AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Frédéric Lordon (Autre)
EAN : 9782358722131
288 pages
La Fabrique éditions (05/03/2021)
4.21/5   41 notes
Résumé :
Le capitalisme détruit les existences. Il les détruit même deux fois. D’abord d’angoisse et de précarité en remettant la survie matérielle des individus aux mains de deux maîtres fous : le « marché » et l’« emploi ». Ensuite en rendant la planète inhabitable : surchauffée, asphyxiante, et désormais pandémique. Il faut regarder ces faits bien en face et s’astreindre maintenant à un exercice de conséquence. 1/ Le capitalisme met en péril l’espèce humaine. 2/ En 40 ans... >Voir plus
Que lire après Figures du communismeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« Figures du communisme » , le dernier livre de Frédéric Lordon, est différent de ses précédents ouvrages. Il y est intentionnellement moins question de théorie philosophico politique que de contours et d'images. Il s'agit pour lui de stimuler l'entendement et l'imagination de son lecteur, de rendre désirable, bien qu'hypothéqué gravement par l'histoire du court XXe siècle, un modèle de société débarrassé du capitalisme. La lecture de ces « Figures », vaguement colorées, en est indéniablement facilitée. C'est un avantage ; ce peut être un inconvénient car l'imaginaire bridé de l'économiste, en place d'un travail scientifique véritable, ni ne convainc, ni n'enthousiasme vraiment.


Frédéric Lordon adresse désormais son travail presque exclusivement aux si mal nommées classes urbaines éduquées qui numériquement ne représentent pas grand-chose mais qui socialement symbolisent pour lui d'avantage : « eux on les écoute ». Ces faiseurs de messages, égarés sur les sentiers néolibéraux des fausses solutions, produiraient, nous dit l'auteur, des affects et des illuminations fortes utiles : de la peur qui certes n'écarte pas le danger du capitaliste ; de la conscience du problème écologique qui certes ne produit pas d'avantage de vraies solutions. Miraculeusement cependant, les messages pourraient parfois s'affranchir de leurs conditions d'émission et faire leur chemin dans l'opinion. Parfois même, avec la conscience du problème, il pourrait venir aux messagers eux-mêmes l'advertance lumineuse de la fausseté de leurs solutions. Frédéric London a des apparitions. Il change le nom des choses et croie sans doute changer les choses elles-mêmes. La bourgeoisie dans ce dernier opuscule n'est pas hostile, elle est pénible, urbaine, éduquée, consciente, etc. ... donc à convaincre, à rallier. D'ailleurs, il n'est jamais nommément question d'elle dans ces pages mais des capitalistes. La question, jamais posée, devrait être, plus naïvement : pourquoi « eux on les écoute » ? Et bien non. Frédéric Lordon, tout à ses visions, propose d'encourager le très poli, très lent déplacement de conscience des urbains éduqués ; il propose, sous condition toute intellectuelle de formulation convenable, la toujours délétère alliance de classe sans principe, l'alliance sous la coupe des urbains éduqués et éclairés mais impuissants à obtenir quoi que ce soit. Il se condamne ainsi, et nous avec lui, à l'inanité perpétuelle.
L'inconséquence, comme le souligne très justement Frédéric Lordon, est la plaie de l'époque. Elle semble dans cette ère du reflux n'épargner vraiment personne. Frédéric Lordon met à la suite, très logiquement, des prémisses et des conclusions pour l'essentiel peu contestables. L'accumulation du capital et le développement, nécessaires à la survie du système, supposent l'accroissement infini des volumes. La croissance indéfinie est l'essence même de l'économie actuelle. Dans le capitalisme, il est par conséquent impossible d'envisager la modération, le ralentissement ou l'inflexion de la production. Aussi, le capitalisme dominant sans partage, toutes les propositions de redressement écologique mises en avant par un peu près tout le monde, paraissent tragiquement impraticables.


