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Citations de François d` Epenoux (138)


Tu étais comme ça, pas étonnant que tu aies fait un choix aussi radical. Personne n'avait jamais guidé tes actes, ce n'était pas maintenant que ça allait commencer. Tu suivais ton chemin, quitte à forcer le passage, parfois, au propre comme au figuré.
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Mais au delà de ça, ce qui rendait la scène remarquable, c'est qu'elle faisait mentir de part et d'autre tous les préjugés qu'au premier abord elle aurait pu faire naître : non, les zadistes n'étaient pas tous des décérébrés incapables d'argumenter, juste bons à bouffer des pâtes périmées données par le supermarché du coin ; et non, cette jeunesse dorée n'était pas un ramassis de sectaires prétentieux, prompts à se boucher le nez devant la différence.
Tu les avais charmés, passionnés, touchés. De la à dire qu'ils allaient te suivre dans ta cabane de bric et de broc, il y avait un pas, mais au moins, ils t'auraient écouté. Mieux encore : ils t'avaient écouté sans en faire trop. Ce qui n'était pas le cas de tout le monde. Combien de fois avais je entendu certaines de mes amies, mères de famille, se pâmer devant ton engagement ("Zadiste, quel courââge, au moins il va au bout de ses convictions, c'est formidââble") et pleurer le lendemain parce que leur grand fiston n'était pas reçu à l'Essec mais à l'Edhec ?Ou d'autres assises devant leur maison climatisée de quatre cent mètres carrés avec trois SUV dans le garage, répéter à l'envi comme pour s'en convaincre : "Les Zadistes ? Ce sont eux qui ont raison !"
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Marc sur les parcours de golf les plus courus de la planète, heureux sous sa casquette de joueur de base-ball, avec sur le nez, en permanence, les lunettes noires qui confèrent aux vies des "happy few" le délicieux vernis de la légende. (p.94)
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La télécommande, nouvelle baguette magique de la domotique ! (p.18)
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- En gros, tu me laisses le week-end pour détruire ma vie.
- C'est ça.
- Juste deux jours à tuer. Et ma famille avec.
- (...) Pardonne-moi de te le rappeler, mais c'est toi qui as décidé de rompre avec ta vie. Je t'entends encore me dire que tu allais tout quitter. Partir. Que c'était mieux comme ça. C'étaient tes mots. Tu le sais bien.
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Il n’y a pas d’école de parents. On apprend sur le tas, on fait ce qu’on peut avec ce que l’on a, et puis tout à coup, l’enfant qu’on filmait hier en essuyant sa morve vous dépasse d’une tête, vous répond, vous en veut, vous fait payer vos fautes, ces fautes qui n’en sont pas.
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Ce n'était pas faute d'y avoir cru. J'avais poussé l'imposture envers moi-même jusqu'à me persuader que ce magma impatient, ce second estomac affamé d'absolu et nourri de rancœur que j'appelais génie, ne pouvait se plier aux contraintes de l'académisme ou de quelque formalisme que ce fût. Ces prétendus dons, ces talents enfouis justifiaient à mes yeux la moindre de mes incartades, de mes soumissions, de mes lâchetés, y compris celles qui me poussaient à accepter mon sort. Pire : dans la faiblesse et la souffrance, dans la médiocrité même, fardées comme des putains, je croyais voir en creux les légitimes extravagances de l'art, toutes choses qui m'autorisaient à me draper dans ce costume folklorique qui font que le quidam puisse dire de quelqu'un : « C'est un artiste. »
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— Pourquoi tu marches pieds nus ? t’a demandé Hugo un jour dans la voiture, alors que nous roulions vers la mer.
— Parce que j’suis un beatnik...
— Moi aussi je veux être beatnik ! a répondu ton petit frère.
