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Critiques de Frigyes Karinthy (41)
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Au tableau !

Au tableau, suite de petites scènes où le narrateur, un adolescent, raconte des petits moments de sa vie scolaire. L'arrivée en retard, un mauvais bulletin scolaire qui cache un grand potentiel, les filles... tout cela avec beaucoup d'humour ! Etonnament d'actualité sur ces désagréments scolaires : ces mystères ou ces potentiels, puisque ce roman date du début du XXe siècle. Ca manque peut-être un peu de continuité, chaque chapitre étant consacré à un sujet particulier. J'ai passé un bon moment, belle découverte de cet auteur hongrois qui est un des plus connus hongrois. J'ai un autre livre de l'auteur dans ma PAL à découvrir, j'ai hâte !
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Je dénonce l'humanité

JE DÉNONCE L'AMÉNITÉ.



Non : en réalité, le brillant et inénarrable Frigyès Karinthy, auteur, humoriste, nouvelliste, essayiste, journaliste, libre-penseur et humaniste hongrois célébrissime dans son pays en son temps - la première moitié du XXème siècle - était loin, très loin d'avoir une plume très amène. La tentation du jeu de mot se fit trop pressante. Drôle, fine, acerbe, ironique, incisive, mordante, juste, véridique et bien d'autres qualificatifs de ces acabits, elle le fut en revanche. C'est ce que nous retrouvons une fois encore à la lecture de ces textes très courts pour la plupart, que les éditions Viviane Hamy - que n'effraient pas la traduction de littératures peu connues chez nous - nous donnent à découvrir dans cette anthologie de textes qui courent de 1912, pour les plus anciennes, à 1934 pour la plus proche de nous, c'est à dire quatre années avant le décès de leur créateur.



Jamais cet immense talent d'humoriste philosophe ne quitta l'auteur du célèbre "Voyage autour de mon crâne", mais s'il s'en prend, parfois avec un sens inné de l'auto-dérision, à lui-même et à ses contemporains, ce n'est jamais pour avilir, pour corrompre ni salir, bien au contraire. Notre homme - président dans son pays de l'association de promotion de l'Esperanto - avait trop d'amour pour cette humanité qu'il "dénonce" ici (le titre de l'ouvrage reprend celui d'une des nouvelles traduites) pour ne pas un peu la châtier, y faire surgir, au besoin sous le masque de la caricature, de l'excès ou du loufoque, ses petits et grands travers, ses faiblesses - toutes humaines, bien entendu -, ses incohérences mais parfois aussi, ses rêves et ses regrets - la "rencontre avec un jeune homme" est, à ce sujet, édifiante -. L'aménité profonde de l'homme derrière le masque de l'écrivain n'est en définitive pas si improbable qu'il y parait.



Car il n'y a jamais de cette méchanceté gratuite et vaine que l'on peut voir chez certains humoristes de notre temps, sous la plume de Karinthy. Il y a, ainsi que le bandeau de l'éditeur l'annonce, un peu de cette grâce désespérée d'un Desproges (à moins que ce ne fut l'inverse, finalement, le prédécesseur devenant ainsi le maître posthume du suivant. Et lui aussi regretté), de cet absurde poétique d'un Alphonse Allais, de ce sens tellement aiguisé et vivifiant, tant du verbe, du sens de la répartie que de la profondeur de pensée d'un Voltaire (auquel le hongrois est, à juste titre, souvent rattaché), chez le hongrois.



De fait, le rire - jamais gras ni énorme - auquel Karinthy nous invite, c'est celui du spectateur engagé dans son temps mais qui ne se fait ni trop d'illusion sur ce qu'il est ni sur le monde qui l'entoure. Cela ne l'empêche jamais d'enserrer toute cette humanité-là contre son cœur, avec l'amour et l'humour que seuls les grands optimistes désespérés peuvent transformer en force, en avenir et en élégance d'être.



Vraiment, du grand art !
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Reportage céleste de notre envoyé spécial au para..

UN VOYAGE FOU, FOU, FOU.



Frigyes Karinthy (1887-1938), écrivain hongrois, qui se voulait peut-être philosophe, mais qui est surtout connu comme humoriste, a acquis une telle renommée que plus de soixante ans après sa mort son œuvre reste une des grandes références culturelles de son pays. Il est lu, ses bons mots, ses paradoxes et ses remarques impertinentes parsèment toujours les conversations. Frigyes, débordant d’activités, était passé maître dans l’art de la provocation et de l’anticonformisme. Il a connu tôt la gloire, sinon la réussite matérielle. Dans sa vie privée il a été, et est resté, même marié, tout à fait désorganisé, vivant et travaillant au milieu de ses amis dans les cafés. Ses pastiches saisissants et profonds, sont célèbres. Des centaines de ses nouvelles, de ses chroniques, d’entrefilets drôles et désopilants ont accompagné l’actualité, commentant avec humour mais sans concessions, les faits divers, la guerre, les extrémismes et mêmes les injustices sociales de son époque. Son écriture révèle son sujet le plus souvent par approches successives, tournant autour du pot, ne saisissant son objet que par touches légères, le cernant progressivement, laissant enfin deviner son propos par allusions. Une bonne partie de l’œuvre de Frigyes Karinthy élabore des traumatismes.



Karinthy a choisi Diderot comme guide à l’instar de Dante son Virgile, pour parcourir les paradis de son Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradis, il avait pour ambition de contribuer à une Nouvelle Encyclopédie pour laquelle il a écrit plusieurs entrées.



Malgré tout, bien que située sous le parrainage du plus brillant des encyclopédistes, l'un des grands représentants du Siècles des lumières dont Frigyes Karinthy est un indéniable admirateur, sinon un continuateur moderne, cette oeuvre a une autre parenté française. Elle se situe au XVIe siècle : ce sont Rabelais et Montaigne. Rabelais parce qu’il convient de rechercher la substantifique moelle dans l’humour de Karinthy. Montaigne parce que Karinthy a abordé les mêmes sujets que "Les Essais" et les a très souvent traités de la même façon : l’art, la littérature, la société, la religion (voir le site Internet qui rapproche Montaigne et Karinthy.) Les deux philosophes ont affronté des fanatismes semblables : Montaigne les guerres de religion, Karinthy les idéologies totalitaires. Ils ont réagi de façon semblable en défendant la modération et en déplorant l’extension du fanatisme.



Montaigne : « Le meilleur et le plus sain parti est sans doute celui qui maintient et la religion et la police ancienne du pays. Entre les gens de bien, toutefois, qui le suivent, […] il s’en voit plusieurs que la passion pousse hors les bornes de la raison»; « Ils nomment zèle leur propension vers la malignité et violence. Ce n’est pas la cause qui les échauffe, c’est leur intérêt; ils attisent la guerre non parce qu’elle est juste, mais parce que c’est guerre. Rien n’empêche qu’on ne se puisse comporter commodément entre des hommes qui se sont ennemis, et loyalement; conduisez-vous-y d’une sinon partout égale affection»



Karinthy : « À bas les neutres – celui qui n’est pas avec nous est contre nous – à bas cet ignoble ! - Oui ou non ? Réponds ! Une réponse claire, sinon on en a fini avec toi. - …C’est ainsi que l’on crie après toi et tu es pris de panique, tu restes là planté, tête baissée, le monde se met à tourner avec toi. » ; « Ma conscience est pure car j’ai contribué à la transformation de la Société Je suis un homme bon, donc ce que je fais ne peut faire que du bien».