Il nous coute de revenir sur la partie « imaginative raisonnable » du monde communiste de demain dessinée par Frédéric Lordon parce qu'évidemment il en a déjà été question dans son précédent livre et dans ses derniers billets de blog, mais surtout parce que nous ignorons le bénéfice qu'un lecteur un peu conscient aujourd'hui peut tirer de tout cela.
Les prémisses de ce chapitre sont pourtant convaincantes. Il est en effet tout à fait impossible dans la société de demain, comme le pense l'auteur, de sortir de but en blanc de l'économie, c'est-à-dire impossible de méconnaître les données sous lesquelles doivent s'organiser la production matérielle collective ; impossible aussi d'ignorer la réponse commune pour vivre apportée par une formation sociale déterminée.
La division du travail hors du capitalisme, pour Frédéric Lordon, est inévitable. Il faut cependant la repenser politiquement, la remanier considérablement sous le rapport des fins et des formes. le contour resserré des satisfactions matérielles, leur niveau nécessairement à la baisse dans le communisme – le désastre environnemental oblige – est une question délibérative collective. Il s'agit, nous dit l'auteur, de substituer, avec modération en l'absence de l'homme nouveau, une vie de qualité en la place d'une vie de quantité. La question cependant pour Frédéric Lordon n'est malheureusement à aucun moment la nature du travail lui-même en régime capitaliste mais seulement son organisation et ses finalités. Pourtant, il conviendrait de s'attaquer à l'essence même du capitalisme : la forme de travail spécifique à cette formation sociale.
Le capitalisme fait dépendre les existences de deux entités souveraines tyranniques et instables : le marché et l'emploi. A la place de l'incertitude, il faut mettre la garantie économique générale pour libérer les individus de la servitude capitaliste sous l'emploi. Frédéric Lordon reprend ici les propositions de Bernard Friot. L'intégralité de la valeur ajoutée est apportée en ressource cotisée à un système de caisses qui va en effectuer la redistribution. En premier lieu, celle-ci s'effectue sous forme de salaire stable, suffisant et à vie à la personne même, c'est-à-dire qu'elle constitue un droit fondamental détaché de l'emploi (pas tout à fait car une part indispensable doit être contrainte). A la place du marché tyrannique par contre, nous dit Frédéric Lordon, il faut mettre le marché … planifié et anémié, un marché fortement orienté par la demande pilotée (conventionnement à la Friot), orienté politiquement et drastiquement diminué par un autre régime du désir acquisitif (nouvelles manières, nouveaux objets). Dans son concept, le marché comme complément de la division du travail étendue, c'est-à-dire comme instance d'actualisation de ses complémentarités puis comme lien où les propositions privées viennent s'offrir à la validation sociale sous forme monétaire, malheureusement perdure. Les choses complexes réalisées par la division du travail nécessitent en effet des échanges complexes que la réciprocité du troc ne peut pas réaliser. La monnaie aussi dispense très « libéralement » les agents qui échangent de réaliser la coïncidence des besoins des parties.
La finance, avec la concurrence, est la source du double fléau néolibéral : destruction des salariés du privé avec la contrainte de la rentabilité ; destruction des services publics sous la contrainte de l'austérité. La première est liée au pouvoir des actionnaires formé dans le marché des droits à la propriété et la seconde au pouvoir des financiers formés dans les marchés obligataires . Frédéric Lordon veut confier la totalité de l'investissement à un système de cotisation « CENTRAL-démocratique », via une caisse dédiée, qui prélève la totalité de la valeur. Il se propose donc de fermer la finance, d'en finir avec la dette (plus de marché financier, plus de banque de crédit et annulation de la dette … dans le respect tout de même du petit épargnant, de la propriété mobilière et de l'héritage). « Une révolution qui part d'emblée en ruinant les petits épargnants se sera rendue si vite odieuse qu'elle n'ira pas très loin. C'est qu'il y a un ressort très profond qui lie l'épargnant à son épargne (…) On épargne pour transmettre (…) il faudra avoir une doctrine de l'héritage. (…) le mobile propriétaire tombe pour une part – ce qui ne veut pas dire totalement : il y a aussi des investissements affectifs, familiaux, d'appropriation psychique dans l'habitation, et il est impossible de ne pas le considérer, sans doute même, dans une large mesure, de ne pas y faire droit. » D'un revers de mains sont balayées par l'auteur toutes les inquiétantes vieilleries communistes où « Les prolétaires n'ont rien à sauvegarder qui leur appartiennent, [où] ils ont à détruire toutes les garanties privées, toute sécurité privée antérieure. »
Il est naturel que prenant fait et cause pour les plus modeste contre les capitalistes, Frédéric Lordon applique à sa critique du régime bourgeois des critères de « la classe urbaines éclairée » à laquelle il s'adresse exclusivement et qu'il prenne parti pour les ouvriers du point de vue de cette fraction de la petite-bourgeoisie. Son communisme analyse avec beaucoup de sagacité les contradictions inhérentes au régime de la production moderne. Il met à nu les hypocrites apologies des économistes néolibéraux. Il démontre de façon irréfutable les effets meurtriers de l'économie tyrannique de la valeur d'échange autonomisée et fétichisée, la production gouvernée exclusivement par la perspective de la mise sur le marché en vue de la conversion monétaire et de l'accumulation indéfinie, le primat du nombre sur la qualité donc sur la vie. A en juger toutefois d'après son contenu positif, ce communisme entend rétablir les anciens moyens de production et d'échange et, avec eux, l'ancien régime de propriété et toute l'ancienne société. Ce communisme est à la foi utopique et réactionnaire. Avec lui, l'ouvrier est maintenu, sans qualification particulière, à des minimas sociaux menacés par l'inflation ; avec lui, cet ouvrier, nécessaire à la division du travail, est rivé à son poste tandis le membre de « la classe urbaines éclairée » profite de la hiérarchie de la garantie générale, échappe à la tyrannie de l'emploi, développe son épargne, profite de son patrimoine et accroît son capital culturel.


