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Critiques de Georges Corm (8)
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L'Europe et l'Orient

Dans ce célèbre ouvrage "L'Europe et l'Orient : de la balkanisation à la libanisation", Georges Corm aurait bien expliqué comment le Moyen-Orient s'est profondément disloqué depuis les accords de Sykes-Picot de 1916 à la manière de l'Europe centrale à la fin du XIXe siècle.

Les anciennes puissances coloniales, à savoir la Grande-Bretagne et la France, ont donné d'après cet historien libanais un cadre institutionnel au communautarisme issu du système du Millet (la politique de la protection des Dhimmis "les gens du Livre et les non-musulmans en général", pratiquée par les Turcs).



Issus du découpage de l'empire ottoman, le Liban, la Syrie ou même l'Irak d'aujourd'hui (en gros, les pays qui formaient autrefois l'ancien Bilad al-Cham) n'ont jamais eu le temps, ni moins encore la capacité de devenir des États-nations au sens moderne du terme, c'est-à-dire, basés sur les critères de la citoyenneté. Or, même s'il pratique une politique raciste à connotation religieuse à l'égard des Palestiniens et toute la population arabe non-juive qui y réside éprouve d'énormes difficultés à s'y intégrer, Israël, pourtant État-parasite né juste en 1948, est peut-être l'unique exception en la matière (absence de rivalités confessionnelles à l'intérieur de sa société).



Aussi, Etat artificiel s'il en est, la Jordanie étant épargnée par cette dynamique de fragmentation en raison de son homogénéité ethno-confessionnelle (en effet, 97% de ses habitants sont des arabes sunnites) bien que la revendication islamiste y est trop forte ces dernières années. Certes, la faiblesse structurelle de ces Etats-là (la Syrie, l'Irak et le Yémen en particulier), la mauvaise gouvernance et les récentes interventions occidentales ont mené à leur implosion rapide mais il n'en demeure pas moins que le diptyque communautarisme/confessionnalisme comme réseau de solidarité prédateur longtemps escamoté par des régimes nationalistes bâathistes à la dérive en soit le facteur principal. Détournant la rente étatique à leur profit, ces derniers, ayant toujours parié sur le tribalisme et les équilibres ethno-confessionnels précaires de leurs sociétés respectives, sont parvenus à arracher l'assentiment des masses et à les manipuler.

Or, "Israël, aurait déclaré il y a quelques années Ariel Sharon, ne sera en sécurité que lorsqu'elle sera entourée de tribus arabes" ! Ainsi, en 1980, les responsables sionistes ont même poussé les chrétiens libanais à créer leur propre Etat pour déstabiliser la Syrie voisine et dès 2003, les Américains ont conçu dans les coulisses du Pentagone un plan de partage systématique du Moyen-Orient en "Etats confessionnels" (chiites, sunnites, maronites, etc.).



En plus, devenu secondaire par rapport aux enjeux de l'Irak et de la Syrie, le conflit israélo-palestinien a comme permis, par ricochet, la résurgence de cette question du communautarisme confessionnel, «boostée» ensuite par les Occidentaux qui ont profité de l'échec du Printemps arabe. La révolte syrienne de 2011 ne s'explique-t-elle pas, d'ailleurs, en partie par le mécontentement d'une frange d'officiers libres contre l'hégémonie des Alaouites dans l'institution militaire ? Tirés de leur isolement par les Français qui ont imposé dès 1920 un mandat à la Syrie (ce qui a permis de construire un Etat alaouite autonome), ces derniers, les Alaouites s'entend, qui ne représentaient pour rappel que 10% de la population en 1940, occupaient en revanche la moitié des effectifs de l'armée du Levant en Syrie et au Liban! Une situation qui a perduré sous le régime des Al-Assad (père et fils) pourtant se réclamant de la laïcité et du nationalisme arabe.
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La nouvelle question d'Orient

