniers événements majeurs de l’Empire Romain d’Occident avec l’arrivée des Huns de Attila sur Rome mais aussi Genséric qui lui, pillera Rome ; mais l’intervention du Pape Léon Ier permettra la survie de Rome. Mais la chute de l’Empire Romain d’Occident est inéluctable et marquera l’avènement de la période du Moyen-Âge.

Il y a un tel désir de réaliser un récit fidèle à l’histoire et de ne rien oublier des événements que l’histoire est difficile à suivre. Il y a beaucoup de personnages, beaucoup d’intrigues et finalement si peu de place au récit. Un récit qui manque de saveur et d’énergie et qui n’est pas franchement aidé par un dessin assez imprécis et une colorisation… moche. Bref, c’est une collection décevante qui tente de rattraper le coup avec un dossier final plutôt intéressant mais, évidemment, on attend une BD et pas un livre d’histoire.
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Le trône d'argile - Intégrale, tome 1

Voilà une série qui m'a longtemps résisté depuis le temps que je voulais la lire. Je dois bien avouer que ce fut un plaisir à la lecture car il y a là un riche travail historique avec des dessins magnifiques avec ce trait réaliste et fluide.



L'aventure évite la narration pesante et ennuyeuse. La guerre de 100 ans devient en quelque sorte passionnante à lire. C'est une période que je ne connaissais pas bien. Je ne savais pas à quel point le royaume de France était divisé entre les armagnacs et les bourguignons alors que le danger d'une menace extérieure atteignait son paroxysme.



En effet, dans ce contexte de guerres civiles, l'Angleterre rêve de reprendre les destinées du royaume et il faudra le courage de certains hommes pour s'y opposer. Pourtant, le roi est fou et son premier connetable a fait assassiner ses deux héritiers pour mettre sur le dos des ennemis au parti.



Attention, le trône d'argile n'est pas un livre d'histoire mais une oeuvre de fiction avec son scénario propre. En ce qui concerne le fameux mystère Jeanne d'Arc, les scénaristes vont faire appel à l'alchimie comme pour rationaliser cette thèse parmi d'autres. Pour autant, je trouve que c'est la plus crédible.



En conclusion, une excellente série qui évite les pièges du genre didactique. Une lisibilité parfaite associé au charisme des personnages feront le reste. Magistralement dessiné et mise en scène, le trône d'argile ne pourra que vous séduire.



Rares sont désormais les séries que j'achète. J'ai atteint un point de saturation et il me faut surtout compléter toutes les séries existantes. Et pourtant, j'ai fais une réelle exception pour le trône d'argile que j'ai découvert bien tardivement. Une récente relecture n'a fait que confirmer tout le bien que je pense de cette série historique. C'est l'une des meilleures d'un genre que j'affectionne.



Note Dessin:4/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.25/5
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Le Trône d'Argile, tome 2 : Le Pont de Montere..

L'histoire est en marche et, alors qu'on ne peut plus espérer grand chose de Charles VI, son fils Charles (futur Charles VII dit 'Le Victorieux') compte sur les doigts de la main ceux qui lui sont fidèles.

Face à sa mère qui le renie, le Duc de Bourgogne Jean-sans-Peur et le roi Henri V qui, tous le pensent faible, Charles a cependant quelques atouts que sont sa future belle-mère, la formidable Yolande d'Aragon et le très courageux Tanneguy du Châtel.

C'est très intéressant, c'est bien raconté et le dessin est plutôt agréable.

Je trouve cependant que les personnages qui ressortirons victorieux de toute cette histoire soient dépeints comme très très bons et les autres très très vilains. Un peu moins de manichéisme aurait été de rigueur à mon sens.

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Le Trône d'Argile, tome 1 : Le chevalier à la ha..

Ahh, une bd historique scénarisée par une historienne, voilà qui fait plaisir.

C'est bon, c'est très bon. L'histoire est dense, bien construite et bien relatée. Les personnages sont bien individualisés et bien retranscrits. C'est sympa même certains personnages, passés à la postérité et ayant influencé les personnages de la littérature postérieure, soient en quelques sorte devenus des clichés.

Toutefois, je conseillerai cette BD à des personnes ayant déjà de solides bases en histoire médiévale. Le contexte n'est pas présenté et, sans connaitre un minimum l'histoire de France au XVe siècle, on risque fort de ne pas tout comprendre.

Le dessin est très bon, régulier et bien maîtrisé. La mise en page est sympa également.

A suivre!
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Clément V : Le sacrifice des Templiers

La torture ne sert pas la vérité.

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Ce tome contient une biographie partielle du pape Clément V qui se suffit à elle-même et ne nécessite pas de connaissances préalables. Il a été écrit par France Richemond, médiévaliste, dessiné et encré par Germano Giorgini, et mis en couleurs par Florence Fantini. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée, et la première édition date de 2021. La scénariste a également écrit un autre tome de cette collection consacrée aux papes : Léon le Grand : Défier Attila (2019), dessiné par Stefano Carloni. le tome se termine avec un dossier documentaire de huit pages, réalisé par Bernard Lecomte, composé des parties suivantes : Clément V premier pape d'Avignon, Un Bordelais nommé Bertrand de Got, Les 17 papes français, Philippe IV le Bel plus puissant que le pape ?, Qui étaient les templiers ?, Les routes des trois grandes croisades, Les moines soldats iront-ils en enfer ?, La croix rouge, La fin des templiers, Un procès scandaleux, Jacques de Morlaix trahi par le pape, le pape Formose, le vin des papes, Les rois maudits, un lexique.



Lyon, basilique Saint-Just. le 14 novembre de l'an de grâce 1305. Couronnement de Bertrand de Got. Qui devient le pape Clément V. Il reçoit la tiare à la double couronne. Couronne du royaume terrestre. Couronne du royaume spirituel. Il devient ainsi le père de tous, princes et roi, le recteur de la Terre, le vicaire du seigneur Jésus-Christ. Alors que la procession du nouveau pape monté sur sa mule pontificale avance dans les rues de la ville, un mur sur lequel étaient montés des spectateurs s'écroule. Plusieurs jours ont passé. le duc de Bretagne est mort. Gaillard de Got agonise. Onze décès jettent un voile de ténèbres sur le couronnement du pape. le roi Philippe le Bel vient le trouver : il a besoin de lui. Les rapports restent tendus avec l'Angleterre malgré les traités. le roi veut donner sa fille Isabelle, au prince héritier et il lui faut une dispense. le pape la lui accorde bien volontiers.



Le roi Philippe le Bel continue : La perte du royaume chrétien d'Orient est terrible. Son grand-père Saint Louis s'est sacrifié pour le créer. Aujourd'hui son oeuvre est anéantie ! Cette nouvelle croisade doit les implanter définitivement. Quelques croisés désordonnés ne suffisent pas. Il faut une armée de métier. Or les templiers ont failli. Leur stupide rivalité avec les hospitaliers a tout gâché. Ils ont oublié quel est l'ennemi. le pape répond que certes, mais ils ont défendu leur dernier bastion Saint-Jean-d'Acre jusqu'à la mort. le roi insiste : Élire l'orgueilleux Jacques de Morlay à la tête du Temple fut une erreur. Il se perd dans un jeu de puissance. le pape reconnaît que ce choix fut maladroit car Molay est si rigide. Il refuse la fusion avec les Hospitaliers. Il faut pourtant bien réformer le Temple puisqu'il n'y a plus de pèlerins à protéger. Ils ne peuvent être juste des banquiers. le roi intime au pape de faire cesser ce scandale qui souille l'Église. Il doit imposer la fusion ou les supprimer et créer un nouvel ordre.