À Lacanau-Océan, les braves baigneurs et les bons bourgeois se retournaient sur toi. Un zonard marchant pieds nus, indifférent aux mégots, aux chewing-gums écrasés et aux traces de pipis de chien, ça ne se voyait pas souvent par ici. Les mêmes me regardaient avec un mélange d’admiration et de commisération : avec mon short blanc, mon polo, mes espadrilles et ma bonne mine, j’avais tout du bon chrétien s’occupant d’un jeune en difficulté. Au premier coup d’œil, pas évident de savoir que nous étions père et fils. J’étais donc un type bien, consacrant une partie de ses vacances à remettre un délinquant dans le droit chemin. Chapeau.
Alors que nous attendions un panini en train d’être pr鬬paré, tu t’es assis par terre. Pourquoi ? Mystère. Je trouvais que tu en faisais trop. Sur cette promenade de station balnéaire, des bancs étaient installés tous les cinq mètres.
— Tu sais que tu as le droit de t’asseoir, t’ai-je dit en cachant mal mon irritation.
— J’aime bien le contact avec le sol.
Tania t’a imité. On ne voyait que vous. J’étais mal à l’aise. Le bon Samaritain commençait à voir rouge. J’ai réussi à me calmer. Tenir le coup. Ne surtout pas tout gâcher, tel était mon mantra.
— Et tu sais que je peux aussi t’acheter un pantalon neuf, ai-je insisté.
Tu as ricané sous ta tignasse.
— Plus tu me le diras, moins j’aurai envie de le faire.
Pas question de me décourager. J’ai continué sur un mode plus léger.
— Pas un pantalon fabriqué par des petits Asiatiques exploités, rassure-toi. Un pantalon cent pour cent éthique, biodégradable, recyclable, recyclé, tout ce que tu veux. Avec plein d’étiquettes vertueuses dessus. Ça coûtera ce que ça coûtera.
— Un pantalon de bobo, quoi. Un truc qu’on trouve dans le Marais.
— Juste un pantalon. Propre.
Toujours assis par terre, tu m’as regardé presque gentiment.
— D’occasion, je ne dis pas. C’est fabriqué, c’est là, ça existe, alors autant le porter. Mais pas un pantalon neuf, papa. Il y a largement assez de choses sur terre pour ne pas en rajouter. Les usines, faut arrêter. À peu près tout peut être recyclé, réparé, récupéré. Merci quand même.
— De rien.
Nous irions donc, quelques jours plus tard, à la Croix-Rouge du Porge te dénicher un pantalon en toile à dix euros. Il t’irait comme un gant. Aucun mérite, un rien t’habillait. Je devais me le tenir pour dit : seules ces seconde main, par ailleurs impeccables, trouvaient grâce à tes yeux. Ce qui ne t’avait pas empêché, une demi-heure après cette grande tirade, de faire un drôle de choix chez le glacier.
— Nutella, s’il vous plaît.
— Hein ?
Anna en avait avalé son cornet de travers.
— Nutella ? Toi, tu choisis Nutella, Niels ? Et les orangs¬¬outans ? Et la forêt primaire rasée pour cette saloperie d’huile de palme ?
— Booah...
Elle était estomaquée. Moi aussi. Manifestement, ta conscience écologique fondait d’un coup là où commençait le plaisir d’une boule de glace industrielle. Nutella, merde alors ! Nutella, pâte marron bien connue, symbole quasi scatologique de la boulimie capitaliste et du surpoids occidental. La dévastation, prix à payer pour devenir obèse en toute tranquillité. Si l’homme est pétri de contradictions, alors tu devais être sacrément malaxé. Pour penser à autre chose, nous sommes allés contempler le spectacle du soleil en train de décliner à l’horizon. Comme lui, j’avais envie de me coucher. J’étais fatigué.
