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Critiques de François Augiéras (22)
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Une adolescence au temps du Maréchal, et de m..

"Je est un autre", écrivait Rimbaud dans sa lettre dite " du Voyant". 

François Augieras écrirait bien qu'il est mille autres.



Comme le vagabond de Charleville, l'homme aux semelles de vent, François Augieras est fugueur, provocateur, aime les grands espaces, ciel, champs, forêt, désert , se cherche un maitre , un initiateur, mais pour mieux le quitter ou le défier. 



Comme lui, il se sent le coeur assez brave pour tenter toutes les conquêtes, épuiser tous les vertiges.  Comme lui, il est sans tabou, sexuel, religieux, artistique, social.



Comme lui, il se sent , face au ciel,  l'âme mystique et le corps païen.



Avec la guerre et l'instauration du régime de Vichy, c' est un étrange terrain de jeu qui s'ouvre à ce rebelle aux mille masques , cet orphelin de père, fils de bonne famille, né aux USA, élevé mollement par une mère d'origine polonaise qui ne l'aime guère et ne l'admire pas non plus. Il le lui rend bien.



En 1940, la France des pères est plongée dans la contrition et la repentance, tandis que son vieux Chef tente d'aiguiller la jeunesse désoeuvrée des  fils vers les mouvements de jeunesse qui se créent de tous côtés: la J.F.O.M., la S.P.E.S. , les chantiers de Jeunesse...Le maréchalisme fait flèche de tout bois: ces mouvements  ont pour mission de donner le goût de la terre, du travail manuel...bref d' occuper ces jeunes garçons au redressement de la France paysanne, provinciale et  immémoriale.



Ceux-ci n' ont que l'embarras du choix. Il faut juste mentir un peu, dire aux recruteurs de tout poil ce qu'ils ont envie d'entendre. François excelle à ce jeu-là. 



Il quitte donc sa mère,  ses études, Paris qu'il hait de tout son coeur et découvre , d'abord dans son cher Périgord,   la liberté magnifique de celui qui ne s'attache jamais longtemps à rien ni personne, mais qui sait parler, séduire, obtenir pour mieux se dérober, ruer dans les brancards, inquiéter, fuir...



Tout le tente: la mystique païenne, le pantheisme cosmique, la magie, le chamanisme, le théâtre, la peinture, l'écriture,  la musique: sans connaître les notes, jouer de l'accordéon....ou du chaudron!!!



Il se sent toutes les forces, tous les dons, tous les culots.  Il les a.



François,  le garçon sans père , s'en cherche toujours un:  c'est un aîné , un jeune adulte, comme Croses, comme Parsus, comme Boyé, de  jeunes peintres ou de jeunes poètes, ou alors un vieux maître, comme le vieux peintre Roger  Bissière, quand ce n'est pas le presque mourant André Gide dont il se vante d'avoir été le dernier amour.



C'est aussi , c'est surtout, Marcel Augieras, le Vieillard du Vieillard et l'enfant ,   l'oncle officier, au terrible " lit de fer " dressé face au ciel  sur les terrasses de pisé , au coeur du  désert algérien,  qui le déflore et le plie à un esclavage sexuel qui le marquera pour toujours, et dont il viendra, plusieurs fois, rechercher la morsure et narguer la solitude.



Peu d'amis. Un seul, vraiment, fidèle pendant 40 ans et jusqu'apres la mort: Paul Placet , l'instituteur des Eyzies, qui recueillera lettres, oeuvres, toiles. Et viendra souvent tenir compagnie à François quand il se retirera dans sa grotte de la Vézère,   sauvage, malade et demi-fou, avant de mourir de maladie et d'épuisement à 46 ans.



Une adolescence au temps du Maréchal, un livre culotté,  bravache, étincelant, sincère, toujours projeté en avant,  truqueur, décapant  et incroyablement moderne m'a emportée,  séduite, ravie...



Augiéras, l'homme "cent qualités " , l'homme mille facettes, l'homme mille défauts! Augiéras est un personnage de roman à lui tout seul, et sa vie, une perpétuelle échappée belle.



Je voudrais retrouver la grotte du désert algérien où,  au peril de sa vie, il a "enfermé" pour jamais des fresques peintes dans une espece de frénésie créatrice,  comme un pharaon qui peindrait sa propre sépulture avant d'y descendre pour mourir.



Une sorte de bouteille à la mer,  au désert plutôt - un geste plein de panache, d'innocence, de gratuité,  de beauté.



