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Critiques de Frédéric Gros (146)
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Possédées

J’ai vraiment apprécié ce roman historique faisant référence à une affaire ayant marqué le XVIIe siècle. En effet, sous le règne de Louis XIII, roi profondément attiré par la religion, Urbain Grandier, un curé officiant dans le diocèse de Poitiers, à Loudun plus exactement, eut la bonne idée de défier toutes les lois en la matière et de faire fi du célibat en étant un séducteur patenté. Fin stratège, il réussit même à épouser en secret une de ses conquêtes. Bien évidemment, il fut arrêté pour débauche mais il gagna (comment ?) son procès et revint, conquérant, à Loudun. La Mère Supérieure du Couvent lui proposa alors de devenir le confesseur officiel des Ursulines. Mais, allez savoir pourquoi, celui-ci refuse. Dépitée, la religieuse prit alors l’ennemi de Grandier, le chanoine Mignon (oui, c’est son nom) qui en profita pour mener une cabale contre le prêtre impie. Cependant, rien ne va plus au couvent ! Les sœurs semblent possédées et l’ennemi est tout trouvé !



Frédéric Gros mène ce roman historique tambour battant ! En se focalisant sur le prêtre accusé de sorcellerie, il prend le contrepied de ce que l’on pouvait attendre. Non, nous ne sommes pas ici dans un texte moralisateur – du moins, pas de la façon attendue. Il fait ressortir l’humain avec ses qualités et ses défauts, l’humain et ses désirs. On peut voir comment son penchant pour les femmes perdra le curé qui finira sur le bûcher. Et si morale il y a, elle est plutôt axée sur le fanatisme.



Ce texte m’a fait penser, par certains côtés, à l’histoire d’Héloïse et Abélard. Je le recommande particulièrement.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Désobéir

Désobéir, le dernier essai de Frédéric GROS paru aux Éditions Albin Michel, est une mine d'or, un coup de coeur ! Documenté et référencé, cet ouvrage nourrira qui veut une saine réflexion à propos du rapport que chaque individu construit entre lui-même et sa capacité à respecter les formes éthiques générales de l'obéissance ou de ce qui est habituellement présenté comme son contraire, la désobéissance.

Dès l'entame, F. GROS reprend la provocation de Howard ZINN (1970) qui affirmait que la désobéissance civile n'est pas le problème. le problème étant l'obéissance civile ! Et de poursuivre en montrant comment l'individu lambda, eux, nous, moi, avons accepté l'inacceptable en obéissant, le plus souvent en sur-obéissant à des ordres politico-économiques qui creusent les inégalités de fortune, les injustices sociales et organisent la dégradation progressive de la Terre, notre environnement. Dans la foulée, Frédéric GROS montre alors comment, logiquement, le processus de création de richesses, le capitalisme, s'est appuyé sur l'inégalité entre les hommes et le pillage des ressources naturelles pour obérer l'à-venir sans plus laisser d'avenir à la majorité non dirigeante.

Citations :

- La rationalité actuarielle impose de faire payer partout l'argent cher à ceux qui n'en ont pas. Elle a pour elle l'évidence arithmétique glacée qui, à peu de frais, lessive l'âme des décideurs économiques.

- La réalité des chiffres est introuvable (donc improuvable). Quand les équations sont prises comme source d'autorité (« Les chiffres sont là ! Les chiffres sont les chiffres ! ») … les tableaux Excel sont d'avance justifiés.

Ce qui stimule F. GROS, c'est de chercher à construire une réponse à la question du pourquoi existent de telles injustices, de telles inégalités, de telles monstruosités qui mouchent la faible lueur de la flamme espérance qu'entretient péniblement le commun des mortels, déjà mort avant que d'avoir vécu. Pourquoi ?

D'abord parce qu'il y a collusion entre les forces religieuses et les pouvoirs économiques. Dans une très belle revisite du poème de Ivan (Dostoïevski), F. GROS fait revenir sur Terre le Christ qui se fait arrêter une seconde fois par le grand Inquisiteur (Représentant officiel du pouvoir structurel religieux). Ce dernier interpelle le Christ en lui demandant pourquoi il revient encore tout déranger ! le Christ, muet, ne répond rien, ne force à aucune obéissance, n'a aucun ordre à donner. Tout le contraire des édiles religieux… Superbes pages invitant les pontifes politico-religieux à s'interroger avec un peu moins de foi en eux-mêmes et un peu plus en faveur de l'Humanité.

Citations :

- le Christ ne veut pas produire de l'obéissance. Il exige de chacun cette liberté où il croit voir la dignité humaine.

- Avoir sur la conscience la charge de ses décisions… se dire que c'est à nous, à chacun pris dans la solitude de sa conscience, de choisir et ne s'en prendre qu'à soi-même, toujours, en cas d'échec ou de déroute, c'est écrasant !

Elargissant le débat et le situant dans le contexte actuel, F. GROS pointe l'opposition entre la vertu politique, juste un apparat permettant à l'homme politique d'afficher une posture qui cache son art de rester au pouvoir et, d'autre part, la notion d'éthique du sujet, manière dont chacun se situe par rapport à lui-même et construit un rapport à soi depuis lequel il s'autorisera à accomplir ceci plutôt que cela, à désobéir, c'est-à-dire obéir à cela plutôt que ceci. C'est cette autorisation que peut se donner l'homme construit qui lui permettra de ne pas suivre aveuglément la pensée collectivisée, la pensée unique née d'un ‘puisque tout le monde le fait, c'est que c'est permis, donc juste !'

- Les impératifs de l'acte politique (vitesse, efficacité, médiatisation, électoralisme …) mettent à mal les valeurs de justice, sincérité, loyauté, transparence. Quand un politique parle de morale, il fait encore de la politique.

Professeur à Sciences PO, à Paris, F. GROS, durant tout son essai dégage les racines mêmes de nos obéissances et enfonce le même clou : ‘La vérité prétendue telle est souvent une erreur majoritaire', s'autoriser à y désobéir, non par provocation ou rébellion mais au nom d'une vérité plus grande, d'une obéissance plus digne est donc une finalité plus louable, un idéal de vie qui grandit chacun et l'Humanité !

Désobéir est une belle invitation à une réflexion critique sur ces formes d'être nouvelles que sont les postures de résistance éthique, de désobéissance civique, de ‘poils à gratter' dans le dos de nos décideurs et de tous ceux qui, en pantoufles, profitent de ces protections octroyées aux nantis dans les états de droit si peu démocratiques dans lesquels, si nous n'y prêtons garde, nous risquons de passer à côté de nos responsabilités.

La majorité démocratique, celle qui commande à ses pairs, d'égal à égal n'est ni la majorité numéraire, ni la juridique qui édicte des lois et distribue les statuts. La majorité démocratique est cette capacité d'émancipation, d'indépendance et d'autonomie qui est cette exigence éthique au coeur d'un sujet critique de se tenir là où il doit être. Tenir sa place, être présent à la verticale de soi-même. Alors la question ne sera plus celle de l'obéissance ou de la désobéissance. Ce sera celle du commandement civique. Désobéir, c'est commander à soi-même d'obéir et de répondre à ce qu'attend de moi le moi que je ne puis déléguer. « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Si je ne suis que pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? » (Hillel Hazakem)

En obéissant au moi indéléguable, je deviens moi-même et l'obligé des autres au nom de valeurs qui dépassent l'individu mais lui rendent un rôle central dans le collectif.

Désobéir, de Frédéric GROS, un livre à lire, relire, méditer … un livre phare dans notre recherche d'humanité !

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Marcher, une philosophie

lu en Décembre 2012, j'avais apprécié un maximum.

Je pense qu'il va falloir le reprendre pour le plaisir d'enrichir Babelio de quelques citations....



Après nous avoir exprimé les différents fondements sur la notion de liberté, F. Gros nous illustre ce concept avec la vie tumultueuse de Nietzsche (1844,1900), en nous refaisant tout le cheminement de son parcours issu de ses longues marches ! sublime !!!!! j'en redemande, en fait je découvre les personnages, je cherche d'autres références, je m'égare, je tombe dans des puits de connaissances, bref.... j'exulte .

C'est pas fini, j'enchaîne sur Rimbaud (1854,1891), même époque, mais des lieux bien différents....même hargne pour la marche, mais pareil ça me ramène a plein de référence dont l'Abyssin de Ruffin que j'ai adoré. Va falloir que je me mette à lire du Rimbaud ! ....



Rien que 130 citations que je vous ai révélées !!!! franchement vous auriez tort de vous priver...



