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Critiques de Francisco Coloane (174)
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Cap Horn

« Abandonnez tout espoir, vous qui entrez ici » … le ver de Dante décrivant l'enfer m'a hanté tout au long de ces pages dont est totalement absente la petite fée Espérance chère à Charles Péguy.



Ces quatorze nouvelles publiées en 1941, reposent sur les témoignages fascinants que l'auteur a enregistré dans les années trente en écoutant les protagonistes raconter leurs existences en Terre de Feu au début du XX siècle.



Le contexte est donc fort éloigné de notre époque. Il y a un siècle, à l'époque où la vapeur prenait le relais de la voile, les moyens de communications étaient inexistants dans ces terres isolées et les occupants vivaient emprisonnés dans une solitude inimaginable en notre époque.



La quasi totalité de ces nouvelles se déroule sur la terre ferme et cet ancrage surprend puisque le Cap Horn évoque d'ordinaire des navigations périlleuses. Une large proportion des acteurs (des cow boys) est originaire de la vieille Europe, et l'indigène est absent de cet ouvrage qui se distingue donc, par exemple, des écrits de Jean Raspail … et ces personnages sont des hommes, les rares femmes étant considérées comme des jouets sexuels exposés à l'eau et à la lune. Aucun enfant, aucune école … aucun livre !



Deux titres de chapitres évoquent les animaux Cururo et Flamenco ; aucun n'évoque un humain et cette omission me semble très significative.



Ces nouvelles sont toutes plus ou moins dramatiques, leur enchainement, dans un ordre qui ne doit rien au hasard, est effrayant avec une spirale ascendante de bestialité, de cruauté et de férocité. La dernière, qui donne son titre au recueil, est infernale et nous mêne dans une allégorie sur les bords du Styx dans la barque de Caron …



Impossible de sortir indemne de ces pages dans lesquelles Francisco Coloane ne laisse aucune place à l'espérance. Un ouvrage aussi inoubliable qu'épouvantable qui dissuade le lecteur de se diriger vers Ushuaïa.
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Tierra del Fuego

Avec Francisco Coloane pas de tergiversations, vous vous installez le plus confortablement possible, enroulé dans un poncho, un bol de maté dans une main et un cigaro à portée de l'autre ; vous veillez à ce qu'il y ait assez de combustible pour le feu et vous écoutez. Vous tombez sous le charme. Vous êtes envoûté. Vous tremblez. de froid ou de peur. Vous apprenez.



Formidable conteur, à l'instar de Luis Sepulveda son grand admirateur, Francisco Coloane transmet ce qu'il connaît le mieux : la vie rude dans l'Amérique australe, celle de chasseurs de baleines ou de phoques, celle de chercheurs d'or avides, d'éleveurs de moutons, de pêcheurs de moules et d'oursins, celle d'hommes devenus fous de solitude, celle de solides cavaliers chevauchant dans ces étendues à perte de vue des plaines de Patagonie et de la Terre de Feu.



Natif de l'île de Chiloé, orphelin très jeune, Francisco Coloane est contraint de pratiquer toutes sortes de métiers liés à la mer : matelot, baleinier, prospecteur pétrolier, sauveteur de bateaux en perdition,… Ce qu'il raconte, ce qu'il écrit, ce dont il parle, il l'a connu, éprouvé, vécu dans sa chair. Ou alors, il l'a inventé de la même façon. Il a côtoyé les Indiens, il a appris leurs légendes, il y a ajouté les superstitions qui peuplent la vie en mer. Il est brut et débonnaire, franc et bourru, poli par les bourrasques, buriné par les vents violents. Il est sans complaisance pour la sauvagerie des hommes qui n'a rien à envier à celle de la nature.



Quels que soient l'endroit, l'aventure, la difficulté, la tendresse, la violence, il décrit l'âme âpre et entière de l'homme chilien des cordillères déchiquetées et des nombreuses îles qui jouxtent le détroit de Magellan.



Neuf nouvelles font vibrer les cordes sensibles du lecteur : notamment, un rappel du massacre des Indiens Ona et Yagans par les colons européens, le vain combat d'ouvriers d'estancias exploités par les grands propriétaires terriens soutenus par l'armée du colonel Varela, le curieux cercueil vert abandonné dans la neige par ses porteurs qui avaient besoin de se désaltérer deux jours durant, l'homme qui a perdu la parole et qui vit avec son chien sur une terre d'oubli, le cuisinier irascible qui s'adoucit au contact d'un agneau volé, l'indigne qui tue un marchand d'or pour le voler, cet homme désespéré qui meurt et cherche un remplaçant pour sa femme et ses gosses.



Autant d'histoires qui glacent le sang, qui font naître un sourire ou qui appellent la compassion, où la vie de l'homme est inextricablement liée à celle de la nature.



Malgré leur aridité, leur climat hostile et décapant, les conditions de vie misérables de cette première partie du XXe siècle, les terres australes ont longtemps fasciné les chasseurs de rêves et d'aventures. Tierra del Fuego a été publié en 1963 et traduit en français en 1994.



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Cap Horn

En plagiant Sacha Guitry pour qui « Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui »,, je peux écrire « Lorsqu'on vient de lire une nouvelle de Francisco Coloane , les lignes blanches qui succèdent sont encore de lui ». Dans Cap Horn, quatorze nouvelles sont des histoires évoquées par des conteurs imaginaires sur la vie rude des hommes de la Terre de Feu, ces hommes sont chasseurs, bergers, marins, gardiens de phares, contremaîtres. Les nouvelles sont courtes, les vies sont violentes et la fin des histoires est abrupte. Francisco Coloane nous abandonne les conséquences des événements, qu'il a mis en scène, c'est par ce procédé qu'il nous faut compléter les lignes blanches qui suivent les nouvelles.