Tout François Augiéras, en somme.

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Domme ou l'Essai d'occupation

Visionnaire ou illuminé ?

Enfant des étoiles ou doux dingue ?

En tout cas François Augiéras ne trouvait pas sa place parmi les hommes d'aujourd'hui. Il se sentait autant d'hier - très loin hier, que de demain - dans un avenir proche. A la fin des sixties, après des années de nomadisme à travers le monde, des errements dans diverses idéologies et des séjours chez les moines de Tibhirine et du mont Athos, François Augiéras se fixe à Domme en Périgord où l'énergie magnétique est très puissante et parfaite pour vivre en bonne intelligence avec le cosmos et sa nature essentielle.



Déjouant les pièges d'une vie rangée et d'une identité précise, il s'exclut de la civilisation pour vivre partiellement à l'hospice et la plus grande partie de ses journées dans une caverne sous les ruines d'un château. Il décore son univers particulier de grandes étoffes peintes, construit un appareil à créer des vibrations, écrit beaucoup et médite inlassablement.



Il entre régulièrement en communion avec l'énergie primordiale qui exclut la notion de temps et d'espace au profit de la claire vision de la "Lumière Eternelle que l'Occident appelle Dieu". Cette faculté de dédoublement du corps et de l'âme lui fait connaître des pouvoirs psychiques très anciens, une "pure réserve d'existence absolue".



Réaliste de son besoin d'isolement, il sait qu'"il y a une part de panique et de total désespoir dans ma façon de vivre". Les habitants de Domme sont hostiles à son étrangeté et au mystère qui l'entoure mais ils gardent le silence car Augiéras fréquente aussi assidûment un banc de l'église dans une ferveur figée.



Cet Essai d'Occupation, titre du livre, peut se comprendre à différents niveaux de lecture, constants et répétitifs : au niveau du sol puisque François Augiéras n'a pas de domicile fixe et qu'il se crée un univers caverneux secret ; au niveau du corps car il souffre du coeur et est très affaibli à cause d'une dénutrition liée à son indigence ; au niveau de l'âme dont il affirme et ressent l'indépendance et la survie ; et au niveau de la Terre où une nouvelle race venue du ciel permettra au "Futur de redonner la main au plus lointain Passé".



Quelques pages de toute pureté et de profonde réflexion résonnent de la musique New Age des années 70 où l'annonce d'une nouvelle ère, celle des Enfants du Verseau, laissait entrevoir un monde plus conscient de la liberté et de la responsabilité individuelle. Elle n'est pas datée avec précision mais il semble certain que la présente ère des Poissons se termine, entraînant dans ses flots le chaos et la mutation obligée de l'Homme actuel.



Etonnant, sans doute inclassable, ce petit morceau de vie d'un homme différent contient une part de lumière et de rayonnement qui ne laissera personne indifférent.



Un tout grand merci à Nadejda qui, par sa critique élogieuse et inspirante, m'a permis de découvrir François Augiéras.
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Le Voyage des morts

Augiéras n'a pas fini de me charmer. Peut-être me surprend-il moins depuis que je l'ai quelque peu  lu .



Toutefois, pour qui ne le connaît pas, ce Voyage des morts risque d'être sinon un choc, du moins une découverte assez dérangeante du fait d'une extrême liberté de ton, de propos dans ce recit d'un "parcours initiatique" atypique où une naïveté edénique  d'avant la faute se mêle à une provocation tranquille, assumée,  réitérée.



Pédophilie, prostitution, homosexualité, zoophilie, sado masochisme, le jeune François erre dans les villes et déserts du Maghreb en quête de sensations fortes, de tendresse, de brutalité,  d'amour. Il est à la recherche de son âme dans l'espace dangereux des nuits où les corps s'aimantent et se cherchent, bravant l'interdit.



 Toujours en rupture avec l'ordre établi et en osmose avec les pulsions naturelles , toujours entre deux marchandages,  les très jeunes prostituées qu'il paye, les hommes mûrs qui le paient , entre deux sortes d'amour, les jeunes bergers qu'il désire et attire, et le vieil homme qui le sadise et l'instruit.



Le récit n'est jamais linéaire, la chronologie semble itérative, lancinante comme le Boléro de Ravel,  la trame, comme le manteau d'un vagabond céleste, trouée d'ellipses, de "blancs" inexplicables,  s'ouvre soudain sur l'extase d'un ciel étoilé,  quitte sans ambages un lieu, un être, un métier, pour spéculer sur l'essence du divin, l'esthétique du sacré. 



