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Citations de Frédéric Lordon (159)


LE NOUVEAU DEUXIEME CONSEILLER [à propos des banquiers venant exiger plus de rigueur budgétaire de l'État qui a sauvé leurs profits privés] :
Cyniques ou crétins ? C'est toute la question.
Une aimable réplique répond à sa façon
En disant de ces gens qui n'ont aucun arrêt :
À ce qu'ils osent tout, là on les reconnaît.
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Fini l'arrivée continuelle sur "le marché" de voitures clinquantes farcies d'options ineptes, fini les téléphones portables à performances aussi mirifiques qu'inutiles, ou les frigos connectés.
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Contrainte et consentement, ce sont des formes vécues (respectivement triste et joyeuse) de la détermination. Être contraint, c'est avoir été déterminé à faire quelque chose mais en s'en trouvant triste. Et consentir, c'est vivre l'obéissance mais allégée de son fardeau intrinsèque par un affect joyeux.
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(51%) Sorti du foyer parental où la reconnaissance est en principe pré-acquise, et comme toujours-déjà gagnée (en principe…), toutes les étapes ultérieures nécessitent de satisfaire une économie générale de la reconnaissance où, roi-naufragé mis à part, on n’a rien sans rien. L’adolescence se définit alors comme cet âge où l’on est conscient de l’impératif d’avoir « quelque chose » – à faire valoir – alors qu’on n’a rien, impératif d’avoir fait quelque chose alors qu’on n’a encore rien fait – parce qu’on n’a encore rien eu le temps de faire. L’obligation, clairement aperçue, de l’« accomplissement » quand on n’a encore rien accompli est l’une des douleurs de l’adolescence, qui ne peut se résoudre au temps long et cumulatif des accomplissements, et se précipite alors dans la frénésie d’une sorte d’accumulation primitive, gouvernée par des investissements à temps de retour aussi court que possible : typiquement le « coup d’éclat », l’« exploit », la prise de risque spectaculaire qui paye aussitôt.
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C’est que tout dans la crise du Covid incrimine le capitalisme dans ses tendances les plus fondamentales. Et dessine en creux un paysage souhaitable, dont le principe directeur serait : relever les personnes de la précarité, en finir avec les angoisses de l’aléa économique, avec le tourment de l’incertitude, avec l’oppression de la question : « qu’est-ce qu’on va devenir ? » Il n’y a pas de réponse possible, il n’y a pas de repos possible, dans le capitalisme, qui fait dépendre les existences matérielles de deux entités souveraines, mais tyranniques, et surtout portées au dernier degré de l’instabilité dans le régime néolibéral : le marché et l’emploi. Que la vie matérielle des gens soit accrochée à ces deux maîtres fous, c’est ce avec quoi il faut en finir.
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Le capital s’efforce toujours de rémunérer minimalement le travail : il structure donc un demande faiblement solvabilité ; à laquelle on ne peut proposer que de la marchandise à prix suffisamment faible ; donc produite dans des conditions de productivité qui les vouent à être mal faites ; par des salariés maltraités et peu payés ; et la boucle est bouclée. Seule la crème des riches échappe à la boucle de la camelote.
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Chaque année ou presque connaît un « mouvement social » d’importance, et ces épisodes n’ont rien de séparé : entre deux flambées, la braise rougeoie, jamais ne s’éteint. La colère est devenue bruit de fond politique de la société, et ça n’est pas que le symptôme d’un changement des humeurs collectives : également celui d’une arrivées aux limites, et d’une réouverture aux degrés de liberté. En réalité, c’est le régime politique, et même politico-économique d’ensemble, qui est entré en phase de délabrement. Ou de ce que Gramsci appelle une crise organique.
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Éloigné des conditions historiques, colonialistes, de l’accumulation primitive, le capitalisme considère cependant la rémanence des rapports racistes dans la société où il évolue, traces profondes laissées par le passé esclavagiste ou la décolonisation, et voit ce qu’il peut en faire. Si ces rapports, qui lui sont secondaires, lui offrent des opportunités simples de surexploitation, il les saisit sans hésiter.