Les conteurs des nouvelles ont participé aux événements qu'ils racontent, ce qui donne de la force et de la vérité aux récits.

Malgré cette belle journée, je reste éprouvé par les tempêtes racontées par Francisco Coloane ….

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Le sillage de la baleine

Savez-vous pourquoi les tiges articulées des parapluies s'appellent des baleines ? Parce que, à l'origine, elles étaient réalisées dans les fanons de cétacé.



Cela, et beaucoup d'autres choses, je l'ai appris dans ce roman sauvage, cruel mais de toute beauté, de Francisco Coloane. Il met beaucoup de lui-même dans cette aventure australe puisque son père commandait une baleinière et s'est noyé en mer. La vie rude et difficile des habitants de l'archipel de Chiloé connaît bon nombre de légendes et bon nombre de drames.



En 1920, le petit Pedro, né de père inconnu, a 13 ans lorsqu'il retrouve sa mère noyée au retour de la pêche. Seul au monde, fuyant un grand-père hautain et méprisant devenu riche propriétaire terrien, Pedro achève son année scolaire puis va offrir ses bras aux voisins pour les moissons et le meulage du blé, en paiement des dettes de sa mère. Premiers émois aussi.



Vient le temps où il travaille pour un pêcheur d'huîtres qui garde secrets les bancs exceptionnels qu'il vient de trouver jusqu'au jour où il se fait arnaquer par un ami et perd jusqu'à sa maison.



Ce livre impressionnant de documentation comprend deux parties : la première évoque avec beaucoup de réalisme la vie de ces hommes et de ces femmes du bout du monde aux prises continuelles avec les tempêtes de l'Antarctique, les mauvaises pêches ou les récoltes dévastées mais aussi avec la solidarité indispensable, les veillées par belles nuits où plane l'ombre du Caleuche, du Trauco ou de la Pincoya pour faire sourire les vieux et apeurer les enfants.



Un coup de chapeau tout particulier au traducteur, François Gaudry, qui a eu l'excellente idée de conserver certains mots dans leur jus pour colorer d'aridité ou de mystère cette nature sauvage, ces techniques primitives et ces croyances locales.



La deuxième partie, dense, secouante sur des flots furieux, éprouvante jusqu'à l'horreur, raconte la vie du Leviatan, de son capitaine et de ses marins, y compris Pedro comme timonier, qui doivent gagner leur vie au péril de la leur en chassant les baleines ou les cachalots. Bêtes et hommes, dans des combats forcenés, luttent pour leur survie dans des brassées d'eau salée, de déflagrations du canon harponneur, de remous à casser le dos, d'odeurs écoeurantes et d'hémoglobine au seau.



Pas de sensationnalisme, pas de longueurs répugnantes, pas d'héroïsme mal placé. Juste la vie acharnée et violente de ces hommes qui partent pour plusieurs jours de chasse sans merci pour ramener des tonnes de viande et des tonneaux d'huile de lampe à la compagnie qui les emploie. Et qui en veut toujours plus. Imaginez des bêtes de 25 à 35 m de long, pesant plusieurs tonnes, qu'il faut traiter immédiatement pour empêcher le pourrissement des chairs et l'inconsommabilité de la viande. Nous sommes encore loin de la pêche industrielle, américaine et norvégienne surtout, qui a fini par être sévèrement encadrée par des lois internationales et qui est déjà évoquée très précisément par Francisco Coloane.



L'auteur a vécu ces pêches, a entendu raconter son père et les marins, a été dégouté par les massacres de ces bêtes gigantesques et a lutté activement pour que cessent les carnages apocalyptiques.



Ecriture précise, hyperréaliste, sans effet de manches, telle est la marque de fabrique de cet immense conteur qui n'a pas son pareil pour dire sa terre natale, cette Tierra del Fuego, cette Patagonie qui a fait rêver tant d'aventuriers.

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Le dernier mousse

Avec ce roman initiatique, en 1941, Franscico Coloane défend déjà planète.

Il sensibilise ses lecteurs contre les prédateurs des mers, il alerte sur la pêche intensive de la baleine et propose des mesures pour sauver les des derniers représentants des groupes ethniques de Patagonie en danger.

Il arrive à cette prouesse avec ce court roman, en nous intégrant à la vie du bateau école de la marine Chilienne, en omettant les temps morts de la vie à bord ; la vie pour un jeune mousse est alors trépidante.

En distillant de l’information sur la vie à bord et sur les ports du bout du monde, Franscisco Coloanne invite ses lecteurs au voyage et à prendre conscience que l’activité humaine peut être destructive.

J’ai retenu de la vie à bord : la préparation aux tempêtes, l’école de mousses à bord, le chant de marins,et les histoires surnaturelles des vieux loups de mer.

En 1993,Luis Sepulveda rend hommage à ce roman « Le dernier des mousses » dans le roman « Le Monde du bout du monde »,en actualisant le récit. Il réécrit le rite d’initiation en prenant les mêmes thèmes, il évoque le spectacle des baleines, et la tuerie des cétacés qui continue, ainsi que la magie de l’océan,les mêmes interminables et dangereux bras de mer et de la disparation des peuples de la terre de feu. Et le roman est aussi court et le message est tout aussi fort.

Ce roman de Franscico Coloane, m’a donné le goût de la découverte de la Patagonie en sa compagnie !

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Le sillage de la baleine

Depuis les années soixante, la jeunesse chilienne a gardé un faible pour Francisco Coloane.