Le lecteur est voué à suivre ce Voyage comme si lui-même s'était embarqué sur la nef des Morts, penché sur les abîmes,  perdu dans les ergs ensablés.



Peut-être vaut-il mieux goûter d'abord au pur poème du Vieillard et l'Enfant, ou lire le récit insolent et allègre d'une jeunesse au temps du Maréchal avant de tenter ce Voyage-là. 



Le Voyage des morts est d'un abord difficile, déroutant, mais il est aussi profondément original, refusant toutes les articulations logiques, chronologiques, tous les habillages romanesques destinés à faire passer la pilule:  c'est un saut délibéré dans l'inconnu.



Le journal de bord poétique et enfiévré d'un itinéraire intérieur unique.
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Le Vieillard et l'Enfant

François Augieras - encore un des 53 Désemparés de Patrice Delbourg - est ce jeune poète abusé sexuellement  par un oncle colonel en Algérie alors qu'il n'a pas 20 ans.



Dans le désert algérien, il découvre une sensualité faite de soumission et de révolte, la magie des nuits sahariennes sur les toits d'un bordj algérien, une homosexualité revendiquée , le paganisme innocent d'une religion quasi panthéiste  et ...la libération souveraine de l'écriture!



 Dans de petits carnets de papier coloré -un ocre, un bleu, un rose- , il récite, comme une prière incantatoire, cette étonnante  initiation où  l'esclavage est brisé par l'alchimie libératoire de l'écriture. Il envoie  ces petits carnets par la poste et les publie , d'abord à  compte d'auteur, sous le pseudonyme  d'Abdallah Chaamba. Les éditions de Minuit reprendront en un volume les trois brochures. La quatrième édition, cette fois signée François Augieras et préfacée par lui, paraît en 1963. En 1971, épuisé moralement et physiquement, François Augieras meurt,   à 46 ans , dans la grotte de Domme,  en Perigord , où il s'est retiré pour peindre, écrire et méditer  loin du bruit et de la fureur des hommes.



Le vieillard et l'enfant est donc un récit initiatique -et non le  récit  quasi autobiographique d'une adolescence marquée du sceau de l'inceste, du viol et de l'emprise sexuelle. Voyeurs, passez votre chemin...



Le vieillard et l'enfant est un long poème,  qu'on ne se lasse pas de relire, un bréviaire d'un genre assez iconoclaste dont les 80 pages se glissent dans la poche et se relisent avec le même délice....



On pense aux Illuminations de Rimbaud, version nocturne, car les nuits sahariennes semblent,  beaucoup plus que les journées d'écrasante chaleur , la clé de voûte de chaque page, le point d'orgue de chaque cantate.



On pense au  Nathanaël gidien, qui aurait ravi la parole au vieil André Gide, et lui aurait rivé son clou, préférant aux Nourritures terrestres elliptiques et prudentes de son vieux mentor  la proclamation triomphante d'une sensualité assumée,  juvénile et incroyablement mature dans sa forme et son langage .



Gide ,d'ailleurs, l' apprecia beaucoup .

Peut-être jalousa-t-il secrètement la fraîcheur jaillissante, la musique envoûtante de ces petits carnets d'un Nathanaël vengeur et sauvageon...



Une pépite,  une gemme!



Je vais me précipiter sur les autres livres de François  Augieras et sur ce qui a subsisté de son oeuvre peint...Le peu entrevu sur internet m'a laissée admirative...
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Domme ou l'Essai d'occupation

Proche de la magie africaine, des rituels amérindiens, des chamanes, François Augiéras après avoir beaucoup voyagé, entre autres en Algérie, au Sénégal, en Grèce où il séjourne au Mont Athos, après des séjours à l’hôpital de Périgueux va, à la fin des années 1960, se réfugier dans les grottes de Domme pour fuir l’hospice où il est accueilli à titre d’indigent.



Cet homme se veut un Homme Vivant, au service du sacré, un homme nouveau qui sent les vibrations de l’Univers et qui s’unit dans sa grotte, à la terre-mère et sous le ciel étoilé, au cosmos.

