Citations de François Mauriac (1314)
La main séche et chaude qui tenait la sienne resserra son étreinte. Une force indifférente sinon ennemie le remorquait. Enfermée dans un univers inconnu de passions et de pensées, pas une fois sa mére ne lui adressa la parole.
L'horreur de s'être vendue pour une vanité dont l'ombre même lui était dérobée, occupait son esprit, la tenait éveillée jusqu'à l'aube.
Ne croyez-vous pas que votre pére eût été un autre homme si nous-mêmes avions été différents ?
Vous ne compreniez pas qu'il avait besoin, pour respirer, de se sentir le plus fort. Il ne fallait pas lui tenir la dragée haute. "La dragée haute" ne fait pas sauter cette espéce de chiens : ils dètalent vers d'autres pitances servies par terre.
La seule approche de cet homme avait réduit à néant son espoir de s'expliquer, de se confier. Les êtres que nous connaissons le mieux, comme nous les déformons dès qu'ils ne sont plus là!
Il n'arrive pas à beaucoup d'hommes de retrouver dans le réel, à la portée de leur regard, ce monde que la plupart ne découvrent qu'en eux-mêmes quand ils ont le courage et la patience de se souvenir.
Il s’était mis à genoux, les mains jointes sur le cahier ouvert. Ses mains faites pour consacrer et pour absoudre touchaient cette page où, entre chaque ligne, courait le trait léger qu’y avait gravé l’ongle de Gradère. Le desservant priait sur cette écriture criminelle. Dans un effort d’obéissance, il rappelait à son esprit l’enseignement du séminaire. Personne n’a de soi-même que le mensonge et le péché, c’est un don de Dieu que d’aimer Dieu et son amour nous récompense de ce que son amour nous a donné. Mais si c’est Lui qui commence pour le bien, c’est nous qui commençons pour le mal. Chaque fois que nous faisons le bien, Dieu opère en nous et avec nous ; chaque mauvaise action, en revanche, n’appartient qu’à nous. Pour le mal, nous sommes en quelque sorte des dieux…
– Ce que je voulais ? Sans doute serait-il plus aisé de dire ce que je ne voulais pas ; je ne voulais pas jouer un personnage, faire des gestes, prononcer des formules, renier enfin à chaque instant une Thérèse qui... Mais non, Bernard ; voyez, je ne cherche qu'à être véridique ; comment se fait-il que tout ce que je vous raconte là rende un son si faux ?
Pourquoi les villages des Landes ne brûlent-ils jamais ? Elle trouvait injuste que les flammes choisissent toujours les pins, jamais les hommes.
Thérèse dit qu'il n'y a rien de pire, pour tourner la tête aux jeunes filles, que les romans d'amour de l'œuvre des bons livres... mais elle est tellement paradoxale...
« mais on ne se demande pas si elle est jolie ou laide, on subit son charme »
Thérèse, beaucoup diront que tu n'existes pas. Mais je sais que tu existes, moi qui, depuis des années, t'épie et souvent t'arrête au passage, te démasque.
Xavier Frontenac jeta un regarde timide sur sa belle-soeur qui tricotait, le buste droit, sans s'appuyer au dossier de la chaise basse qu'elle avait rapprochée du feu ; et il comprit qu'elle était irritée.
De quoi sont faites ces minutes où il ne se passe rien d'extraordinaire ? Et pourtant, nous savons bien qu'elles n'ont pas de prix...
J'ai voulu combattre ce qui me reste d'accent anglais par une pointe d'accent gascon : comme vous mettez de l'ail dans le gigot.
(…) ce mariage, c’était une porte, croyait-elle, ouverte sur l’inconnu, un point de départ vers elle ne savait quelle vie. Elle n’ignore plus aujourd’hui que ce qu’on appelle un milieu fermé, l’est à la lettre : y pénétrer semblait difficile, presque impossible ; mais en sortir !…
A seize ans, le drame de la Semaine Sainte réside dans le contraste du printemps adorable et de sa langueur avec la nécessité d'attacher son esprit au mystère d'un Dieu crucifié par nous.
Mais j'ai peur pour toi ; j'ai peur de la nuit, où sans le bien aimé tu t'enfonces.
La vierge mesure de l'oeil cette larve qui est son destin. Le beau jeune homme aux interchangeables visages, le compagnon du rêve de toutes les jeunes filles, - celui qui offfre à leurs insomnies sa dure poitrine et la courroie serrée de deux bras, - il se dilue dans le crepuscule de cette cure, il se fond jusqu'à ne plus être, au coin le plus obscur du parloir, que ce grillon éperdu. Elle regarde son destin, le sachant inéluctable : on ne refuse pas le fils Péloueyre. Les parents de Noémi, s'ils vivent dans l'angoisse que le jeune homme se dérobe, n'imaginent même pas qu'aucune objection vienne de leur fille ; elle n'y songe pas non plus. Depuis un quart d'heure, tout ce que doit lui donner la vie est là, se rongeant les ongles, se tortillant sur une chaise.
Complaisamment il rappelle les vertus de Noémi que M.le curé a choisie entre toutes et qui édifie la paroisse. Elle appartient à cette race qui ne cherche dans le mariage aucune joie charnelle, femme de devoir, soumise à Dieu et à son époux, ce sera une de ces mères comme on en rencontre encore et de qui rien, en dépit de multiples grossesses, n'entame la candide ignorance.