Surtout connu à l’étranger pour son talent de nouvelliste, révélé par les formidables recueils “Cap Horn” et “Tierra del Fuego”, l’auteur chilien a également à son actif plusieurs romans. “Le sillage de la baleine”, une fiction parue en 1962, est largement inspirée du parcours de vie de l’écrivain des mers australes.



Coloane a vu le jour au début du siècle dernier sur l’île côtière de Chiloé d’une superficie comparable à celle de la Corse et située à mi-chemin entre la capitale Santiago et la Terre de Feu. “Le sillage de la baleine” débute un lendemain de tempête, le jour même où un adolescent de treize ans, Pedro Nauto, découvre le corps sans vie de sa maman sur une plage au nord-est de l’île.

L’être qu’il chérissait n’est plus et le chagrin qui tenaille Pedro est encore accentué par le fait qu’il ne connaîtra jamais l’identité de son père. Mais le petit bonhomme est courageux et se fait fort de terminer son année scolaire, d’obtenir son certificat d’études primaires. Lorsque la marée le permet, c’est à la rame qu’il se rend à l’école située de l’autre côté de la rade ; il n’aime rien tant que d’apercevoir un plongeon nourricier de son ami le martin-pêcheur ou d’observer dans le sillage de son embarcation son ami le phoque.

Son premier été livré à lui-même se passe en partie chez des voisins auxquels sa maman devait des journées de travail. Les moissons sont éreintantes mais les ballades avec Rosalía, une voisine de son âge au joli minois, font oublier la fatigue…

Un temps assistant d’un pêcheur d’huîtres en eaux profondes, Pedro finit par succomber à l’appel du large et embarque sur un baleinier.



Quel documentaire remarquable que cette première moitié du roman ! Francisco Coloane profite des pérégrinations estivales de Pedro pour donner au lecteur un aperçu de la beauté de Chiloé. Un zeste de botanique par ci, un soupçon d’ornithologie par là, un brin d’ethnographie pour conter une légende locale ou une superstition insulaire, apportent de la densité au récit.



La seconde partie à bord du baleinier, le Leviatán, est autrement plus agitée et nécessite d’avoir le pied marin. Les scènes de chasse sont stupéfiantes de réalisme : repérage, poursuite, harponnage et remorquage des cétacés se succèdent dans un tourbillon d’eau, d’écume et de sang.

L’ultime chasse du capitaine Julio Albarrán, au milieu des icebergs de l’Antarctique, conclut de façon magistrale ce roman à l’écriture simple et directe.

Le jeune Pedro, maintenant intégré au sein d’un équipage d’hommes aguerris, se rappellera longtemps cette folle aventure tempétueuse.



Septembre est le mois idéal pour changer d'hémisphère, d’atmosphère.

Partons ensemble, si vous le voulez bien, à la découverte des mers du sud et laissons-nous entraîner vers l’inconnu dans “Le sillage de la baleine” !

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Cap Horn

Après un piètre voyage bouddhique dans l’au-delà la semaine dernière, quel soulagement de revenir aux confins du monde : les terres australes de Francisco Coloane.



Lorsqu’il écrit « Cap Horn » en 1941, à seulement 30 ans, Coloane est au plus mal. Fiévreux et sans le sou, il suit les conseils d’un ami et envoie cette nouvelle au journal Mercurio. Publiée, elle rapporte à son auteur 150 pesos grâce auxquels il peut s’acheter des médicaments.

Celui qui deviendra plus tard l’écrivain le plus apprécié de la jeunesse chilienne, a déjà derrière lui une décennie peuplée d’aventures et de rencontres insolites, une décennie entre terre et mer fouettée par tous les mauvais vents du sud.



« Cap Horn » est un recueil de quatorze nouvelles dont la plupart ont pour cadre les vastes étendues arides de Patagonie où Coloane a travaillé comme contremaître d’estancia.

Dans une interview au journal le Monde en novembre 1995, Coloane décrivait avec réalisme ses expériences en la matière : « Je suis monté à cheval sans étrier – très pénible pour les testicules -, j’ai châtré des moutons avec les dents – très douloureux pour les gencives -, et j’ai égorgé des brebis, mais avec délicatesse, car j’avais appris à leur couper l’aorte pour que les pauvres bêtes ne souffrent pas ».



Deux nouvelles captivantes ont pour acteur principal un animal :



« Flamenco » est le nom d’un magnifique alezan de trois ans.

Entre les piquets de son enclos il contemple la centaine de poulains poignardés par le féroce Jackie pour décongestionner les champs et ne pas laisser se propager une race inférieure.

Assez curieusement, lors de sa première séance de dressage, Flamenco ne se laisse monter que par ce péon sanguinaire qui d’un air fanfaron se l’approprie. Quelques temps plus tard, Jackie part en tournée sur son cheval ; Flamenco prépare sa vengeance…



« Cururo » est un chien de troupeau. Trouvé chiot dans la pampa, son maître Subiabre lui avait donné le nom d’un petit rat sans queue auquel il ressemblait beaucoup.

Subiabre aime ce chien plus que les autres, il n’a pas son pareil pour rassembler et conduire d’un point à un autre les milliers de moutons dispersés dans la pampa.

Un jour d’hiver pour sauver ces derniers pris en fâcheuse posture sous la neige, le brave Cururo va se sacrifier…



Francisco Coloane a perdu son père à l’âge de neuf ans, ce dernier était capitaine de baleinier. Comme lui, Francisco a navigué jeune adulte sur ces mers du sud si redoutables.



Dans la nouvelle « Cap Horn » dont le recueil porte le nom, trois hommes à bord d’une barque pénètrent dans une immense grotte située à l’extrémité de l’archipel chilien de la Terre de Feu et entourée de brisants.

