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Citations de Friedrich Nietzsche (3495)


Il serait nécessaire de comprendre un jour, et probablement ce jour est-il proche, ce qui manque avant tout à nos grandes villes : des lieux de silence, spacieux et fort étendus, destinés à la méditation, pourvus de hautes et de longues galeries pour les intempéries ou le trop ardent soleil, où ne pénètre nulle rumeur de voitures de crieurs, et où une bienséance plus subtile interdirait même au prêtre l'oraison à voix haute.
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Et tous, tous pensent que la vie vécue jusqu'alors ne serait rien, sinon peu de chose, le proche avenir serait tout; d'où cette hâte, ces cris, cette façon de s'assourdir et de s'abuser! Chacun veut être le premier dans cet avenir — et pourtant la mort et le silence de mort constituent l'unique certitude et ce qu'il y a de commun à tous dans cet avenir !
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Friedrich Nietzsche
« Je suis étonné, ravi ! J’ai un précurseur et quel précurseur ! Je ne connaissais presque pas Spinoza. Que je me sois senti attiré par lui en ce moment relève d’un "acte instinctif". Ce n’est pas seulement que sa tendance globale soit la même que la mienne : faire de la connaissance, l’affect le plus puissant - en cinq points capitaux je me retrouve dans sa doctrine ; sur ces choses ce penseur, le plus anormal et le plus solitaire qui soit, m’est vraiment très proche : il nie l’existence de la liberté de la volonté ; des fins ; de l’ordre moral ; du non-égoïste ; du Mal ; si, bien sûr nos divergences sont également immenses, du moins reposent-elles sur les conditions différentes de l’époque, de la culture, des savoirs. » Lettre à Overbeck du 30 juillet 1881.
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1.
Nous aurons fait un grand pas en ce qui concerne la science esthétique, quand nous en serons arrivés non seulement à l’induction logique, mais encore à la certitude immédiate de cette pensée : que l’évolution progressive de l’art est le résultat du double caractère de l’esprit apollinien et de l’esprit dionysien, de la même manière que la dualité des sexes engendre la vie au milieu de luttes perpétuelles et par des rapprochements seulement périodiques. Ces noms, nous les empruntons aux Grecs qui ont rendu intelligible au penseur le sens occulte et profond de leur conception de l’art, non pas au moyen de notions, mais à l’aide des figures nettement significatives du monde de leurs dieux. C’est à leurs deux divinités des arts, Apollon et Dionysos, que se rattache notre conscience de l’extraordinaire antagonisme, tant d’origine que de fins, qui exista dans le monde grec entre l’art plastique apollinien et l’art dénué de formes, la musique, l’art de Dionysos. Ces deux instincts impulsifs s’en vont côte à côte, en guerre ouverte le plus souvent, et s’excitant mutuellement à des créations nouvelles, toujours plus robustes, pour perpétuer par elles le conflit de cet antagonisme que l’appellation « art », qui leur est commune, ne fait que masquer, jusqu’à ce qu’enfin, par un miracle métaphysique de la « Volonté » hellénique, ils apparaissent accouplés, et que, dans cet accouplement, ils engendrent alors l’œuvre à la fois dionysienne et apollinienne de la tragédie attique.

Figurons-nous tout d’abord, pour les mieux comprendre, ces deux instincts comme les mondes esthétiques différents du rêve et de l’ivresse, phénomènes physiologiques entre lesquels on remarque un contraste analogue à celui qui distingue l’un de l’autre l’esprit apollinien et l’esprit dionysien. C’est dans le rêve que, suivant l’expression de Lucrèce, les splendides images des dieux se manifestèrent pour la première fois à l’âme des hommes, c’est dans le rêve que le grand sculpteur perçut les proportions divines de créatures surhumaines, et le poète hellène, interrogé sur les secrets créateurs de son art, eût évoqué lui aussi le souvenir du rêve et répondu comme Hans Sachs dans les Maîtres Chanteurs :

Ami, l’ouvrage véritable du poète
Est de noter et de traduire ses rêves.
Croyez-moi, l’illusion la plus sûre de l’homme,
S’épanouit pour lui dans le rêve :
Tout l’art des vers et du poète
N’est que l’expression de la vérité du rêve.

