La robe prétexte/
François Mauriac
Deuxième roman de Mauriac, ce récit fut publié en 1914.
Le titre d'abord : sous l'empire romain, un jeune ayant atteint l'âge d'homme abandonnait
la robe prétexte blanche à bordures pourpres qui était l'insigne de l'adolescence.
Jacques le narrateur, se remémore son enfance et son adolescence à Bordeaux.
Orphelin, il vit alors chez sa tante et son oncle entouré de sa grand-mère adorée, d'une bonne soeur et d'une dame de compagnie nécessiteuse, des femmes pieuses dépourvues de tout lyrisme, et taquiné par sa cousine Camille déjà la cible des élans de son coeur.
L'oncle, noceur, joueur, adepte d'un hédonisme sans retenue, délaisse sa femme pour s'adonner à des virées mystérieuses et « son indifférence à l'endroit de sa femme autorise celle-ci à revendiquer les privilèges du veuvage ! » de plus il gère le patrimoine de son neveu en se servant. Jacques est quelque peu ébloui par les récits que son oncle fait de sa vie facile de casinos en casinos.
Jacques devine que le passé de ses parents est obscur. Sa mère est morte six mois plus tôt et son père, artiste peintre à ses heures « ayant besoin de lumière exotique » parti en Polynésie, est lui aussi disparu.
« J'éprouvais l'ennui de ne pas savoir le tout du drame entrevu, de ne pouvoir organiser sur des données précises mon passé. »
Jacques, rêveur, aime lire :
« …J'avais vite fait de gagner ma chambre, de tourner la clef, de m'abandonner à l'indicible volupté de la lecture. J'entreprenais une lecture comme on commence un grand voyage. le monde s'anéantissait… La comtesse
De Ségur, née Rostopchine, détruisait autour de moi la vie, me transportait tout éveillé à l'ombre des vergers de la campagne normande, où déjà
les petites filles modèles avaient des coeurs troublés de puériles amitiés et de douces querelles. »
Le style merveilleux de Mauriac séduit dès les premiers chapitres. Ses descriptions sont d ‘une précision et d'une finesse remarquables et l'on sent les personnages vivre à chaque ligne.
Le temps passe qui va voir naître un amour très platonique entre Camille et Jacques conseillé par son ami et confident José Ximenez.
Parti à Paris pour ses études, Jacques va côtoyer des jeunes femmes, mais sa timidité, son éducation qui fait que le dégoût lui vient des plaisirs de la chair hormis le rêve avec Camille, ses scrupules religieux et familiaux font qu'une loi austère pèse sur lui tel un dogme, une discipline.
Rêveur, idéaliste, romantique, connaitra-t-il à son retour de Paris vers le domaine familial d'Ousilanne pour la mort de sa chère grand-mère, l'épanouissement de ses sentiments envers Camille et réciproquement ?
« Je souhaitais passionnément qu'elle fût la vierge chrétienne qui dit simplement la prière du soir au seuil des voluptés calmes et sanctifiées… Tout mon coeur se soulevait vers la Camille idéale que, pour mes délices, avaient créée mon coeur et ma pensée. »
Les dernières lignes de ce roman sont d'une grande beauté stylistique, émouvantes et généreuses, mais je ne les cite pas afin de ne pas dévoiler la fin.