L’un deux, évadé du bagne d’Ushuaia, est seul à connaître ce lieu de parturition des femelles phoques seulement accessible par la mer et dissimulé par un épais rideau de végétation. Les deux autres lui ont laissé la vie sauve lorsqu’il a échoué sur leur île et les voilà maintenant tous les trois fracassant à coups de gourdins le crâne des bébés phoques venant de naître.

Au moment de repartir avec leur sinistre butin, Dame Nature n’aura pitié d’aucun d’eux…



Vous croiserez dans « Cap Horn » des hommes rudes au cœur coriace, des animaux bien singuliers, des paysages comme nulle part ailleurs, des atmosphères mystérieuses et sauvages.

Ces quatorze nouvelles du bout du monde empreintes de vécu et de magie s’adressent à un large public. Comment ne pas tomber sous le charme du style à la fois direct et poétique du génial Francisco Coloane ?

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Cap Horn

« Les marins prétendent qu’à un mille de ce tragique promontoire, témoin de l’incessant duel que se livrent au Cap Horn les deux plus grands océans, le Diable veille au fond des eaux, harnaché de chaînes et de fers qui grincent épouvantablement les nuits de tempête, quand les flots montent à l’assaut des ombres. » (p. 167)



Avec de pareils débuts, les nouvelles qui composent ce recueil, Cap Horn, ne pouvaient que me tenir captif. J’ai dévoré ce bouquin en deux jours. Et encore, c’est parce que je voulais étirer le plaisir ! C’est là le pouvoir d’évocation de la plume de Francisco Coloane : j’ai toujours l’impression d’entrer dans un univers magique où la nature envoutante et terrible fait des siennes et où les superstitions tenaces prennent vie.



Pourtant, pas de grands gestes héroïques ni de fines analyses psychologiques. C’est que ce bout du monde abrite de pauvres fermiers qui peinent à produire quelque chose de leur lopin de terre, des bergers, des pêcheurs et une poignée d’autochtones. Des déshérités, quoi ! Non, il y a aussi tous ces aventuriers, qu’ils viennent du Chili, bien sûr, mais aussi de l’Australie, de l’Écosse ou même de la Yougoslavie ! Sans oublier les brigands…



Bref, des gens qui vivent de peu et, surtout, qui parlent peu. Avares de paroles comme de tout. Et ils ont appris à vivre en harmonie avec la nature ingrate et hostile, à la mercie des éléments dans le silence des terribles nuits solitaires. Sinon ils l’apprennent à leurs dépens car « la terre est trop cruelle et l’homme trop dur. » (p. 75) Un destin où l’on se sent en vie à chaque instant mais où chaque geste compte.



Ainsi donc, ils vaquent à leurs occupations. Des gauchos tentent de dresser des étalons farouches, des bergers tentent de sauver leurs moutons d’une avalanche de neige, un gardien de phare rompt sa solitude avec une poule qui pond des œufs d’or, des marins se racontent des histoires à dormir debout, des fugitifs s’évadent du bagne à travers une mer hérissée d’écueils, etc. Et il y a bien une ou deux histoires d’amour.



Et parfois, je me prenais à m’imaginer à leur suite, comme ce jeune homme qui « galopait sur son alezan à travers le paysage vallonné. » (p. 81) Seulement je poursuivrais ma route dans des endroits encore plus isolés, sauvage, déchiquetés, entre mer et montagne. Mais bon, ce n’est qu’un rêve. La Patagonie, l’infini pampa, le détroit de Magellan, l’Antarctique tout près, peut-être qu’un jour je vous visiterai…
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Tierra del Fuego

Francisco Coloane ne décrit pas la Terre de Feu comme si c'était Eldorado.

Avec les neuf nouvelles du recueil, Francisco Coloane rend compte de la désespérance des hommes qui ont cru que la richesse était à leur portée, mais que la nature hostile de la Terre de Feu leur a refusé et elle a conduit certains à la folie.

L'Intrigue des nouvelles :

Tout au long des nouvelles, j'ai bien aimé la connaissance et l'amour pour chevaux qu'à Francisco Coloane, il le fait sentir sans l'écrire. Les chevaux sont les compagnons les plus proches des ses hommes perdus.

Les nouvelles sont bien dimensionnées, Francisco Coloane écrit tout ce qu'il faut savoir, notre imagination fait le reste.

Même si les nouvelles ne sont pas réjouissantes, leur lecture retient toute l’attention.

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Le dernier mousse

Francesco Coloane est un merveilleux conteur. Dans Le dernier mousse, qui louvoie entre l’aventure et l’apprentissage, il nous présente Alejandro, quinze, orphelin de père, qui ne souhaite qu’une chose : devenir marin et, avec un peu de chance, retrouver la trace de son grand frère. Clandestinement, il s’embarque sur le Baquedano mais, au lieu d’être renvoyé ou mis au fer, le commandant Calderon le fait mousse. Et c’est parti ! Très rapidement, Alejandro est mis à rude épreuve, un peu maladroit, il fait rire de lui. Toutefois, rapidement, par sa détermination et son entrain, il gagne l’estime de l’équipage. Tellement qu’il me donne l’envie suivre son exemple et de prendre le large. Cette atmosphère de franche camaraderie, à voguer sur l’horizon, ça semble si attrayant. Mais bon, depuis les années 1940, les choses ont dû changer sur un bateau. Et puis, il y a ces tempêtes terribles… Finalement, je préfère affronter les aléas de Mère nature à travers des personnages touchants, bien douillet dans le confort de mon foyer.