Après quatre décennies de néolibéralisme ininterrompu, il est impossible, nous dit enfin Frédéric Lordon, d'obtenir quoi que ce soit du capital. L'espace du compromis négocié est fermé par les conquêtes stratégiques de la bourgeoisie que sont la financiarisation, le libre-échange et la délocalisation. Il n'y a plus de place pour les acteurs qui s'étaient donné pour mission d'obtenir quelque chose du système après qu'ils ont armé ce dernier des moyens de ne plus rien lâcher. Aussi, l'auteur fait pour nous l'hypothèse utile et hautement improbable d'un gouvernement de gauche déterminé. . La finance peut sur le marché vendre les titres de la dette souveraine, faire baisser les cours et faire monter ainsi vertigineusement les taux d'intérêt. Alors, la politique déterminée est annihilée avant même d'avoir vu le jour. La charge de la dette de l'imprudent gouvernement s'élève dans de telles proportions, qu'au mieux, elle évince les autres dépenses publiques et prive la politique budgétaire de toute marge de manoeuvre, et qu'au pire, elle amène l'Etat au seuil de défaut. Dès lors, il y a amplification médiatique des difficultés rencontrées, mise en panne de l'investissement et de l'embauche, c'est-à-dire que la messe est dite avec la grève de la croissance et de l'emploi.
Frédéric Lordon ne conclue pas que, la voie des élections étant impraticable, il ne reste que le statu quo ou le règne peu démocratique des avant-gardes révolutionnaires. Il pense que les contradictions n'épuisent pas les possibles et rendent inaccessibles les termes intermédiaires de la réforme qu'il appelle naturellement de ses voeux. Quelque chose qui ne viendrait pas strictement de la voie parlementaire et qui répondrait à des conditions moins tragiquement violente que celles que de toute l'histoire donne à voir, est pour lui tout à fait possible – aujourd'hui, croit-il, tout le monde est policé et personne n'a envie d'être violent (à bien des égards, c'est tant mieux) (p. 190). Il faut imaginer et mesurer ce qui peut être espérer de la voie démocratique, qui n'est pas la voie électorale-parlementaire ; imaginer et espérer en évitant le chaos qui n'a par soi aucune vertu progressiste (p. 191). Pour Frédéric Lordon, l'arme véritable, c'est l'incompréhensible magie nombre ( ?) le néolibéralisme compte démocratiquement ses raisonnables opposants pour sans doute céder la place ( ?) La jonction complémentaire des gros bataillons divisés du salariat anémique et des quartiers énergique en butte au racisme est donc l'impératif stratégique par excellence. Ces combats sont pour Frédéric Lordon liés de façon complexe et aucun ne doit se subordonner les autres. Il remarque cependant, sans autre conclusion, que depuis des décennies sont à l'oeuvre les organes de la diversion sociétale. le capitalisme se sert des autres rapports de domination pour péjorer le sien propre. Nenni, la convergence des luttes est possible. Il faut que le capitalisme sorte du domaine de l'inquestionnable. Il faut que les luttes s'extraient de l'état de séparation où tant de sollicitudes interposées s'efforcent de les maintenir. Il faut que les luttes soit attentives aux autres. Il ne faut pas qu'une lutte nuise aux autres luttes. Pour être unis, il ne faut pas être divisé. le livre passionnant, qui tirerait des précédents ouvrages de Frédéric Lordon des conclusions moins tautologiques, n'est pas celui-là, il reste malheureusement à écrire.