Quant à la réflexion sur les lois qui régissent la société, Montaigne, conforme à la modération qui est la sienne : « Or je tiens, qu'il faut vivre par droit, et par autorité, non par récompense ni par grâce»; « Car c’est la règle des règles, et générale loi des lois, que chacun observe celles du lieu où il est»



Karinthy est bien de cet avis, mais il lui arrive de le déplorer et de rêver autre chose : « S’il existait aussi une loi de récompense, il y aurait un moyen pour le bien et le mal en tant que forces contraires de s’équilibrer, créant ainsi une harmonie dans le monde», pendant que Montaigne, bien conscient des limites de la société, observe : « De fonder la récompense des actions vertueuses, sur l’approbation d’autrui, c’est prendre un trop incertain et trouble fondement. » (En est-il désabusé ? il incrimine le siècle corrompu).



Leur réflexion débouche naturellement sur la fonction de l’homme public chargé de responsabilité, Montaigne à partir de son expérience personnelle (« Messieurs de Bordeaux m'esleurent Maire de leur ville. ») analyse sa fonction : « [L’]âpreté et violence de désirs, empêche plus, qu'elle ne sert à la conduite de ce qu'on entreprend […] Celui qui n’y emploie que son jugement et son adresse, il y procède plus gaiement : il feint, il ploie, il diffère tout à son aise, selon le besoin des occasions». Karinthy fait part de réflexions voisines à l’issue d’une rencontre avec un ministre autrichien : « Oui, ce monsieur jovial [Monsieur Kollmann] était en effet le ministre des finances d’Autriche et le maire de Baden […] un commerçant possédant un bon jugement, il semble aller de soi qu’en sa qualité de ministre des finances il fasse également un excellent travail, étant donné que ce dernier poste exige les mêmes qualités que le commerce […] On n’entendra pas dans sa bouche une théorie géniale des problèmes de l’économie mondiale»



Que dire des innombrables autres entrées de ce roman totalement inclassable ? Ni essai philosophique - il ne se prend pas assez au sérieux pour cela, quoi que d'une profondeur évidente -, plein d'un humour ironique, décalé, froid, sans jamais être réellement humoristique, ni roman - on passe trop rapidement de réflexions philosophiques à des moments de pure action ou plus descriptifs pour répondre parfaitement aux modèles du genres ; Ce n'est pas plus le récit journalistique promis - un peu dans la forme, tellement peu dans le fond -, et on peine à le requalifier en récit de voyage - bien qu'il s'en rapproche indubitablement... par l'absurde et l'impossible ! -. Il se situe dans l'éternel imaginaire européen du magicien total : Merlin, qu'il place cependant dans un passé possiblement dépassé, son patronyme étant "Oldtime". Est-ce une manière de dire que son alter ego est définitivement dépassé ou simplement un peu trop vieux pour toutes ces fadaises ? L'auteur ne nous en donne jamais totalement la réponse, pas plus qu'il n'est possible de penser que tout cela n'est qu'une expérience mystique telle qu'il s'en pratiqua tant au XIXème. Cet auteur immense et inimitable (lui l'amateur et l'auteur de géniaux pastiches !) passe son temps à perdre son Candide tout autant que son Pangloss jusque dans les cercles les plus inédits de cet enfer paradisiaque... ou de ce paradisiaque enfer !



L’œuvre de Frigyes Karinthy se résume bien par l’expression « ecce homo », « Voici l’homme ». Montrer l’homme avec ses faiblesses et ses souffrances, le plus souvent grâce à de subtiles transgressions, sans hésiter à dévoiler son propre vécu intime, était son thème privilégié. On l’a comparé au fou du roi disant leurs faits aux puissants qu’il s’agisse d’abord de ses aînés ou plus tard de l’opinion publique. Sous son prétexte d’amuseur perçait sa douleur, son humanisme et son courage, spécialement dans ses écrits politiques. Je ne plaisante pas avec l’humour, disait-il. Dans ce long texte étrange - très inégal rythmiquement compliqué, où il arrive que le lecteur s'ennuie après avoir été incroyablement captivé quelques dizaines de pages plus tôt ou plus loin -, difficile d'être absolument persuadé avoir tout suivi du fleuve impétueux de la pensée Karinthyenne. Demeure cependant, même quelques semaines après la lecture, une inouïe et bizarre fascination pour ce monument de la littérature hongroise et, osons l'affirmer, mondiale.



Souvent grinçant, parfois ahurissant, le voyage de ce reporteur hors du commun (des mortels, c'est le cas de le dire) accompagné de son guide (rien moins que Diderot) est parsemé des rencontres les plus jouissives (de l'homme des cavernes à Saint Thomas en passant par Marco Polo, Napoléon, Archimède et bien d'autres) et Karinthy ne manque jamais de nous donner son point de vue avec légèreté sur de grandes questions de l'époque, comme cette remise à sa place bien sentie des extravagants projets nazis. Ce n'est pas toujours aisé à suivre, mais c'est fondamentalement génial !
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Reportage céleste de notre envoyé spécial au para..

Merlin Oldtime, le héros de « Reportage céleste », est un journaliste globe-trotter. Journaliste parfait, sa quête de la vérité est sans limites. Moyennant quelques tours de passe-passe, il obtient un contrat avec la rédaction de son journal, le New History, pour faire un reportage sur l'au-delà. Merlin se rend au cimetière et entre en catalepsie : le « voyage », donc le reportage, peut commencer.



Disons-le tout net, « Reportage céleste » peut ne pas être apprécié par tous les lecteurs. Rédigé en 1934 par Frigyes Karinthy sur le thème de la relativité de la vie et de la mort, ce reportage de Merlin Oldtime, « envoyé spécial au paradis », conduit le lecteur dans une éternité multidimensionnelle qu'il va traverser en compagnie de Diderot, l'encyclopédiste, passant par les cercles successifs de l'au-delà et de la conscience, rencontrant au passage de nombreuses figures historiques et soulevant de nombreuses questions.



Le lecteur est tout d'abord frappé par la dimension et la singularité du passé : dans ce passé, plein d'impressions psychiques et corporelles, aucune action (déclenchée par Merlin ou par Diderot) ne peut changer quoi que ce soit, car tout est éternel. Le voyage est varié : nos deux héros rencontrent l'homme de Cro-Magnon et s'interrogent sur la signification de l’art ; visitant le professeur Noah (Noé), dans une ville de l’Atlantide, ils s'interrogent sur la possibilité d'une nouvelle humanité ; à Syracuse, Archimède leur décrit les machines de guerre qu’il envisage de construire ; à Rome, Merlin essaye, le jour des Ides de mars, de convaincre César de ne pas se rendre au Sénat, en pure perte ; à Jérusalem, ils rencontrent Pierre qui est en train de renier le nom de Son Maître ; à Venise, c'est Marco Polo qui ne comprend pas que ses innovations étonnantes permettront de voyager dans les airs ; à Valladolid, ils rencontrent Christophe Colomb qui vit dans la misère ; puis ils voient défiler Danton, Napoléon, la Grande Armée, la naissance de l’ère industrielle, les progrès techniques et scientifiques, et pour finir la Grande Guerre. Au final, Merlin sort déçu par l’histoire de cette humanité : il demande donc à Diderot l'accès à la dimension supérieure de l’au-delà, celle du Désir Assouvi.



Dans cette dimension du Désir Assouvi tout n’est qu’impressions, lueurs, couleurs, sons et musiques. Merlin se retrouve dans un train qui le conduit à la ville parfaite : Venise. Mais c’est la Venise de ses rêves et de ses souvenirs : elle est donc inaccessible concrètement. Merlin parcourt alors New York, totalement désincarné, tel un faisceau lumineux. Schrenck-Notzing, un médium, réussit à incarner Merlin mais celui-ci est entré dans le monde des désirs, des rêves et des pensées de Schrenck-Notzing, et dans ce monde, il y a autant de paradis que d’individus. S'essayant à changer de paradis, Merlin aborde les rêves et les passions du Marquis de Sade : tout n'est que sang, torture et souffrance. Merlin s'enfuit et accède à un paradis bleu et argent : le pays de l’éternel clair de lune, le pays de Bertran de Born, le prince des troubadours où tout n'est que bonheur et illusion. Enfin, Merlin arrive dans un jardin de symboles : il y rencontre Zéphyr, la forêt Sylvana, le jeune Phébus et il entre en conversation avec la Nature : mais c’est sa propre âme que Merlin visite !