Le style de l’auteur est un peu simple mais ça convient à ce genre d’histoire, peut-être davantage destiné à un jeune public mais que les moins jeunes apprécieront tout autant. Son rythme est lent, également, mais les descriptions évocatrices permettent au lecteur de poser le livre un instant et de visualiser les l’horizon, les ilots et les bandes de terre émergeant du capricieux océan Pacifique. Ainsi, loin des effets trop recherchés, ce style va droit à l’essentiel, cette histoire d’amour entre un garçon et son destin sur un bateau. Loin de sa mère, entouré d’inconnus, il doit se débrouiller. Tout un apprentissage ! Mais heureusement il est bien entouré. Et l’espoir de retoruver la trace de son frère lui donne la force de continuer. Coloane balance bien son roman entre actions et émotions. J’ai bien apprécié l’histoire de fantôme du vieux sergent Escobedo, elle apporte une touche de fantastique suffisante.



Bref, je ne peux que vous suggérer de vous faire marin le temps de la lecture du roman Le dernier mousse.
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Tierra del Fuego

« Barre à Bâbord, Toute ! » Comment peut-il en être autrement ? Découvrir le monde, chevaucher les vagues, chanter du Florent Pagny et s’aviner avec les baleines, partir loin au-delà de la ligne d’horizon, cap vers le soleil qui ne se couche jamais… Destination : le Chili, la Patagonie et Tierra del Fuego, la Terre de Feu.



Si j’ai plongé dans l’univers Coloane, ce fut justement pour me préparer à un long voyage. Voyage vers l’aventure, voyage vers la découverte des contrées tellement lointaines que seuls mon imagination et mes rêves peuvent y mettre les pieds… Cette expédition qu’elle soit à travers la pampa ou sur les flots agités d’une mer en compagnie des baleines et cachalots est inoubliable. J’en oublie même les histoires, courtes, je regarde le soleil se coucher sur l’horizon seul au milieu de la pampa, ou seul au milieu d’un océan agité. Pourtant, elles sont plaisantes ces nouvelles, parfois drôles, parfois tendres mais le plaisir, pour moi, est ailleurs. J’aime voyager et je retiens surtout ces fabuleux paysages de Chili ou de Patagonie.



Le spectacle m’essouffle à la tombée de la nuit, lorsque les premières étoiles me font des clins d’œil complices. Quelques pièces d’or en main, à la recherche d’un trésor caché, ou dans un bar miteux à m’ivrogner en compagnie d’un vieux loup de mer, voilà de quoi s’évader pleinement de mon quotidien, de ramper, de nager, de voler sous de nouveaux horizons encore préservés de la furie dévastatrice de l’humanité. Il reste encore une terre vierge ; cette terre, chère à Francisco Coloane, est « Tierra del Fuego », avis à tous les Grands Voyageurs dans l’âme….



La sirène du bateau m’appelle, il est temps de remettre les voiles. Destination : Loin, très loin, très au sud et très à l’ouest. Mais cette fois-ci, je ne pars pas seul. Tu seras là, compagnon de beuverie, une flasque à la main pendant que je hisse la voile.



« Tierra del Fuego », l´ultime escale la fin de l´errance avant que j´ose le silence…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Le Passant du bout du monde

Qu'est-ce qui fait la célébrité de Chiloé ?

Indice : Patagonie (Chili).

Non, ce n'est pas Florent Pagny ; lui c'est Patagonie (Argentine).

Réponse : les pommes de terre, les maisons multicolores et Francisco Coloane.



Aujourd'hui, j'opte pour l'écrivain. Difficile de mener une petite vie pépère et sans remous quand on est né sur une île aux côtes déchiquetées par les vents et les courants, au bout du bout du monde. A Quemli, île de Chiloé, au sud du Chili, naît en 1910 le petit Francisco Coloane, qui ignore que le destin le conduira à devenir l'un des plus grands écrivains et conteurs d'Amérique latine.



Fils d'un père capitaine de bateau (qu'il perd à neuf ans) et d'une mère agricultrice, "Pancho" a mené mille vies en une. L'âpreté du climat et la rigueur de son éducation lui colleront aux basques pour toujours. Après son service militaire, son premier emploi dans une estancia consiste à châtrer les agneaux avec les dents. Forcément, ça laisse des traces. « Au souvenir de ces années à l'estancia Sara, j'ai l'impression de mieux comprendre comment et pourquoi j'ai écrit. C'est en mêlant faits réels et fantaisies, en rapprochant des événements survenus en d'autres temps et d'autres lieux, c'est en vivant, en rêvant, en observant que j'ai pu écrire mes contes et mes récits ».



Puis, il traverse rapidement plusieurs administrations, écrit pour des journaux de Santiago, n'hésite jamais à prendre la mer, s'essaie à plusieurs métiers manuels, ensemble d'activités qui lui ont fourni la matière première pour l'écriture. Très jeune, il participe à des concours littéraires qu'il remporte à chaque fois. C'est ainsi que naît son premier roman « le dernier mousse », puis « Cap Horn » et qu'il rencontre son mentor, Pablo Neruda.



Santiago est la ville où il a le plus séjourné professionnellement mais Punta Arenas (Terre de Feu) est la ville de son coeur, celle où il revient toujours.

L'observation de la vie quotidienne à Santiago, la vie de bohème dans les bars et les picadas où l'on mange et boit pour quelques sous, son engagement politique, son besoin de noircir des carnets lorsqu'un événement ou une histoire lui est contée, font de lui un homme aux sens constamment en alerte, à la nécessité viscérale de raconter.



Il a beaucoup voyagé, en Chine, en Russie, en Inde, mais le voyage qui l'a le plus bouleversé est celui qu'il a fait en Antarctique en 1947, tant la violente beauté des terres australes et les ciels étoilés ont affermi ses émotions et son imagination puissante.