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Des silhouettes apparaissaient, disparaissaient au détour des taillis bruissant dans le vent, des haies des bosquets. Il régnait dans ces clairs-obscurs une étrange ambiance, mi-cathédrale mi-arche de Noé, mi-sanctuaire mi-camp de vacances. Et de cette réalité je m'imprégnais un peu plus à chaque pas, ouvrant grand mes yeux, mes narines, mes oreilles, mes chakras. Après des mois d’asphyxie, je respirais enfin. p. 125
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Les premières pages du livre
Des jours et des jours que le volcan Soleil était en éruption. Là-haut, sa bouche bien ronde crachait sans relâche une lave bouillonnante, dont les coulées jaune d’or dévalaient d’infinies pentes bleu roi. Comme chaque été, ce Vésuve céleste avait repris son activité. Et comme chaque été, ses langues incandescentes semblaient ensevelir toujours plus puissamment le paysage. Au zénith, pas âme qui vive, rien ne frémissait, rien ne tremblait, sinon les vapeurs de chaleur au-dessus du bitume, lequel paraissait lui-même en train de se ramollir, plus mou que la résine perlant au tronc des pins. « Des pins grillés », rigolait Mamine.
Oui, dans les environs, toute chose semblait avoir été foudroyée net, pétrifiée : les routes, les dunes, le sable, les genêts, les mimosas poussiéreux. Les gens. Y compris le lac, de plomb fondu. Y compris, qui sait, l’océan, dont on n’entendait plus le murmure lancinant – peut-être, lui aussi, avait-il été statufié en désert de roches. Entre deux lentes expirations de la terre, qui faisait monter, exténuée, son haleine chaude vers le ciel, seules les cigales jouaient de leur crincrin, histoire de mieux donner à ce coin du Sud-Ouest un air de western local.
*
C’est par cette journée de feu que tu as décidé de t’annoncer.
— Il arrive, a soudain lancé Mamine, le nez sur son smartphone, et tout le monde a compris.
— Mais quand ? ai-je réagi, à tout hasard.
Ma mère a consulté à nouveau son écran.
— Ce soir, en stop, avec Tania et le chien.
On était début juillet, un jeudi.

Aussitôt, dans la torpeur ambiante d’après déjeuner, un vent s’est levé – celui d’une légère panique. D’ailleurs, moi aussi je me suis levé, et sans la moindre raison. Anna, elle, a choisi de foncer droit vers la cuisine, pour faire quelque chose, n’importe quoi, mais quelque chose. Quant à Hugo, il souriait, déjà gagné par l’excitation des enfants : entre lui et son grand frère, ce n’étaient pas tant les dix-sept années d’écart qui posaient problème, ni le fait que toi et lui soyez nés de mamans différentes, non, c’était plutôt les semestres entiers de distance et de silence qui cloisonnaient nos vies. Alors, te voir débarquer comme ça, à l’improviste, c’était Noël en plein été. Finalement, il n’y a que Mamine qui a gardé son calme : ce n’était pas à soixante-dix-huit ans qu’elle allait se mettre la rate au court-bouillon pour un petit-fils un peu marginal. Marginale, elle l’avait été elle aussi, à sa façon. « Il arrive », sans prévenir, oui, bon, et alors ? Réjouissons-nous, voilà tout.

De fait, en fin d’après-midi, tu es « arrivé ». Au détour de l’allée, derrière les maisons, nous avons entendu une voiture s’arrêter, un échange de voix, des portières claquer, et la voiture redémarrer. Ce qu’il restait de bruit dans la nature s’est soudain tu – ¬et nous aussi. Nous étions comme à l’arrêt. Mieux : à l’affût. C’est alors que tu es apparu le premier, ton éternel sac marin kaki en bandoulière. Flamboyant. Royal. Voire impérial. Oui, c’est ça que je me suis dit, et tout le monde pareil, j’imagine, en te voyant : même en guenilles, les pieds nus et tes cheveux roux en bataille, le pantalon de treillis huileux, le T-shirt taché, déchiré et tagué au feutre, tu avais de l’allure. Une drôle de gueule, mais une gueule folle.