Ce roman très instructif passe en revue les problèmes qui irriguent cette région du monde. La question d’Orient et les rivalités religieuses (sunnites, chiites, entre autres), les affrontements entre Russie et Otan, l’Empire Ottoman, ce cadavre qui a entraîné dans sa mort la fin d’un monde, les petites mains manipulatrices des mouvements de "résistance" qui ont l’heur et le bonheur sadique des puissances au détriment des peuples, nous pensons aux Etats-Unis qui a entraîné et armé les islamistes en Afghanistan pour lutter contre la défunte URSS. "L’alliance des monarchies conservatrices arabes avec Washington s’est d’ailleurs développée de façon spectaculaire dans les années 1970 et 1980, dans le contexte de l’occupation soviétique en Afghanistan (1979, 1989) motivée par l’URSS par la crainte d’une propagation de la révolte iranienne dans le Caucase (…) Désormais l’instrumentalisation de l’identité religieuse islamique peut encore plus facilement être promue dans tous les domaines, les Etats arabes dénués de ressources pétrolières devenant de plus en plus dépendants des aides que fournissent l’Arabie saoudite et la Banque islamique de développement dont elle est le principal financier."



Georges Corm pousse son analyse jusqu’aux guerres des Balkans sur lesquelles il donne un éclairage qui ne fait pas bonne presse. "Les Croates, les Slovènes et les musulmans de Bosnie-Herzégovine sont encouragés à réclamer leur indépendance afin d’adhérer plus tard de façon séparée à l’Union européenne. On assiste alors à l’intervention militaire et médiatique des puissances européennes et des Etats-Unis (…)". En effet, une guerre médiatique a accompagné les bombardements de Belgrade, la capitale serbe par les avions de l’Otan. "Si les massacres de Bosnie ont été largement couverts par les grands médias occidentaux, parfois en boucle durant des semaines, le déplacement forcé des Serbes de Croatie dans la région de Krajina en 1995 a été rarement évoqué, de même que le refus légitimes des Serbes de Bosnie d’être séparés du territoire de la Serbie elle-même pour être inclus dans un Etat bosniaque en passe de devenir musulman et dont ils peuplaient 49% du territoire", écrit Georges Corm.



Pour l’auteur, il n’y a pas de conflit de civilisations comme le soutient Samuel Huntington. Georges Corm l’a qualifiée même d’absurde. Il estime que la thèse de Samuel Huntington se résume à quelques "arguments pauvres". Mais son développement, voire sa promotion est opportunément exploitée en Occident. "La thèse a remplacé à point nommé le grand vide idéologique créé par la disparition de l’URSS en 1991 et la déconfiture concomitante des diverses formes du marxisme", soutient-il. De fil en aiguille, l’auteur avance que "les Etats-Unis se trouvaient ainsi privés de l’ennemi existentiel qui avait légitimé l’extension de leur puissance culturelle, économique et militaire dans la monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale".



Au développement du terrorisme qui trouve sa source et qui prospère dans cette partie est de la Méditerranée, il n’y a qu’une explication : le dérèglement de la raison et la déraison économique qui ont fait le lit de l’obscurantisme et facilité toutes sortes de guerres. "Le fondamentalisme islamique serait une réaction normale et donc compréhensible au phénomène colonial, puis au mode laïque de gouvernement de la plupart des régimes arabes républicains après l’obtention de leur indépendance, écrit l’auteur. Cette approche imaginaire relève d’un essentialisme et d’un culturalisme outranciers qui font de tout musulman un être similaire aux autres musulmans du monde entier. (…)". Ce genre d’argumentaires est véhiculé par certains islamologues notamment français bien en cour dans le monde musulman et dans les médias. Georges Corm parle d’une "dangereuse islamophilie culturaliste qui a entraîné une critique forte des politiques de modernisation accélérée de la Turquie kémaliste, de l’Egypte nassérienne ou de la Syrie et de l’Irak baathistes, comme ayant violé la psychologie profondément religieuse des sociétés de ces pays". L’auteur qui appelle à cesser d’instrumentaliser les trois monothéismes pour des besoins de guerres expansionnistes.

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Pensée et politique dans le monde arabe

un ouvrage impressionnant qui englobe deux siècles de pensées et luttes politiques dans le monde arabe.

L’auteur avertit que ce livre est "écrit durant la douloureuse période –loin d’être achevée - du désenchantement quant au résultat de la grande vague révolutionnaire arabe". Sur plus de 400 pages, Georges Corm s’est employé à mettre en lumière "la riche pensée arabe", avance-t-il, "largement masquée et marginalisée dans la production académique et les médias". Aussi, en fin connaisseur, il rappelle quelques grandes figures de ce courant panarabiste. Et s’inscrit en faux contre ceux comme François Burgat, qui estime que la "réislamisation des sociétés arabes ne serait qu’une réaction somme toute légitime à la modernité européenne qui aurait violé depuis deux siècles la personnalité "arabo-musulmane"". Le colonisateur parti, les élites gouvernantes arabe qui lui ont succédé n’auraient fait que continuer l’œuvre de dépersonnalisation de leurs peuples à travers des dictatures dites nationalistes et laïques, considérées comme responsables exclusives des malheurs actuels du monde arabe et des violences qui le déchirent". Voilà le décor est planté.