Enfin, Merlin entre dans le corps puis dans le cerveau d’Abraham. Merlin devient lui-même pensée et il échange avec les pensées qui l’entourent. Une pensée folle, celle du suicide, l’éjecte dans le septième cercle, celui de la liberté. Merlin perd alors le fil de ses obligations de journaliste et c’est son assistant Jushni Jubashat qui termine le roman en rapportant les dernières paroles du journaliste. « J’ai rencontré Hélène : elle est très belle mais ne se rappelle de rien. Je suis anéanti. Je n’arrive plus à saisir aucune réalité. Je me sens entraîné dans un tourbillon infernal. J’ai atteint le huitième cercle mais je ne puis y demeurer. J’appelle à l’aide et je tombe à travers les couches de conscience successives. Me voici dans un train de rêve, dans « ma Venise », au quatorzième siècle. Mais malheureusement, deux trains se sont télescopés et l’Être Unique, Hélène, mon amour d'enfance, figure sur la liste des victimes. Hélène, celle à qui j’avais fait le serment de l'aimer pour l'éternité et de la retrouver par-delà la vie, par-delà la mort ». Et les deux trains se croisent et s’éloignent à vive allure, pour l’éternité, l’un vers la Réalité, l’autre, celui de Merlin, vers les paysages inconnus de la Vérité.



L'ouvrage sent donc à la fois la naphtaline et le soufre, nous poussant à revisiter un certain nombre de nos certitudes concernant un territoire tabou, l'au-delà. Ennuyeux ? Non point, car grâce à l'habileté de l'auteur, le lecteur va vivre une expérience unique et incroyable non dénuée de pointes d'humour, de clins d'œil et d'artifices comiques. Onirique et léger ? Pas exactement, car la philosophie n'est pas en reste : sous couvert d'aventure extraordinaire, le lecteur est pris malgré lui dans des réflexions d'une certaine profondeur, car l'auteur est en quête de vérités humaines essentielles. Et puis Karinthy a une plume singulière, d'une très grande richesse de vocabulaire. Faisant preuve d’une virtuosité sans égale, multipliant trouvailles verbales et jeux de mots, l'auteur s'est manifestement donné un but : « réviser toutes choses ». Moraliste, profondément humain, visionnaire, utilisant les registres du fantastique, de l'utopie, de l'humour, tantôt spirituel, tantôt féroce, il nous livre un récit d’une grande originalité qui nous fait rêver, nous entraîne dans l'inconnu et l'indéfinissable, et qui force notre imagination comme notre réflexion. Quant à l’au-delà, il paraît erroné de l’identifier avec la notion de divin, de fin dernière et d’éternité post mortem. « L’au-delà c’est ici et maintenant, c’est la prise de conscience que c’est nous qui créons le monde, c’est l’affaire personnelle de chacun ».



Bref, un ouvrage original, iconoclaste et intelligent. Je mets quatre étoiles et en recommande la lecture. Pour la petite histoire, Frigyes Karinthy est l'inventeur du concept des six degrés de séparation. D'après sa théorie, chacun d'entre nous peut être connecté à une autre personne en suivant une chaîne de connaissances ne contenant pas plus de cinq intermédiaires. Aujourd’hui, étant donné la connectivité de plus en plus grande des humains et malgré les grandes distances physiques qui séparent les individus sur la planète, les distances sociales se rétrécissent : on en a un exemple frappant aujourd'hui avec Facebook, premier maillon du réseautage social.
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Tous Sports Confondus

VIVE LE SPORT, TOUT LE SPORT... VOUS EN ÊTES CERTAINS ?



Inutile de courir après ce livre ni de sauter à pieds joints dans votre pantalon de jogging ou encore de nager dans la foule à contre-courant ni même de boxer votre libraire préféré s'il n'a pas "Tous Sports Confondus" dans ses rayons si vous êtes un passionné invétéré de 200 mètres nage libre, que vous passez toutes vos soirées à regarder la chaîne beIN sports (surtout pour l'athlétisme) et que vous avez un abonnement dans tous les stades de votre région : l'humour taillé au couteau, le rire acerbe, l'ironie délicieusement subversive du grand romancier hongrois Frigyes Karinthy risque fort de vous éreinter, de vous énerver, de vous mettre hors de vous, et ça n'est certainement pas indiqué pour votre marathon de la semaine prochaine !



En revanche si, comme votre serviteur, la simple évocation d'un spectacle sportif, l'annonce d'un match de première importance pour l'équipe de deux cent douzième division du canton, l'adulation sans partage pour le énième meilleur chrono de tous les temps ou l'engouement obligatoire pour de prochains possibles J.O. parisiens au budget équivalent à celui d'un pays océanien vous laisse non seulement de marbre mais aurait même, à force d'être incontournable et péremptoire, franchement tendance à vous mettre les esgourdes dans le crin, alors ce petit ouvrage indispensable est absolument fait pour vous !



Car notre auteur n'exerce pas seulement son regard critique sur telle ou telle pratique sportive pour en dénoncer l'éventuel ridicule, la probable inutilité, l'insondable ennui, qui ne peut que s'emparer de tout être humain normalement constitué au spectacle, par exemple, de marcheurs de 50km sur toute la longueur de leur exploit - malgré l'indéniable suée que cela provoque -, non ! cela ne suffit pas au regard vif, à la plume incisive et à l'intelligence brillante de Frigyes Karinthy, lequel avait parfaitement compris la vanité creuse, les excès faussement glorieux du spectacle permanent de ces athlètes se comparant pourtant sans sourciller à leurs distingués ancêtres des olympiades grecques.



L'important c'est de participer, proclame-t-on ? A d'autres !



Tel en est-il avec le célèbre coureur de fond finlandais Paavo Nurmi (vingt-deux records du monde, douze médailles dont neuf d'or à différents JO, tout de même) dans un dialogue improbable - mais d'une subtilité affolante - avec le sage Socrate et dans lequel, par le biais d'une approche maïeutique implacable, le père de notre philosophie occidentale fini par clore, et de quelle manière, le bec à notre parangon moderne du culte du corps, à ce modèle alors vivant de ce qu'il est admis de qualifier aujourd'hui encore : "Les dieux du stade ".



Car, nous explique le satiriste par la bouche du grand philosophe, «le corps et l'âme, la matière et la force, la beauté et le bonheur ne sont pas des choses qui dépendent de l'esprit du temps. Deux mille cinq cents ans se sont écoulés, mais si j'en juge d'après ce qui s'est passé, je constate que l'histoire du genre humain est depuis toujours une histoire de pensée et non de muscles - même si le monde est resté le terrain de bataille des forces et celui de jeux des dieux. Ne peut comprendre l'essence du culte du corps que celui qui parvient à voir à travers celui-ci la garantie d'un esprit à venir.» Fin de la messe !



On le comprend, l'auteur génial de Voyage autour de mon crâne ne s'oppose pas par idéologie, dogmatisme ni dépit à ce culte moderne du corps, mais il en désavoue la fatuité, l'inutilité crasse, la bêtise dans la mesure où, du célèbre adage latin tiré de Juvénal «Mens sana in corpore sano» (un esprit sain dans un corps sain), le monde du sport actuel n'a sincèrement retenu que la seconde partie de la sentence. D'ailleurs, et pour la petite histoire, c'est le baron Pierre de Coubertin soi-même, aidé d'un brillant latiniste de son temps, qui avait détourné le sens de cet apophtegme fameux en l’adaptant ainsi : «mens fervida in corpore lacertoso», c'est à dire : un esprit ardent dans un corps musclé ! Convenons-en sans crainte, la formulation nouvelle est fort éloignée de l'imprécation à "muscler" son intelligence et sa pensée tout autant que son physique !