Vendredi 30 Septembre 2016, comme d'hab je lisais autour des étangs, la femme du boulanger, en marchant....un silence....un Bing...Gadgette, mon chien, vient de se faire renverser....le vétérinaire n'a rien pu faire....va falloir que je reste philosophe,....hommages à ma Gadgette.....



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Marcher, une philosophie

Marcher, une philosophie, est un très bel essai dans lequel le philosophe Frédéric Gros affirme que le secret du génie philosophique se trouve dans la faculté de marcher, seul des heures durant vers l'ouest ou au sommet des montagnes.

Ce livre est un bijou d'érudition.

La marche nous donne une approche paradoxale de la liberté.

En quoi la marche est-elle une expérience de liberté ? Alors qu'elle est une contrainte, d'abord physique, marcher jusqu'à une fatigue parfois insoutenable, où le poids du corps devient comme un fardeau. Contrainte psychologique car il faut trouver la force mentale de continuer, contrainte météorologique... La marche nous amène à la patience, l'humilité, parfois la résignation. Ne jamais savoir à quelle heure on parviendra à sa destination...

Frédéric Gros nous dit que marcher est une démarche d'émancipation où l'on se libère de facilités aliénantes, qui nous paraissaient presque indispensables et dont la marche démontre qu'on peut s'en passer. C'est une joie d'en être libéré.

Marcher, c'est s'affranchir de ces contraintes et renouer avec une forme de liberté que nous aurions perdue.

Il y a différentes formes de marche, des marches en ville, des flâneries, des randonnées longues... Frédéric Gros nous les fait visiter avec le prisme d'un philosophe, mais aussi à travers son expérience personnelle.

Pourquoi le philosophe est-il fasciné par la marche ? L'effort physique répété a dans la marche une telle régularité que cela nous rend disponible à autre chose... Et notamment pour accueillir la pensée...

Mais marcher, c'est aussi mettre un pas devant l'autre, c'est peut-être le plus beau geste tendant à chercher l'équilibre dans le déséquilibre. Lever un pied, sentir le vide dans ce déséquilibre et emplissant ce vide par ce pied qui avance pour retrouver l'équilibre. N'y a-t-il pas dans ce geste primaire et préhistorique un geste inaugural qui prévaut aux prémices de la réflexion ? Car marcher fait penser, n'en avez-vous jamais fait l'expérience ? Marcher d'un point à un autre est la meilleure manière de voyager dans ses intériorités, parfois abyssales.

Mettre un pas devant l'autre et de manière répétée, c'est un mouvement perpétuel, il y a comme quelque chose de monotone et pourtant ce mouvement produit quelque chose d'inouï en nous, une sorte de métamorphose. Comme si le corps comme un fardeau s'en affranchissait par la marche par l'effort et la contrainte physique... C'est une contrainte qui devient douce du fait de sa régularité. Nous sommes disponibles à autre chose, la présence au monde, la présence à soi, la lenteur fait qu'on peut regarder et être disponible au monde, aux autres, disponible à notre propre corps, à ses respirations... Marcher c'est faire cette expérience de la lenteur. Apprendre cette lenteur...

J'ai compris pourquoi l'auteur conseille de marcher seul, ayant moi-même expérimenté les deux manières sur des chemins très longs. Sur de tels chemins je vous conseille d'y aller seul. Marcher, c'est être tout d'abord disponible à soi-même...

En tant qu'agnostique et pour des raisons totalement spirituelles, le fameux chemin de Saint-Jacques de Compostelle m'intéressait ; j'ai ainsi marché à partir du Puy-en-Velay jusqu'à Pampelune. Pas plus loin, effrayé par le risque d'hystérie religieuse en terre espagnole, et encore plus à l'approche de l'étape ultime, que je n'aurais pas supporté. J'ai rencontré des êtres ordinaires et exceptionnels à la fois. Marcher nous fait poser des regards sur les autres... Un marcheur qui avait des boules de pétanques dans son sac pour participer à une compétition internationale à l'étape de Figeac, un ambulancier qui pleurait de devoir renoncer au chemin pour cause de problèmes physiques, une femme d'un richissime industriel fille d'un riche banquier, habitant le XVIème arrondissement de Paris, ayant la crise de la quarantaine, fuyant cette vie qu'elle ne supportait plus, fuyant avec sa fille adolescente et un coach sur le chemin, et cette jeune américaine tout droit sortie de l'Université d’ Harvard, partie du Puy-en-Velay et qui poursuivait le chemin jusqu'au Maroc, à la frontière mauritanienne. Elle s'appelait Barbara... Le chemin de Compostelle est un petit village. J'entendais souvent parler d'elle comme d'un mythe, sorte de gazelle aérienne, fugitive, insaisissable... Les hommes en parlaient le soir dans les gîtes d'étapes. On l'a disait belle comme un mirage qui filait vers le désert saharien... Elle avait deux jours d'avance sur moi et marchait beaucoup plus vite... Qu'importe ! Le chemin est une lenteur. Et puis à Moissac elle s'arrêta pour une pause de deux jours... C'est là que je fis alors sa connaissance... Je me souviens de ce verre pris à une terrasse avec elle, nous avions devant nous la sublime abbatiale Saint-Pierre ... Elle n'était plus un mythe, elle devenait réelle avec ses ampoules aux pieds, son visage exténué par les kilomètres, le poids de son bagage qu'elle ne supportait plus, et son accent français à la manière de Jane Birkin... La jeune femme devenait une amie, compagne de route, prenant réalité sous mes yeux fatigués, éreintés... Nous découvrions le poids de nos corps et la légèreté qui va autour... L'abbatiale devant nous n'en était que plus belle...

Passées ces rencontres insolites, il y a celles non moins insolites avec un être que vous allez apprendre à mieux connaître en cheminant : vous-même...

Frédéric Gros convoque ici des philosophes marcheurs, ils sont célèbres... Kant, Nietzsche, Rousseau, Thoreau... Mais aussi d'autres intellectuels, des poètes, Arthur Rimbaud, Gérard de Nerval, des écrivains comme Julien Gracq...

Marcher c'est être disponible à des pensées, des impressions, des souvenirs...

Marcher m'a fait penser à des choses qui ne me seraient pas venues autrement.

En marchant, nous sommes traversés par des pensées...

Et puis la pensée creuse un autre chemin, un cheminement en tâtonnant tout d'abord comme une agitation et puis l'apaisement vient dans ce pas saccadé et régulier, la pensée s'évade revient, tente un rhizome, le chemin devient un souterrain, un pas de plus vers les choses qui nous échappent. Marcher est une verticalité vers l'inconnu.

Marcher, c'est atteindre une forme de disponibilité d'esprit qui aurait pu être occultée par la vie quotidienne.

Marcher est une ouverture au monde.

Marcher est une joie.

Marcher comble par une présence au paysage, à nous-même, aux autres donc plus tard...

Marcher, c'est faire un formidable pas de nos côtés sur nos existences...

Marcher peut être un rituel. La régularité et la discipline auxquelles Kant s'astreignait tous les jours n'était-elle pas ridicule ? Mais alors, sans ce rituel, interrompu deux ou trois fois seulement, que serait la production de son œuvre ?

Kant pensait que marcher, pendant longtemps fut la manière d'être le médecin de soi-même. Il avait infiniment raison... Plus que jamais, je le pense aujourd'hui.

Marcher, nous dit Frédéric Gros , relève de notre part d'enfance, et j'adore cette idée.

Je pense au confinement que nous avons vécu durant les dernières semaines. Partir dans les bois, marcher. Et lorsque cet état de droit nous obligeait à ne pas dépasser ce fameux kilomètre ridicule à ne pas dépasser, il y avait comme une jubilation de ma part à entrer dans les bois, à deux pas de chez moi, et à sceller mes pas dans les veines des chemins qui coulaient bien au-delà de l'ordre établi, des règles et des injonctions. Cela devenait comme une jouissance de marcher loin si loin, un pied-de-nez, une révolte, un cri de liberté...

Et s'il faut chercher un sens à notre actuel devenir, marcher n'est-ce pas une manière de requestionner nos pas, nos gestes d'une société qui va trop vite, qui s'accélérait jusqu'à présent, jusqu'au confinement dont nous sommes en train de nous extirper... ? Pour autant, faut-il nous précipiter et courir vers la vie d'avant pour rattraper les quelques semaines « perdues » ou bien tout simplement marcher comme une manière d'approcher de manière apaisée, libérée, le monde d'après... ?

Si marcher est un chemin vers soi, vers les autres pour mieux y parvenir, alors oui marcher est bien une philosophie !