Tu t’es approché. Une barbe clairsemée, encore assez duveteuse, mangeait tes joues par endroits. Mais c’était sur¬¬tout ce qui te tenait lieu de coiffure qui m’intriguait. Tu portais une coupe paradoxale, contrariée, qui ¬n’obéissait à aucune logique, avec des mèches si plaquées qu’elles sem¬¬blaient constamment mouillées, et d’autres hérissées en pointes dures. L’ensemble donnait l’impression d’un shampoing interrompu. C’était anarchique, bizarre. Mais tu avais beau faire, ton apparence globale de punk à chien n’y changeait rien : couronné d’or et du haut de ton mètre quatre-vingt-douze, tu avais tout du clochard céleste. Un roi aux pieds nus, en somme, à l’image de la comtesse de Mankiewicz.
Du reste, comme tout souverain qui se respecte, tu avais ta suite : une petite brune en sarouel et sandales, visage délicat, regard lumineux, peau mate, belles dents blanches, cheveux teints au henné, Tania, donc ; et un chien immense mais avenant, au poil ras parsemé de taches feu, précédé d’un long museau qui invitait aux caresses. Dans ton regard miel, j’ai vu que tu savais, quand même, l’effet que ce spectacle produisait. Tu as eu un sourire, le premier depuis longtemps.
— Eh ben... quel comité d’accueil...
C’est vrai qu’alignés ainsi en rang d’oignons, nous devions avoir l’air de gens de maison accueillant leur lord sur le perron d’un manoir écossais. Mais de manoir, point. La maison sous les pins était bohème à souhait, meublée de façon hétéroclite, remplie des mille et un objets de hasard qui avaient terminé entre ses murs, cadeaux de mariage au rebut, meubles démodés, tissus défraîchis. L’ensemble lui conférait un charme particulier, un peu suranné, jamais figé dans le passé, bien au contraire. Plutôt mouvant, entre deux eaux. Mamine l’appelait « la Maison Bateau », tant elle avait déjà transporté de vacanciers au fil des étés. L’étrave de son vieux mur en angle semblait repousser, sans fatiguer, l’énorme vague de la dune. Pour un peu, on aurait décelé un sillage de sable à sa poupe, laquelle battait pavillon pirate à grands claquements de serviettes de plage suspendues aux cordes à linge.
Quant au lord, on en était très loin aussi : à la seconde où je t’ai approché, puis embrassé, la majesté qui t’avait auréolé en a pris un sacré coup. Pardon, mais tu sentais quand même assez fort, mon Niels. De tes mèches poisseuses à tes orteils noirs, ta grande carcasse exhalait un mélange de sueur, de bière, de poulet tandoori, de chien mouillé, de vêtements pas frais, que sais-je encore. Tania s’y était faite, j’imagine. Elle, elle sentait le patchouli, c’était un peu trop puissant pour être honnête, mais rien de bien méchant. Juste les effluves d’un voyage un peu long.
— C’est pas possible, tu as encore grandi, t’ai-je lancé d’une voix enjouée. Fais voir ?
Selon un rituel bien au point, nous nous sommes collés l’un à l’autre, dos à dos. À la toise, tu me mettais au moins cinq centimètres dans la vue. Et encore, sans compter ta fameuse masse de cheveux aux reflets cuivrés, que tu ne tenais pas de moi – j’étais châtain. Les différences ne s’arrêtaient pas là. Toi, tu paraissais d’autant plus immense que tu étais fin, élancé, là où de mon côté je m’étais enrobé. Mes joues étaient pleines, les tiennes creusées, mes yeux étaient brun-vert, les tiens caramel, ma peau était un peu burinée par les années, la tienne d’une blancheur pâle de porcelaine. Tu te tenais un peu voûté et il y avait dans ton expression quelque chose de défiant. Je t’ai passé un bras autour des épaules, dans un geste maladroit, histoire de marquer le coup. Cérémonie inutile : à cet instant précis, le chien a décidé d’enfoncer son museau entre mes jambes, puis de le soulever brusquement, comme un taureau. Matador pris par surprise, j’ai failli chuter en faisant semblant de rire. Ne pas gâcher la fête, surtout. Ça démarrait fort.