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(p.123) La légitimité, ou « Dieu et mon droit »

Ce sont des différences que les sujets de ces institutions savent très bien faire. Tous les agents d’ailleurs n’ont pas la même possibilité sociale d’accéder aux domaines des agonistiques instituées, et certains d’entre eux, dépourvus des formes de capital social qui permettent d’en acquitter les « droits d’entrée », n’ont pas d’autre choix que de vivre la régulation de leur conatus pronateur sous le régime d’affects tristes des institutions de répression. Rien ne permet d’affirmer que ces institutions sont plus ou moins « légitimes ». La seule chose qu’on puisse en dire est qu’elles sont moins pourvoyeuses d’affects joyeux. « Légitime » ou « illégitime », c’est toujours une question d’affirmation singulière, de points de vue particuliers. Celui dont l’élan pronateur, voué aux institutions de répression, ne se voit offrir qu’un nombre restreint de possibilités d’effectuation de puissance, trouve « légitimes » les solutions d’accomplissement qu’il s’invente malgré tout, quand bien même elles sont déclarées illégales. Ainsi appelle-t-il légitimes ses rares sources d’affects joyeux. De fait, l’économie souterraine et la lutte des gangs ne sont pas moins porteuses d’enjeux de grandeur que les compétitions des artistes ou des cadres supérieurs… et celles-ci, réciproquement, pas moins violentes en leur fond : « En réalité la nature humaine est une, et commune à tous, mais nous sommes trompés par la puissance et par la culture : de là vient que lorsque deux hommes font une même chose, nous disons souvent qu’elle est acceptable de l’un mais pas de l’autre, non parce qu’elle diffère, mais parce qu’ils diffèrent » (TP, VII, 27). Comme toutes les effectuations de puissance sans exception, celles qui demeurent offertes aux conatus les plus empêchés, fût-ce au risque de l’illégalité, sont trouvées légitimes par eux et de la légitimité de leur droit naturel (ou de ce qu’il en reste), c’est-à-dire parce que ce sont les leurs. Par un argument implicite de droit naturel absolument identique, celui dont le conatus jouit de l’accès aux formes les plus hautes et les plus reconnues de la symbolisation sociale des mêmes pulsions trouve illégitimes tous les efforts qui ne respectent pas strictement la légalité de l’état civil qui lui garantit, à lui, des accomplissements existentiels aussi gratifiants et aussi reconnus. Chacun s’accorde donc à soi-même le privilège de la légitimité, et cela, en dernière analyse, selon la même ultime justification conative – « parce que c’est moi » –, ou à la rigueur consent à en faire profiter d’autres avec lesquels ils se sent une proximité d’une certaine nature ou, pour mieux dire, une sympathie, c’est-à-dire une manière ponctuellement semblable d’être affecté. Hors de cette forme faible, et pourtant maximale, de décentrement, chacun indexe la légitimité sur son conatus et ses propres affects joyeux, son activité est la forme supérieure de l’activité – mépris de l’entrepreneur pour l’artiste (improductif), de l’intellectuel pour l’entrepreneur (inculte), du scientifique pour le philosophe (ignorant des réalités) ; et ce ne sont partout que luttes pour une métacapture, celle de la légitimité, c’est-à-dire de la qualification comme légitime(s) de sa propre activité de capture et de ses propres objets à capturer.
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(p.122) Sous ce rapport on pourrait voir dans le don/contre-don une sorte de paradigme civilisationnel, en tant qu’il offre peut-être l’une des toutes premières réalisations de cette solution extrêmement générale de régulation des pulsions pronatrices des conatus. Ôter les biens à saisir et les remplacer par des trophées, cristallisations des jugements de grandeur rendus par le groupe, est une stratégie de mise en forme des énergies conquérantes des conatus dont on retrouvera maintes déclinaisons, jusque dans les univers sociaux les plus contemporains. Comme les scènes archaïques où se sont d’abord tenues les compétitions somptuaires du don cérémoniel, bon nombre de ces microcosmes que Bourdieu nomme des « champs » sont autant de théâtres d’une agonistique instituée : on y lutte intensément pour la conquête des trophées locaux, formes de la grandeur spécifiques au champ, souvent poursuivies avec une grande violence, mais une violence toujours symbolisée, c’est-à-dire conforme au nomos du champ : la grandeur politique se gagne par la conquête électorale du pouvoir, la grandeur sportive par la performance physique selon les règles, la grandeur capitaliste par l’OPA validée par les marchés, etc. Mais en tous ces univers, comme jadis sur les scènes du don cérémoniel, le conatus, interdit de pronation unilatérale brutale, et frustré de ses prises spontanées, se voit tout de même offrir des solutions d’accomplissement. Là où la prohibition du droit légal était sans appel et sans au-delà, laissant l’élan réprimé à ses seuls affects tristes, les solutions de sublimation offertes par les agonistiques instituées proposent des effectuations de puissance alternatives et substitutives. En dépit des renoncements qui lui sont imposés, comme dans tous les rapports institutionnels, le conatus y trouve donc son compte – c’est-à-dire des affects joyeux. Aussi la vie sous les institutions de sublimation est-elle plus agréable que sous les institutions de répression. L’élan existentiel du conatus n’y rencontre pas qu’un attristant déni de s’effectuer, mais au contraire des possibilités de réalisation qui peuvent s’avérer intensément mobilisatrices. Un même renoncement à exercer pleinement son droit naturel est produit – puisque dans l’un et l’autre cas le « droit » de saisir sans phrase est barré – mais sous des régimes d’affects très différents. Le même problème de régulation du prendre offre donc, en ses diverses solutions institutionnelles, des possibilités d’effectuation de puissances inégales, et en définitive des formes de vie dissemblables.