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Désobéir

Pourquoi désobéir ? Car notre monde est injuste, car notre environnement se dégrade, car on spécule et on s'endette plutôt que de créer des richesses durables. La désobéissance est devenue une évidence.



Pourquoi obéissons nous ? Face à la monstruosité des régimes totalitaires, l'obéissance à L'Etat, de victime consentante, peut nous amener à devenir bourreau.

L'obéissance prend plusieurs formes. La soumission est une obéissance de pure contrainte ; c'est aussi le confort de ne pas se sentir responsable. Car la responsabilité est un fardeau. Pour La Boetie cette servitude est volontaire car la masse est supérieure en nombre à la minorité régnante. Elle doit cesser par une prise de conscience. Il faut s'entendre pour résister. La force du pouvoir est aussi d'être pyramidal : chacun y participe, opprime l'autre. Il faut refuser cette subordination. Refuser de se divertir pour oublier sa servitude.

La loi de la masse, c'est la chaleur du troupeau, le conformisme, l'habitude, la coutume. Mais l'obéissance peut mener au crime comme le montre l'expérience nazie ou bien l'obéissance à l'autorité scientifique.



Comment désobéir ? On peut refuser d'obéir comme Antigone pour obéir à la loi divine, ou comme Diogène par la provocation cynique d'une vie dépouillée de tout.

La vie en communauté rassure par rapport à la dangerosité de la vie sauvage. Le fondement du consentement est lointain, perdu dans les origines de l'humanité : il est toujours trop tard pour désobéir. On renonce à son intérêt personnel pour l'intérêt général. Mais le contrat ne doit pas être passif, il doit être réactivé pour donner naissance à une vraie démocratie. Comme Thoreau dans sa forêt, refusant de payer ses impôts par conviction, chacun doit se laisser guider par sa conscience plutôt qu'obéir aveuglément. C'est un devoir quand les décisions de l'Etat sont iniques, quand le monde va mal, que l'injustice règne. Chacun est irremplaçable, personne ne peut désobéir à ma place, la désobéissance est un retour à soi, comme sujet indélégable, responsable, majeur, courageux. Et c'est cela le rôle de la philosophie, cette prise de conscience qui nous mène à l'essentiel.



Par son analyse sur les notions d'obéissance et de désobéissance, Frédéric Gros nous amène à une réflexion nourrie de nombreux exemples sur notre responsabilité individuelle face au désastre collectif de notre monde actuel, aussi bien pour les hommes que pour la planète : c'est à chacun à refuser de participer à cette catastrophe que nous alimentons par notre conformisme, notre lâcheté, notre soumission à un ordre du monde qui est devenu une menace pour l'avenir de l'humanité. Une très belle leçon de philosophie. Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel.

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Possédées

Possédé : être vivant dominé par une puissance maléfique ou occulte.

Comme ces Ursulines dans les années 1630 qui ont des hallu' de phallus, se convulsent, se tripotent, hurlent.

Je dirais bien que l'isolement, l'enfermement, l'abstinence, les privations et l'auto-flagellation ne sont pas étrangères à ces crises d'hystérie collective. Mais non, il paraît que c'est bel et bien le diable qui les habite, via le curé de Loudun. Cette explication arrange en tout cas quelques nantis du coin, mais aussi le cardinal de Richelieu et sa clique. Le beau prêtre catholique des lieux, Urbain Grandier, trop tolérant avec les protestants et séducteur invétéré, dérange pas mal de monde, voilà donc un bouc émissaire parfait...



A travers cette page d'Histoire romancée, le philosophe Frédéric Gros montre que, quels que soient leurs prétextes (idéologiques ou religieux), les chasses aux sorcières sont motivées par des enjeux de pouvoir, et que les individus ont tôt fait d'adhérer au mouvement pour régler leurs comptes personnels et envoyer un voisin au bûcher, à la potence, à la guillotine, au camp de la mort nazi, au goulag...

Malgré l'intérêt du propos, j'ai trouvé ce récit long et souvent ennuyeux, d'autant que les crises des Ursulines (extases, hallucinations, auto-flagellations), abondamment décrites, représentent ce que je trouve démesuré dans certaines pratiques religieuses.



La couverture m'a peut-être alléchée à tort, j'attendais sans doute plus d'orgies et moins d'intrigues politiques ? 😋
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Marcher, une philosophie

De Jacques Lacarrière, auteur de Chemin faisant, à Sylvain Tesson ou Jacqueline de Romilly, les écrivains ont souvent mis en avant les joies sensorielles de la marche et les rencontres qu'elle permet de faire. La destination n'apparaît souvent que comme un prétexte. C'est le voyage lui-même qui importe. Déjà dans l'antiquité maîtres et disciples marchaient régulièrement. Socrate questionnait et apprenait au cours de ses promenades, et de nombreux dialogues de Platon s'ouvraient sur l'évocation d'une rencontre imprévue, la marche favorisant une quête de vérité.



Frédéric Gros est un adepte de la randonnée, bien différente de la promenade. Son parcours croise ceux d'auteurs itinérants qu'il nous présente au fil des chapitres dans lesquels il invite tour à tour Rousseau, Raimbaud, Thoreau, Kant, Nietzsche, Gandhi et d'autres qui ont fait l'éloge de la marche. « Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose », écrit Nietzsche. Selon lui la marche crée et favorise une disponibilité à certaines pensées et les pensées nées en marchant sont plus authentiques. Frédéric Gros propose également des chapitres plus personnels où on entend la voix de l'auteur qui entraine son lecteur dans ses pas.



La vitesse n'intéresse pas Frédéric Gros : « Nietzsche marche, il marche comme on travaille, il travaille en marchant » ; « Les journées à marcher lentement sont très longues : elles font vivre plus longtemps, parce qu'on a laissé respirer, s'approfondir chaque heure, chaque minute, chaque seconde, au lieu de les remplir en forçant les jointures. »



Rousseau, dans ses "Rêveries du promeneur solitaire" au nom si évocateur, dit ne pouvoir penser qu'en marchant et en éprouver une grande joie. « Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose dire ainsi, que dans les voyages que j'ai faits seul et à pied. » Frédéric Gros l'oppose aux marches ascensionnelles de Nietzsche, toujours en direction des sommets, comme la pensée qu'il recherchait.



Le temps consacré à la marche est celui qui nous ouvre à notre liberté. Pour Frédéric Gros : « le secret de la promenade, c'est bien cette disponibilité d'esprit, si rare dans nos existences affairées », il nous engage à relire les pages où Proust évoque ses promenades.



Marcher, une philosophie. Dans ce petit livre inclassable, Frédéric Gros nous propose une réflexion philosophique sur la marche qui est à la portée de tous et offre un sentiment de liberté et d'humanité. Avec des mots simples mais bien choisis, associés à une belle écriture, Frédéric Gros nous donne une belle leçon et nous invite sur les chemins à regarder les paysages se dérouler devant nos yeux. « Tout grand paysage est une invitation à le posséder par la marche », écrit Julien Gracq. La marche serait donc un art de vivre, un exercice spirituel et philosophique. Du coup… on marche !

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Les philosophes face à la guerre

"Philosophie magazine" d'Avril-mai 2022 en édition spéciale, les philosophes, sociologues, essayistes nous livrent leurs réactions face à la guerre en Ukraine. Il s'agit d'une édition spéciale.

J'étais évidemment comme tout le monde en plein ébahissement. Comment était-ce possible, nous en Occident qui, depuis notre naissance, après 1950 dans mon cas, n'avions connu qu'un monde en paix loin du spectre de la guerre, dans nos pays ?

Je croyais vraiment à la paix garantie par la création de l'Union Européenne, grâce à la chute du mur de Berlin et tous ces signes d'échanges entre les pays occidentaux.

De plus, j'affirmais bien fort mes convictions.

La première fois que j'ai douté de la liberté d'expression et de l'avenir de la démocratie, c'est lors des attentats meurtriers de Paris contre Charlie Hebdo et ensuite contre la population.

Que de questionnements lors de l'invasion de l'Ukraine !

C'est avec un réel intérêt que j'ai lu le magazine qui s'intitule "Face à la guerre" qui nous présente des réflexions différentes sur le sens des conflits, la motivation, l'historique des guerres dans le monde, le devenir et la considération des réfugiés, la différence entre les réfugiés syriens et ukrainiens, la vision du monde par un dictateur.

Les articles vont en profondeur et rassemblent les idées afin qu'elles s'éclaircissent.

Toutes les chroniques sont intéressantes et différentes.