«  Tel un ressac qui lave une plage inconnue, je ne sais pas qui je suis, d'où je viens, si ce n'est que j'existe, avant de mourir et de renaître ailleurs, sous les paupières closes de l’Univers-Divin. »

« Est-il joie plus délicieuse que de quitter le temps pour vivre au cœur de la pierre, en contact immédiat avec les forces du monde, et de parler avec son âme dans le silence du roc ? »



Mais la présence de ce païen nomade et libre qui dit « n'être plus qu'un archétype vieux comme l'Univers, qu'une âme millénaire, et qu'une voix solitaire. » n’est pas du goût de tous dans ce village de Domme où il se sent épié et où il va voir pillée et souillée la première grotte où il s’est installé...



Ce livre que j’avais lu en 1982 année de sa première édition, soit 11 ans après la mort de son auteur, n’a pas pris une ride et je l’ai redécouvert avec le même émerveillement.



Je place François Augiéras au côté d’Antonin Artaud, Jean Genet ou Henry Miller qui disait de Domme et la Dordogne où il a fait un arrêt alors qu’il se rendait en Grèce, comme Augiéras lui-même l’a fait bien des fois, et plus particulièrement au Mont Athos :

« Coup de génie, de ma part, cette idée d'explorer la région de la Dordogne avant de me plonger dans l'illumination millénaire du monde grec. Rien que le coup d'oeil sur la rivière noire et mystérieuse du haut de la magnifique falaise à l' orée de Domme, suffit pour vous emplir d'un sentiment de gratitude impérissable. Pour moi cette rivière, ce pays ..... Ce n'est pas plus la France que l'Autriche, ni même l'Europe : c'est la terre d'enchantement jalousement marquée par les poètes et qu'eux seuls ont le droit de revendiquer comme leur.

Ce qui se rapproche le plus du paradis, en attendant la Grèce.(...)

Rien ne m 'empêchera de croire que si l'homme de Cro-Magnon s'installa ici, c'est qu'il était extrêmement intelligent, avec un sens de la beauté très développé.(...) Rien ne m'empêchera de croire que cette grande et pacifique région de France est destinée à demeurer éternellement un lieu sacré pour l'homme et que, lorsque la grand-ville aura fini d'exterminer les poètes, leurs successeurs trouveront ici un refuge et berceau. 

(...) Il se peut qu’un jour la France cesse d’exister, mais la Dordogne survivra, tout comme les rêves dont se nourrit l’âme humaine.» (Le Colosse de Maroussi)



Et l’on peut ajouter que le premier monastère tibétain fondé en Europe l’a été en 1975 en Dordogne, après que ses moines aient lu dans leurs oracles que c’était là qu’ils devaient se rendre.



Merci à cet Homme auquel on peut dire comme le Devin dans « Ainsi parlait Zarathoustra » :

« Tu nous as fait voir de nouvelles étoiles et de nouvelles splendeurs nocturnes ; en vérité, tu as tendu la vie elle-même au-dessus de nous comme une toile de tente multicolore. »

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Domme ou l'Essai d'occupation

Acquisition dans les années 1980 /

Re-lecture fin décembre 2021



En cette fin d'année, entre quelques réjouissances entre amis, préparatifs de cadeaux, je replonge dans des tris de rayonnages, et me re-voilà avec un texte d'un "auteur maudit", choisi il y a un temps certain (!!!), dont une amie à l'époque m'avait communiqué son enthousiasme et son admiration !



François Augérias, un homme au parcours aussi incroyable que douloureux; dans ce texte, il se retrouve, à sa demande, dans un hôpital psychiatrique, étant perdu et craignant pour son état mental; sans le sou, souhaitant se retirer loin des hommes...mais c'est encore trop !!

Il peut sortir quotidiennement, va marcher, désire trouver un coin pour lui tout seul, comme les bêtes: une tanière !



Ce qu'il parvint à faire; il s'y réfugie, se nourrissant de pain, beurre, thé; se détachant de son enveloppe corporelle, afin de ne pas ressentir la violence de sa solitude?



Mentalement, il se retrouve dans une sorte d'absolu mystique, de volonté de dépassement humain , et d'harmonie avec la Nature, le Grand Tout !



Lecture complexe car elle va au creux de la douleur d'un homme qui se sent étranger à ses congénères ...et à ce monde.



Artiste flamboyant et incompris,qui me fait beaucoup songer à Antonin Artaud...



Ce texte très intense...on ne peut en sortir indemne ; il nous prend aux tripes,tant on ressent la quête de cet homme-poète ,totalement désespérée et exacerbée !!