L’apparence pleine de beauté des mondes du rêve, dans la production desquels tout homme est un artiste complet, est la condition préalable de tout art plastique, et certainement aussi, comme nous le verrons, d’une partie essentielle de la poésie. Nous éprouvons de la jouissance à la compréhension immédiate de la forme, toutes les formes nous parlent, nulle n’est indifférente, aucune n’est inutile. Et pourtant la vie la plus intense de cette réalité de rêve nous laisse encore le sentiment confus qu’elle n’est qu’une apparence. C’est du moins le résultat de ma propre expérience et je pourrais citer maints témoignages et aussi les déclarations des poètes pour montrer combien cette impression est normale et répandue. L’homme doué d’un esprit philosophique a même le pressentiment que, derrière la réalité dans laquelle nous existons et vivons, il s’en cache une autre toute différente, et que, par conséquent, la première n’est, elle aussi, qu’une apparence ; et Schopenhauer définit formellement, comme étant le signe distinctif de l’aptitude philosophique, la faculté pour certains de se représenter parfois les hommes et toutes les choses comme de purs fantômes, des images de rêve. Eh bien, l’homme doué d’une sensibilité artistique se comporte à l’égard de la réalité du rêve de la même manière que le philosophe en face de la réalité de l’existence ; il l’examine minutieusement et volontiers : car, dans ces tableaux, il découvre une interprétation de la vie ; à l’aide de ces exemples, il s’exerce pour la vie. Ce ne sont pas seulement, comme on pourrait croire, les images agréables et plaisantes qu’il retrouve en soi-même avec cette absolue lucidité : le sévère, le sombre, le triste, le sinistre, les obstacles soudains, les railleries du hasard, les attentes angoissées, en un mot toute la Divine Comédie de la vie, avec son Inferno, se déroule aussi devant lui, non pas seulement comme un spectacle de fantômes, d’ombres, — car, ces scènes, il les vit et les souffre, — et cependant sans qu’il puisse écarter tout à fait cette impression fugitive qu’elles ne sont qu’une apparence. Et peut-être quelques-uns se souviendront comme moi de s’être écrié, en se rassurant au milieu des périls et des terreurs d’un rêve : « C’est un rêve ! Je ne veux pas qu’il cesse ! Je veux le rêver encore ! » J’ai entendu dire aussi que certaines personnes possédaient la faculté de prolonger la causalité d’un seul et même rêve pendant trois nuits successives et plus. Ces faits attestent avec évidence que notre nature la plus intime, l’arrière-fond commun de nous tous, trouve dans le rêve un plaisir profond et une joie nécessaire.