Il serait cependant injuste de faire de ce salvateur opuscule, publié par les - décidément - excellentes Editions du Sonneur, un recueil de textes un rien pompeux et à caractère strictement philosophique. Parce que l'on sourit aussi beaucoup au fil de ces textes rassemblés et traduits avec grande finesse par Madame Cécile A. Holdban - textes par ailleurs épars dans l'oeuvre de nouvelliste du magyar -, et si le thème connait ainsi une grande multiplicité de traitements, on y découvre une sorte d'invariabilité dans la pensée karinthyienne, une pensée salutairement - mais pacifiquement - séditieuse qui tend à faire comprendre à ses lecteurs, à ceux d'hier comme à ceux d'aujourd'hui, qu'il ne faut jamais rien prendre quoi que ce soit, à commencer par ce leurre des célébrités de papier, de ces exploits sans but et de ces médailles en toc, pour argent comptant.



D'avoir compris tout cela et pour l'essentiel avant les J.O. en tout point honteux de Berlin de 1936 (seule une nouvelle est de cette date), sans oublier les quasi-états de guerres sportives que se livrèrent par la suite l'URSS et les USA tout au long de la guerre froide, ce n'est pas uniquement vivifiant, c'est tout bonnement visionnaire.



Un régal !

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Propagande

ENFONCÉ, MARK ZUCKERBERG !



Considéré en son temps, et aujourd'hui, encore comme l'un des plus grands auteurs populaires de son pays, la Hongrie, Frigyes Karinthy (ou, plus exactement devrait-on écrire et lire Karinthy Frigyes, nos amis hongrois citant d'abord le nom avant le prénom dans la vie quotidienne ) fut tour à tour humoriste, nouvelliste, romancier, poète, journaliste et traducteur (de Heinrich Heine, son "idole", mais de bien d'autres, dont, plus surprenamment, l'auteur de Winnie l'Ourson qui demeure, grâce à lui un des héros de la littérature enfantine hongroise !).



Incontestablement de la race des moralistes ironiques - dans la lignée d'un Voltaire -, humaniste, antifasciste, pacifiste, mais aussi espérantiste (il fut le président de la ligue d'Esperanto de son pays), l'auteur de "Voyage autour de mon crâne" dans lequel il évoque, sans pathos mais avec un humour féroce et décapant, sa tumeur au cerveau.



C'est ici son talent de nouvelliste que la poète et traductrice du hongrois Cécile A. Holdban nous donne, avec sa finesse de plume coutumière, à découvrir.

Et du talent, Karinthy en a à revendre, tant dans le domaine de l'humour glacé mais réjouissant que dans la perception anticipatrice d'une grande intelligence dès lors qu'il s'agit d'envisager notre monde en devenir.



Ainsi, il passe d'une satire aussi crue que féroce en direction des grands mouvements démagogiques et totalitaire à l'oeuvre en ses années trente, avec un "Propagande", qu'un directeur d'usine q'un genre particulier demande à ses chercheurs de concocter comme on crée et lance sur le marché une nouvelle lessive ou la future poudre de perlimpinpin.



Dans "Vote pour moi, Camarade", un homme parfaitement commun, le sachant d'ailleurs fort bien, se propose candidat à la députation, estimant que son insignifiance est même le meilleur atout pour son élection. Et de dérouler un discours, aussi farfelu que parfaitement logique pour convaincre l'électeur du bien fondé de sa candidature. Et de critiquer à mot à peine couvert le cirque, la manipulation politique et, dirions-nous aujourd'hui, médiatique qu'engendre le système représentatif.



Quant à Bellit, c'est un réquisitoire définitif contre la guerre et contre la propagande dont elle est parfois le fruit maudit, fable grotesque et toujours tragiquement moderne, dans laquelle le diable a ensorcelé -par un procédé d'apparence scientifique- un livre "best-seller" mondial parfaitement dénué de sens lorsqu'on le lit sur un autre papier que celui de la seule édition autorisée. Une horreur indicible et fantastique dans laquelle l'auteur montre à quel point la guerre est folie et la propagande absolument stupide, une fois décortiquée.



Ce charmant petit ouvrage de la petite maison d'édition rennaise "La Part Commune", dans une collection indispensable de petits textes oubliés, rares ou méconnus dirigée par Thierry Gillyboeuf (l'actuel traducteur, entre autres, de l'intégralité du Journal de Henri David Thoreau) s'achève sur "Maillons" dont les implications sont, plus que jamais, de notre actualité et même de notre quotidien.



En effet, bien qu'écrite en 1929, l'auteur et intellectuel hongrois qu'était Karinthy a parfaitement perçu que l'accroissement fulgurant des modes de déplacement dans l'espace et dans le temps, l'explosion des moyens de communication de son temps avaient raccourci pour ne pas dire défait les distances entre les continents, les nations et les hommes, provoquant ainsi un véritable rétrécissement du monde. Ainsi, il évoque la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à n'importe quelle autre, au travers d'une chaîne de relations individuelles comprenant au plus en cinq maillons.



A partir de cette hypothèse et, il faut bien l'admettre, de cette intuition géniale, de nombreux mathématiciens relevèrent le défi de conceptualiser, d'ébaucher les modèles mathématiques ayant abouti à... La création et à l'existence des réseaux sociaux !!!



Voilà pourquoi nous affirmions que l'inventeur du célèbre réseau nommé "Face Book" était "enfoncé", son idée supposément géniale et novatrice ne l'étant finalement pas tant qu'il y parait ! Un humble écrivain d'un petit -mais fier- pays de la "Mittel Europa" avait déjà perçu la possibilité de la chose, avant même que cela soit techniquement envisageable... Fort, non ?



En quatre nouvelles (trop brèves à mon goût), voici une invitation exaltante à découvrir l'oeuvre protéiforme de cet étonnant magyar !

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Farémido : Le cinquième voyage de Gulliver

POM-POM-POM-POM...



C'est en particulier par l’entremise de la publication d'un recueil drôle et féroce de "à la manière de..." que l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy, auteur du célèbre "Voyage autour de mon crâne", se rendit très largement populaire dans son pays. Tour à tour journaliste, romancier, nouvelliste, poète, humoriste et dramaturge, cet écrivain touche à tout, humaniste libertaire mais sans dogmatisme, universaliste défendant, par exemple, l'émergence d'une langue nouvelle commune - en l'occurrence l’espéranto -, c'est donc à un petit exercice allant chasser sur les plate-bandes du célèbre britannique Jonathan Swift et de ses non moins célèbres Voyages de Gulliver que notre polygraphe hongrois se prête ici.



Notre héros anglais, toujours dans une forme exemplaire malgré les siècles passés, est devenu chirurgien et, malgré son peu d'empressement à se retrouver mêlé à cette guerre effrayante (la "première" mondiale), celui-ci se retrouve à bord d'un bâtiment de guerre de Sa Royale Majesté, qu'une mine allemande fera couler. Menaçant de se noyer, Il va cependant parvenir à s'échapper in extremis du navire en perdition à bord de l'hydravion du capitaine. Ce dernier ayant perdu la vie dans cette échappée, tout en maintenant le manche sans relâchement, provoque une ascension infernale de l'appareil vers des hauteurs vertigineuses. Gulliver est à deux souffles d'y perdre lui-même la vie mais sera recueilli par un représentant ailé de cette bizarre race d'être vivant que sont les habitants de Faremido, les très mécaniques, mais intelligents, Sollasis.