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L'Apprenti sorcier

« Il y avait en Périgord un prêtre qui habitait tout en haut d’un village composé de vingt maisons à toits de pierre grise…»

Sans en connaître bien davantage, les parents du narrateur, un jeune garçon de 16 ans, confient leur rejeton à cet abbé de 35 ans, rustre et singulier, avec la mission de lui apprendre à vivre, quitte à le « traiter vivement » si besoin est.

Très vite, entre l’abbé et le jeune adolescent rêveur, épris de nature et de sensualité, se noue une relation faite de coups et de caresses, un apprentissage charnel et sexuel, abordé dans la douleur et la violence. Les coups de fouets succèdent aux baisers, les châtiments s’agrémentent de doux moments d’intimité et d’une initiation panthéiste aux secrets de la terre.

Loin d’y trouver matière à se plaindre, le jeune narrateur puise dans ces égarements, dans cette union masochiste inattendue, une entière satisfaction, le sentiment d’une fraternité primitive berçant au plus profond son caractère sauvage et tendre, et lui procurant un état bienheureux d’inconscience et de paix.

Dans la nature luxuriante et magique du beau Sarladais des mois d’été, le jeune homme vit en communion parfaite avec les êtres et les choses qui l’entourent.

Dans le village, il fait également la connaissance d’un petit livreur de pain de 13 ans dont l’attrait et la grâce juvénile ne lui sont pas insensibles. Les deux enfants s’aiment dans le cadre grandiose du Périgord noir, au cœur des forêts ancestrales, à l’abri des grottes et des rocs, dans un partage des sens intense et enivrant.

Mais aux instants délicieux succèdent la peur d’être pris et emprisonné. Car les gendarmes rôdent…et enquêtent sur ces relations qualifiées de « contre-nature ».

Initié par l’abbé aux secrets et mystères d’une nature dont il perçoit les moindres oscillations de vie, notre jeune apprenti sorcier décide de braver la loi sociale avec le concours de la magie et des esprits peuplant les eaux mortes de la Vézère.

Par un étrange cérémonial, le garçon cache son âme dans le miroir de l’eau, là « où les hommes de Loi n’iront pas le chercher »…



Hymne à la nature, au plaisir, à la sensualité et à la liberté, ce livre écrit en 1954, publié une première fois en 1964 sans mention du nom d’auteur, est une entière, une étourdissante, une étonnante découverte.



Découverte d’un auteur d’abord, ce François Augiéras dont les éditions Grasset ont eu la bonne idée, à la fin des années 90, de rééditer l’œuvre dans la collection « Les cahiers rouges ». Ecrivain vagabond, errant mystique, homme hors du temps et des modes, voyageur rimbaldien et provocateur à la sensualité à fleur de peau, l’auteur cosmique « primitif et maudit » du « Vieillard et l’enfant » ou du « Voyage des morts », meurt dans la misère au terme d’une existence brève et ascétique (1925 – 1971), laissant une œuvre littéraire et picturale belle et forte autant qu’anticonformiste, très / trop longtemps souterraine car assurément troublante et dérangeante.

Figure brûlante et fascinante de la littérature française, saluée par André Gide ou Yves Bonnefoy, François Augiéras est de ces êtres originaux à la philosophie de vie particulière, qui ne peuvent laisser indifférent tant leur vision des choses et du monde est au-delà de la morale, des lois sociales, des dogmes et systèmes de pensées généralement admis.



Découverte d’une plume ensuite, dont la qualité, entre simplicité, rudesse et lyrisme, est d’une beauté brute, sauvage, indomptée, comme une pierre précieuse encore enchâssée dans sa gangue de roche laisse augurer des mille feux dont ses facettes vont nous éblouir.

Cependant, il nous faut convenir que « L’apprenti sorcier » est un roman d’apprentissage et d’initiation qui peut aussi heurter les sensibilités.

On y parle d’amour charnel, d’homosexualité, de plaisir dans la douleur, de jouissance, de sensualité animale se révélant dans les offrandes de la terre….c’est le récit d’une éducation sentimentale agrémentée d’une sauce païenne à la fois goûteuse et piquante, envoûtante mais aussi choquante à certains égards.

Il n’y a pourtant aucune vulgarité, aucun érotisme racoleur dans ces lignes superbes mais plutôt une poésie enchanteresse et une volonté d’absolu, une recherche spirituelle de sens et des sens, qui puisent sa force dans le Beau et dans les choses les plus naturelles, les plus essentielles, les plus fondamentales et primaires de la vie.