De même les Grecs ont représenté sous la figure de leur Apollon ce désir joyeux du rêve : Apollon, en tant que dieu de toutes les facultés créatrices de formes, est en même temps le dieu divinateur. Lui qui, d’après son origine, est « l’apparence » rayonnante, la divinité de la lumière, il règne aussi sur l’apparence pleine de beauté du monde intérieur de l’imagination. La vérité plus haute, la perfection de ce monde, opposées à la réalité imparfaitement intelligible de tous les jours, enfin la conscience profonde de la réparatrice et salutaire nature du sommeil et du rêve, sont symboliquement l’analogue, à la fois, de l’aptitude à la divination, et des arts en général, par lesquels la vie est rendue possible et digne d’être vécue. Mais elle ne doit pas manquer à l’image d’Apollon, cette ligne délicate que la vision perçue dans le rêve ne saurait franchir sans que son effet ne devienne pathologique, et qu’alors l’apparence ne nous donne l’illusion d’une grossière réalité ; je veux dire cette pondération, cette libre aisance dans les émotions les plus violentes, cette sereine sagesse du dieu de la forme. Conformément à son origine, son regard doit être « rayonnant comme le soleil » ; même alors qu’il exprime le souci ou la colère, le reflet sacré de la vision de beauté n’en doit pas disparaître. Et l’on pourrait ainsi appliquer à Apollon, dans un sens excentrique, les paroles de Schopenhauer sur l’homme enveloppé du voile de Maïa (Monde comme Volonté et comme Représentation, I, 416) : « Comme un pêcheur dans un esquif, tranquille et plein de confiance en sa frêle embarcation, au milieu d’une mer démontée qui, sans bornes et sans obstacles, soulève et abat en mugissant des montagnes de flots écumants, l’homme individuel, au milieu d’un monde de douleurs, demeure impassible et serein, appuyé avec confiance sur le principium individuationis ». Oui, on pourrait dire que l’inébranlable confiance en ce principe et la calme sécurité de celui qui en est pénétré ont trouvé dans Apollon leur expression la plus sublime, et on pourrait même reconnaître en Apollon l’image divine et splendide du principe d’individuation, par les gestes et les regards de laquelle nous parlent toute la joie et la sagesse de « l’apparence », en même temps que sa beauté.
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Soyez prudents, philosophes et amis de la connaissance, et gardez-vous du martyre ! Gardez-vous de la souffrance "à cause de la vérité" ! Gardez-vous de la défense personnelle ! Votre conscience y perd toute son innocence et toute sa neutralité subtile, vous vous entêtez devant les objections et les étoffes rouges. Vous aboutissez à la stupidité du taureau. Quel abêtissement, lorsque, dans la lutte avec les dangers, la diffamation, la suspicion, l’expulsion et les conséquences, plus grossières encore, de l’inimitié, il vous faudra finir par jouer le rôle ingrat de défenseurs de la vérité sur la terre. Comme si la "vérité" était une personne si candide et si maladroite qu’elle eût besoin de défenseurs ! Et que ce soit justement de vous, messieurs les chevaliers à la triste figure, vous qui vous tenez dans les recoins, embusqués dans les toiles d’araignées de l’esprit ! En fin de compte, vous savez fort bien qu’il doit être indifférent si c’est vous qui gardez raison et, de même que jusqu’à présent aucun philosophe n’a eu le dernier mot, vous n’ignorez pas que chaque petit point d’interrogation que vous ajouteriez derrière vos mots préférés et vos doctrines favorites (et à l’occasion derrière vous-mêmes) pourrait renfermer une véracité plus digne de louanges que toutes vos attitudes solennelles et tous les avantages que vous présentez à vos accusateurs et à vos juges ! Mettez-vous plutôt à l’écart ! Fuyez dans la solitude !
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L'assombrissement de la voute céleste au-dessus de l'homme a toujours grandi en proportion avec la honte que l'homme éprouvait à la vue de l'homme. Le regard pessimiste et fatigué, la défiance vis-à-vis de l'énigme de la vie, la glaciale négation dictée par le dégoût de la vie ; ce ne sont pas là les signes caractéristiques des époques les plus méchantes du genre humain : au contraire ! En vrais végétaux des marécages, ils ne viennent au jour que quand se forme le marécage qui est leur terrain ; j'entends le maladif aveulissement et le moralisme qui finnissent par apprendre à l'animal homme à rougir de tous ses instincts.
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Friedrich Nietzsche
"Le grand poète ne puise jamais que dans sa propre réalité -jusqu'au point où après coup, il ne peut plus supporter son oeuvre. Chaque fois que j'ai jeté un coup d'oeil dans mon Zarathoustra, je marche dans ma chambre pendant une demi-heure, incapable de maîtriser une insupportable crise de sanglots."
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Le chemin qui mène a notre propre ciel passe toujours par la volupté de notre propre enfer
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Friedrich Nietzsche
Dès la première heure du matin, quand le jour se lève, quand l’esprit possède toute sa fraîcheur, quand la force est à son aurore, lire alors un livre, j’appelle cela du vice ! ——
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L’hiver suivant je vécus dans cette baie riante et silencieuse 
de Rapallo, près de Gênes, qui s’incurve entre Chiavari et le 
 cap de Porto fino. Ma santé n’était pas des meilleures ; l’hiver
 était froid et pluvieux au delà de toute expression. La petite
 auberge où j’étais descendu était située tout près de la mer, de
 telle sorte que le bruit des flots rendait la nuit le sommeil 
impossible. Elle offrait donc, en toutes choses, à peu près exactement le contraire de ce qui m’eût été nécessaire. Malgré cela, et, en quelque sorte pour démontrer que tout ce 
 qui est décisif naît « malgré » les circonstances, ce fut durant 
 cet hiver et dans ces circonstances défavorables que mon
 Zarathoustra prit naissance.