Merci à la Masse critique de Babelio et à Philosophie Magazine pour cette lecture bien enrichissante
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Désobéir

« Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l'obéissance, parce que la désobéissance, face à l'absurdité, à l'irrationalité du monde comme il va, c'est l'évidence. »



Dès les premières pages, Frédéric Gros s'interroge sur les raisons qui nous font accepter l'inacceptable dans un monde qui va mal. Il décrit les motifs qui auraient dû et devraient encore susciter notre désobéissance. Pourquoi avons-nous laissé faire ? Pourquoi cette passivité collective ? Pourquoi chacun d'entre nous obéit ?



«Affirmer qu'une fois les lois votées par la majorité, elles ne peuvent être contestées sous peine de trahir la volonté populaire est une mystification», prévient Frédéric Gros. «Etre un sujet politique, assure-t-il, c'est d'abord se poser la question de la désobéissance».



Frédéric Gros reprend la provocation de Howard Zinn qui affirmait : le problème ce n'est pas l'obéissance, le problème c'est l'obéissance…



Toutefois, au lieu de se demander pourquoi on désobéit, Frédéric Gros analyse les mécanismes de l'obéissance. Il questionne non seulement notre volonté de désobéir mais également notre malaise à le faire. «Les raisons de ne plus accepter l'état actuel du monde sont presque trop nombreuses. Et pourtant rien n'arrive, personne ou presque ne se lève. » Son propos, tout au long de l'essai, est de démontrer que la désobéissance est justifiée, ainsi ce qui le choque c'est l'absence de réaction et la passivité qui sont les conséquences de l'obéissance. Désobéir est un acte par lequel l'individu exprime sa dignité en affirmant sa liberté par son refus d'obéir.



Le premier chapitre s'intitule : « Nous avons accepté l'inacceptable ». Pourquoi et comment obéissons-nous ? Pourquoi sommes-nous si soumis, alors que les motifs de rébellion sont de plus en plus nombreux ? Désobéir prend plusieurs formes et Frédéric Gros explore quatre styles d'obéissance : la soumission, la subordination, le conformisme et le consentement.



La soumission est un rapport de force contrainte car elle repose sur le sentiment d'une impossibilité de désobéir. Nous devons pourtant apprendre à ne plus accepter l'inacceptable car les circonstances devraient nous amener à réagir : injustice sociale, accroissement des inégalités, privilèges injustifiés d'une minorité, dégradation de notre environnement. L'essai défend l'idée d'une démocratie critique, la désobéissance civile ne doit être ni délinquance, ni anarchie.



Le conformisme est la principale cause de la servitude volontaire, c'est la coutume qui entraine l'inertie passive, la peur de sortir du rang et de se singulariser. Chacun aligne son comportement sur celui des autres, on obéit par conformisme. La soumission à l'autorité s'est longtemps imposée par la force de la tradition. La désobéissance civile est pour Frédéric Gros un des moyens d'action les plus pertinents dans notre démocratie, aussi, tout au long de son essai le philosophe nous incite à abandonner les conduites conformistes qui sont si confortables et sécurisantes.



« Désobéir » nous entraine ensuite du conformisme au consentement qui est une obéissance libre, une aliénation volontaire, une contrainte pleinement acceptée.



Frédéric Gros ne défend pas la désobéissance à tout prix, ce serait aussi dangereux que de faire de l'obéissance une vertu inconditionnelle. Il s'agit pour lui de toujours savoir à quoi l'on obéit ou désobéit.



L'obéissance est confortable car on laisse les autres décider et penser à sa place, la responsabilité est un fardeau et l'obéissance permet de se décharger auprès d'un autre du poids de sa liberté.



Frédéric Gros interroge ce que signifient la démocratie et la désobéissance pour le sujet politique. Pour illustrer ses propos, il cite de nombreux auteurs et philosophes, de l'antiquité à nos jours, en s'appuyant sur des exemples concrets et réels afin de dégager une ligne de conduite à tenir.



Le philosophe américain Thoreau refuse de payer ses impôts au nom d'une certaine conception de la justice, il ne veut rient verser au fisc d'un état qui admet l'esclavage. La désobéissance civile, dont il va rédiger le manifeste, est l'acte réfléchi d'un homme chez qui l'éthique et le sens de l'avenir entrainent l'insoumission.



Il convient de s'interroger sur la nature de l'obéissance et de son illégitimité. C'est ce qu'expose Hannah Arendt dans son ouvrage, « Eichmnan à Jérusalem », où ce dernier apparait plus comme un exécutant contraint que comme un décideur antisémite. D'un point de vue philosophique Eichmann obéit illégitimement à une morale détestable. le danger est que chacun peut en rajouter dans son obéissance, ce qu'on appelle la surobéissance qui fait tenir le pouvoir politique mais les expériences totalitaires ont fait apparaitre des monstres d'obéissance. L'histoire nous apprend ainsi que la démocratie est plus souvent menacée par l'obéissance aveugle des citoyens que par leur désobéissance. Avec leurs procès, leur obéissance apparait inhumaine et la désobéissance comme une démarche d'humanité.



Frédéric Gros est souvent provocateur dans le but de réveiller les consciences et d'attiser la réflexion du lecteur pour le confronter à sa propre expérience. Finalement, dans cet essai qui est toujours clair, abordable, passionnant et qui comporte de nombreux textes et références historiques, le philosophe souligne combien le choix entre obéissance et désobéissance tient principalement à une affaire de responsabilité éthique. Il explique avec habileté les mécanismes de la soumission et de la résignation. La désobéissance civile, loin d'être une posture commode ou immature, est un moyen de questionner et de faire évoluer les lois sous une forme d'action politique acceptable ; elle n'affaiblit pas la démocratie mais au contraire la protège et la renforce. « Désobéir » n'est pas un essai faisant appel à la désobéissance mais il interroge sur ce que signifient la désobéissance et l'obéissance pour le sujet politique, comment s'opposer à ce qu'on estime être de mauvaises décisions. On peut donc accorder une valeur morale à l'acte de désobéissance. Cette responsabilité éthique doit conduire le citoyen à choisir ce qui offre le plus de possibilités de favoriser la justice et la liberté dans le monde. Cet essai a pour objectif de nous faire réfléchir et de nous inciter à garder une certaine distance critique par rapport à sa propre docilité et à rester attentif.
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Possédées

Au XVIIe siècle une affaire connait un retentissement considérable. "L’affaire des possédées de Loudun" éclate en 1632. Urbain Grandier, curé de Loudun, est accusé d’avoir pactisé avec le Diable et d’être le responsable des possessions démoniaques qui s’emparent des sœurs d’un couvent d’Ursulines de cette même ville. Malgré ses dénégations, Urbain Grandier finit sur le bûcher le 18 août 1634. Ce procès en sorcellerie sans précédent a été fomenté par le Cardinal de Richelieu contre un prêtre catholique, libertin, libre-penseur et bien trop tolérant envers les protestants. L'affaire, qui a défrayé la chronique de 1632 à nos jours, a inspiré les défenseurs du droit, les médecins, les romanciers, les essayistes et plus récemment les réalisateurs. Premier fait divers d'ampleur nationale, elle nous est racontée sous forme de roman par le philosophe, spécialiste de Michel Foucault, Frédéric Gros.



Histoire d’un curé qui a le tort de penser qu’on peut servir Dieu et aimer une femme. En pleine guerre des religions, alors que le fanatisme religieux sert les intrigues du pouvoir, et que le Diable s’en mêle, rendant hystériques de pauvres religieuses, Urbain Grandier dont la chair est un peu trop faible et l’esprit un peu trop libre, devient le bouc émissaire à abattre. Et d’un simple péché de chair il devient le coupable idéal d’une effroyable machination…



On a un peu de mal à adhérer peut-être à cause du décalage historique, de la difficulté à entrer dans cette atmosphère religieuse du XVIIe siècle mais surtout du style un peu lourd et de la reconstruction historique qui ne sont pas totalement convaincants. On se heurte aux limites du fait divers romancé : tension entre les contraintes du fait historique et la liberté de la forme romanesque…Avec le risque d’une réinterprétation des faits loin de la mentalité de l’époque.



Malgré tout la dernière partie qui raconte l’exécution du prêtre est très émouvante. Et nous renvoie une fois encore à l’horreur du fanatisme…



Donc avis aux amateurs d’histoire ou de faits divers d’un autre temps mais je n’ai pas été totalement envoutée…

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Désobéir

Et si désobéir , devenait une nécessité vitale ? refuser d'aller se faire tuer à la guerre , refuser de dénoncer , refuser l'interdiction d'aider les migrants à survivre dignement , refuser de voter par défaut etc ....