Nature, beauté et plaisir sont ici intimement liés dans une communion, une eucharistie du corps et de l’esprit évoquée avec un mysticisme païen. François Augiéras est un animiste dont l’œuvre prend racine dans les entrailles de la Terre, au cœur des éléments, au sein d’une nature magique et secrète dont on apprend le langage avec tous les sens et avec toutes les parcelles de son corps. Il est un peu le mix de Giono avec le grand dieu Pan…ou un Gabriel Matzneff à la mode périgourdine…

De cette puissante évocation nimbée de paganisme de la beauté de la nature et du plaisir charnel, on ne partagera cependant pas toute l’indécente vision. La félicité dans la douleur, l’auto-flagellation, le corps à corps sensuel avec un arbre, l’acte d’amour avec un jeune garçon…ont certes de quoi choquer les âmes bien-pensantes.

Pour autant, on aurait tort de réduire l’œuvre d’Augiéras, souvent d’inspiration autobiographique, à une littérature licencieuse et perverse quand cela va totalement à l’encontre de tout ce qu’a voulu dispenser cet auteur en perpétuelle quête d’absolu, mystique et visionnaire, à la plume claire, inspirée et symbolique, pleine d’illuminations magnifiques.

Car « L’apprenti sorcier » est un livre riche, intense, plein de ferveur et de croyances, le culte de l’émerveillement dans toutes les manifestations de la vie. C’est encore un éloge de la différence, une aspiration grisante du plaisir, de la découverte du corps et de ses limites, une recherche de soi dans les arcanes sacrés de Mère Nature, une incantation chamanique liant l’âme et le monde.

Autant de bonnes raisons pour (re)découvrir cet auteur inclassable, ce « Barbare en Occident » au charme si singulier mais à la voix cosmique si vibrante et percutante.

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Un voyage au mont Athos

Remarquablement bien écrit, cet ouvrage nous emmène à travers les forêts, les auberges, monastères et grottes plus ou moins imaginaires. On pourrait croire à un ouvrage de science fiction/fantasy avant la lettre. D'ailleurs, une citation en exergue de H.P. Lovercraft tirée de "Démons et merveilles" nous y inciterait.

Si ce n'était le côté foi mystique, présentée par l'auteur comme exonérante de ses penchants sexuels. Thème récurent d'ailleurs dans son oeuvre ("Le vieillard et l'enfant", "L'apprenti sorcier") mais beaucoup plus marquée cette fois.

Sans doute, comme le dit Jean Chalon, cet auteur aura pénétré des "univers où ne s'aventurent que quelques rares élus". il me fait cependant l'effet, à la lecture, d'être une espèce d'aliéné et/ou de drogué triste. (simple opinion)
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Le Voyage des morts

Augiéras, le Grand Vivant



L'oeuvre de François Augiéras est une entière approbation de l'existence ; un témoignage fervent des douleurs et des plaisirs gravés à même la chair.



Martyr offert à la joie de la souffrance et de la jouissance, ce Grand Vivant était peau à peau avec les quatre éléments du cosmos.



Il est de ceux qui osèrent présenter leur poitrine nue à l'épée de lumière, afin qu'elle entrouvre les points cardinaux de son âme.



Tour à tour victime et bourreau, il fut un être lumineux, solaire ; une âme burinée dans la forge des volcans.



Par le sexe, il fit corps avec la part d'humus qui gît en tout être.



Il est peu d'hommes qui aventurèrent leur vie aussi loin, qui se piquèrent avec autant de passion aux ronces rougies de l'extase.



Les livres d'Augiéras sont sa semence, donnée aux hommes qui le reconnaîtront pour frère.



Météore, il brûle dans la nuit comme un grand soleil.



© Thibault Marconnet

le 1er février 2013
Lien : https://le-semaphore.blogspo..
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Le Vieillard et l'Enfant

Au début des années 50, l'auteur tente vainement de faire publier son texte dont le lecteur ne peut sortir indemne. Loin du déballage à la mode des années 2020, le viol qu'il a subi dans sa jeunesse par un oncle y est transposé sous la forme de violence y compris sexuelle de la part d'un vieux colonel français sur un adolescent arabe aux yeux bleus. Pas de détails, sordides ou non, car le but de l'ouvrage n'est pas ici. Jean Chalon dit de François Augiéras qu'il est un phare souterrain. je comprends cette phrase comme ceci: cet auteur, mystique, est l'explorateur de la noirceur chez l'Homme. La souffrance, la peur et le désir de mort, la tristesse, la quête à jamais fracassée de l'absolu.