Dans les congrès d'écrivains où il était régulièrement invité, il n'avait pas grand' chose à dire. Il préférait en tout la confrontation de l'homme avec les climats tempétueux.



En 1995, venant rendre visite à l'un de ses fils qui habite la France, il fit un détour par Saint-Malo à l'invite de Michel le Bris, créateur d'une confrérie de cap-horniers, à la mémoire de Jules Verne (Festival Etonnants Voyageurs). Il a trouvé beaucoup de magie dans cette « petite grande ville » dont l'histoire pleine de gloire et de désastres transpire dans son port et ses remparts.



Ce livre est un condensé d'émotions, de souvenirs parfois hétéroclites, de digressions étonnantes, de chronologie disparate et il peut ressembler à une urgence, à une nécessité. Il a été écrit en 2000. Francisco Coloane avait 90 ans. Il est mort deux ans plus tard.



La bibliographie de Coloane n'est pas très étendue mais elle recèle ses immenses talents de conteur. Dépaysant à souhait.

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Tierra del Fuego

« Les hommes restent seuls trop longtemps là-bas. Alors ils commencent à regarder les Indiennes et ils se disent qu’une sale Indienne est quand même préférable… J’ai vu, une fois, des chasseurs qui avaient attaché une femelle phoque pour se soulager. J’étais avec eux ; mais ça ne m’a pas fait envie. Ces barbares ont ensuite dépecé la femelle vivante, pour vendre la fourrure. Mais le lendemain, sur la plage, il ne restait pas la moindre trace de la femelle écorchée : elle avait réussi à se traîner jusqu’à l’eau. Cette femelle a hanté l’esprit d’un des chasseurs jusqu’à ce qu’il devienne fou. »



Cette anecdote effrayante, tirée d’une interview de Francisco Coloane au journal Le Monde en novembre 1995, est bien dans le ton du recueil de nouvelles « Tierra del Fuego » paru dans les années 60 au Chili.

Elle donne un bref aperçu du talent de conteur de cet écrivain dont les aventures en Terre de Feu constituent l’essentiel d’une œuvre de nouvelliste dans laquelle bien souvent la violence de la nature et la sauvagerie de l’homme se confondent.



« Terre de Feu », la nouvelle la plus longue, relate la fuite de trois cavaliers le long de la côte sud de cette province du bout du monde. La révolte de ces chercheurs d’or a tourné court et les voilà maintenant poursuivis. Leur complicité salvatrice résistera-t-elle à la découverte par l’un d’entre eux d’un filon d’or sous les ossements d’une baleine échouée ?



« Sur le cheval de l’aurore » est une nouvelle d’une grande originalité qui donne un petit aperçu de la préhistoire de la Patagonie.

Suite à une mauvaise chute, un cavalier est plongé dans une amnésie de trois jours et se prend pour un homme des cavernes confondant les autruches, nombreuses dans la région, avec des dinosaures…



« Cinq marins et un cercueil vert » est une histoire magnifiquement contée. Par une nuit d’hiver cinq marins descendent à quai pour enterrer un membre de l’équipage. Sur la route du cimetière, ils s’arrêtent évidemment au café et laissent le cercueil à l’extérieur. Pendant que nos lascars éclusent, la neige recouvre peu à peu le cercueil. Feu l’ancien timonier n’est pas prêt d’arriver à sa dernière demeure…



Les six autres nouvelles sont également des tranches de vie d’aventuriers de tout poil. On passe de l’une à l’autre, heureux de découvrir des histoires parlant au meilleur de notre imaginaire. Chacune d’entre-elles est une bouffée de fraîcheur venue du fin fonds de ces contrées australes.



Luis Sepúlveda a écrit la préface de « Tierra del Fuego » en 1993. A ses yeux Coloane est le pionner du récit d’aventure du continent sud-américain. Sa préface est empreinte de respect et d’amitié pour ce farouche défenseur de la nature.



Admirateur de Conrad, Melville et Hemingway, Francisco Coloane est dans la lignée de ces illustres écrivains. La jeunesse chilienne ne s’est d’ailleurs pas trompée, elle a toujours plébiscité les écrits de celui qui est devenu au fil des décennies son auteur préféré.



L’aventurier Coloane a travaillé un temps sur un baleinier. Il redoutait plus que tout de périr en mer et s’est éteint paisiblement à Santiago en 2002, à l’âge de 92 ans.

Quelques années auparavant il disait avec modestie : « L’écrivain qui essaie d’écrire comme le peuple parle, se trompe, car le peuple aura toujours des métaphores plus belles et plus pures. »

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Le dernier mousse

J'ai aimé cette histoire simple et gentille d'Alejandro Silva, petit chilien qui, voulant se faire engager comme mousse et descendre à Punta Aréna à la recherche de son frère Manuel, s'embarque clandestinement sur le vieux Baquedano où il est finalement accepté et bien traité.



Histoires de marins, de bateau hanté, de tempête, de pêche à la baleine, de tribu Yaghan mystérieuse habitant les endroits secrets que peuvent receler le labyrinthe que sont les canaux de Patagonie....



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Le dernier mousse

Un très bon roman d'aventure qui nous invite à vivre l'ultime voyage de la corvette "Général Baquedano", voilier-école de la marine chilienne au début du 20 ème siècle. Un très beau texte, captivant, sans temps morts, qui conduit le lecteur tout au sud de l'océan Pacifique, au Cap Horn, dans une mer chargée d'icebergs, mais qui qui nous convie aussi à la chasse à la baleine, qui nous fait vivre de terribles tempêtes et nous parle de la vie de marins. Un univers masculin, un univers de mer, un univers qui rend hommage à la navigation et aux bateaux. Un livre pour les lecteurs qui apprécient la mer, les bateaux, les voyages et des retours dans le passé. Un roman que je recommande.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Le dernier mousse



Voilà, ça y est, je suis marin !