Georges Corm voit en l’émergence de la référence islamique l’un des raisons capitales du déclin de la pensée arabe. Il parle de l’émergence de la pensée islamisante "antinationale". Avec notamment l’imposition du courant islamiste encouragé par l’Arabie saoudite au sein de l’espace géographique. "L’antinationalisme arabe de nature islamique va se développer à partir de la seconde moitié du XXe siècle dans le contexte qui n’est plus celui du colonialisme européen en plein dépérissement mais celui de la guerre froide et des dictatures arabes nationalistes et socialisantes qui dominent alors la scène arabe. Dans cette conjoncture est scellée une alliance qui dure jusqu’à aujourd’hui entre les Etats-Unis et les monarchies arabes dites conservatrices".



Le wahhabisme ne s’inscrit pas dans le courant réformiste islamique, observe l'historien et professeur d'universités. Aussi, Georges Corm insiste sur une mise en contexte de l’évolution du courant islamiste pour comprendre ses ressorts et la manière avec laquelle il a pris le dessus sur le courants arabo-baathiste. Il décortique sur de nombreux chapitres cet islam politique devenu le seul horizon indépassable pour les pays arabes et explique très justement que la lucarne islamique avec ses références est devenue la seule ouverture pour étudier et analyser les sociétés arabes. En s’imposant, l’islamisme a réussi à imposer son agenda socialo-politique à tout cet ensemble géographique.



Il y a une mise en pespective assez intéressante de la création de l'Etat d'Israël et la manne pétrolière en lien avec les errements des pouvoirs arabes. A eux deux, ils constituent deux éléments à ne pas négliger pour comprendre les alliances et les prétentions des régimes arabes.



Des grands penseurs qui auront marqué de leur empreinte moderniste la pensée arabo-ilsamique l'auteur Mohamed Arkoun et écrit : Mohamed Arkoun "a légué une oeuvre considérable visant à rétablir une "raison islamique" adaptée aux temps modernes en lieu et place de celle qui s'obstine à rester enfermée dans un passé régidifié". Georges Corm identifie six facteurs historiques contemporains qui ont présidé à la déunion arabe. Il pointe l'inexpérience des dirigeants arabes lors de l'effondrement du l'empire ottoman, la balkanisation de la société arabe, la guerre froide dont le Moyen-Orient est l'un des épicentres, observe-t-il, l'hégémonie américaine et son remodelage de cette région, l'émergence de l'Etat d'Israël et sa puissance militaire. Le sixième facteur, conclut l'auteur est "le bouleversement culturel, social et politique provoqué par l'immense pouvoir financier acquis par les grandes familles de souche bédouine dans la péninsule arabique régnant sur des ressources pétrolières géantes"
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Histoire du Moyen-Orient : De l'Antiquité à n..

Je tenterais un commentaire rapide et constructif. D'un point de vue accessibilité, c'est une excellente synthèse historique. Le franc parler de Georges Corm, son style, font de ce livre un incontournable pour comprendre, de manière assez simple, les enjeux du Moyen Orient. Ainsi, ce livre revient sur l'histoire de cette région que nous avons tendance à voir dans le prisme de l'actualité, avec nos yeux d'occidentaux. De fait, ce livre se place davantage dans les yeux des populations locales que dans les nôtres. Le livre est court et revient sur la guerre en Irak, sorte de "transition" - il refuse le mot "rupture" - entre deux façons d'appréhender cette région. Les Américains reste les plus attaqués, notamment Georges W. Bush que Georges Corm ne semble pas vraiment apprécié (et je dirais, à juste titre). Pour ceux qui voudrait lire un auteur moins engagé, je conseillerais le professeur du Collège de France, Henry Laurens.
Lien : http://le-cours-du-temps.ove..
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Pour une lecture profane des conflits

Dans la foulée des Attentats de 2015, perdue au milieu de la logorrhée islamophobe qui avait envahie les ondes la voix dissidente de Georges Corm m'était apparue comme celle de la raison et de la rigueur de 'analyse retrouvées. C'est ce qui m'avait donné envie d'acheter ce petit livre qui expose sans réelle originalité mais de manière synthétique et claire l' historique des enjeux géopolitiques au Proche et Moyen-Orient travestis de part et d'autre par l'instrumentalisation du fait religieux qu'il soit exalté comme marqueur identitaire ou stigmatisé de manière sélective au gré des intérêts économiques et stratégiques des acteurs présents dans la région.