Ce tome permet à la scénariste de revenir sur la disparition de l'ordre des Templiers, événement auquel elle faisait déjà référence dans Jeanne, la Mâle Reine, tome 1 (2018) avec Michel Suro. le titre annonce que l'ouvrage s'attache principalement à la vie du pape Clément V, et également à la fin de l'ordre des Templiers. le choix de la scénariste est de se focaliser sur la vie de Bertrand de Got (1264-1314) uniquement pendant la période où il fut pape. le récit commence donc avec son sacre en 1305 et il se termine avec son décès. La première séquence s'accompagne d'un moment spectaculaire, propice à capter l'attention du lecteur : le mur qui s'écroule et les badauds pris en dessous. Puis vient la biographie en elle-même qui parvient à mêler les tracas personnels de Bertrand de Got, en particulier ses problèmes de santé, ses difficiles décisions politiques pour essayer de résister à Philippe le Bel, et à maintenir l'autorité du pape sur l'Église, l'itinérance de sa curie, les événements historiques majeurs en France et en Italie, les attaques de Philippe le Bel contre les Templiers pour asservir leur ordre. France Richemond impressionne le lecteur par la dextérité avec laquelle elle parvient à gérer le volume d'informations nécessaires pour établir les enjeux et rendre compte des défis à l'échelle de l'Église, par le biais de dialogues plausibles, ce qui lui permet de limiter la taille des cartouches de texte, évitant ainsi l'effet exposé massif et indigeste.



La fluidité de l'exposé des informations revêt un tel naturel que le lecteur peut ne pas se rendre compte de la densité de la reconstitution. Si cet aspect l'intéresse, il consulte le lexique en fin d'ouvrage et se rappelle qu'effectivement les personnages représentés dans la bande dessinée ont évoqué Albert Ier de Hasbourg, Arnaud de Pellegrue, Boniface VIII, Célestin V, Charles d'Anjou, Charles II d'Anjou, Charles de Valois, Guillaume de Beaujeu, Guillaume de Nogaret, Henri VII de Luxembourg, Hugues de Payns, Jacques de Molay, Robert d'Anjou, Geoffroy de Charnay, etc. le lexique continue avec la liste des lieux traversés ou évoqués, au nombre d'une dizaine, avec par exemple Anagni (ville d'Italie où le pape Boniface VIII s'est fait arrêter en 1303 par l'envoyé de Philippe le Bel) ou Ferrare (puissante seigneurie italienne dans le delta du Pô). Vient ensuite une vingtaine de termes relatifs à la religion, dont concile cadavérique, gibelins, relaps. Ces trois registres de vocabulaires transcrivent bien les différentes dimensions du récit : politique et historique, française et italienne, histoire de l'Église et de son dogme. La scénariste sait transcrire toutes ces dimensions, sans faire de prosélytisme ou du dénigrement systématique, sans occulter le religieux.



Par la force des choses, un récit historique de cette nature impose une narration visuelle descriptive pour une reconstitution historique rigoureuse et documenté. le dessinateur impressionne également par sa capacité à remplir cet objectif : représenter les tenues d'époque et les costumes liés aux fonctions au sein de l'Église, montrer les cathédrales avec fidélité, ainsi que les rue des villes, les environnements particuliers comme des cellules ou la muraille d'un fort. Il représente les arrière-plans dans plus de 80% des cases, même celles avec des gros plans sur les personnages : le lecteur peut donc se projeter dans chaque et il ne ressent pas de solution de continuité qui serait provoquée par l'absence de décors plusieurs cases d'affilée. La séquence d'ouverture lui permet de mettre à profit la dimension spectaculaire de la cérémonie, puis du mur qui s'écroule. le lecteur constate que la scénariste a fait l'effort de penser en termes visuels chaque fois que la séquence s'y prête : un affrontement entre Templiers et infidèles à Saint-Jean-D'acre, le déplacement de la curie itinérante du pape, l'entrée en ville du roi et de ses soldats, l'arrivée à Avignon, celle au petit prieuré de Groseau, l'attaque des remparts de Ferrare par l'armée d'Arnaud de Pellegrue, les Templiers mis au bûcher à l'orée du bois de Vincennes, le banquet de clôture du concile, l'exécution de Jacques de Morlay. de la même manière, il est visible que le dessinateur a conçu des plans de prise de vue spécifique pour chaque discussion, évitant l'alternance mécanique de champ / contrechamp, montrant ce que font les personnages pendant les échanges, où il se trouvent. L'investissement de l'artiste sur la mise en scène participe de manière significative à la fluidité globale de la narration, à se tenir à l'écart de tout impression de texte copieux limitant les cases à de simples illustrations.



Le lecteur se retrouve vite transporté auprès du pape Clément V. Il sait bien qu'il ne s'agit pas d'un reportage pris sur le vif, qu'il n'existe pas d'archives visuelles ou audio permettant d'avoir la certitude que les événements se sont bien déroulés de cette manière, que les personnages ont prononcé ces paroles ou ont pris ces positions. Les auteurs savent rendre plausibles ce qu'ils racontent, le lecteur étant d'autant plus convaincu par la solidité des références, par la densité d'informations. Il éprouve la sensation que cette reconstitution lui montre pour partie la vérité. Il voit bien que les auteurs se tiennent à l'écart d'une représentation manichéenne ou simpliste : le pape n'est pas un héros ayant permis d'éviter le pire face à un roi omnipotent, ni un lâche ayant abdiqué toute responsabilité et se pliant aux diktats de Philippe le Bel. La réalité décrite s'avère complexe. Les personnages agissent conformément à la structure sociale de l'époque, à l'existence d'une religion d'état, aux jeux des alliances politiques et des guerres. La narration n'essaye pas d'intégrer tous les événements, de gaver le lecteur de passages encyclopédiques : elle s'appuie plutôt sur des événements montrés, et d'autres évoqués, laissant le lecteur libre d'aller se renseigner plus longuement s'il le souhaite. le dossier documentaire en fin d'ouvrage apporte des informations complémentaires, ou présente certaines sous une autre facette que la bande dessinée, s'avérant très intéressant.



La reconstitution historique est un genre à part entière, particulièrement exigeant en termes de recherches, de compréhension du contexte de l'époque, et assez difficiles à restituer de manière agréable sous forme de bande dessinée. le lecteur fait le constat par lui-même de la rigueur et de l'investissement des auteurs dans leur ouvrage, ainsi que de leur coordination et de leur complémentarité pour réaliser une narration agréable à la lecture, sans rien sacrifier à l'ambition de cette reconstitution. L'ouvrage donne envie de découvrir cette époque, les actions de ce pape, et une fois terminé, le lecteur en ressort avec l'envie d'en apprendre plus. Une belle réussite.
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Léon le Grand : Défier Attila

Vous êtes étranges, vous les chrétiens. Vous adorez des perdants qui ont été mis à mort.

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s’agit d’une reconstitution de la vie de Léon Ier le grand de l’an 452 à l’an 455. Sa première édition date de 2019. Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Stefano Carloni pour les dessins, et Luca Merli pour la couleur. Il comporte quarante-six planches de bande dessinée. En fin d’ouvrage, se trouve un dossier écrit par Bernard Lecomte, développant le contexte historique dans lequel a vécu le quarante-cinquième pape : Le déclin de l’Empire romain, Un pouvoir impérial en déconfiture, La primauté de Rome, Que sait-on de Léon ?, Léon triomphe à Chalcédoine, La lutte contre les hérésies, Le face-à-face avec Attila, Après Attila, Genséric, Ce qui reste de Léon.