A la charnière entre le Gulliver original et un conte philosophique voltairien, dont l'auteur était un admirateur, - on ne peut s'empêcher de songer à Micromégas -, Karinthy explore les tréfonds de la destiné et de l'âme humaine en la confrontant à des êtres parfaitement imaginaires, des espèces de divinités de métal proches de la perfection car, s'il connaissent aussi maladie et vieillissement, leur fonctionnement interne de même que les éléments extérieurs dénués de toute biologie leur permet des améliorations incessantes, des changements de pièces comme on le ferait d'une vulgaire machine, évitant à ces "Robots" avant l'heure, les affres de nos propres petites existences inévitablement limitées dans le temps.



L'auteur va alors se livrer à une série de réflexions sur l'humanité, sur la recherche de la connaissance, la vie et la mort, la capacité assez vaine qu'on les hommes à réfléchir sur la réflexion, à se contempler dans les miroirs de leurs savoir plutôt que de s'exercer à une intelligence prospective et positive, sur la communication, etc. Et même si notre hongrois se perd parfois dans des digressions incessantes, dans des coq-à-l'âne un peu épuisants, il n'en demeure pas moins vrai que plusieurs des spéculations intellectuelles qu'il émet, souvent exprimées à bâton rompu entre son petit humain tour à tour émerveillé ou plongé dans l'incompréhension et le Mentor, Midoré, qu'il s'est trouvé sur cette planète fantastique, retiennent très obstinément l'attention et l'intérêt du lecteur. Ainsi en est-il des spéculations sur les mathématiques musicales (les Sollasis s'expriment par le biais des notes de musique...), qui préfigure d'ailleurs, avec presque dix ans d'avance, les théories d'Arnold Schönberg sur la musique sérielle et le dodécaphonisme ; il en est de même avec les compte-rendus des dialogues consacrés aux enjeux du langage, à son rôle psychologique et culturel ; idem sur les problèmes posés par les difficultés voire l'impossibilité de communiquer réellement entre les êtres.



D'un humour moins tranchant que d'autres textes de lui, d'une lecture parfois légèrement laborieuse, ce petit roman de moins de quatre-vingt pages, judicieusement publié par les Editions Cambourakis dans une traduction donnée par judith et Pierre Karinthy n'en est pas moins une petite perle de pensée philosophique pratique et prospective, marque d'un écrivain aussi éclectique que génial, sachant tout aussi bien s'inscrire dans une tradition littéraire vieille de plusieurs siècles qu'il préfigure ce que l'on qualifierait un peu plus tard (et même si le terme existait, bien que fort peu usité alors) de science fiction.



Une de ces petites sucreries littéraire que l'on ne regrette jamais d'avoir découverte, malgré son goût modestement suranné.
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Voyage autour de mon crâne

AUTOPORTRAIT AU CRÂNE PERCÉ



Fermez les yeux quelques instants et laissez vous embarquer quelques instants. Laissez-vous embringuer plusieurs décennies en arrière, sous les brumes d'un petit pays de cette Mittel Europa dont on ne parle malheureusement guère que pour fustiger son actuel président, autocrate droitier à l'ancienne mode ; cependant, oubliez-le présent, si vous le voulez bien.



Voila... Vous êtes calés ? Gardez les yeux encore fermé quelques instants. Imaginez... Vous êtes en Hongrie, en sa capitale Budapest pour être plus précis. Mieux encore, vous êtes attablés à la terrasse d'un de ses innombrables cafés tellement vivant, et pas des moindres puisqu'il s'agit du Central, où vous avez vos habitudes depuis déjà pas mal de temps ; depuis le début de ce siècle si surprenant, violent et génial à la fois, tandis que vous étiez encore bien jeune et grand admirateur de l'oeuvre du français Jules Verne.

Mais vous avez toutefois un peu vieilli et nous sommes en 1936. Les nazis sont installés au pouvoir dans l'Allemagne proche, vous en avez déjà quelque échos ici (ces imbéciles de l'extrême droite dont il arrive que les têtes mal-pensantes vous égratignent dans leurs torches-cul) mais rien qui puisse laisser présager du pire à venir. Vous préférez vous remémorer tous ces bons moments durant lesquels vous fûtes le centre de toutes les attentions, vous, l'écrivain moitié humoriste, moitié anarchiste, le poète sensible, l'imitateur redoutable et drôle des styles de vos contemporains, le dramaturge à ses heures, n'hésitant pas à vous donner en spectacle au zinc de ce bon vieux central - où dans tout autre grand café de la gentiment, de la loufoquement surréaliste Budapest -, imitant les manies, les gestes de vos semblables célèbres avec art, délectation, dérision et tendresse malgré tout, parce que si vous affirmez que votre plaisir préféré c'est une espèce de jeu de "Je dénonce l'humanité" (titre d'un de vos ouvrages en français), en réalité, en décrivant nos petits et grands travers, vous l'aimez, cette humanité. De toute manière, à l'instar de l'adage, (charité bien ordonnée, etc), vous êtes aussi un franc adepte de l'autodérision. Vous mêmes êtes un peu surréaliste, un peu 'pataphysicien, et c'est très probablement ce qui plait chez autrui.

Tout semble d'ailleurs vous sourire : la reconnaissance de vos pairs et l'engouement d'un large public. Vos amis sont poètes, journalistes, artistes, politiciens, écrivains ; vous êtes même liés avec certains dont l'histoire retiendrons le nom. Vous êtes un sacré personnage avec votre bouille au regard légèrement désabusé de clown triste, votre nez un peu crochu (acéré comme votre plume), vos lèvres charnues et charnelles dénotant un caractère gourmand, et ce visage respirant tout à la fois une certaine dureté, de l’honnêteté et de l'empathie.

Vous êtes donc là, avec le poids de votre vie passée, attablée au Central devant un café chaud, avec vos impératifs du moment, vos petits tracas pécuniaires, vos observations du quotidien... Quand soudain ! Assourdissants, imprévus, impossibles, invisibles, c'est comme si vous étiez au beau milieu d'une gare, que des trains démarraient à un rythme régulier juste à côté de vous, vrombissant de toute leur puissance hydraulique, de toute la force de leurs bielles. Impossible de faire erreur : vous entendez distinctement ce «grincement lent, forcé, comme quand les roues d'une locomotive s'ébranle lentement, puis s'installe dans une trépidation véhémente (...)». Pourtant, ces trains n'existent pas, ne peuvent exister, sinon entre vos deux oreilles, nichés quelque part à l'intérieur du crâne ; ces trains ne sont que fabulation, mais c'est toute votre existence qui va s'en trouver changée...



Vous pouvez rouvrir vos yeux. La suite s'ausculte tout autant qu'elle s'écoute. Et il est préférable d'être assez bien accroché !



Ainsi débute, plus ou moins, ce magnifique roman autobiographique de l'écrivain hongrois aux multiples registres, Frigyes Karinthy. Ce qui aurait pu n'être qu'un simple mirage acoustique lié à de la fatigue, du surmenage, un défaut d'audition ou quoi que ce soit de bénin va, après d'infinis passages devant des amis médecins, des amis médecins de relations personnelles ou professionnelles, des médecins spécialistes et autres neurologues, diagnostics après diagnostics, se révéler être sanctionné d'un mot terrible, l'une des angoisses médicales parmi les pires, parmi les plus incurablement irrémédiables, y compris aujourd'hui : tumeur au cerveau !

Sauf que le malade n'est pas n'importe quel malade. C'est l'un des écrivains les plus en vue de Hongrie, célèbre pour ses textes plein d'humour sur ses contemporains mais aussi sur lui-même. Aussi va-t-il traverser ce qu'il est commun d'appeler "une terrible épreuve" avec l'humour noir et féroce de qui se sait condamné à mort bien qu'en sursit, l'un de ces condamnés ayant refusé toute forme de repli sur soi, de pleurnicheries pathologiques ou de nombrilisme morbide.