Ce livre ne pousse nullement à la désobéissance , il retrace simplement le parcours de cette attitude à travers l'histoire .

Nous avons été éduqués à croire que l'obéissance nous était bénéfique , il serait judicieux de relativiser cette assertion et ce livre donne des exemples à méditer .

Désobéir dérange les intérêts de ceux qui donnent ordre , peut-être pas les nôtres ( d'intérêts ) , les réactions peuvent s'avérer violentes , mais ..... en cas de nécessité vitale ? Et puis , une fois que le pli est pris , tout devient plus simple .
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Marcher, une philosophie

Certainement un livre que tous les marcheurs et philosophes sauront apprécier ! Au premier abord, l’idée semble bien saugrenue de réunir dans un même livre les thèmes de la marche et de la philosophie. Et pourtant, nous sommes tous marcheurs et nous sommes tous philosophes, souvent sans en être pleinement conscients.

Frédéric Gros, est professeur de philosophie et pratique la marche. Pour autant, l’auteur n’évoque qu’à de très rares occasions ses souvenirs de marche. Son récit est en fait un voyage dans le temps et dans l’espace. Et l’on découvre qu’au cours des siècles de grands penseurs ont souvent été de grands marcheurs.



Rousseau (XVIII°), par exemple, se lance à 16 ans dans de longs voyages à pied à travers la France. Ce sont des voyages heureux. « Jamais je n’ai tant existé que dans les voyages que j’ai fait seul et à pied » dira t-il. Ses interminables marches solitaires dans les sous-bois, loin du monde, vont lui permettre de découvrir en lui l’homme primitif, naturel, sauvage, innocent, heureux, bien loin de l’homme social plein de rancœur, de haine, de méchanceté, de jalousie. Pour Rousseau, la marche, en effaçant les mauvaises pensées, est bonheur, bien-être, joie et calme.



Kant (XVIII° également) lui, ne quittera jamais sa ville natale de Königsberg. Sa vie était réglée comme du papier à musique. Tous les jours, que le temps fut beau ou mauvais, Kant partait pour sa promenade d’une heure pile, toujours sur le même chemin, toujours seul, en respirant par le nez, la bouche fermée. De toute sa vie d’adulte, l’histoire veut qu’il n’ait manqué que deux fois sa promenade quotidienne ! Marche monotone, régulière, inéluctable. Pour Kant, la marche est discipline, volonté.



Nietzsche (XIX°) trouvera dans la marche un exutoire à ses terribles maux de tête. De grandes marches, seul, sur des sentiers de montagne, tous les jours, jusqu’à 8 heures de marche par jour. C’est dans la marche que Nietzsche trouvera son inspiration pour écrire un de ses textes majeurs « Ainsi parlait Zarathoustra ». Pour Nietzsche, la marche est indissociable de la réflexion : penser en marchant, marcher en pensant.



Rimbaud (XIX° également) pratiquera la marche dès l’âge de 15 ans. Il traversera l’Europe à pied, toujours à pied, de Belgique en France, d’Allemagne en Italie, d’Autriche en Suède. Ses pas le conduiront jusqu’au désert, dans les montagnes du Harar. Il en mourra à 36 ans, terrassé par des douleurs atroces dans le genou. Pour Rimbaud, la marche est synonyme de fuite, de fuite en avant. Mais aussi de joie, de fatigue, d’épuisement.



Ainsi, ce livre nous fait découvrir les mille et une façons de marcher et ses mille et un effets bénéfiques. Chacun trouvera dans la pratique de la marche les bienfaits répondant à ses propres aspirations.
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Désobéir

« Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l’obéissance ». Désobéir c'est obéir à soi même. C'est face au désordre extérieur imposer un ordre intérieur , le sien .

C'est agir et non se soumettre.

Désobéir serait donc ... obéir , rien d'étonnant donc à ce que soit étudié dans cet essai de Frédéric Gros les arcanes de nos obéissances afin que nous puissions examiner d'un peu plus près leurs différentes origines.

Car lorsqu'on parle d'une chose faut-il pour, justement en discuter, tout d'abord la penser, mais également penser à son contraire, pour tenter de la mieux comprendre.

Howard Zinn nous le rappelait : Le problème ce n'est pas la désobéissance, le problème c'est l'obéissance... »

Pourquoi cet essai en 2017 ? Le traité sur la servitude volontaire de La Boétie ne pourrait-il pas suffire ? N'avons pas depuis le 16e siècle appris suffisamment pour détruire en nous les germes de toute passivité qui face à un ordre établi par une société, risque à tout moment de nous aliéner, voir , de nous anéantir ? N'avons pas été assez alertés ? Éclairés ? N'avons rien appris des drames de l'Histoire ? N'avons nous pas inscrit sur nos frontons : Liberté...Qu'avons nous appris des Lumières, que nous ont appris Platon, Socrate ? Et bien simplement ce que nous en avons volontairement appris, le reste, tout le reste, gît au fond de cet espace dans lequel où l'on ne veut surtout pas se poser certaines questions.

Obéir..Peut être mais jusqu'où ? À quel prix ? Au prix de nos libertés ? Au prix de l'essence même de notre humanité ? Obéir mais à qui mais également pour qui, au nom de quoi et de qui ?

C'est « le creusement des injustices sociales, les inégalités de fortune », générés par «  un capitalisme effréné », c'est l'émergence d'un monde des 1 % contre les 99 % restant, c'est la disparition annoncée d'une classe moyenne qui jusqu'alors « régulait » les frottements raisonnables entre les plus riches et les plus pauvres qui ont amené l'auteur à rédiger cet essai.

« les spirales strictement complémentaires d’appauvrissement des classes moyennes et d'enrichissement exponentiel d'une minorité sont en place, démultipliées par les nouvelles technologies qui annulent les effets de retardement, de « frottement » qui maintenaient jusque là les équilibres raisonnables. ».

C'est en fait la synchronicité de la paupérisation exponentielle du plus grand nombre face à l'enrichissement éhonté d'une minorité, c'est la passivité massive et généralisée du plus grand nombre face au cynisme décomplexé d'une minorité qui pousse l'auteur à s'interroger sur ces deux concepts : obéissance/désobéissance.

Car il lui semble le moment venu, le temps venu, parce qu'il ressent l'instant de l'avant fracture.



Sommes nous en capacité de réagir ? Quels sont nos verrous, quels en sont leur mécanismes ?

Y a t il une bonne obéissance ou n'existe t il qu'une obéissance raisonnable ?

Quel est le visage que dessinent les frontières de notre bonne conscience et donc quelles en sont ses limites ? Quelle est cette servitude admise face à une réalité soumise ?

Quelles sont les valeurs de nos obéissances ? civiles , morales, culturelles, spirituelles ? A quoi répondent -elles ? Sur quelles bases reposent nos interdits, nos lois ? Qui fixent leurs règles ?

Où commence l'allégeance, où commence l'esclavage ? Contrat social ? Pacte républicain ?

Quel risque courons nous à obéir aveuglement, quelle chance risquons nous de perdre à ne point désobéir lorsqu’il est encore temps ? La paix civile n'est pas synonyme de calme social. Un mutisme cordial a-t-il valeur de blanc seing ?

Le désordre extérieur généralisé que l'on veut imposer comme modèle incontournable, voir idéal, risque de faire imploser l'ordre intérieur de la majorité.

« parce que les conditions des plus aisés suscite surtout la passion amère de leur ressembler, parce que la fierté d'être pauvre, alimentée par l'espérance de revanches futures, a laissé place à une honte agressive, parce que le message véhiculé partout est qu'il n'y a de sens à vivre que dans la consommation à outrance, en se laissant aspirer par le présent dans une jouissance facile.Pour ces raisons, et d'autres encore, la colère juste d'une majorité exploitée contre la minorité est court-circuitée, redistribuée en haine des petits profiteurs et peur des petits délinquants ».

Voilà , selon l'auteur, le risque majeur d'une obéissance passive, voilà ce que pourrait éviter une désobéissance active.

Quels sont alors les voies ? Résistance, objection de conscience, rébellion ? Révolution ?

Mouvement collectif d'un ensemble de soi politique entrant en dissidence civique.

Un soi politique qui contient un principe de justice universelle, un soi politique s'inscrivant dans une prise de conscience publique correspondant à notre intimité politique. Réapparition donc du terme « public ». Un soi politique en accord avec son appartenance publique. Ce que je fais doit correspondre à ce que je pense intimement, et « ce que je pense » fait ce que je vis. Et j'en prends la responsabilité.