À Milan, des barbares à cheval, poursuivent des citoyens et les exterminent avec leur épée : c’est un massacre ! Quelques temps auparavant, à Ravenne, dans le palais de l’empereur d’Occident, Valentinien III reçoit le vénérable Léon, évêque de Rome. Avant que l’hôte ne soit autorisé à entrer, la discussion s’engage entre l’empereur, son épouse Licinia Eudoxia et Honoria la sœur de Valentinien. Son épouse lui reproche de ne pas s’intéresser à la religion, de ne pas avoir l’envergure de son cher père, l’empereur d’Orient qui a tant lutté pour la Foi, que son manque d’ambition a pour conséquence que l’empire restera éternellement divisé entre l’Orient et l’Occident. Il rétorque qu’il n’a peut-être pas d’envergure, mais qu’il est vivant, alors que son père Théodose vient de se tuer bêtement, d’une chute de cheval. Elle réagit : il aurait pu en profiter pour réclamer l’empire d’Orient puisqu’elle est la seule héritière, au lieu de laisser sa tante Pulchérie se saisir de la pourpre avec Marcien, son époux fantoche. Il décide de faire entrer le pape Léon premier.



Le pape l’informe que c’est un jour heureux : le concile de Chalcédoine que la défunte impératrice Galla Placidia souhaitait tant a rétabli la pureté de la Foi. Licinia en rajoute : la mère de l’empereur savait, elle, que le destin de l’empire est lié à celui de l’Église. Léon premier synthétise les faits : une grave hérésie est venue du moine Eutychès, supérieur d’un puissant monastère de Constantinople. Sa réputation de sainteté et d’ascèse rayonnait dans tout l’Orient, pourtant il s’acharnait dans l’erreur monophysite. Eutychès refusait de croire que le Seigneur Jésus ait une âme humaine. Il la jugeait incompatible avec sa divinité. Honoria rappelle que l’empereur Théodose avait tout fait pour protéger ce moine. Jusqu’à convoquer un concile dans le seul but de faire lever l’excommunication lancée contre lui. Concile où l’on refusa la parole aux légats du vénérable pape Léon, et où Flavien, le patriarche de Constantinople, fut arrêté violemment en pleine séance. Les rappels théologiques continuent ainsi jusqu’à l’irruption d’un soldat qui les informe qu’Attila et ses Huns sont en train de massacrer les romains dans la cité de Milan.



Un défi ambitieux : une reconstitution historique, devant en plus évoquer la Foi catholique puisqu’il s’agit d’un pape. Le lecteur habitué des bandes dessinées à caractère historique s’est déjà forgé son horizon d’attente : des dessins descriptifs, avec beaucoup de dialogues ou d’exposition à rendre vivants, quelques exagérations romanesques dans les prises de vue, une nécessité contraignante pour la scénariste d’exposer de nombreux éléments historiques dans une pagination restreinte, également par le biais de cartouches. La première séquence comporte deux pages consacrées au massacre des habitants de Milan par les Huns. La prise de vue est dynamique, avec des angles et des cadrages accentuant l’impression de mouvement par des plongées et des contreplongées, de la violence. Il n’y a que quatre phylactères très courts pour laisser la place à l’action visuelle. La seconde séquence se déroule sur six pages, des discussions en deux parties, d’abord entre l’empereur, sa sœur et son épouse, puis avec l’interlocuteur supplémentaire qu’est le pape Léon. L’artiste met en œuvre un réel savoir-faire, avec une forte implication pour que la prise de vue ne se limite pas à une simple alternance de champ et contrechamp. Il ne lésine ni sur la représentation des arrière-plans, ni sur les angles de vue travaillés, avec par exemple une vue de dessus de la salle du trône pour établir la configuration de la pièce. La scénariste entremêle les informations avec l’état d’esprit des personnages, faisant ainsi passer leurs émotions. La narration s’avère vivante, retenant l’attention du lecteur.



Au vu du titre et du sujet, cette bande dessinée attire le lecteur qui y vient en toute connaissance de cause : un récit historique sur un moment précis de la vie du quarante-cinquième pape, dans un contexte bien défini. Pour autant, les auteurs doivent s’adresser aussi bien au néophyte qu’à celui qui dispose déjà de quelques notions. Pour être crédible, le dessinateur doit être en mesure de proposer des visuels plausibles, et de nature descriptive, ce qui induit un bon niveau de recherches de références historiques, ainsi qu’un degré de détails suffisant, sans devenir trop pesant. S’il a déjà lu d’autres bandes dessinées historiques, le lecteur se retrouve très favorablement impressionné par l’investissement de Stefano Carloni pour donner à voir cette époque. Le lecteur prend le temps de savourer les différents lieux et leurs aménagements : la salle du trône de Valentinien III avec son dallage, ses colonnes, son plafond, le camp des huns et leurs tentes, celle d’Attila où il reçoit le pape, les meubles, les tapis, les plats et les mets servis, l’extérieur du palais impérial à Rome, sa piscine pour les bains, le port de Rome alors qu’arrivent les navires de la flotte de Genséric, roi des Vandales et des Alains, la grande place de Rome, l’étude dans laquelle Léon dicte ses missives et rédige ses sermons, etc. Le dessinateur ne se contente pas de représenter le décor dans la première case de chaque séquence, puis de laisser les fonds vides au bon soin du coloriste : il les représente dans presque toutes les cases, ce qui permet au lecteur de se projeter dans chaque lieu, d’avoir à l’esprit où se déroule chaque scène, de découvrir d’autres aspects du lieu dans les cases suivantes en fonction des mouvements de caméra.



D’une manière tout aussi solide et documentée, la scénariste dose habilement les informations historiques et leur exposé, avec des moments faisant ressortir la personnalité ou l’émotion des personnages. Le lecteur n’éprouve jamais la sensation de se perdre en route, ou de passer à côté des enjeux. La scène d’ouverture établit visuellement qu’il s’agit d’éviter que Rome et ses habitants ne subissent le même sort que Milan et les milanais. Les personnages historiques bénéficient d’une présentation savamment dosée pour être définis, sans jamais avoir l’impression de lire une fiche dans une encyclopédie. Le lecteur fait ainsi connaissance avec Valentinien, son épouse Licinia Eudoxia, sa sœur Honoria, le pape Léon, Flavius Aetius, Attila, le sénateur Flavius Bassus Hercolanus, Dame Lucina et son époux, etc. Dans le même temps, il prend note de ceux qui sont évoqués lors de conversation : Priscillien (340-385), Marcien (392-457), Pélage (v. 350 - v. 420), etc. Leur mention se fait avec ce qu’il faut d’informations pour qu’il ne s’agisse pas d’une liste désincarnée, sans devenir trop pesant. Lorsque se produit le face-à-face promis par le titre, le lecteur situe aussi bien Attila en tant que chef de la horde des Huns, et les enjeux pour lui, que le pape Léon, d’où il vient et sa foi. L’entretien s’avère passionnant, sans que les auteurs n’aient besoin de recourir à une dramatisation artificielle ou appuyée.



L’évocation d’un moment de la vie d’un pape ne s’arrête pas à une reconstitution historique de nature politique : le lecteur attend également que soit évoqué l’Église et la Foi. La scénariste n’occulte pas cette dimension, sans faire ni œuvre de prosélytisme, ni se montrer moqueuse. Elle établit l’Église comme une force politique indissoluble de l’unité de l’empire. Elle ne se limite pas à ça : elle intègre le fait que le pape est le chef de l’Église et le montre à l’œuvre. Il ne s’agit pas de le montrer accomplissant les rituels catholiques : elle met en scène son apport décisif à l’unité de l’Église en luttant contre les hérésies. À nouveau, pas besoin d’être versé dans l’histoire du dogme catholique pour comprendre les enjeux. La narration comporte les éléments nécessaires à la compréhension d’hérésies comme le monophysisme, le pélagianisme ou le manichéisme. Libre au lecteur de continuer en allant chercher de plus amples informations dans une encyclopédie. Après avoir parcouru le dossier en fin d’ouvrage, il prend mieux la mesure de la qualité d’écriture et de narration de la bande dessinée : ce texte vient étoffer ce qui est exposé dans la bande dessinée, attestant qu’elle contient bien tous les éléments essentiels.