Le matin je montais généralement la superbe route de Zoagli, en me dirigeant vers le sud, le long d’une forêt de pin ;
 je voyais se dérouler devant moi la mer qui s’étendait jusqu’à 
l’horizon ; l’après-midi je faisais le tour de toute la baie, depuis Santa Margherita jusque derrière Porto fino.
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Le désillusionné parle. - J'ai cherché des grands hommes et je n'ai toujours trouvé que les singes de leur idéal.
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Le Méprisant

Pour avoir laissé tomber,
Pour avoir semé beaucoup,
Je passe pour un méprisant.
Qui boit à la coupe trop pleine
En a beaucoup répandu ---
Vin ne méprise pour autant.
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Aie souci de n'être fidèle qu'à toi-même.
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Friedrich Nietzsche
"La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil."
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Friedrich Nietzsche
Nul bonheur, nulle sérénité,
nulle espérance, nulle fierté,
nulle jouissance de l'instant présent
ne pourrait exister sans faculté d'oubli.
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Friedrich Nietzsche
La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil.
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Ce Moi m'a enseigné un orgueil nouveau, que j'enseigne aux hommes : à ne plus enfouir la tête dans le sable des choses célestes, mais à porter bien haut cette tête terrestre qui donne son sens à la terre.
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Donner du style à son caractère - un art grand et rare ! L’exerce celui qui embrasse du regard tout ce que sa nature offre de forces et de faiblesses , et intègre ensuite tout ceci à un plan artistique jusqu’à ce que chaque élément apparaisse comme art et comme raison, et que même la faiblesse enchante l’œil.
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[...] j'ai besoin de solitude, je veux dire de guérison, de retour à moi, du souffle d'un air pur qui circule librement... Tout mon Zarathoustra n'est qu'un dithyrambe en l'honneur de la solitude, ou, si l'on m'a compris, en l'honneur de la pureté... Heureusement, pas en l'honneur de la pure niaiserie ! — Qui sait voir les couleurs l'appellera adamantine... Le dégoût de l'homme, de la «canaille», fut toujours mon plus grand péril...
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Aujourd’hui encore, la France est le siège de la civilisation européenne la plus intellectuelle et la plus raffinée et reste la grande école du goût : mais il faut savoir la découvrir, cette « France du goût ». Qui en fait partie prend soin de se tenir caché. Il sont peu nombreux, et dans ce petit nombre il s’en trouve encore, peut-être, qui ne sont pas très solides sur jambes, soit des fatalistes, des mélancoliques, des malades, soit encore des énervés, fins jusqu’à l’artifice, qui mettent leur point d’honneur à rester cachés. Ils ont ceci en commun qu’ils se bouchent les oreilles pour ne pas entendre la bêtise déchaînée et la gueulerie bruyante du bourgeois démocrate.
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