Pourquoi est-il si difficile de désobéir à l'ordre actuel du monde ? Nous ne sommes ni sourds, ni aveugles, chacun peut identifier ce qui grippe, ce qui coince, ce qui irrite, ce qui blesse, et maltraite. Alors ? Pourquoi est il difficile de stopper la machine, de dire tout simplement non, ou même, tout simplement , comme le Bartleby d'Herman Melville le répétait  : I prefer not to.

Se retirer pour ne pas se commettre. Le refus par le retrait.

Parce que si la désobéissance est une «  déclaration d'humanité », l'acte d’obéissance est inscrit en nous depuis des millénaires. L'humain est un animal social, vivre seul le condamne, vivre en société voilà sa sécurité et le gage de sa survie et de la survie de sa descendance. Alors où se trouve la frontière ? Ente l’allégeance et l' indépendance ? Quel espace donnons nous à notre liberté de conscience ? « l’obéissance fait communauté », «  la désobéissance divise ».

On fait du désobéissant un incorrigible, un empêcheur de vivre en paix…C'est « le voleur d'orange », l'emmerdeur, le fou , ou bien l'anarchiste, c'est le gréviste, le saboteur, l'activiste, déjà le sauvage...

Bref, désobéir...attention danger !. Asile, matraque, fumigène ou bien prison, il faut que l'ordre social règne.

«  Pendant des siècles , les hommes ont été punis pour avoir désobéi. A Nuremberg , pour la premier fois, des hommes ont été puni pour avoir obéi. Les répercussions de ce précédent commencent tout juste à se faire sentir ». Peter Ustinov.

Activation de notre conscience….Interrogation : qui est la bête, qui est le monstre ?

Qui crée le troupeau de l’obéissance, qui dresse ses autels, qui imposent ses lois ? Si ce n'est nous même….

Faisons de l'élève un citoyen docile, mettons le dans le rang, dictons lui nos valeurs et notre hiérarchie, assis, muet, passif, dirigeons l'étude, omettons de dire ce qui ne nous convient pas, et glorifions l'ordre auquel nous le destinons. « L'homme , cet animal qui a besoin d'un maître » écrivait Kant..C'est le début du dressage, l'hymne de l'esclavagisme.

Alors très tôt il faudra consentir à obéir. Par le consentement voilà obéissance volontaire qui s'affirme. Et de là, du berceau au pupitre, du pupitre à l'entreprise , du canapé à l'isoloir, l’obéissance aveugle. , de là, «  la résignation politique ».

Obéir, puisqu'il faut bien des règles pour régir les peuples, obéir mais pour faire quoi ?

Des Eichmann, des Dutch...des monstres d'obéissance ? La liste est atrocement longue...et constamment mise à jour.

Obéir, puisque la paix doit régner entre les peuples pour espérer leur survivance, obéir mais pour faire quoi ?

Des citoyens, des hommes libres et autonomes ?

L’obéissance serait elle un fait politique ?

La désobéissance serait elle un fait éthique ?

La charnière se situe-t elle au niveau du choix ?

Le choix entre, par exemple, comme l’indiquait H.Arendt, entre le travail et l'action ?

Entre l'outil et la main ? Mais à qui concède-t-on la tête ?

Comment s'articule la résignation, le conditionnement, le consentement ?..où commence et pourquoi advient la stade ultime de la sur-obéissance, ce concept augmenté, qui fait plus que tout autre tenir le pouvoir politique  ? d'où vient « ce narcissisme social » , ce « rapport imaginaire au pouvoir » , pourquoi « se sentir quelqu'un à travers et depuis l'adoration de ce qui me surplombe » ? D'où vient cette appétence des peuples pour la tyrannie ? Pour le chef, pour une adhésion collective à l’icône qui se veut incarner ... «  le tyrannie c'est la construction d'une soumission pyramidale »….J'accepte que tu me tyrannise parce que je jouis de la possibilité de tyranniser un plus « petit » que moi.

«  J'en vois partout qui combattent pour leur servitude comme il s'agissait de leur salut ». écrira Spinoza.

Alors quand cela cesse-t -il ? Quand les peuples n'ont plus rien à perdre ? Quand on décide de les éduquer et non de les élever en batterie ou de les dresser ? Conscience collective ou individuelle ?

Désobéissance active ou résistance civile ? Comment s’éveille- t-on ? Quand ?

Quel jeu joue dans tout cela le fait du nombre, le fait d'être nombreux, comment trouver l'harmonie de la désobéissance ? Comment ne plus faire qu'un sans étouffer l'individualité de tous ?

Suivre un non, suivre un oui, tout cela est obéir.

«  « tous unis ». De quoi se payent ces moments de communion ? De la perte de tout pouvoir critique. » ?

Face à cela , l'auteur répond : l'amitié.

L'amitié exclut la dissolution dans « un » peuple, ( notion qui je le rappelle le n'existe pas, car il ne peut y avoir que des peuples) , « un » Prince, «  une » Nation.

« La politique , celle qui repose sur l’obéissance de tous, invente l'unité fanatique ».

Obéissance...attention danger.

Mais qu'à fait Adam ? A t il refusé l’obéissance ? Et laquelle ? L’obéissance de gratitude ? A t-il répondu à un ordre naturel intérieur ? A t-il fait preuve d'un péché d’orgueil ? Voici le premier homme devenu criminel, voici sa descendance portant à jamais le sceau de son infidélité.

En répondant à son ordre intérieur, il a mise en cause l'autorité. Du Dieu, du père, de l'autre, il s'est émancipé. Voilà la leçon de l'histoire qu'il fallait se tenir, , la rançon de la gloire. Voilà petit ce qui risque d'arriver si tu n'écoutes pas le maître.. Seul, abandonné, condamné. Voilà qu'en toi je fais naître la peur, la peur du jugement, du premier au dernier.

Ce n'est pas un hasard si Antigone est le personnage centrale d'une tragédie.

Ce n'est pas un un hasard si l’obéissance mystique irrite le plus souvent le clergé.

Subordination, conformisme, paresse, habitude, soumission, consentement ...de quoi relève la passivité de nos obéissances ? D'où vient la solidité de cet axe du mal ?

« Non la société, ce n'est pas seulement une grande famille, une communauté naturelle, le résultat d'agrégats progressifs et spontanés d'entraide!!!!!!!;;;Ce n'est pas non plus le produit d'un acte fondateur entre les sujets politiques responsables. Ce n'est pas seulement encore un rassemblement calculé d’intérêts compris, la cohésion rationnelle des utilités. La société, le « social » ce sont surtout, d'abord et avant tout, des désirs standardisés, des comportements uniformes, des destins figés, des représentations communes, des trajets calculables, des identités assignables, compressées, normalisées.Des normes pour rendre chacun calculable, conforme et donc prévisible. Sujet socialisé, individu intégré, personne «  normale », homo socius...Il faut passer gagnant le contrôle des identités calibrées, parvenir à être celui qui est comme les autres : gris clair. »

Alors quoi… ? jouer « l'ironie sceptique, la provocation cynique » ? «  s'indigner de lois injustes ou de coutumes intolérables, tout en continuant à jouer, à peu de frais, le révolté du discours intérieur »… ?

Se conformer aux us, aux règles, intégrer le conformisme de masse, se rassurer, s'en assurer continuellement ? La vérité ? Avons nous peur ? devenons nous sable comme le craignait Nietzsche  ? Où se situe notre désir ? Désir d'être libre ? Besoin de sécurité ? Où est le désir individuel, cette nécessité intérieure ? Que de vient-il lorsque la possession et l'exhibition de ce qui est commercialement constitué comme un objet de désir de tous devient l'unique ciment de notre



épanouissement démocratique ? Craignons la bêtise, la nôtre, ce prêt à penser si confortable si douillet. «  Cette capacité à se rendre soi-même aveugle et bête, cet entêtement à ne pas vouloir savoir, c'est cela la banalité du mal ».

Faire société, participer au corps politique d'une nation, faire politique ensemble ? Qu'est ce que cela veut dire ? Et si nous devons nous insurger, notre premier ennemi ne doit il pas être nous même ? Ne doit-on pas, chacun en lui même, inventorier, décrypter, nos styles internes d'obéissance avant de pouvoir espérer désobéir en réponse aux impératifs de notre conscience individuelle ? Comment pourrions nous tendre à une noblesse du sens politique sans que ne s'épanouisse une démocratie critique?

« Il est vain de s’asseoir pour écrire quand on ne s'est jamais levé pour vivre » écrivait Thoreau.

« L’obligation de désobéir est liée aux exigences de la vraie vie ». Parce qu'elle touche à la matière fondamentale de l'humain. Parce qu'elle est l'alliance entre le corps l'esprit.