Parfois, un lecteur doute que les auteurs parviennent à tenir leurs promesses, tellement le projet est ambitieux. Ici, il vient pour découvrir qui fut le pape Léon premier, pourquoi il a laissé une trace dans l’Histoire, et dans quelles circonstances il s’est retrouvé face à Attila, sans forcément nourrir un goût prononcé pour la religion. Il reconnait bien les spécificités propres à la majeure partie des bandes dessinées historiques : dessins descriptifs pour donner de la consistance à la reconstitution, et volume d’informations important. Il se rend vite compte que dessinateur et scénariste se montrent très compétents et investis pour réaliser des planches sans dramatisation artificielle ou arrière-plans sporadiques, avec un dosage de l’information remarquable. Les personnages historiques sont animés par des motivations et des émotions réelles, tout en restant cohérents avec la vérité historique. Le rôle de l’Église est au cœur du récit, ainsi que l’importance du pape, sans prosélytisme, tout en établissant les enjeux tant politiques que théologiques de l’institution. Remarquable.
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 3

Régner, n’est-ce pas la gloire suprême ?

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Ce tome est le dernier du triptyque commencé avec Jeanne, la Mâle Reine, tome 1 (2018) qu’il faut avoir lu avant. Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Michel Suro pour les dessins, et Dimitri Fogolin pour les couleurs. La première édition date de 2021. Cette bande dessinée compte soixante-deux pages. Elle comprend un arbre généalogique avec les membres de la famille royale, de la couronne d’Angleterre et de celle de Flandres, avec à chaque fois leur âge au début du tome. Philipe VI de Valois, Jeanne de Bourgogne, Jean de France, Marie de France, Robert d’Artois, Jeanne de Valois, Jean d’Artois, Jeanne de France reine de Navarre, Jeanne de France fille de Philippe V & Jeanny, Philippe de Bourgogne, Édouard III Plantagenêt, Louis de Nevers, Macé Ferrand, Robert Bertran sire de Bricquebec, Jean de Marigny, Gaucher de Châtillon, Evrard d’Orléans, Guy Baudet, Jeanne de Divion. Inutile de dire qu’avec pas moins de six personnages portant le prénom de Jeanne, cette présentation est la bienvenue. Le tome se termine par un texte d’une page écrit par la scénariste, évoquant la place des femmes à cette époque, la personnalité hors norme de la reine Jeanne, l’impossibilité de savoir si elle boitait réellement, les accusations plus ou moins fondées à son encontre, ses deux conseillers, et l’affaire des faux documents de la Divion.



1328, ça y est : Jeanne est enfin reine, épouse du roi Philippe VI à qui elle a donné un fils, Jean, et une fille, Marie. Jeanne de Valois vient le remercier, lui assurant que, grâce à elle, sa mère la reine Marguerite d’Anjou serait satisfaite. Son conseiller Evrard d’Orléans, imagier et sculpteur, vient l’informer que Robert est en train de manigancer quelque-chose avec le comte de Flandre. Dans la cour du château, le roi Philippe VI est en train de sacrer chevalier Louis de Nevers, et il lui confie Joyeuse, l’épée du très noble Charlemagne. Une fois la cérémonie terminée, il rentre dans ses appartements, accompagné par Robert, d’Artois, l’époux de Jeanne de Valois, la demi-sœur du roi. Jeanne ne mâche pas ses mots : Louis est un benêt, un imbécile qui s’est tant mis à dos ses gens qu’ils l’ont chassé de ses terres. Philippe VI en a bien conscience et il sait qu’il va devoir lui offrir son aide pour reconquérir la Flandre qui est une déchirure dans le royaume.



Il y a vingt-six ans, à la bataille de Courtrai, l'armée du roi Philippe IV de France fut défaite par les milices communales flamandes aidées par des milices venues de Zélande. Le 19 mai 1328, a lieu le sacre du couple royal, Philippe VI de Valois et Jeanne de Bourgogne. Le comte de Flandre apporte l’épée de Charlemagne. Bien que la saison soit déjà fort avancée et que les terres soient spongieuses avec un risque d’embourbement, Philippe VI commence son règne par une campagne militaire. Août 1328, l’ost royal entre en Flandre. Non loin de Cassel, les Flamands se sont installés dans une place forte en hauteur.



Cette bande dessinée fait honneur au titre de la série puisque Jeanne de Bourgogne est devenue une reine, et elle a participé à plusieurs reprises à faire verser le sang. Tout du long de ce tome, elle continue à instiguer ses manigances, avec l’aide de ses deux conseillers Evrard d’Orléans (1290-1357, imagier et sculpteur) et Guy Baudet (clerc) : faire incendier les villages des Flamands, envoyer Robert d’Artois pour faire fléchir Isabelle de France (1295-1358, fille du roi de France Philippe IV le Bel et de Jeanne Ire, reine de Navarre), dérober le sceau royal, incriminer le chevalier au Vert Lion (Robert Bertrand, sire de Bricquebec, 1273-1348) auprès du roi, taire la tentative d’assassinat de Macé Ferrand chambellan du roi dont elle a été le témoin, taire la falsification de documents officiels, réaliser une tentative d’assassinat sur Jean de Marigny (1285-1351) nouveau chambellan du roi, participer à déclencher une guerre. Le lecteur découvre que ce tome couvre la période allant de 1328 à 1338, c’est-à-dire qu’il s’arrête onze ans avant la mort de Jeanne la boiteuse, et qu’il n’est pas prévu de tome quatre. D’un côté, ce choix déconcerte puisque Jeanne a assuré épisodiquement la régence à partir de 1338. D’un autre côté, l’année de fin retenue correspond à l’aboutissement de ce qui est peut-être sa plus grande forfaiture.



À nouveau, les événements historiques s’avèrent nombreux et le lecteur néophyte peut parfois éprouver le besoin d’aller consulter une encyclopédie pour étoffer ses connaissances afin de mieux les appréhender. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de chevalier au Vert Lion ? À quels territoires actuels correspondent l’Artois, la Guyenne ? Qui était l‘aventurière Jeanne de Divion (1293-1331) ? Combien cette reine a-t-elle eu d’enfants, et combien ont survécu ? Que s’est-il passé en 1302 à la bataille de Courtrai ? L’affaire de la contrefaçon de documents officiels par Robert d’Artois a-t-elle eu lieu, avec ces différents rebondissements ? Dans sa postface, la scénariste précise les faits historiquement prouvés, et ceux qu’elle a imaginés. C’est là qu’une histoire, tout en respectant le contexte prend la place de l’Histoire. Le lecteur éprouve la sensation que ce dernier tome présente une lecture plus fluide, alors même qu’il contient une quantité d’événements aussi importante que les tomes précédents, voire peut-être plus. Certes, de nombreux éléments ont été exposés dans les deux premiers tomes, et le lecteur les a déjà assimilés. Mais il y en aussi beaucoup de nouveaux qui sont évoqués et exposés de manière organique, avec un naturel épatant. D’un côté, le complot à base de documents contrefaits fonctionne comme un thriller ; de l’autre côté, il nécessite lui aussi une bonne quantité d’informations pour pouvoir être captivant.