Frigyes Karinthy va ainsi réussir à nous faire sourire à travers ce récit d'autant plus poignant qu'il décrit, moment après moment, avec une précision chirurgicale pour filer la métaphore idoine, l'évolution de sa maladie, des premiers symptômes, tels ces bruits de train, les hallucinations, la perte progressive de la vue, de l'équilibre, de l'orientation (ce qui vaut au lecteur une scène aussi tragique qu'irrésistible tandis qu'il tente la traversée d'une rue sans l'aide de son épouse), jusqu'à l'opération à Stockholm par l'un des plus grands spécialistes en chirurgie du cerveau de son temps, un suédois nommé Olivecrona (Herbert) dont ce sera d'ailleurs l'un des plus célèbres patients. Tout, jusqu'à la description terrible, difficile à éprouver, de son opération - pratiquée avec une simple anesthésie locale, ce qui explique qu'il ressent tout, comme par exemple le trépan qui lui découpe l'os crânien, heureusement pour lui, sans la douleur d'un acte si violent ou, peut-être, au delà de toute douleur dicible -.

Les description sont à ce point réalistes et crues que l'on a parfois le sentiment de vivre en direct l'autopsie générale du corps du délit : lui-même, sa tête, son esprit (on hésite à écrire "son âme", mais l'on n'en est bien proche). Et cette bizarre confession, qui emmène le lecteur à la frontière exacte entre vie et mort, ou, pour être plus exact, de ce que la vie peut contenir de mortifère en elle, est comme une sorte de lutte de son esprit sarcastique, narquois, à l'expression toujours juste contre la chose enfouie, grossissante, vampirique qui lui dévore les lobes, essaie de s'emparer de sa conscience, s'acharne à abréger sa présence sur terre, lui donne à contempler encore d'un peu plus près les grandeurs et misères de ses contemporains ou les siennes propres.



A l'exact inverse de la moindre célébration du pathos - une fois seulement, la douleur est à ce point extrême qu'il songe, l'espace de trois petites minutes, à mettre fin à ses jours sous un tram. La seule fois -, sans aucune contemplation gratuite de ce qu'il lui arrive et décrit avec une précision invraisemblable, cet auteur que l'on peut aisément rapprocher d'un Alphonse Allais ou d'un Tristan Bernard pour la verve satyrique et l'acuité intraitable, chez qui viendrait se mêler un peu de l'esprit de Voltaire, parvient à nous faire réfléchir sur la condition d'être humain, par le biais de l'absurde des événements, par la contemplation méthodique de la folie de ces pauvres hères dont son épouse, médecin psychiatre, a la charge ; il nous interroge sur le tragique de nos destins et sur le goût infini de vivre, omniprésents et irrésistiblement liés. Il parvient à nous faire sourire - de ce sourire à la fois complice, tendre et féroce - lorsqu'il décrit avec toute la fantaisie du monde les nouvelles manières d'être en sa présence de ses proches, de ses amis, de ses relations ou du fameux cousin qui s'inquiète de le voir disparaître sans qu'il ait pu lui prêter l'argent déjà promis... C'est ainsi un troublant voyage auquel l'auteur du "Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradis" convie son lecteur. On aurait pu s'attendre à une confession indélicate, voyeuse, nombriliste. C'est l'exact contraire qui se produit ce témoignage étant à la fois trop désespéré et trop gai, trop profond et trop léger pour sombrer dans la moindre forme de pathos honteux, alors qu'il n'a de cesse de se moquer de lui-même, y compris et surtout lorsque tout le pousserait à pleurer. Une sorte d'anti auto-fiction bien avant l'heure...



Les dernières pages de ce récit, assez différentes de tonalité du reste de l'ouvrage, sont à relever tant elles sont belles de vérité et d'humilité immodeste. On pourrait presque y découvrir une manière de testament littéraire et existentiel, des mots d'une sincérité aussi crue que poétique qu'il adresse, à travers la distance de son âge, de sa vie à "la petite Nini", la nièce norvego-magyar qu'il rencontre incidemment à l'occasion de ce séjour forcé en Suède. Il s'y voit Robinson parmi les milliers de Robinson du monde, tous sur le même petit îlot, un être qui «n'espère plus grand chose» que profiter encore un peu de ce que la vie lui réserve. Et remercie, dans un geste de générosité pure, gratuite, tous les êtres qui l'aime et qu'il aime. De fait, ce texte bouleversant et singulier sera son ultime roman.



L'homme qui affirmait qu'«en matière d'humour, je ne plaisante jamais» décédera sans blaguer d'une attaque cérébrale (très probablement consécutive à sa maladie) deux petites années plus tard. C'était un jour qu'il randonnait, lui, le voyageur de son crâne, tandis qu'il s'était baissé pour relacer ses chaussures, il ne s'en releva jamais. Ce fut son ultime canular. Il avait cinquante et un an.
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Échec et mat ou le Gambit hongrois

Dans la famille Karinthy, je demande le père, Frigyes. Gagné - il a écrit la nouvelle "César et Abou Kaïr". Dans la famille Karinthy, je demande le fils, Ferenc. Perdu - aucune nouvelle de Ferenc Karinthy dans le recueil de nouvelles Échec et mat ou le Gambit hongrois. Et pas davantage de jeu des 7 familles ici mais, évidemment comme le titre peu original le laisse deviner, le jeu d'échecs.



Au programme, une douzaine de nouvelles dans lesquelles le jeu d'échecs joue un rôle important, dans lesquelles la folie n'est jamais très loin et écrites par des auteurs hongrois - d'où le sous-titre de le Gambit hongrois ; sauf erreur, il n'existe pas un tel gambit mais en revanche la défense hongroise, certes rare, existe et il aurait été plus opportun de l'utiliser dans un ouvrage autour du jeu d'échecs - sur une période de près d'un siècle et demi - la plus récente des nouvelles date de 1989, la plus ancienne de 1855.



La lecture de ces nouvelles est plutôt divertissante - certaines se soldent par un échec et mat, d'autres par des situations pires que celle de l'échec et mat - et permettra de lire des auteurs hongrois peu connus désormais (une courte présentation des auteurs aurait été la bienvenue).



Pour ceux qui ne lisent pas en silence, le tout peut-être lu en écoutant au choix :



- "e2-e4" de Manuel Göttsching

- "A Rook House for Bobby" de I Like Trains sur la folie de Bobby Fischer
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Capillaria, le pays des femmes

Utilisant le procédé du « voyage fantastique » que Jonathan Swift mit au point pour ses Voyages de Gulliver deux siècles plus tôt pour bouleverser le point de vue de ses lecteurs, Frigyes Karinthy raconte comment, à la suite d’un naufrage, il se retrouva dans un pays sous-marin peuplé de femmes.

(...)

Le décalage créé par la fiction permet une grande liberté d’exagération qui alimente un fort ressort comique voire satirique. Une méthode originale d’appréhender un questionnement et de forcer la prise de conscience. Très amusant.



Article complet sur le blog.
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Reportage céleste de notre envoyé spécial au para..

L'auteur de ce livre, Frigyes Karinthy, est un immense auteur hongrois.

Piqué au vif de n'avoir pas été sollicité lors d'une enquête, effectuée par un journal britannique réputé, sur l'au-delà, il rédige sa réponse sous la forme de ce roman.

Merlin Oldtime et son ami Denis Diderot, encyclopédiste du monde nouveau se lancent dans une enquête. Ils rencontreront dans cette éternité à multiples dimensions de nombreuses figures de notre histoire.

Mais l'humour, dont fait preuve l'auteur, dans cette comédie, parfois tissé de grosses ficelles, ne parvient pas à éluder le sérieux des interrogations qui se cachent derrière cette enquête.

Car Frigyes Karinthy est un véritable philosophe qui se questionne sur les grandes interrogations humaines et sa propension au sourire n'empêche pas la profondeur de sa réflexion.