«  Quand l’État prend des décisions iniques, qu'il engage des politiques injustes, l'individu n'est pas simplement « autorisé » à désobéir comme s'il s'agissait d'un droit dont il pourrait s saisir ou pas au nom de sa conscience. Non, il a le devoir de désobéir, pour demeurer fidèle à lui-même, pour ne pas instaurer entre lui et lui-même un malheureux divorce. ».

la désobéissance, est « une conversion spirituelle », avant que d'être un soulèvement générale, elle est un question interne à soi même. On ne désobéit pas pour faire comme tout le monde, pour entrer dans le courant, on ne désobéit pas en réponse à un ordre général proclamé, mais parce qu’intérieurement on se détermine comme un agissant indélégable, l'auteur de ses actes avant l'acteur d'un mouvement général .

Indélégable et irremplaçable. Si ce n'est pas moi qui me dresse et dis non , qui le fera, si ce n'est pas moi qui arrête le bras de celui qui frappe l'homme à terre, qui le fera, si ce n'est pas moi qui me dresse devant un char, devant un bulldozer, alors qui le fera ?

« Si je ne suis pas moi, qui le sera ? Si je ne suis que pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? », l’éthique des Pères ; livre I.

Voilà la matière première du courage. De là vient le courage de la résistance, et sa force.

« Il faut refuser le partage des tâches que, très souvent, on nous propose aux individus de s'indigner et de parler aux gouvernements de réfléchir et d'agir. C'est vrai : les bons gouvernements aiment la sainte indignation des gouvernés, pourvu qu'elle reste lyrique. Je crois qu'il faut s rendre compte que très souvent ce sont les gouvernants qui parlent, ne peuvent et ne veulent que parler. L'expérience montre qu'on peut et qu'on doit refuser le rôle th »théâtral de la pure et simple indignation qu'on nous propose ». Michel Foucault, « face aux gouvernements les droits de l'homme », extrait.

Faire preuve de désobéissance c'est tout d'abord obéir à soi même et refuser d'obéir à l'autre. C'est n'accepter que sa propre obéissance active à son soi indélégable, désobéir « c'est se découvrir irremplaçable dans sa mise au service de l'humanité toute entière, quand chacun fait l'expérience de l'impossibilité de déléguer à d'autres le souci du monde »,

c'est donner un sens à sa responsabilité dans ce qui adviendra. C'est faire acte de sa propre présence.

C'est répondre présent. C'est répondre présent à l'amitié que l'on se doit. C'est ne pas se perdre soi même de vue, ne pas perdre son compagnon le plus intime : c'est à dire soi même.

Un essai très intéressant, intelligible, où nous redécouvrons la complexité de nos soumissions, et des termes que nous employons en ces temps politiques troublés , un essai où notre responsabilité est convoquée, questionnée.

Effectivement : « un appel à la démocratie critique et à la résistance éthique ».



Opération masse critique juillet 2017. Babelio en partenariat avec les Éditions Albin Michel.

Astrid Shriqui Garain



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Pourquoi la guerre ?

Pourquoi la guerre ? Vaste question que le retour de la guerre, d'une guerre "classique", sur le territoire européen suscite, suite à l'attaque de la Russie contre l'Ukraine et aux images de combats qui nous ramènent à ce qui n'aurait plus jamais dû advenir...Pourtant les guerres n'ont jamais cessé : guerre froide, guerres de libération des anciennes colonies, guerres incessantes du Moyen Orient, guerres d'Afrique, attaques terroristes, guerres civiles. La paix reste un horizon rarement atteint, une période de calme relatif entre deux conflits. Frédéric Gros va tenter de répondre à cette question ou du moins de nous ouvrir quelques pistes de réflexion.



L'occasion de se plonger avec les philosophes sur l'essence même de la guerre : peut-on parler d'une guerre juste ? Quelles en sont les règles ? La guerre est-elle le moteur de l'histoire comme le démontre Hegel ? Va t-on vers une fin de l'histoire ? Une paix perpétuelle, projet kantien, dont la garantie serait la république, régime universel, ou la démocratie selon Spinoza. Car la paix nécessite l'égalité. Et si la guerre est devenue un tel fléau, c'est aussi depuis son industrialisation, la menace de millions de morts, dont les populations civiles, celle d'armes de destruction massives, la guerre totale qui tend à l'extermination de l'ennemi…



Les raisons de la guerre sont toujours les mêmes : la conquête d'un bien ou d'un territoire, la peur de se voir attaqué, l'affirmation de sa puissance. Elle se justifie, elle suit des règles...dans un premier temps. Même si elle finit toujours par déborder, elle s'oppose au terrorisme qui frappe aveuglément n'importe qui, n'importe quand et instaure un climat de terreur.

Une réflexion intéressante sur un thème malheureusement d'actualité, qui pose quelques bonnes questions, en particulier sur les dangers de la diabolisation de l'ennemi ou de la moralisation de la guerre en un combat du bien contre le mal ; qui met en lumière également la dualité qu'elle révèle en l'humain, à la fois dans l'abjection, la cruauté, le sadisme, mais également le courage, la capacité à donner sa vie pour une cause supérieure, le sens de l'honneur...Et nous rappelle que malgré tout ce n'est jamais que pour l'espoir de la paix que l'on se résout à la guerre…
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Possédées

♫ Possédées, nous étions toutes possédées ♪ Avoir envie de s’auto-flageller ♫ Et à des bites rêver ♪ Possédées ♪



Le sexe de nos religieuses serait-il devenu l’enfer ? Oui, parce que Satan l’habite (je n’ai pas pu résister au jeu de mot).



Enfin, c’est ce qu’il paraît parce que ce roman, je l’ai survolé de très haut, sautant les phrases et n’arrivant à m’agripper à rien.



Une lecture en travers, voilà comment je désignerais ce que je viens de faire, ne m’arrêtant que sur certains passages, et même eux n’étaient pas intéressants.



Mea culpa, j’ai péché ! Mon père, donnez-moi l’absolution parce que j’ai commis le péché de lecture en diagonale.



Et si vous ne me pardonnez pas, alors, excommuniez-moi, déclarez-moi hérétique, je m’en fous, parce que de toute façon, rien de rien, non, je ne regrette rien.



Si ce n’est de m’être laissée tenter par un résumé aguichant, intéressant, intriguant…



Anybref, une lecture qui ne restera pas dans mes annales (avec deux « n » s’il vous plait, bougre de petits cochons) et niveau bonnes sœurs, ma préférée restera toujours Sœur Marie-Thérèse des Batignolles.



Une lecture à oublier et un livre à bazarder au plus vite.



Ma copinaute Bianca a adoré sa lecture, elle. Voyez son avis, pour avoir une autre opinion que la mienne.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Marcher, une philosophie

La marche est certainement un des derniers espaces de liberté qui reste ; elle est peu soluble dans l'économie marchande (pas besoin d'infrastructures, de bonnes chaussures et quelques accessoires qui peuvent être recyclés à d'autres fins suffisent), ouverte à tous, quel que soit son niveau on trouve un but adapté et offrant des satisfactions (c'est même un des rares sports où on se bonifie avec l'age), et se prête mal voire pas du tout aux "indicateurs de performances" (quel intérêt d'être le premier à voir une cascade, un lever de soleil sur les crêtes, etc...). Le marcheur est entièrement libre, sous réserves de respecter son environnement c'est à dire de rester à sa place.

La méditation philosophique, au sens large, prolonge et/ou accompagne naturellement cet exercice et ce n'est sans doute pas un hasard si quelques uns des plus grands sages ont été de grands marcheurs (Gandhi, Nietzsche...) L'essai de F. Gros est par conséquent une vraie réussite en alternant des méditations sur la marche sous diffrentes déclinaisons et des développements sur des penseurs célèbres avec ce prisme de la marche.

C'est une sorte d'introduction à ces auteurs sous un angle original, vivant et très pertinent. Ce livre fut un succès commercial (à l'échelle de cette catégorie de livres) bien mérité
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Désobéir

A défaut de servir à quelque chose, la philo contemporaine se réclame subversive, agressive, en lutte contre ceci, en combat contre cela. Elle pourrait l’être, d’ailleurs, si elle ne s’en réclamait pas, mais qu’elle le revendique dissimule autre chose. N’allez pas vous imaginer que je n’aime pas la philo : au contraire, j’aime ce qui, à mon image, ne sert à rien.