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(p.105)

Ainsi, par exemple, l’affection d’une réforme fiscale qui baisse les impôts peut affecter joyeusement un même individu comme contribuable, mais aussi tristement s’il a contracté une manière de juger politiquement « à gauche » qui lui fait regretter le retrait de l’État social, de la solidarité redistributive, etc. De quel côté son âme penchera-t-elle in fine ? La réponse est : du côté des affects les plus puissants. Ici apparaît l’un des aspects les plus centraux du spinozisme, à savoir d’être un quantitativisme universel de la puissance. La vie psychique, comme toute chose dans l’univers, est régie par le principe de mesure des forces : des choses s’affrontent, les plus puissantes l’emporteront. La grande originalité de Spinoza consiste à avoir fait entrer ce principe, qu’on entend assez bien pour les affrontements de choses extérieures, dans l’« intériorité » de la vie psychique : « Un affect ne peut être réprimé ni supprimé si ce n’est par un affect contraire et plus fort que l’affect à réprimer » (Éth., IV, 7). Sous ce principe général, les propositions 9 à 18 de (Éth., IV) développent ces lois de puissance qui déterminent l’issue des conflits d’affects – selon que la cause des affects est imaginée présente ou absente, proche ou lointaine dans le temps, nécessaire ou contingente, etc.

Pour sommaire qu’il soit, quels traits singuliers ce portrait de l’homme-conatus fait-il déjà apparaître ? On ne lui voit aucun des caractères qui font le sujet classique ou l’acteur des sciences sociales individualistes (ou interactionnistes). Ici aucune conscience unitaire, réfléchissant et décidant souverainement de l’action. L’homme est un élan de puissance mais originellement intransitif et sous-déterminé. Or toutes ses déterminations complémentaires lui viennent du dehors. Il n’est pour rien dans les affections qui lui arrivent et tout ce qui s’en suit se produit sur un mode quasi-automatique : loin d’être l’instance de commandement qu’on imagine souvent, la psyché n’est qu’un lieu sur lequel s’affrontent les affects déterminés par le travail de l’ingenium, tel qu’il est lui-même le produit hétéronome d’une trajectoire (socio-) biographique. Les balances affectives qui en résultent déterminent à leur tour des efforts vers les sources imaginées de joie et loin des causes imaginées de tristesse. Toutes ces idées ont été formées, non par quelque cogito souverain, mais dans le sillage même des affects antérieurement éprouvés par lesquels se sont constituées des manières de sentir et de juger. L’homme est un automate conatif et affectif, les orientations que prendra son élan de puissance sont déterminées par des forces qui sont pour l’essentiel hors de lui. Il en suit, sans même s’en rendre compte, les directions, et pourtant rien de tout cela ne l’empêche de nourrir, par des mécanismes cognitifs que Spinoza n’omet pas de détailler (Éth., I, Appendice), l’idée de son libre arbitre ou bien celle que son esprit commande à son corps ! C’est dire le régime de conscience tronquée et de connaissance mutilée où il se tient d’abord : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; car cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actes mais ignorants des causes qui les déterminent » (Éth., II, 35, scolie).
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Le capitalisme n’en finit pas de se rendre discutable. Si le spectacle n’en était pas parfois si repoussant on regarderait presque avec admiration la performance d’audace en quoi consiste de piétiner à ce point la maxime centrale du corpus de pensée qui lui sert pourtant de référence idéologique ostentatoire ; car c’est bien le libéralisme, en l’espèce kantien, qui commande d’agir « de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen[1] ». Par un de ces retournements dialectiques dont seuls les grands projets d’instrumentation ont le secret, il a été déclaré conforme à l’essence même de la liberté que les uns étaient libres d’utiliser les autres, et les autres libres de se laisser utiliser par les mis comme moyens. Cette magnifique rencontre de deux libertés a pour nom salariat.
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A l’inverse de l’économie (non capitaliste) de la joie intrinsèque, jouissance non-rivale de l’objet collectivement produit, l’économie de la joie extrinsèque demeure différentielle et concurrentielle.
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Passer symboliquement du côté du capital, c’est avoir la « subsomption réelle » joyeuse.
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« J’aurais pu » est le non-sens spinoziste par excellence, c’est le temps du regret, qui n’existe que comme une chimère de l’imagination, une illusion rétrospective, car toujours le conatus sature ses « possibilités » […] et, non, il n’aurait pas « pu » davantage, car pouvoir et faire sont une seule et même chose : l’on n’a jamais pu que ce que l’on a fait et réciproquement, ni plus ni moins.
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Il faudrait prendre le temps de montrer en quoi les institutions peuvent être vues comme des dispositifs affectifs collectifs, c’est-à-dire comme des choses sociales munies d’un pouvoir d’affecter des multitudes pour les faire vivre sous leurs rapports […].
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La dépossession opérée par le patronat est donc de l’ordre de la capture de reconnaissance par monopolisation individuelle d’un autorat qui est fondamentalement collectif.
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Le grand mouvement de la production imaginaire sociale se charge d’apporter les justifications de l’arbitraire fait nécessité […].
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Comment alors continuer à parler de domination quand les intéressés sourient aussi uniment à leur fatum salarial ?
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Les entreprises de colinéarisation ne sont jamais assurées de leur succès, et leurs effets sont vouées à demeurer très contrastés selon les sujets dont elles se saisissent.
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