Il nous offre, ici, un ouvrage original , iconoclaste et intelligent.

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Cure d'ennui: Écrivains hongrois autour de S..

Une excellente manière d'aborder la littérature hongroise avec ce recueil de nouvelles de six de ses meilleurs écrivains. Six auteurs particulièrement représentatifs de l'éveil à la modernité de la vieille Hongrie en ce premier tiers du vingtième siècle, au moment où l'imaginaire avait rendez-vous avec l'inconscient et se frottait ainsi à sa propre essence jusqu'ici méconnue. Un jeu qui n'est certes pas sans danger et où l'humour sert d'indispensable sauvegarde.

Entre psychanalyse et littérature, l'inspiration était alors largement réciproque, ce que Sandor Ferenczi formulait ainsi : "A ceux que leur orgueil médical pousse à mépriser les belles-lettres, je réponds que les sources de notre connaissance de la psychologie moderne ne se trouvent pas dans la littérature médicale, mais dans les œuvres littéraires et poétiques."
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Voyage autour de mon crâne

Je ne vais pas être objective en vous parlant de ce livre avec lequel j’ai fait une vraie rencontre – je vais donc placer mes propos sur du ressenti plus que sur de l’analyse (je laisse cette dernière aux "vrais" critiques:p)



Vous ne savez pas qui est Frigyes Karinthy ? Peu importe, la préface vous l’apprendra avec force détails. Un homme de génie, de pastiches, écrivant « à la manière » de ses contemporains, avec élégance, finesse et esprit. Hongrois, décédé en 1938 dans la région féérique du lac Balaton.



Frigyes est un écrivain reconnu du public et de ses pairs, époux et père comblé, entouré de nombreux amis et fréquenteur assidu d’un café de la place de l’université. Il passe dans l’existence comme si rien ne pouvait l’atteindre.



Et, lorsqu’il contemple le malheur de ses congénères, il ne lui vient pas à l’esprit qu’un malheur similaire puisse le frapper lui. Il en est de lui comme de certains de ceux qui sont nés sous une bonne étoile : le talent, l’insolence, la maîtrise. A noter que la deuxième sans le premier ni la troisième serait superbement ridicule.



Cette rêverie du contrôle est telle qu’il expliquera à son fils être persuadé de pouvoir, en se concentrant, déterminer de quelles zones de son cerveau lui viendrait telle et telle idée.



Un jour, attablé dans son café, il entend un grondement de train, ou de machine. Ce qui ne serait pas troublant si, justement, il n’y avait aucun rail aux alentours. L’incident se réitère. Mais Frigyes prête cela à sa petite voix – compagne de ses dialogues intérieurs qu’il avait lorsqu’il était petit.



Et petit à petit les failles vont se multiplier sur le miroir. Décalages de perception. Absences. Hallucinations visuelles et auditives. Frigyes, splendide autruche, se borne à feindre de croire à un malaise passager.



Ce dernier s’aggravant, il consulte sciemment des médecins qui lui diront ce qu’il a envie d’entendre : intoxication à la nicotine, menus troubles physiologiques … Ce refus, ce déni de la maladie est abordé avec une plume vive, drôle et mordante. « L’autruche se défend » est l’un des titres choisis, ce qui illustre bien le recul que peut prendre l’auteur par rapport à son comportement de l’époque.



Malheureusement, le diagnostique tombera tout de même : tumeur cérébrale. Ce qui à l’époque donne très peu de chance de survivre à l’opération. Car opération il doit y avoir.



Frigyes narre avec un humour corrosif ses pairs venus le voir à l’hopital et l’enterrer avant l’heure, ses divagations et ses imprécations à l’encontre de cette machine, ce compagnon de route, qui ne lui obéit plus et lui fausse compagnie.



Et l’opération … Un autre grand moment, avec des descriptions proprement renversantes.



Ce livre est une exploration virtuose des liens entre l’esprit et le corps, l’âme et la machine, lorsque cette dernière décide de ne plus aller où l’âme tente de la guider.
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Voyage autour de mon crâne

Dans ce livre l’auteur raconte sa propre expérience de la maladie, une tumeur au cerveau, jusqu’à l’opération réussie en Suède, grâce à une suscription nationale.

D’abord les premiers signes de la maladie : il entend un train qui part, tous les jours à la même heure, quel que soit l’endroit où il se trouve. Puis d’autres hallucinations, maux de têtes, nausées, malaises…Et bien sûr, toutes les fuites pour ne pas avoir de véritable avis médial. Faut dire qu’il est brièvement passé par des études de médecine, et que sa femme est médecin, profitant d’un séjour à Vienne dans une clinique, il lui dissimule tous les symptômes. Continue de vivre comme si de rien n’était jusqu’à ce que la fuite ne soit plus possible. Il raconte ensuite les examens, les traitements, jusqu’à l’opération, pendant laquelle il est conscient. Puis la période du retour à la vie.



Un livre étonnant. Karinthy est écrivain, et même s’il s’agit de parler d’une expérience vécue, il l’aborde avec son métier d’écrivain. Il y a un ton, humoristique certes, drôle parfois, mais c’est un peu le rire du désespoir. La peur de mourir, est là, palpable, même s’il tente avec élégance de ne pas en faire étalage, au contraire, de se concentrer sur des détails, sur des descriptions, et de faire de l’esprit. Cette relation à la maladie, un certain nombre l’ont évoquée, mais Karinthy le fait particulièrement bien, entre humour et angoisse, avec un côté surréaliste et onirique parfois, se faisant le reporter de son voyage en Suède, décrivant avec justesse et dérision le rapport du malade aux médecins, celui du malade aux biens portants, la joie de sortir vivant de l’épreuve.



Un livre étonnant, parlant de choses graves mais avec légèreté et pudeur.

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Capillaria, le pays des femmes

Frigyes Karinthy (1887-1938), écrivain hongrois, s'est d'abord fait connaître par ses parodies de Jules Verne, Oscar Wilde, Ibsen, Pirandello ou encore J. Swift comme ici, reprenant notamment le nom de Gulliver. A savoir que Frigyes Karinthy est aussi l'inventeur (en 1929) du concept des six degrés de séparation, cette théorie qui dit que chacun d'entre nous sur la planète, peut être connecté à une autre personne en suivant une chaîne de connaissances ne contenant pas plus de cinq intermédiaires. (merci Wikipédia, je connaissais la théorie, mais point son inventeur). Théorie qui paraît de plus en plus réelle avec l'éclosion des réseaux sociaux. Frigyes Karinthy est aussi le père de Ferenc Karinthy, auteur de Épépé dont j'ai récemment parlé et réédité chez Zulma.

Mais revenons à Capillaria, court roman écrit en 1925 et son monde sous-marin sorte de monde inversé dans lequel les femmes se comporteraient comme les hommes sur terre ; enfin comme en 1925, parce que de nos jours, aucun homme ne négligerait la Femme ne la cantonnerait dans un rôle quasi exclusif de reproductrice et de mère, ne la frapperait pour qu'elle obéisse, ne la traiterait comme une espèce à part inférieure à l'Homme. Non, de nos jours les femmes ont l'égalité absolue, elles accèdent aux postes les plus hauts dans toutes les sociétés politiques ou religieuses (une femme Présidente ou même Première Ministre -il y en eut une seule en France- c'est forcément pour bientôt-, dans les entreprises où elles trustent les postes à responsabilités, les hommes prenant activement et volontairement leur part de tâches ménagères, d'éducation des enfants...