Frédo traite la déso sur le mode philo. Ainsi, la désobéissance sera déclinée en multiples catégories : dissidence, surobéissance, objection de conscience, consentement, subordination, rébellion… ça permet de faire des chapitres en couches superposées : Eichmann, Arendt, Thoreau, Socrate, Hume, Rousseau… ce n’est pas inintéressant et ceux qui aiment faire le ménage et ranger les différents petits objets qui traînent par terre dans des tiroirs bien séparés aimeront ces classifications qui simplifient le découpage du monde par un tour de pirouette intellectuelle. N’allez pas vous imaginez que je n’aime pas la catégorisation : au contraire, j’aime ceux qui, à mon image, veulent s’éviter de trop réfléchir en se prenant la tête une fois pour toutes, puis en faisant la sieste tout le reste de leur vie.



J’ai toujours aimé l’idée de la désobéissance, même si dans la réalité, il est plutôt recommandé d’obéir à certaines dispositions légales. Il est vrai que je dis souvent « oui » aux ordres que je reçois mais je n’en fais jamais la moitié. Quand mon patron me dit de prendre un seau, de l’eau chaude, une éponge sale et du vinaigre blanc pour nettoyer les frigos pleins de chantilly séchée, j’approuve du chef avant d’aller me cacher dans la réserve pour trier les produits surnuméraires pendant que mon collègue se bat avec des cagettes de rhubarbe en me parlant du Brexit. D’une manière générale, il convient de donner à chacun la satisfaction qu’il recherche, fut-elle entièrement imaginaire, afin de ne pas être dérangé dans la recherche de sa propre satisfaction. Combien de mes projets auraient été déprimés par les conseils d’autrui si je les avais présentés dans leur plus simple appareil ? Avec le temps, et en raison de la résistance de mes proches à l’originalité des prises d’initiatives, j’ai appris à mentir comme je respire, même si c’est fatigant. C’est pourquoi aujourd’hui, je ne fais plus grand-chose, comme ça je n’ai plus besoin de mentir, ou si peu. Frédo appelle ça la soumission ascétique, mais je vous jure que ça n’a rien d’une ascèse.



A part ça, je n’ai jamais aimé les gens qui appellent à la désobéissance comme s’ils lançaient un ordre, et ce n’est pas parce qu’ils appellent ça la désobéissance à l’Etat que mon point de vue en sera drastiquement modifié. En effet, je préfère pouvoir désobéir quand je veux et contre qui je veux. Je préfère parfois même ne pas désobéir et m’en foutre.

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Possédées

C’est l’émoi dans la cité de Loudun : Scévole de Sainte-Marthe, poète et notable, est mort. Sous son bienveillant patronage, catholiques et protestants vivaient en harmonie. Son jeune ami, Urbain Grandier, tente de maintenir cette concorde, mais c’est moins facile qu’il n’y paraît. Grandier est le curé de Loudun : habile orateur et bel homme, il aime les femmes qui le lui rendent bien. Un écart de trop le condamne à la vindicte des notables et du peuple de Loudun. Désormais, on veut la tête du beau prêtre. Et la plus enragée est Jeanne des Anges, mère supérieure du couvent des Ursulines de Loudun : depuis toujours, la religieuse cherche l’extase. « Elle aussi veut mourir de plaisir, sentir l’effusion mystique lui traverser les reins, sentir les vagues chaudes de la prière. Elle veut défaillir. » (p. 13) Hélas, ne la trouvant pas dans l’adoration de Dieu, Jeanne décide de la trouver dans l’hérésie et se déclare possédée, ainsi que d’autres sœurs du couvent, par des diables envoyés par Urbain Grandier. « Mais enfin, qui irait jamais prendre au sérieux des accusations démentes, est-ce qu’on fait crédit aux fous ? Mais il fallait se rendre à l’évidence : cela avait un peu pris quand même. » (p. 132) Pris dans des jeux de pouvoir qui opposent l’évêque et l’archevêque de Bordeaux et le gouverneur de Loudun et le cardinal de Richelieu, le pauvre curé a peu de chances d’échapper à la terrible accusation proférée par Jeanne des Anges. « Urbain Grandier accusé par quelques folles, elles soutenues par des infâmes, et condamné d’avance par un tribunal de pleutres, de juges vendus et lâches. » (p. 217)



En faisant un roman de la célèbre affaire des possédées de Loudun, Frédéric Gros fait exploser les désirs inassumés dans une époque où la politique et la religion se heurtent jusqu’à l’embrasement. Alors que Richelieu est bien décidé à faire tomber le mur d’enceinte, les tours et le donjon de Loudun pour priver de tout refuge les protestants et pour mettre en œuvre son grand projet de ville idéale, la fière cité du Poitou affronte la peste et accuse d’une même voix les réformés et le trop brillant Urbain Grandier, humaniste trop sensuel pour son temps. D’exorcismes spectaculaires en jugements iniques, Loudun tremble sous les assauts d’un catholicisme enfiévré. « Ce mal a servi à nous débarrasser des faux chrétiens et des vicieux invétérés. » (p. 89) Possédées est un roman passionnant, au style cinématographique et à la plume enlevée. Chapeau bas pour Frédéric Gros qui donne à voir avec talent un épisode saisissant de l’histoire de France.

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Les philosophes face à la guerre

Face à la guerre en Ukraine, une fois la surprise passée, il était indispensable de prendre du recul et d’essayer de comprendre non seulement ce que signifiait cette guerre, quel était son but, mais surtout comment on allait pouvoir en sortir.

Pour ce faire, Philosophie magazine, dont le but est d’éclairer les événements de l’époque à la lumière de la pensée des philosophes, a sorti un numéro spécial en avril. Les articles ont donc été écrits en mars, mais en les lisant fin juillet, ils sont malheureusement toujours d’actualité.

Au départ, j’étais surtout curieuse de lire la contribution d’Etienne Klein, mais au final je dois reconnaître que ce n’est pas la plus intéressante, même si elle est agréable à lire grâce au style d’Etienne Klein.

De toute façon, la question n’est pas de savoir quel est le meilleur article car ce magazine constitue un ensemble avec des articles très différents mais qui contribuent tous à nous faire réfléchir sur une question ou une autre soulevées par la guerre en Ukraine.

La lecture de ce numéro spécial s’est donc avérée très intéressante et je remercie les équipes de Babelio et de Philosophie magazine pour cet envoi.

Je salue également l’accessibilité de ce magazine, car les articles étaient tous très clairs et faciles à lire tout en abordant en trois ou cinq pages des notions d’une certaine complexité.
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Désobéir

Désobéir, voici un sujet brûlant d’actualité après le mouvement des Gilets Jaunes puis celui contre la Réforme des retraites et certainement un autre à naître après le confinement. Les révolutions sont toujours réussies selon Kant car on y goûte, un bref instant, à ce sens du politique comme aventure partagée et elles ne s’oublient pas.



L’auteur s’appuie sur les écrits de nombreux penseurs et philosophes, de Socrate à Kant, de Hannah Arendt à Foucault, afin d’analyser le problème de l’obéissance/ désobéissance civile.



Dès le départ, le postulat est posé : « Le problème, ce n’est pas la désobéissance, c’est l’obéissance ». Nous voilà partis sur les traces des écrits d’Hanna Arendt et de son concept de la banalité du mal car à Nuremberg, pour la première fois des hommes ont été condamnés non pour avoir désobéi, mais pour avoir obéi.

Difficile de désobéir quand on nous a répété depuis l’enfance qu’il fallait au contraire toujours appliquer les consignes et les ordres.



Il faut donc résister à notre désir d’obéir et à notre adoration du chef, il ne faut pas sur obéir (La Boétie). Car l’autorité politique ne tient que par une adhésion secrète qui fait surobéir et les puissants, y compris les pires, ne tiennent que grâce à cette surobéissance.



Il faut donc développer son sens critique et développer son moi éthique (Socrate) et au besoin, refuser un ordre inhumain. Il faut obéir à soi. L’obéissance citoyenne et politique doit être volontaire et réfléchie.



Voilà les pistes de réflexion évoquées brillamment par cet essai qui constitue une belle vulgarisation de la question de l’obéissance politique. J’y ai trouvé quelques longueurs et passages un peu obscurs mais globalement, c’est plutôt passionnant et bien expliqué.



Ce livre fait écho pour moi à celui de Todorov sur les insoumis (Mandela, Germaine Tillion, Malcom X, Boris Pasernak etc.). Frédéric Gros expose la théorie et Todorov relate la pratique en rappelant l’exemple de quelques personnes, célèbres ou non, qui ont fait prévaloir leur moi éthique et se sont refusés à la contrainte et à la majorité.

Une saine et belle lecture !



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