Dans la postface, France Richemond indique qu’elle a respecté les faits historiques établis, ce qui lui laissait encore une grande latitude pour attribuer telle ou telle décision à un personnage ou à un autre, pour supputer sur leurs motivations, pour imaginer la personnalité de Jeanne la mâle reine. Est-ce un exercice vain car la vérité est à tout jamais inaccessible, ou est-ce une façon d’insuffler de la vie dans cette Histoire révolue ? Quoi qu’il en soit, les deux auteurs mettent du cœur à l’ouvrage, avec tout leur savoir-faire. La motivation de Jeanne apparaît clairement, ainsi que son adresse stratégique et son habileté politique. Le lecteur ressent une forte empathie pour Jeanne de Valois faisant tout pour récupérer l’Artois dont elle s’estime avoir été spoliée. Robert d’Artois impressionne de bout en bout, à la fois pour son amitié vis-à-vis de Philippe VI, son sens de l’honneur, son courage quand il se retrouve à devoir soutenir envers et contre tout ce qu’il sait être une contrefaçon en étant très conscient des risques qu’il encourt. Jeanne de Divion en impose avec sa fougue et sa ressource. Le lecteur se sent même intimidé par le calme du pape Jean XXII quand il reçoit Robert d’Artois dans sa résidence d’Avignon et qu’il prend ses décisions en les expliquant posément avec douceur.



Comme dans le tome précédent, les dessins assurent une narration visuelle qui semble factuelle, sans grâce, très fonctionnelle. Des cases sagement alignées en bande, sauf de temps en temps une qui fait la hauteur de deux bandes, et sporadiquement quelques cases en insert. Comme dans le tome précédent, le lecteur observe que la mise en couleurs est également dans un registre fonctionnel, naturaliste, sans effet spéciaux notables. Comme dans le tome précédent, il apparaît vite que l’artiste ne s’économise pas. Il est très rare qu’il mette en œuvre un raccourci visuel pour avoir moins à dessiner, telle qu’une discussion avec seulement des têtes en train de parler sans arrière-plan. Au contraire, il met un point d’honneur à représenter le lieu durant l’intégralité de chaque séquence afin que le lecteur conserve sa sensation d’immersion dans un champ de bataille, dans la nef de la cathédrale de Reims, dans le camp de l’ost royal, dans la résidence royale à Paris, dans le jardin du pape Jean XXII, dans la cour du château pendant les jeux chevaleresques, au domaine de Reuilly, sur les côtes du côté de Calais, etc. Il se montre tout aussi impliqué pour la représentation des tenues d’époque, pour les armes et les accessoires. De temps à autre, le lecteur ralentit pour savourer une case qui sort plus de l’ordinaire : une case tout en longueur et de faible hauteur avec les cavaliers de l’armée (planche 5), Jeanne tranchant la gorge d’un espion (planche 8), le vol d’un oiseau devant le mur des douves du château (planche 14), des pigeons picorant les graines jetées par le pape (planche 21), un escalier en colimaçon (planche 23), un petit pont de pierre sous la neige (planche 40), le roi en train de se laver les mains (planche 44), l’arrivée d’une blanche colombe sur la rambarde de pierre d’un balcon (planche 52), etc.



De la même manière, le lecteur observe que la scénariste ne se contente pas de relater les faits en insufflant une personnalité et des motivations aux unes et aux autres. En commençant par lire la double page de présentation des personnages, il constate que leur âge au début du tome est spécifié : ce n’est un groupe d’acteurs tous identiques, mais des individus avec une expérience de la vie de durée variable. De temps à autre, un personnage fait une remarque dont le sens ne se limite pas à apporter une information ou à faire avancer l’intrigue. Ils ne pratiquent pas la même guerre. Régner, n’est-ce pas la gloire suprême ? La chance nous a constamment favorisés, comme si nous n’étions que les instruments d’une force qui nous dépasse. Dans sa postface, la scénariste explicite que les femmes du moyen-âge, fussent-elles reine, sont pratiquement absentes des sources. Se trouvent parfois leur date de naissance, toujours celle de leur mariage, de la naissance de leur fils et de leur mort s’il y a héritage. Jamais rien de personnel… Elles traversent l’Histoire sans laisser des traces. Il faut chercher des informations dans toutes les dérives (scandales, procès, lettres de rémission), dans les comptes lorsqu’on les a, dans les actes (donations, alliance, testament). C’est un temps misogyne. Pour autant, elle n’a pas transformé son interprétation de la vie de Jeanne de Bourgogne en pamphlet féministe : elle montre à la fois comment cette femme souhaite être à la hauteur de ce que la société de l’époque lui impose (donner un héritier mâle au roi), à la fois comment elle exerce un pouvoir à l’égal d’un homme.



Une bande dessinée historique doit observer des contraintes, des exigences de genre aussi fortes que les conventions narratives de n’importe quel autre genre, peut-être plus. Celles-ci pèsent lourdement rigidifiant la façon de raconter, en imposant l’exposé de nombreuses informations historiques. Les auteurs ont donné l’impression d’avoir progressé à chaque tome, aboutissant à un dernier mené de main de maître, pour une fresque d’une grande richesse sans que la pesanteur redoutée se fasse sentir. Une reconstitution historique d’une grande qualité, avec des personnages qui existent vraiment. Une réussite revigorante.
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 2

Nulle femelle ne régnera au pays des lys.

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Ce tome est le deuxième du triptyque commencé avec Jeanne, la Mâle Reine, tome 1 (2018) qu’il faut avoir lu avant. . Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Michel Suro pour les dessins, et Dimitri Fogolin pour les couleurs. La première édition date de 2019. Cette bande dessinée compte cinquante-quatre pages. Elle comprend un arbre généalogique avec les membres de la Couronne de France, du Comté de Valois, du Duché de Bourgogne et du Comté d’Artois, permettant de situer Jeanne par rapport à Saint Louis, Louis VIII le lion, Robert I d’Artois, Philippe IV le Bel, Charles comte de Valois, Louis comte d’Évreux, Mahaut et Philippe d’Artois, les personnages historiques de sa génération représentant l’Angleterre, la Couronne de France, le comté de Valois, le comté d’Évreux, le duché de Bourgogne, le comté de Bourgogne, le comté d’Artois, et la génération suivante avec Édouard III roi d’Angleterre, la petite Jeanne fille de Louis X le Hutin, Jeannie fille de Philippe le Long, Philippe de Bourgogne.



Ambassade de Jeanne de Bourgogne, comtesse du Maine, au château d’Hesdin, résidence de Mahaut d’Artois. Cette dernière observe l’entrée des cavaliers et de la roulotte dans la cour de son château, en indiquant à un conseiller qu’elle se demande ce que veut sa sœur de Marguerite. Elle reçoit l’ambassade dans la grande salle, assise sur son trône. Évrard d’Orléans s’agenouille devant elle à distance respectueuse et lui délivre le message : sa maîtresse souhaite gloire et longue vie à la princesse de la maison capétienne d'Artois, comtesse d'Artois et pair de France, comtesse de Bourgogne. Jeanne de Bourgogne l’estime et elle a chargé son émissaire de lui faire présent son œuvre : les heures de Notre-Dame dont il a peint chaque tableau. La comtesse s’approche et s’étonne qu’il n’y ait pas de frontispice, et elle remercie Évrard. Plus tard un conseiller vient le voir dans ses appartements pour lui indiquer de représenter madame d’Artois en prière pour le frontispice. Après quelques jours, un garçon de l’ambassade vient le prévenir que Mahaut reçoit Maubusier, un chef de guerre.