Remarquablement bien écrit, le texte est court et semble être comme il doit être.
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Le Voyage des morts

En lisant le titre et le thème , à savoir les aventures en grande partie homosexuelles et masochistes de l'auteur, nous avons du mal à croire que ce récit est nimbé d'une délicieuse poésie. Et pourtant c'est le cas !

Dans des lieux sauvages des régions algériennes, Augiéras nous présente ses rencontres , ses désirs mais aussi sa vision de l'existence en grande partie influencée par la philosophie nietzschéenne.
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Le Voyage des morts

Il faut lire ce livre en abandonnant nos filtres et nos repère moraux de tièdes démocrates. Parfois, on a envie de rire, mais la folie de l'extase d'Augiéras n'accepte aucune ironie, aucune espèce d'autodérision. Il est dans la sensation crue. Les chapitres sont donnés par des noms de lieux: Tadmit, Gardaia, El Golea, Agadir, sauf le dernier, sorte d'épilogue au Mali: le Fleuve.



François Augiéras est un barbare qui a vécu trop seul. Il écrit le soir à la lueur d'une petite lampe. Il aime marcher dans le désert, sous le ciel devenu clair, dans le silence de la campagne déserte. Il va au bordel aimer des putes de quinze ans ou suit dans la nuit des garçons indigènes et nomades dans l'espoir d'une étreinte amoureuse, au risque de la mort, armé de son revolver.



Il fait un stage dans une contrée dangereuse, l'Algérie des années 50, juste avant la décolonisation. Il est destiné à devenir moniteur de la SAR (secteur d'amélioration rurale) et mène une vie de berger, faire paître les bêtes, les vacciner, les passer au bleu de méthylène.

Sous la luminosité d'une extrême violence, on le prend pour un simple d'esprit. Il écrit avec ses tripes, uniquement concentré sur la sensation, ce qu'il éprouve au contact des forces de la nature, de la vie qui s'écoule si forte en lui. C'est ce qui frappe le lecteur, cette intensité à vivre la moindre sensation, le sommeil, l'envie de sexe, la nature, le froid, le chaud, l'inconfort, la dureté. Il jouit de tout et nous le fait savoir par son écriture limpide, ses phrases dures et lumineuses. Sa prose consacre le silence et décrit des instants de solitude et d'extase. On découvre un frère un peu fou qui côtoie la mort. Il vit tout à fleur de peau. Il écrit qu'il est délirant de gaieté, qu'il danse de joie, saoulé par l'air et la vie « ...mon îvresse incomparable devant l'amour, dans la plénitude de ma joie de vivre. »

Il mourra jeune, c'est écrit. François Augiéras meurt à 46 ans, seul, pauvre, à l'hospice de Montignac.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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François Augiéras ou Le Théâtre des Esprits (1CD ..

La voix de François Augiéras



Pour tout lecteur passionné de François Augiéras, entendre la voix de cet écrivain à nul autre pareil est un moment d'intense émotion.



"François Augiéras ou Le Théâtre des Esprits" est un livre CD qui comprend deux enregistrements dans lesquels on peut entendre la voix hantée et incantatoire d'Augiéras déclamer des passages de ses livres "Le Vieillard et l'Enfant", ainsi que "Le Voyage des morts".



Certains extraits sont inédits, Augiéras ne les ayant pas gardés pour les versions définitives de ses récits.



Sa voix craque comme du bois que l'on brûle et vous saisit le cœur à pleine main.



« Mais qui lira jamais les livres que j'ai écrits ? Dans l'obscurité où je vis, ils sont encore comme enfoncés dans le ciel noir et menacés quand ce ne serait que par ma mort. »



« Cette nuit, j'irai jusqu'à l'océan et j'emporterai ma voix. »



Pour ajouter à l'émerveillement, le lecteur pourra découvrir six petits films inédits, réalisés par François Augiéras à l'aide d'une caméra 8 mm, et accompagné de son ami Paul Placet.



Leurs titres contribuent à l'enchantement et au mystère : Ambiances de Tanger ; Devant l'église de Saint-Amand-de-Coly ; La Chasse Fantastique ; Planeur à Bassillac ; L'Île du bout du monde et Vues d'un Sarladais abandonné.



Il est troublant de voir François Augiéras et Paul Placet s'empoigner tous deux comme de jeunes chiens fous et lutter au sol devant l'église de Saint-Amand-de-Coly ; ainsi que de voir Paul Placet tentant d'étrangler, par jeu, son ami.