Je suis entré à pas feutré dans ce livre, sans faire de bruit, histoire de passer incognito, surtout ne pas se faire remarquer. Embarquement immédiat à bord de la corvette Génréral Baquedano pour son tout dernier voyage. Avec trois cents hommes à bord, un de plus ou un de moins…



En parlant de ça, il y en avait bien un de plus, le jeune Alejandro Silva Caceres, passager embarqué clandestinement. Un brave gamin, la tête sur les épaules, avec deux objectifs bien précis, retrouver son frère et devenir marin. Après le passage devant le commandant, les quelques railleries d’usages, il se fit très rapidement à sa nouvelle condition et devint Le Dernier mousse.



De concert, nous avons observé, écouté et appris. Et il y en a des termes techniques à connaître, mât de trinquette, trinquet, hune du trinquet, mât de misaine, focs, perroquets, coutelas, bossoirs et j’en passe. Heureusement, il a mieux retenu tout ça que moi.



Et son premier tour de garde à la vigie, comme on a ri ! Puis, on a tressailli en écoutant le récit de la malédiction de la «Léonora », une captivante histoire à vous glacer le sang. Et cette tempête, avec la mer déchainée, nous projetant d’un bord à l’autre comme de misérables microbes, prête à tout pulvériser, je pensais ne jamais m’en relever. Mon estomac s’en souvient encore…



Que de souvenirs gravés à jamais ! Que d’images mémorables ! Les baleines, la mer de glace, les indiens Alakaluf, les indiens Yaghan, que de rencontres surprenantes et nous n’étions pas au bout de nos surprises…



Une aventure mémorable à bord de laquelle je ne regrette pas d’avoir embarqué. Enfin, je devrai plutôt écrire, un livre que je ne regrette pas d’avoir dévoré, sans bottes ni ciré, transporté par l’écriture de Francisco Coloane.



Ben oui, moi, je suis presque marin, presque !...


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Le sillage de la baleine

La semaine dernière, alors que j’étais à la bibliothèque, je me suis retrouvé devant les romans de Francisco Coloane et j’en ai emprunté deux : Le dernier mousse puis Le sillage de la baleine. Ils semblaient porter des mêmes thèmes, surtout la vie de marin dans les mers du sud, mais ça ne m’a pas dérangé. Finalement, même si c’est effectivement le cas, ils sont assez différents dans leur traitement. Le premier était écrit dans un style un peu plus léger – quoique magnifique – autant accessible pour les jeunes que les moins jeunes. De son côté, le deuxième roman semble aborder des thèmes un plus matures et sérieux. L’univers décrit est le même mais raconté avec plus de détails et un vocabulaire plus précis et riche, peut-être pas à la porté des plus petits.



Le sillage de la baleine commence sur une ile excentrée du sud du Chili. Un pauvre adolescent, Pedro Nauto, fils naturel d’un père inconnu, perd sa mère et se retrouve orphelin. Passons rapidement sur son grand-père riche et égoïste. Le garçon est travailleur et déterminé mais, avant de se lancer à l’aventure, il choisit d’honorer les engagements de sa mère. Il vit de petits métiers dans sa région natale, à aider à la récolte dans les champs, chez le meunier ou encore à pêcher les huîtres. J’ai trouvé cette partie un peu longue, j’ai eu parfois l’impression de lire un roman du terroir. C’est un peu de ma faute, je savais qu’il souhaitait s’engager sur un navire et j’avais hâte de le voir prendre le large. Heureusement, cette partie n’est pas exempte de bons moments, quelques uns romantique (ah, la belle Rosalia, j’aurais souhaité qu’elle soit plus présente, surtout dans la deuxième partie du roman !) et d’autres un peu plus mystérieux, frôlant le fantastique : les attroupements étranges des mouettes, les supposées apparitions du trauco (un gnome violeur), sans oublier ces histoires de sorciers et de sirènes puis, plus important encore, le Caleuche, une sorte de vaisseau fantôme. Ce folklore chilien, agrémenté de plein de termes espagnols de l’endroit, ajoutent des couches et de la richesse à cette histoire humaine.



Et Francisco Coloane trouve le moyen d’insérer ça et là quelques poèmes en espagnol. Je n’en comprenais que la moitié (il y a des traductions en bas de pages) mais c’était si joli, si agréable lire ! Décidément, je suis en train de tomber en amour avec la plume de cet auteur.



Avec la deuxième partie de son roman Le sillage de baleine, on quitte la terre ferme pour un bateau, le Leviathan. Déjà, avec un nom pareil, symboliquement chargé avec cette référence au monstre marin biblique, le lecteur peut se demander dans quelle aventure le jeune Pedro s’est engagée. Avec lui, il découvre la vie de matelot, la chasse à la baleine. C’est rempli de détails intéressants sans la lourdeur qu’on retrouve parfois quand les auteurs tiennent à tout décire. Elle devait être rude, cette vie de marin, mais en même temps ô combien honnête et concrète. Il me semble que, à la fin d’une journée, j’en tirerai le sentiment du travail bien accompli. Et que dire de ce voyage dans les mers du sud, entre les ilots chiliens et l’Antarctique, sans oublier le détroit de Magellan, le cap Horn et les icebergs, à traquer les baleines et autres grands mamifères marins. Je m’imaginais avec eux, à « scruter la mer, froide et grise comme le ciel, mais d’une clarté scintillante qui réduisait la visibilité. La lumière australe s’étendait à l’infini entre les miroirs opaques de l’eau et du ciel. » (p. 183) Aussi, cette partie n’est pas exempte de mystères et de folklore, comme cette visite à un petit cimetière sur une île, où fut érigé un obélisque de marbre noir pour les treize hommes d’un baleinier coulé en 1912. Treize ! Les superstitions étaient encore tenaces.