Évrard se rend dans la pièce où se tient le rendez-vous pour espionner. Il se découvre et prend la parole. Il estime que le projet de Mahaut et du chef de guerre est voué à l’échec : attaquer et Château-Gaillard où est détenue sa fille Blanche, et la forteresse de Dourdan où est détenue sa fille Jeanne II. Il est vite maîtrisé par les deux hommes armés. Il commence à exposer une stratégie alternative. La comtesse congédie Maubusier et son homme, et elle l’écoute. Évrard continue : Jeanny, la fille de Mahaut, possède les droits sur la Bourgogne. Or son seul crime est de ne pas avoir dénoncé Blanche et Marguerite, coupables d’infidélité. Il faut la faire réhabiliter. C’est le gendre de Mahaut qu’il faut séduire : le roi ne refusera pas la libération de Jeanny à son frère. Il poursuit son raisonnement : le comte de Poitiers est un homme intelligent. Il a deux bonnes raisons de pardonner : il n’a pas encore de fils et il veut garder le comté. Il est aussi captif de cette lamentable affaire que Jeanny. Il se propose ensuite d’aller parlementer. Puis la discussion évoque l’inflexibilité de Louis X et sa mortalité. Mahaut rappelle qu’elle est une des douze pairs du royaume et que ceux-ci élisent les rois, mais ont aussi le pouvoir de les déposer s’ils faillent. Or Louis ne respecte plus la tradition, ni leurs conseils et Dieu lui-même montre sa colère par des signes terribles.



L’ascension de Jeanne de Bourgogne vers le trône de France continue. Du fait de la nature historique du récit, le lecteur sait déjà ce qu’il va se passer, plus ou moins dans le détail. En effet, cette période qui va de 1316 à 1328 s’avère particulièrement riche, avec le décès de deux rois : Philippe V le Long en 1322, Charles IV le Bel (Charles de la Marche) en 1328. D’autres morts suspectes, avec des soupçons d’empoisonnement. Comme toujours, le destin semble favorable aux projets de Jeanne. Le roi d’Angleterre, Édouard II, refuse de rendre hommage pour le duché de Guyenne. Le premier août 1323, Roger Mortimer, chef de la dissidence, se réfugie en France où le roi l’accueille avec amitié et refuse de le livrer. Charles IV fait saisir la Guyenne, comme le droit seigneurial le permet. Isabelle, l’épouse d’Édouard va négocier avec son frère. En trois planches, le lecteur voit passer la révolte des Pastoureaux de 1320, une insurrection populaire contre les puissants. En découle un nombre de personnages historiques imposants. Jeanne la mâle reine bien, sûr, répertoriée sous le nom de Jeanne I dans les encyclopédies, car il y a Jeanne II de Bourgogne (1291-1330), comtesse de Bourgogne et d'Artois, Jeanne III (1308-1347), princesse française, fille aînée du roi de France Philippe V le Long, et Jeanne II de Navarre, fille de Louis X de France et de Marguerite de Bourgogne. Comme dans le premier tome, la scénariste présente donc énormément d’informations qu’elle réussit à faire passer majoritairement dans les phylactères, rendant la lecture plus vivante. Il n’y a que lorsque Édouard II est acculé à négocier par le pape, que la narration passe en mode de cartouches de texte, illustrés par un dessin entièrement dicté par les informations.



Comme dans le premier tome, l’artiste a fort à faire pour donner à voir chaque personnage, chaque lieu, chaque séquence. Dans un premier temps, le lecteur ne prête pas forcément une grande attention aux différents individus qui sont évidemment habillés avec des tenues d’époque. Arrivé en page quatorze, il prend conscience de la qualité du travail de reconstitution historique réalisé par Michel Suro. Ce dernier se montre très investi pour les coupes de cheveux, les pilosités, les accessoires, les différences entre les armoiries. La scénariste présente les trois clans en lice pour s’arroger la maîtrise de la succession au trône. Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, et son fils époux de Jeanne. Le comte de Poitiers qui vient de s’imposer régent, et la tante de Philippe VI la grande Mahaut, sa belle-mère. Le duc de Bourgogne et Agnès, mère de Jeanne, fille de Saint Louis. Il est possible que le lecteur commence à perdre pied devant tant de personnages historiques, surtout s’il n’est pas familier de cette époque. Quelques pages plus loin, il se souvient que chacun de ces six individus portait une coiffe ornée différemment, ainsi qu’une coupe de cheveux différente. S’il est perdu, il revient à cette page, et il se rend compte qu’il dispose de repères visuels permettant de savoir qui est qui, sans risque de se tromper.



À aucun moment, le lecteur n’éprouve la sensation de revenir à une scène identique avec à nouveau des personnages en train de papoter pour comploter. D’un côté, la scénariste prend bien soin d’identifier les individus en présence, de préciser l’endroit où se déroulent les conciliabules ou les négociations. Elle sait aussi inclure des moments de nature différente, y compris quelques scènes d’action. De son côté, l’artiste ne chôme pas non plus. Il s’investit dans chaque scène pour représenter les lieux dans l’écrasante majorité des cases. Le lecteur peut donc prendre le temps de regarder la cour intérieure du château d’Hesdin, sa grande salle de réception, le chemin de ronde sur les fortifications du château de Poitiers, les jeux sur les grande prairie autour du château de Vincennes, puis la forêt alentour, plusieurs pièces de l’hôtel des Valois à Paris, une vue aérienne du palais de la Cité, un grand banquet avec un montreur d’ours, les artères de la ville de Reims, le sacre dans la cathédrale de Reims, l’attaque des pastoureaux dans une zone naturelle à quelques distance de Carcassonne, un tournoi, le navire emmenant Isabelle d’Angleterre en France. Afin d’être en phase avec la densité du récit historique, il réalise des planches comprenant en huit et dix cases, pouvant monter jusqu’à treize cases. Il utilise des cases bien rectangulaires, bien alignées, avec quelques inserts et régulièrement une case de la hauteur de deux bandes. Les dessins peuvent paraître parfois un peu appliqués, pour autant la narration visuelle s’avère riche et rigoureuse.



La scénariste parvient à faire exister ces personnages historiques, en privilégiant les discussions aux cellules de texte, ce qui les met en scène, les fait s’exprimer, leur donne de la place. Elle sait entremêler les intrigues de la cour, les complots dans les différentes familles, sans oublier l’usage des poisons, dont certains exotiques (une recette : pieds de crapaud, têtes de couleuvre, sang d’enfant, urine de vierge, hostie consacrée), l’espionnage, les questions d’hérédité et de légitimité, les cérémonies officielles comme les couronnements, et les relations entre les individus. Elle parvient à intégrer une quantité impressionnante d’informations de manière organique, sans que la lecture ne devienne indigeste. Elle doit toutefois faire des choix pour se conformer à la pagination dont elle dispose, ce qui peut parfois laisser dubitatif le lecteur qui n’est pas familier des grands événements de cette époque, ou qui découvre les différentes branches de la famille des Valois. Elle montre comment le destin de Jeanne de Bourgogne se constitue avec les événements historiques sur lesquels elle n’a aucune prise, et avec des opportunités saisies, des manigances impliquant parfois le meurtre, et souvent la manipulation politique de quelques-uns de ses proches, et de certains des grands de ce monde. Il n’est plus question du sorcier, le Bau Dru, mais la présence de la religion est montrée dans le quotidien, comme dans les cérémonies.



Ce deuxième continue avec les caractéristiques du premier. Le lecteur assiste à la vie de Jeanne de Bourgogne de 1316 à 1328, alors qu’elle met en œuvre des stratégies à long terme, en influençant ses proches et les décideurs pour arriver à ses fins. Scénariste et artiste réalisent une reconstitution historique consistante et dense, sans oublier de laisser de la place aux personnages, faisant tout pour trouver le juste équilibre entre la masse d’informations à exposer et la fluidité de la lecture.
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Jeanne, la Mâle Reine, tome 1

Une femme est un jardin qui doit être arrosé pour donner ses fruits.