Commenter  J’apprécie          20
Un excellent essai de Frédéric Lordon, sensiblement plus accessible que ses précédents ou que ses billets réguliers.

L'auteur explique d'abord clairement et de manière très structurée et argumentée, en quoi le capitalisme nous détruit, inéluctablement.

Il propose ensuite de penser le communisme, substantiellement et bien différent de celui que L Histoire a connu. Il s'agit d'un communisme nouveau, à définir, en opposition ferme au capitalisme (en tant que propriété lucrative des moyens de production). Il s'agit de ne pas transiger avec le capital, ni avec la finance. Pas de demi-mesure illusoire.

Seul et inévitable issue à ce fléau, un communisme redéfini et humain, par le peuple et pour le peuple, peut nous sauver. Mais il ne sera construit que dans la douleur, dans le combat porté par une révolte populaire et surtout politique. Les moyens d'y parvenir, les échelles, les sous-jacents qui pourraient le composer : tout est abordé, avec les faiblesses inhérentes au modèle, les écueils sur le chemin et les risques que cela comporte.

Bernard Friot est bien sûr mentionné régulièrement pour son "salaire à vie", rebaptisé "garantie économique générale", et qui pourrait constituer un des fondements du renouveau économique à construire.

Pour un écrit de Frédéric Lordon, je l'ai trouvé assurément moins verbeux et ampoulé qu'à l'accoutumée, tout en restant savoureux comme lui seul sait le faire, dans nombre de ses formulations.

En synthèse, c'est passionnant, étayé et documenté. Cet essai nous permet d'imaginer une sortie du tunnel infernal que constitue le capitalisme, et cela de manière très concrète.
Commenter  J’apprécie          00
[Extrait de l'article "TUGPÉUA #27"]

On aura tout essayé. le capitalisme dérégulé se heurte aux impératifs sociaux et écologiques, même si ses défenseurs considèrent qu'il les résoudra à long terme. le réguler semble au mieux un équilibre précaire, au pire une chimère, puisque le coeur de ce système économique (accumuler toujours plus de ressources pour produire toujours plus de biens) est par nature incompatible avec une économie que l'on pourrait modérer. En sortir n'a jamais véritablement été réussi, et presque toutes les tentatives se sont soldées par des dictatures et autres joyeusetés. Frédéric Lordon s'y essaie pourtant. Comment bâtir un monde post-capitaliste autrement que par l'autorité ? Quel modèle de société proposer après une révolution aussi considérable qu'un changement de système économique ? Quelles aides mettre en place, et comment s'assurer que chacun contribue à la société en retour ?
On ne trouve pas de vue d'ensemble, mais plutôt des bouts de réponses dans son dernier livre, Figures du communisme. Difficile par exemple de savoir comment arrivera la révolution, ou comment la rendre la moins violente possible (car il y aura de la violence, ne serait-ce que de la part de l'ordre en place qui veut se défendre) ; mais il esquisse différentes idées : le salaire à vie de Bernard Friot, la convergence des luttes marxistes et de celles progressistes (voire intersectionnelles ?), des archipels de petites communautés communistes en attendant un changement global. le style oscille entre langage technique et argot sardonique, le genre entre essai politique, philosophique, économique et pamphlet. On adore ou on déteste. Ça n'en est pas moins une lecture extrêmement riche et prenante, qui ferait un joli plus à votre culture : politique, militante… voire même littéraire.
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
Commenter  J’apprécie          30
Frédéric Lordon propose un livre relativement accessible pour essayer de penser le dépassement du capitalisme puis le communisme.