Si Pedro Nauto est le protagoniste, d’autres personnages sont presque autant importants et marquant. Je pense à José Andrade, le plongeur d’huîtres, mais surtout au capitaine Albarran. Il ne chasse pas la baleine blanche mais c’est tout comme parce que, tout au long de ma lecture, je faisais des parallèles avec Achab. Il y a quelque chose de poétique dans cet homme lucide, qui a passé sa vie sur le pont d’un navire et qui voit venir la retraite parce que son œil n’est plus aussi sûr (pour harponner). J’ai été sensible au tragique de sa situation.



Pour finir, il y a tellement d’autres éléments que j’aurais souhaité aborder (comme le secret sur l’identité de son père) mais je vais m’arrêter ici. Je termine en précisant que la fin, magistrale et ouverte, est très réussie. Je ne peux que vous encourager à lire Le sillage de la baleine.
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Cap Horn

À l'extrême-sud du Nouveau-Monde, Francisco Coloane embarque son lecteur entre fureur, merveille et désolation!

L'homme, en ces terres battues d'eau et de vent, n'est pas forcément le bienvenu: La mort et la folie le guettent, sa cruauté rapace le perd.

Ces quatorze nouvelles sont autant de couplets d'un hymne magistral et funèbre dont le décor est cette nature âpre et impitoyable.

Hommes et animaux, dans Cap Horn, sont unis pour le meilleur et souvent pour le pire. Certaines scènes de ces récits sont assez insoutenables et figent le lecteur qui revient au début du paragraphe: Ais-je bien lu?

Se déchaînent les incessantes tempêtes et se dérobe le sol parfois traître!...

Mais captive et résonne avec une force et une justesse incroyable, la prose puissante de Francisco Coloane!

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Le golfe des peines

Le vent fouette le visage des marins affairés sur le pont à relever l’ancre. Des gueules burinées par le soleil du profond sud et le froid des grandeurs extrêmes. A son bord, un vieux capitaine, la barbe grisonnante, le regard toujours perdu dans ses souvenirs d’antan. Tel un vieux loup de mer, je l’imagine me racontant des histoires de pêches et de pirateries. Un regard qui se lit comme un livre ouvert, des chapitres de vie et de mort. Il m’a accepté à son bord pour que je témoigne de son histoire, l’histoire de la fougue de l’Océan qui n’a rien de Pacifique et de la Patagonie. Pendant ce temps-là, la mer se déchaine contre la coquille métallique qui me sert d’abri sommaire et presque éphémère, déverse toute son impétueuse haine, une écume blanche au bord de ses lèvres comme la bave d’un chien enragé, contre ma misérable existence.



Quand les bateaux quittent vers le large, ils laissent dans leur sillage un fracas de vagues – d’émotions fortes ou douces - houle dansante sur les falaises rongées par la mer. Des mille tempêtes au sommet du Cap Horn, des rafales de vent et de glace déséquilibrent le vol des caranchos. L’homme est l’animal le plus redoutable, de l’amour à la haine il n’y a parfois qu’une tempête qui sépare ces deux sentiments contradictoires, ou un naufrage. Trente-cinq jours sans voir la terre, pull rayé, mal rasé, cargo de nuit, la violence des âmes débarquent, assoiffées, avinées, pour se vider, change de port poupée.



Après trois jours et trois nuits, les déferlantes s’assagissent, l’horizon s’aplanit, le soleil refait surface d’outre-tombe. La mer change ses couleurs. Du noir profond, elle se projette bleu azur avant de virer au rouge carmin. Du rouge et du sang. Une nappe de sang et d’entrailles s’invite autour des bateaux. La chasse à la baleine est un honneur. Massacre à la tronçonneuse. Et aux harpons. L’odeur de chair et de graisse devient écœurante, je ne sens même plus le parfum iodé de la brise. J’ai envie de gerber, pas le roulis, pas la bouteille de whisky, juste cette vision d’horreur et de massacre. Sang rouge, sang bleu, la mer devient un océan rouge profond, d’un sombre aussi noir que l’âme de ces marins.



Quand les bateaux quittent vers le large, ils laissent dans leur sillage non seulement un fracas de vagues, mais la mémoire de milliers d’innocents qui se heurte à ne sombrer sur les récifs de l’oubli. Et de ces écueils, tu pourras entendre le cri solitaire des âmes emportées vers le large.
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Le dernier mousse

Me voici reparti avec Francisco Coloane dans l'inhospitalité de ces côtes de l'extrême sud américain.

Cette fois, Horusfonck voyage avec Alejandro, passager clandestin devenu mousse (le dernier) sur le Baquedano.

Le mousse nouveau va se tremper le caractère, et découvrir le métier de marin! Il connaîtra, bien sûr, sa première grosse et inoubliable tempête.

C'est un roman court, fort et dense qu'offre Francisco Coloane au lecteur fasciné: Un récit riche avec son lot de personnages sculptés par la mer et ses légendes tellement vraies!

Me voilà rentré à terre, un peu désorienté après ces cent dix-huit pages d'océan, de vents et de périls... Mais j'ai déjà tellement hâte de retrouver la prose aventureuse de Coloane!
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