Mais plutôt que d'ironiser, revenons encore une fois à Capillaria qui est d'une force satirique très actuelle, une sorte de récit intemporel, tant les choses n'ont point beaucoup évolué. C'est aussi plein d'humour et d'ironie, formidablement vif et vivant lorsque Gulliver tente d'expliquer à Opula, la reine des Ohias comment est la vie sur terre et comment là-haut, les hommes règnent sur le monde mais restent finalement soumis aux désirs

"De la façon décrite, j'ai fait connaître à sa Majesté la situation de la femme en Europe au cours de l'évolution historique. J'ai parlé sans détours de l'oppression regrettable que viennent seulement de dévoiler les chercheurs de notre siècle. Pendant des milliers d'années, les hommes avaient refusé aux femmes les droits dont l'exercice est le devoir le plus sacré de tout citoyen civilisé. Les hommes s'étaient réservé tous les privilèges en invoquant simplement le droit du plus fort qui peut tout se permettre vis-à-vis des plus faibles. Les femmes n'avaient ni le droit de travailler, ni d'étudier. Seuls les hommes pouvaient gagner le pain quotidien à la sueur de leur front, ce qui fatigue le corps et amoindrit la sensibilité de l'âme." (p.54/55)

Un petit bouquin excellent, édité dans la collection Minos, admirablement écrit qui devrait faire partie de ces classiques lus et relus, inoubliables en tous cas.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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Voyage autour de mon crâne

Je ne connais pas de livre aussi beau, émouvant et intelligent – ou plus exactement de livre qui conjure la mort et conjugue aussi bien la beauté et une sorte d’utilité – que Voyage autour de mon crâne. Nous avons affaire ici à l’autobiographie d’un homme ordinaire, il nous raconte un pan de sa vie qui sort justement de l’ordinaire pour tomber dans quelque chose qu’on pourrait appeler insoutenable : la maladie.



Karinthy, l’auteur de ce Voyage, est un humoriste que tout Budapest célèbre pour ses dons comiques. C’est aussi un paisible père de famille qui, faute de mieux, aime la belle vie. Et pourtant, tout va basculer, un matin, dans la maladie. Elle arrive d’abord doucement pour ensuite accélérer : une tumeur au cerveau.



L’insoutenable est toujours proche, la mort est un horizon qui s’éloigne et se rapproche selon les instants, la situation est grave mais pas désespérée. L’écrivain se voit déplacé de chez lui vers l’hôpital, de l’humanité la plus confondante à l’inhumanité la plus glaciale.



L’histoire telle qu’elle est racontée relève presque du conte de fées ou du roman d’aventure. C’est une sorte de réussite que l’auteur opère sous nos yeux. Arrive d’abord la vérité toute crue, clinique et froide, puis le temps de la dernière chance, tributaire de l’acquisition d’argent pour financer l’opération, ensuite les déceptions, douleurs et infirmités, enfin la libération par le miracle. Le trajet d’une vie à une possible mort est passionnant.



J’insiste : le Voyage autour de mon crâne est un livre unique, un petit livre à côté des grands, mais aucun autre n’est à la fois aussi comique et tragique, réel et onirique, mélancolique et positif, d’humeur gaie sombre ou d’humeur égale.

Avant tout, c’est un livre sur l’aventure humaine destiné aux malades comme aux biens portants. La mort, de toute manière, est toujours lointaine.



Marc Gianesinni
Lien : http://www.musanostra.fr
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Farémido : Le cinquième voyage de Gulliver

Une expérience de pensée science-fictive et swiftienne en 1916, également stimulante et décevante.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/05/30/note-de-lecture-faremido-le-cinquieme-voyage-de-gulliver-frigyes-karinthy/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Reportage céleste de notre envoyé spécial au para..

Je ne connaissais pas l'auteur (Frigyes Karinthy) avant de lire ce livre. Il semble plutôt connu et avoir une belle renommée et il faut avouer qu'après cette première lecture je suis très curieux de découvrir plus en avant l'univers de l'auteur. La quatrième de couverture promet de nombreux moments de bonne humeur et tient ses promesses. Karinthy a une plume très particulière avec un humour qui pointe le bout de son nez sans qu'on s'y attende, au détour d'un dialogue, au beau milieu d'une description, en conclusion d'un paragraphe plus "philosophique" etc. Mais cet aspect humoristique de l'ouvrage n'est pas le premier intérêt de cette lecture. En effet, le récit fait avant tout rêver le lecteur, il l'entraîne dans l'inconnu, le non-défini et lui laisse alors toute l'opportunité de s'imaginer ce qui se passe. Finalement on ressort de la lecture détendu, heureux et un peu songeur. Je l'ai lu principalement avant de dormir et cela semble avoir dopé mes rêves pour un bon moment. C'est donc un livre amusant, malin et assez profond dans les réflexions proposées par l'auteur. Une belle réussite !
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Propagande



L’écrivain hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938) prévenait souvent ces lecteurs ainsi : « En humour, je ne plaisante jamais. Ces cinq nouvelles, publiées initialement entre 1929 et 1933, le prouvent. (...) Son humour caustique pour dénoncer les travers du monde et son regard amèrement lucide sur la société, font de lui un auteur absolument recommandable.
Lien : http://bibliothequefahrenhei..
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Je dénonce l'humanité

Quel bonheur ! Oui, quel bonheur de pouvoir découvrir (ou redécouvrir) ces nouvelles du hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938) ! Si vous ne le connaissez pas, pas encore, vous pourrez découvrir un auteur qui manie avec un exceptionnel bonheur le sens de l’absurde, celui le l’observation et de l’auto-dérision, l’art d’évoquer avec bienveillance et férocité tout nos travers (aussi vrais hier qu’aujourd’hui) en naviguant autant dans le registre du fantastique onirique que dans le réalisme social (qu’il transfigure un peu, tout de même).



A la découverte de ce monde, le lecteur français entendra peut-être résonner d’autres voix, parmi les plus talentueuses et les plus justes quant il s’agit de dire l’humain tout en le poétisant et en pointant ses paradoxes, ses défauts et ses illogismes, de Raymond Devos à Pierre Desproges (auquel se réfère l’éditeur sur un bandeau promotionnel). Mais plutôt que chercher des parentés à l’auteur, des antécédents ou des filiations littéraires, il faut juste savourer ces nouvelles pour leur précision, leur concision et leur qualité d’écriture. Un vrai travail d’orfèvre, sans rien qui pèse ou qui pose, mais avec tout ce qu’il faut pour à chaque fois nous surprendre et élargir la palette sur laquelle jongle l’écrivain. Nous n’avons pas le bonheur de lire le hongrois dans le texte, mais la traduction de Judith et Pierre Karinthy fait merveille pour renouveler notre bonheur de lecteurs page après page.



Le lecteur de cette chronique aura sans doute compris que Frigyes Karinthy maniait l’ironie avec un rare talent, une ironie que n’est pas qu’amusement mais qui est bien l’une des grande source de la connaissance et qui sait affuter notre intelligence du monde et développer l’acuité de notre regard sans jamais renoncer à une indispensable bienveillance. Un sorte de Socrate rieur dont la gravité n’a d’égal que la légèreté et la profonduer (qu’il partage avec son ami et complice Deszo Kostolanyi).



Découvrez les maladresses et paradoxes ou excès qu’entraînent le désir d’être trop sociable, l’humanité d’un bourreau, l’étroitesse de vue d’un entrepreneur égoïste, la naïveté généreuse de ceux que l’on trompe, le renoncement trop soumis aux idéaux de jeunesse, les affres de la psychanalyse naissante, les stratégies promotionnelles, l’inébranlable fois dans le progrès… Des textes centenaires (l’anthologie rassemble des nouvelles écrites entre 1912 et 1934) qui résonnent avec une étonnante et réjouissante vigueur avec notre monde bien déglingué et erratique.



S’il est des “humoriste” qui parveiennent à nous arracher un rire en nous laissant un vague sentiment de honte, Frigyes Karinthy est de ceux qui nous grandissent en nous invitant simplement à sourire de notre monde et de nous-même.
Lien : http://filsdelectures.fr/blo..
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