Le livre est un ensemble de textes publiés initialement sur son blog, mais la cohérence du tout est évidente et l'auteur fait passer cet assemblage inaperçu. le propos suit un chemin logique et nous accompagne dans ces réflexions.

J'y ai trouvé pour ma part quelques rares limites, notamment quand il lie capitalismes et pandémie ou convergence des luttes, mais le tout reste à discussion.

Frédéric Lordon écrit comme il parle, ça peut donc en rebuter certains. Personnellement, j'aime beaucoup ce style un peu "pédant" mais assumé et c'est un homme qui a tendance à me faire rire assez violemment, tant à l'écoute qu'à la lecture.
Commenter  J’apprécie          20
Un Lordon peut en cacher un autre.

Dans "Figures du communisme", il quitte les hauteurs de la philosophie et écrit enfin un livre presque facile à lire.
L'idée de base est de redorer le blason du communisme, seule alternative au capitalisme. La tâche est ardue quand 99,9% de la population associe le communisme à Staline, Mao et Pol Pot. Pas grave, il n'y a pas d'autre alternative puisque le capitalisme met en péril l'existence humaine. Il faut donc en sortir et il ne négociera rien parce qu'il ne négocie plus depuis des lustres.
Pour cela il s'appuie sur l'idée de l'excellent Bernard Friot "Le salaire à vie". En déconnectant le revenu de l'activité salariée, on ouvre un horizon nouveau et désirable. Bien-sûr, cela ne se fera pas sans conflit et il faudra inventer le chemin. Lordon donne le cap mais il nous faut encore paver la route.
Il est encore un peu sec sur le chemin à tracer jusqu'à délèguer la conclusion à un de ces amis. On attend donc impatience qu'il nous aide à poser les premiers pavés.
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (2)
Bibliobs
07 juin 2021
Avec son nouvel essai « Figures du communisme », l’économiste et philosophe Frédéric Lordon propose un livre accessible, aux tonalités radicales, sur ses aspirations anticapitalistes. Bien des idées reçues passent à la moulinette.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
NonFiction
22 avril 2021
Face aux crises sociale et écologique, le renversement du capitalisme globalisé au profit d’une société communiste renouvelée constituerait la seule issue pour Frédéric Lordon.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Dans les multiples, grotesques, et honteuses usurpations dont ils se sont rendus coupable, les publicitaires, après le « concept » et la « créativité » (misère des « créatifs »), ont jeté leur dévolu sur « la ville », ses « lumières » et ses « couleurs ». La publicité « embellit la ville », voilà le genre de saleté que ces crétins barbus en tongues et lunettes épaisses n'hésitent pas à soutenir. Ôtez la publicité et vous retournez à Berlin-Est d'avant la chute du mur, ou à Tirana. La vérité est plutôt : mettez à bas les panneaux JC Decaux, rendez la ville aux grapheurs, aux artistes de rue, en fait à tout le monde, et vous verrez l'explosion de formes, de couleurs, d'idées, de slogans. Qu'on ouvre des concours pour les gigantesques bâches des immeubles en travaux — pour sûr on y verra autre chose que des montres, des parfums ou des téléphones portables en 20 mètres par 10. Mais on ne sait pas si l'on doit en vouloir aux publicitaires : eux-mêmes morts-vivants, comment pourraient-il faire la différence entre la vie vivante et la vie morte, perdus dans le flot des images marchandes ? On sait en tout cas qu'on les empêchera de nuire : évidemment, la publicité viendra très haut dans la liste des choses à abolir. Fermeture du secteur de la publicité : en voilà un exemple typique de l'orientation de la division du travail.