— Il s’appelle comment, déjà ? ai-je chevroté, reprenant pied.
— Vaggy, as-tu répondu avant de gourmander gentiment ton molosse.
— OK... eh bien... bienvenue, Vaggy. Et bienvenue à vous tous. Vous avez soif ?
— Un peu.
— On vous a mis dans la chambre à bateau, a lancé Mamine, empressée.
Et Anna de confirmer :
— Pour le chien, c’est mieux.
Attenante au garage, la chambre à bateau était la seule qui possédait son entrée directe sur le jardin. On pouvait y cocotter tout à son aise, ça ne gênait personne, sauf, peut-être, les araignées et les mulots. L’endroit avait son lit double, sa penderie, son lavabo. Mon père s’y réfugiait quand il n’en pouvait plus des mômes. Un jour, j’y avais trouvé une bouteille de whisky et un début de manuscrit – excellents l’un comme l’autre. Cher papa, s’il avait vu quel spécimen était devenu ce petit-fils qu’il surnommait le Prince Anglais !

Voilà, ça a commencé comme ça. Avec un brin de fébrilité dans l’air, des gens qui veulent bien faire, la joie sincère des retrouvailles, l’envie de sauver ce qu’il y a à sauver : un reste de relations familiales, quelque chose qui tient du lien du sang et des souvenirs en commun. Bien sûr, les uns et les autres forcions un peu le trait. Comment faire autrement ? Il s’agissait de ménager les nouveaux arrivants, de ne pas aborder, en tout cas pas trop vite, les sujets qui fâchent. Nous marchions sur des œufs – en ayant tous en tête qu’on ne fait pas d’omelette sans en casser.
Depuis quand ne nous étions-nous pas croisés ? Presque un an et demi... physiquement, du moins. Car entre-temps, je t’avais revu, par hasard et par écran interposé, de la plus étrange façon. C’était en mai de l’année précédente. Il y avait déjà des semaines que tu avais disparu des radars. Tu avais « créché » (sic) ici ou là. Untel t’avait aperçu avec les gens de Nuit Debout, place de la République... Puis plus rien. On avait perdu ta piste. Pas de réponses aux appels, aux SMS, aux mails. Ni Jade, ton aînée, ni ta cadette Line n’en avaient non plus, à leur grande tristesse. Et pourtant, nées comme toi de mon premier mariage, elles avaient chacune pour toi une tendresse particulière. Comme moi, elles se faisaient un sang d’encre. De mon côté, je scrutais les journaux, les unes de la presse. Chaque fois qu’un SDF était retrouvé mort dans un fossé ou le long d’une voie ferrée, j’étais persuadé qu’il s’agissait de toi.
Et puis le miracle était survenu, un soir d’août. En attendant le journal de 20 heures – je n’en manquais pas un, et pour cause –, ta petite sœur Line, Anna et moi regardions distraitement une nouvelle émission sur Canal +. Ça s’appelait « Canal Bus ». L’idée consistait à envoyer une bande de joyeux drilles, à bord d’un minibus, explorer en caméra cachée les confins de la France profonde. Avec, en toile de fond, sous couvert d
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Ici, on portait polos chics et shorts framboise, chaussures bateau ou espadrilles de bon aloi, pulls en cachemire noués sur les épaules, mais sans ostentation, juste avec l’aisance de ceux qui ont les codes depuis la naissance. Et toi, Tania à tes côtés, tu es arrivé là-dedans comme un chien dans un jeu de quilles, loqueteux, avec tes pieds nus, ton pantalon de treillis, ton T-shirt de rasta, tes bracelets en jonc, tes cheveux en salade renversée. Un chien des rues, plein de puces, au beau milieu de quilles bien formatées, poncées de près, en bois poli.
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Pardon, mais comme tu allais l'apprendre un jour, il n'y a pas d'école des parents. On apprend sur le tas, on fait ce que l'on peut avec ce que l'on a, et puis tout à coup, l'enfant qu'on filmait hier en essuyant sa morve vous dépasse d'une tête, vous répond, vous en veut, vous fait payer vos fautes, ces fautes qui n'en sont pas.