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Ce tome est le premier d’une trilogie, dans la série des Reines de sang. Il peut se lire indépendamment des autres tomes de cette collection dont les équipes créatrices changent pour chaque reine de sang. Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Michel Suro pour les dessins, et Dimitri Fogolin pour les couleurs. La première édition date de 2018. Cette bande dessinée compte cinquante-quatre pages. Elle comprend un arbre généalogique avec les membres de la Couronne de France, du Comté de Valois, du Duché de Bourgogne et du Comté d’Artois, permettant de situer Jeanne par rapport à Saint Louis, Charles de Valois, Robert & Agnès de Bourgogne, Othon de Bourgogne & Mahaut d’Artois, Robert d’Artois.



An 1293, château de Montbard, résidence des ducs de Bourgogne. La très noble princesse Agnès, fille de Saint Louis, met au monde son cinquième enfant. Robert II revient d’une partie de chasse et pénètre dans l’enceinte de son château. Un noble lui annonce la naissance. Il se dit que cela fait quatorze ans que dame Agnès est son épouse, et le seul fils que Dieu lui ait donné, il l’a repris. Une dame de compagnie l’informe que la duchesse va bien, mais que la petite fille, ou plutôt sa jambe… Elle ne peut pas finir sa phrase et le père exige qu’on lui amène. Sa jambe gauche présente une malformation. Robert se demande de quoi ils sont punis. La jeune mère fait son entrée et elle exige également de voir sa fille. Elle estime qu’elle est marquée comme son neveu Louis, le fils de son frère Robert. Elle ordonne qu’on emmaillote fortement sa jambe pour essayer de la redresser. Les nourrices font de leur mieux, mais elles estiment que serrer les linges ne fera pas pousser sa jambe et il en manque un bout. L’une d’elle finit par prononcer ce que les autres pensent : c’est la marque de l’enfer.



Année 1299, devant le château, les enfants jouent à une variante de chat, où il faut attraper un autre enfant qui est désigné comme le boiteux et dont l’une de ses jambes est entravée par un foulard. Dans une salle du château, Jeanne regarde sa mère à la dérobée. Cette dernière lui suggère de la rejoindre sur son banc où elle est en train de lire un manuscrit. Elle lui pointe du doigt la finesse de cette calligraphie, la beauté de l’enluminure. Elle a été comme sa fille, une enfant solitaire car ce n’est pas rien d’être la fille du plus grand roy de la Terre. Elle était sa plus jeune enfant, et il était déjà âgé. Il avait peu de temps pour elle, mais parfois il la prenait près de lui et ils priaient sur un bréviaire ou un livre d’heures. Puis Agnès enjoint à sa fille d’aller jouer dehors. Dans la cour, elle se trouve tout de suite embêtée par les autres qui la jettent à terre en la traitant de boiteuse. Sa grande sœur Marguerite la suit alors qu’elle s’enfuit, et lui promet qu’elle sera toujours là pour elle. Paris est la capitale du royaume le plus puissant. Le peuple le plus riche de tous les royaumes chrétiens. Vingt-deux millions d’habitants, des frontières bien gardées, des routes sûres, un commerce vivant, des féodaux muselés. Royaume envié, respecté à l’alliance recherchée. Et plus que tout : royaume en paix. À sa tête, Philippe IV le Bel, un roi sans états d’âme. Avec une idée grandiose de la France, et prêt à tout pour la réaliser !



Cet album s’inscrit dans une collection appelée les Reines de sang. Il a pour ambition de reconstituer une page de l’Histoire de France, au travers de la vie d’un personnage historique, Jeanne de Bourgogne (1293 1349), surnommée Jeanne la Boiteuse, mariée avec Philippe VI de Valois, mère du roi Jean II le Bon, et reine de France de 1328 à 1349. Ce type de récit répond à des conventions propres à ce genre, la reconstitution historique, assez contraignante, voire pesante pour une narration en bande dessinée. Les auteurs doivent bien évidemment réaliser une reconstitution historique rigoureuse et dense, mais aussi évoquer ou expliciter les événements de portée nationale ou internationale ayant une incidence directe, voire indirecte sur la destinée du personnage principale. Ils doivent aussi faire bonne figure en comparaison du cycle romanesque de référence en la matière : Les Rois maudits, de Maurice Druon (1918-2009). En ce qui concerne le premier point, la scénariste est une historienne, ayant obtenue une maîtrise d’histoire médiévale, un diplôme d'études approfondies d’histoire moderne et réalisé deux cycles d'histoire de l'art à l’École du Louvre. Elle a également été la coscénariste de la série Le Trône d’argile, avec Nicolas Jarry, en six tomes parus entre 2006 et 2015. De fait, la narration s’avère dense évoquant les autres meneurs politiques comme Philippe IV le Bel, son chambellan et ministre Enguerrand de Marigny, son juriste et conseiller Guillaume de Nogaret, Othon et Mahaut d’Artois, les papes Boniface VIII, Benoît XI et Clément V, Jacques de Molay le maître des Templiers, etc.



Les auteurs évoquent également en toile de fonds de nombreux événements tels que la crise entre le roi Philippe IV le Bel et le pape Boniface VIII, le désir de reconquête de Jérusalem du pape Clément V, le mariage de Marguerite de Bourgogne avec le roi Louis X le Hutin, les aveux des Templiers, sous la torture, de crimes comme hérésie, idolâtrie, reniement du Christ, sodomie, simonie, la dissolution de l’ordre du Temple par le concile de Vienne en 1311/1312, etc. En fonction de sa familiarité avec ces faits historiques, le lecteur peut soit replacer ces repères qu’il connaît déjà, soit les découvrir comme des faits marquants, sans pour autant être obligé d’avoir une encyclopédie à portée de main pour s’y retrouver. L’obligation de reconstitution historique pèse également lourdement sur le dessinateur. À l’évidence, il doit se conformer aux tenues vestimentaires de l’époque, les ustensiles et accessoires diverses et variés, ce qui exige un solide travail de recherche. Il doit également représenter avec exactitude des lieux connus comme le château de Montbard, la résidence des ducs de Bourgogne, les rues de Paris et ses berges, la salle du trône du roi de France, la salle d’audience du pape dans la cité d’Anagni, l’intronisation de Clément V à Lyon, un bûcher atroce sur la grand place de Sens, la cour du roi de France, la salle du concile à Vienne, le château du Gué-de-Maulny près du Mans, etc. Il doit se plier à la contrainte de dessiner les scènes attendues, que ce soit les discussions entre les puissants du royaume, ou les armées en marche, les fastes des cérémonies, ou encore un tournoi de chevaliers.



Très vite, le lecteur fait deux constats. Le premier relève de la lecture en elle-même : elle n’est pas pesante, plutôt fluide, sans se transformer en cours magistral clinique. Le second concerne la reconstitution historique : elle n’est pas en carton-pâte. Les auteurs ne peuvent pas échapper à une forme de didactisme, puisque c’est la nature même du genre historique. Pour autant, le lecteur n’éprouve pas la sensation de passer d’une scène de déplacement ou d’affrontement bourrée de cartouches explicatifs, à une scène de discussion avec des personnages ne faisant qu’exposer la situation et les événements. Dans le même temps, il se fait une idée d’une partie des forces à l’œuvre sur le plan politique, à la fois intérieur et extérieur du pays. Le dessinateur reste dans un registre très académique, mais sans abuser des arrière-plans vides, sans systématiser les gros plans ou les très gros plans pendant les discussions. Il est visible qu’il a investi beaucoup de temps pour nourrir ses cases, pour les rendre visuellement intéressantes, à la fois par ce qui est représenté, à la fois par l’angle de vue choisi. De son côté, au cours de ce premier tome qui va de 1293 à 1315, la scénariste préserve des moments d’intimité avec la jeune Jeanne, enfant, puis adolescente, puis adulte, insufflant ainsi plus que le minimum syndical en termes de personnalité et de caractère. Elle parvient également à parler religion, en citant Thomas d’Aquin et Saint Augustin, sans se montrer moqueuse, ni rester dans des généralités prêtes à l’emploi. Elle n’hésite pas non plus à introduire une touche légère de croyance avec le Bau Dru, un personnage disposant peut-être d’un don surnaturel, là aussi tout à fait à propos, sans moquerie ou niaiserie. En revanche, elle utilise un certain nombre de formules cliché marquant la destinée de tel ou tel personnage historique, par exemple : La princesse de Bourgogne part vers son destin. Tenir mon rang, mon rôle de reine sans faiblesse, éternellement… tel est mon destin. - Le rêve de Clément V tombe en déliquescence. - Une princesse a-t-elle le droit de rêver ? - Suis-je vraiment la servante de Satan ?