L'erreur publicitaire, concentré pur de l'erreur capitaliste, c'est d'avoir pris le désir de marchandise pour le désir tout court. Puis d'avoir conclu que, sans marchandise, le désir désertait le monde — et la couleur et la lumière avec. Avec un peu de recul, on n'en revient pas d'une escroquerie de cette magnitude. Tout dans la conjoncture présente, notamment dans les prises de vue, contredit ce mensonge énorme, et dit la poussée du désir — de faire, de peindre, de grapher, d'écrire, de construire, de créer, mais cette fois pour de vrai, c'est-à-dire hors de la valeur d'échange, hors des commandements du capital.
Commenter  J’apprécie          20
Le rétablissement de l'égalité dans le rationnement kilométrique (ou plutôt en CO2) — puisqu'on voit mal par quel autre procédé produire un effet concret en cette matière — s'obtient en extrayant le voyage de sa forme capitaliste, qui le défigure en TOURISME. Et en prenant l'habitude d'une révision drastique de nos normes de mobilité internationale, c'est-à-dire en rompant avec celles que le capitalisme nous a mises dans la tête, et qui nous font trouver ordinaire d'avoir le changement de continent à une demi-journée de transport. Sauf dernier degré de l'inconséquence, il faut admettre que ces normes étaient folles, que nous partirons moins, séjournerons moins, mais avec quelques chances que ces séjours, plus rares mais possiblement plus longs, s'apparentent davantage à quelque chose comme des VOYAGES.
Commenter  J’apprécie          20
La saine vertu du risque est peut-être le plus mensonger de tous les articles de l’idéologie libérale. On en a l’indice, pour ne pas dire la preuve, à ceci qu’aucun de ceux qui en tiennent le discours n’a jamais connu la précarité. Les zélateurs du risque se reconnaissent à ce qu’ils n’ont jamais connu de conséquences personnelles à leurs échecs, parfois colossaux, et à ce qu’ils sont cuirassés de leur fortune personnelle, de leurs carnets d’adresses, et de leur certitude du recasage — ils sont les apologistes du risque pour les autres.
Commenter  J’apprécie          20
C’est que tout dans la crise du Covid incrimine le capitalisme dans ses tendances les plus fondamentales. Et dessine en creux un paysage souhaitable, dont le principe directeur serait : relever les personnes de la précarité, en finir avec les angoisses de l’aléa économique, avec le tourment de l’incertitude, avec l’oppression de la question : « qu’est-ce qu’on va devenir ? » Il n’y a pas de réponse possible, il n’y a pas de repos possible, dans le capitalisme, qui fait dépendre les existences matérielles de deux entités souveraines, mais tyranniques, et surtout portées au dernier degré de l’instabilité dans le régime néolibéral : le marché et l’emploi. Que la vie matérielle des gens soit accrochée à ces deux maîtres fous, c’est ce avec quoi il faut en finir.
Commenter  J’apprécie          10
Chaque année ou presque connaît un « mouvement social » d’importance, et ces épisodes n’ont rien de séparé : entre deux flambées, la braise rougeoie, jamais ne s’éteint. La colère est devenue bruit de fond politique de la société, et ça n’est pas que le symptôme d’un changement des humeurs collectives : également celui d’une arrivées aux limites, et d’une réouverture aux degrés de liberté. En réalité, c’est le régime politique, et même politico-économique d’ensemble, qui est entré en phase de délabrement. Ou de ce que Gramsci appelle une crise organique.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Frédéric Lordon (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Lordon
Explication de texte de ma riposte à Frédéric Lordon : Un palestinisme de pacotille, suivie d'un dialogue. Le texte de Lordon : https://blog.mondediplo.net/la-fin-de-l-innocence Ma riposte en ligne (37 pages) : https://open.substack.com/pub/laggg2020/p/un-palestinisme-de-pacotille Être tenu au courant: https://linktr.ee/laggg
autres livres classés : communismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (124) Voir plus




{* *}