Ceux qui ont lu "La Chasse fantastique", petit ouvrage écrit avec Paul Placet, reconnaîtront dans ces images filmées, les moments de contemplation et de violence sourde évoqués dans ce beau livre.



À cet ouvrage, s'ajoutent de belles photographies prises par François Augiéras ; des lettres issues de ses diverses correspondances ; et last but not least, des lettres du capitaine Augiéras lui-même, l'oncle de l'écrivain, adressées à la mère de celui-ci.

Cet oncle fantasmé qui n'est autre que le fameux vieillard évoqué dans "Le Vieillard et l’Enfant".



"François Augiéras ou Le Théâtre des Esprits" est un livre propice au recueillement et à l'exaltation.

Il permet de coller son âme à la vie qui palpitait dans le sein broussailleux de cet éternel sauvage, de ce "dernier païen", mort dans l’indifférence générale le 13 décembre 1971, à l’âge de 46 ans, dans un hospice pour indigents de Montignac. Chacun de ses livres est une pierre de feu qui nous éclabousse les yeux de lumière.

Sa tombe se trouve au cimetière de Domme (dans le Périgord noir). C’est Paul Placet qui inscrivit sur la stèle le nom de son ami, dans une graphie presque runique :



Augi

Éra

S



Et depuis, chaque nuit le tonnerre gronde dans le ventre de la terre. Car son cœur de lave est toujours vivant : la brûlante empreinte en est gravée dans chacun de ses mots.

Par deux fois, je fis pèlerinage à Domme, vers ce terreau de légendes, ce vivier dans lequel nagent les poissons fabuleux du mystère.



Ce livre CD est une mine d'or pour tous les augiérassiens (dont je fais partie) : maigre communauté d’individus solitaires, éparpillés aux quatre vents de la terre.



© Thibault Marconnet

le 06 décembre 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Domme ou l'Essai d'occupation

Ce qu’il y a de dérangeant avec la folie, c’est qu’elle s’oppose à ce que l’on ne peut que difficilement définir en pratique : la sagesse.

Compliqué alors de répondre à la question qui m’a pourtant taraudé tout au long de son récit : Michel Augieras est-il fou ou bien sage ?

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il s’agit d’un sacré bonhomme et que sa tentative de vivre sur cette Terre (Essai d’occupation), pour désespérée qu’elle soit, relève d’un sublime effort de mise à nu.
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L'Apprenti sorcier

De l'oeuvre de François Augiéras (1925-1971), on retient généralement Une adolescence au temps du Maréchal, Le Voyage au Mont Athos et le superbe Le Vieillard et l'enfant, plus rarement ce récit d'une brève centaine de page paru anonymement en 1962, avec pour seule mention "par l'auteur du Vieillard et l'enfant". C'est qu'il existe en effet entre ces deux textes plus d'une affinité. Récit d'apprentissage, comme le laisse présumer son titre, mais singulièrement poétique, stylisé, il raconte l'expérience d'un adolescent placé chez un étrange prêtre de trente-cinq ans dont les pratiques de la macération confinent au chamanisme. Il est aussi question d'apprentissage sexuel, avec le prêtre puis avec un jeune garçon dont la beauté se confond avec celle des paysages périgourdins dans lesquels se situe l'action.

Le style est beau, exact, d'un classicisme dépouillé : les phrases sont courtes, le vocabulaire simple, monosyllabique ("il but à longs traits doux et graves"). Presque aucune métaphore, ou alors les moins sophistiquées possible : "La terre tournait lentement dans un ciel pur strié de nuages roses pointus comme des avants de barque". Les imparfaits du subjonctif, les inversions ("trop loin des hommes pour les jamais rejoindre"), l'usage de certains mots dans une acception rare ou désuette font de la langue d'Augiéras une langue atemporelle, indatable.

Lire la suite : http://ivressedupalimpseste.blogspot.com/2008/07/franois-augieras-lapprenti-sorcier.html
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Le Vieillard et l'Enfant

Je lis tout Augiéras.

Toujours un grand plaisir
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Domme ou l'Essai d'occupation

Le sommet de la littérature !
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Les barbares d'Occident

je vais lire et relire encore F.Augiéras.

La crème des auteurs français !
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Une adolescence au temps du Maréchal

Augiéras a un style particulier, fait de brutalité et de préciosité qui ne plaira pas à tout le monde. Le témoignage historique est passionnant.
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L'Apprenti sorcier

Toujours aussi agréable à lire.
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