p.39
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« Moi, je voulais écrire. Je n'avais pas besoin de grand-chose. Pas d'une grande baraque. Pas d’une belle bagnole. Juste écrire. La vie d'artiste dans une grange retapée, même à quatre, cinq ou six, ç'aurait été parfait. Or j'ai fait exactement le contraire. Grand appart, voiture, confort matériel. Va savoir pourquoi, j'ai coché toutes les cases des attributs bourgeois. Et en faisant ça, j'ai lancé un train derrière lequel j'ai couru toute ma vie. »
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« Cela dit, ces belles éplorées avaient raison sur une chose : toi au moins, c’est vrai, tu allais au bout de tes convictions. Pas d’eau, pas d’électricité, mais du cran à revendre et de la cohérence. Et l’envie chevillée au corps d’aider les plus pauvres, les migrants, les déracinés. Gestes à l’appui. Ça changeait des gauchistes de salon qui peuplaient mon quotidien, d’autant plus prompts à donner des leçons qu’au fond d’eux-mêmes ils mesuraient le gouffre qui séparait leurs grandes idées de leur petite vie bourgeoise. C’est vrai qu’on a beau jeu de réclamer la mixité ethnique et sociale quand on vit dans les quartiers huppés et qu’on passe ses vacances à Gordes, au Cap Ferret ou à l’île de Ré, entre amis bien blancs et bien CSP+ ! La diversité façon Benetton, on adore ! Du moment qu’elle ne vient pas dénaturer nos rues si proprettes ou les bars branchés de nos plages inabordables. »
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Il y a des situations où la vie est dans la mort.
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L’Everest, Jeanne, tu sais ce qu'ils ont mis en haut de l'Everest, à huit mille mètres d'altitude? »
Je ne savais pas.
« Des chiottes ! Ils ont mis des chiottes sur le Toit du monde ! C'était bien la peine que Herzog perde ses mains et ses pieds ! Comment veux-tu qu'on ne soit pas dégoûtés ? Les hommes vont partout avec leurs anoraks fluos, s'immiscent, s'infiltrent, investissent tout, bouchent tout, pas de vide, plus rien de vierge, de sauvage, ça non. Il faut qu'ils y aillent, c'est plus fort qu'eux, il faut qu'ils aillent mettre leurs grosses pattes sous l'eau, dans les airs, sur les montagnes, et quand ils réussissent l'exploit de gravir le truc le plus monstrueux du monde, l'Annapurna, le Makalu ou le Nanga Parbat, c'est pour y faire popot plus à leur aise. On rêve ! »
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Un mec qui imagine son destin, mais sans vraiment le vivre.
Un presque bourgeois et en même temps un presque artiste, mollement satisfait de son sort.
Un peu tout, un peu rien… un à-peu-près, un pas loin… un touche-à-tout… bref, un Presque.
Vous pigez le truc, maintenant ? Depuis, c’est comme ça que je me surnomme moi-même : le Presque !
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Les Champs-Élysées déroulaient leur tapis d’asphalte au pied de demeurés paradant à bord de bagnoles carénées comme des autos tamponneuses, toutes vitres baissées et sono poussée au maximum.
Le cœur entier de ce qui avait été « la plus belle avenue du monde » battait au rythme sourd de raps primitifs qui éructaient la haine des autres, tandis que les fast-foods vomissaient leurs derniers clients dans une odeur de graillon.
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Marc referme la porte derrière lui. Se persuade une dernière fois, et sans mal, qu’il est grand temps de quitter ce siècle abominable, avec ses réseaux sociaux à la con, son narcissisme obscène, sa haine omniprésente partagée, likée, sa planète en train de brûler et de fondre à la fois, une véritable omelette norvégienne.
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Aujourd'hui, il vaut mieux avoir les moyens de son humanisme.
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