Lorsqu’il choisit une bande dessinée dans cette collection, le lecteur vient avec un horizon d’attente très concret, comprenant une solide reconstitution historique, et très conscient des contraintes que ce genre fait peser sur les auteurs, à la fois en termes d’informations à exposer, et de reconstitution visuelle rigoureuse. Scénariste et dessinateur se plient à ces contraintes, en toute connaissance de cause, et avec une conscience professionnelle remarquable. Ils réussissent à faire passer toutes les informations attendues, au-delà du minimum syndical, tout en conservant le plaisir de la lecture qui ne s’apparente pas à celle d’un manuel scolaire, ou d’une thèse universitaire. La consistance de l’arrière-plan historique et des représentations permet au lecteur de se projeter à cette époque, aux côtés de cette demoiselle appelée à régner. Le lecteur peut découvrir une autre facette de cette époque, également scénarisé par France Richemond dans Clément V : Le sacrifice des Templiers (2022), dessiné par Germano Giorgiani.
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Le Trône d'Argile, tome 1 : Le chevalier à la ha..

1418, Jean sans peur, duc de Bourgogne, jouant le jeu d'Henry V, roi d'Angleterre, tente de s'emparer de Paris. Alors que le roi Charles VI sombre de plus en plus dans la folie au point d'ouvrir sa porte aux bourguignons, c'est Tanneguy du Chastel qui devra tenter de mettre à l'abri le dauphin, avec l'appui du chevalier Ambroise de Loré.

Ce premier tome se situe sur quelques jours du mois de mai 1418 et est centré d'une part sur la bataille qui fait rage à la Bastille, l'une des portes de la ville, et d'autre part sur la fuite du dauphin vers Melun.



Cet album entre de plein pieds dans l'histoire, sans expliquer aucun contexte. Tout le récit passe uniquement par les dialogues entre les personnages sans aucune bulle contextuelle. Ce qui ne facilite pas l'immersion pour quelqu'un comme moi qui ne connait pas bien l'histoire de France. Après quelques recherches en parallèle pour bien comprendre l'ensemble, j'ai trouvé que cette bd avait la simplicité qui permet une lecture agréable tout en apportant les éléments essentiels nécessaires à un rendu historique que j'ai supposé assez fidèle.



J'ai bien aimé les dessins de Theo Caneschi qui sont bien exécutés, surtout pour les visages en gros plan. Le coloriste Lorenzo Pieri est parvenu à un rendu très authentique qui apporte l'énergie qui manque peut-être aux dialogues.



Le petit bémol est que je l'ai trouvée trop légère. Comparée à d'autres bd historiques, le récit est peut-être un peu trop simplifié et aurait sans doute pu être un peu plus fouillé. J'avoue n'avoir même pas compris d'où venait le titre "le chevalier à la hache".

A voir par la suite s'il ne s'agissait que d'un album d'introduction ou si cette impression de superficialité s'appliquera à toute la série.
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Le Trône d'Argile, tome 5 : La pucelle

En attendant les Godons



Déjà le 5ème volume de cette série qui traite de la riche période de la Guerre de 100 ans. Nous sommes désormais en 1424, le Roi anglais Henry V, prétendant à la couronne de France, est mort, de même que Charles VI le Fol.

Charles VII lui, semble décidément trop faible, influençable et mal conseillé pour ceindre la couronne du Royaume.



Un sacre en la cathédrale de Reims lui donnerait sans doute la légitimité voulue, mais pour cela, il lui faut ouvrir la voie en conquérant la Normandie pour assurer ses arrières. Or, la bataille de Verneuil au cours de laquelle, après un premier succès obtenu par la ruse, les Godons (injure d'époque pour désigner les anglais -serait une contraction de God damn) du Duc de Bedford, taillent la coalition franco-écossaise en pièces, semble condamner cette espérance.



Poussant son avantage, Bedford accepte l'idée du Comte de Salisbury : s'emparer d'Orléans pour occuper un point stratégique entre Bourges et Angers, à la frontière entre le sud et le nord. Mais encore une fois, la situation s'annonce délicate et les troupes françaises qui tentent d'empêcher le ravitaillement anglais en fish and chips, échouent lors de la bataille des harengs. La chute d'Orléans ne tient plus qu'à un fil.

Cette fois, c'est sûr, la France va devenir anglaise et écouter Les Beatles en lieu et place de Richard Antony ou de Johnny Hallyday...

A moins d'un miracle, en passant par la Lorraine...



Une fois n'est pas coutume, j'ai trouvé ce volume, seulement très bon.



Bien sûr, le dessin reste formidable, équilibré et vivant. Mais si les découpages retrouvent tout leur dynamisme, ils auraient peut être gagné à davantage de simplicité. Car cette mise en page pourtant brillante, s'accomode moins bien d'un texte qui devient de plus en plus touffu et détaillé pour cause de recherche de véracité historique. L'alliance des dialogues et des dessins perd donc, à mon avis, en lisibilité. Par exemple, page 17, la dernière vignette verticale du centre avec son phylactère venant de la droite, indique naturellement un sens de lecture vers la droite. Or, assez curieusement, il faut poursuivre la lecture dans les cases du dessous.



Mais bon, vous l'aurez compris : en dépit de quelques détails, cette série est toujours remarquable.



Quelques points à signaler :

- Jeanne prend de plus en plus de place dans le récit et son heure arrive. La thèse habile, développée par les auteurs en vaut sans doute, bien une autre en l'état actuel des connaissances. Je trouve qu'elle a le mérite de concilier l'aspect religieux du personnage et la recherche d'un scénario plus plausible que le traditionnel et légendaire parcours de la fausse bergère.

- Pour ce volume, Delcourt a renoncé au papier glacé : je trouve que c'est une bonne idée et que cela procure un plaisir supplémentaire de lecture.

- Les chevaux qui occupaient une grand place sur les couvertures, s'effacent au fur et à mesure. En restera t-il un seul pour le n° 6 ?
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Le Trône d'Argile, tome 4 : La Mort des Rois

Les arcanes de Jeanne



La Reine de France et Philippe Le Bon ont offert le trône de France à Henry V au cours du marché de dupes du Traité de Troyes.



La résistance s’organise difficilement autour du lunatique Charles peu aidé par son entourage. Pour faire le poids, voici les Ecossais.



La situation demeure pourtant mal engagée et une chanson flotte dans l’air : "Pauvre Royaume de France perdu par une femme, une vierge le sauvera… ".

Celle qui l’a perdu, c’est la Reine Isabeau. Quant à la vierge…tiens, il y a une idée à creuser.



Ce 4ème tome offre toujours un récit solide tandis que le dessin de Théo, moins flamboyant que d’ordinaire dans sa composition, demeure au plus haut niveau.



Cette série se poursuit donc pour le meilleur.
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