A l'heure ou l'Occident Blanc se gargarise toujours d’être le poste avancé de la démocratie et des droits humains, on reste incrédule devant cette hallucinante entreprise de déstabilisation et de de manipulation rétractile et versatile menée depuis près d'un siècle au seul motif de la préservation et du développement d' intérêts économiques, passée systématiquement par l'anéantissement de tous les mouvements locaux de transformation sociale notamment d'origine marxiste.

Le point faible du livre à ce titre est de proposer comme antidote un retour à ce républicanisme laïc et égalitaire hérité des lumières, qui rappelons le à Georges Corm n'a jamais existé que comme instrument de domination de la bourgeoisie française pour substituer au catholicisme de l'Ancien régime, un ordre centralisateur promouvant la liberté d'entreprendre et une application à géométrie variable de ses grands principes vides de sens.

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Pour une lecture profane des conflits

Déconstruction des thèses en vogue de choc des civilisations, occident judéo-chrétiens contre orient musulman.

L'idée me semble clairement de s'attaquer aux idées reçues : non, le monde n'est pas composé de 2 blocs viscéralement incompatibles et opposés, encore moins pour des raisons de culture religieuse.

L'auteur s'attache donc à proposer une autre lecture des conflits et tensions actuels au moyen-orient, s'appuyant sur des analyses multifactorielles et pragmatiques plutôt que sur une récupération simplificatrice et dangereuse du phénomène religieux.

Un des points de départ est étymologique, différentes notions comme civilisation, peuple ou laïcité sont revues. A lui seul, ce travail étymologique, traité simplement, permet de remettre en cause une partie du discours médiatique général.

La thèse quant à elle s'attache à montrer une situation plus complexe et rationnelle qu'une incompatibilité de culture en incluant le colonialisme, le guerre froide, la politique des Etats-Unis et de leurs alliés rigoristes au Moyen-orient à l'équation.

Les blocs hermétiques sont aussi mis à mal par une présentation à nouveau plurielle des peuples, à la fois historiquement et actuellement.

Cette des faits me parait vraiment intéressante, que l'on soit d'accord ou pas avec tous les arguments, elle m'est en tout cas plus satisfaisante que les clichés simplificateurs sur les oppositions culturelles et viscérales que l'on nous ressert continuellement.

C'est d'ailleurs cette approche rationnelle qui me semble être le propos de l'ouvrage, et en fait tout l'intérêt.

Bien que l'ouvrage fasse s'oriente plutôt sur des constats que des solutions, l'auteur défend malgré tout vigoureusement les bienfaits de la laïcité, des vertus humanistes et de l'exégèse qu'ils montrent comme moteurs de sociétés apaisées et d'ouverture d'esprit.

J'ai donc bien apprécié ce livre qui malgré son caractère se lit de manière agréable et qui surtout propose une approche d'analyse saine et salutaire.

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Pensée et politique dans le monde arabe

Un ouvrage foisonnant à lire, à garder soigneusement dans sa bibliothèque tant les noms des intellectuels - peu, mal ou pas connus abondent, amplement situés dans chaque contexte historique et social. Georges CORM, historien libanais nous offre une mine de renseignements passionnants quant à l'ensemble du monde arabe, vu de l'intérieur, ce qui en fait tout l'intérêt.

Sa lecture éclaire formidablement ce qui se passe actuellement, ainsi que le rôle de l'Occident (attraction/répulsion) dans l'exacerbation du phénomène religieux.

Une pensée bien vivante certes, à laquelle il convient de donner toute sa place face aux pouvoirs financiers exorbitants qui instrumentalisent l'ignorance depuis des dizaines d'années d'une part, ainsi que d'autre part, les clichés dont les Occidentaux se délectent et transmettent .
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L'Europe et le mythe de l'Occident. La cons..

Quitte à susciter des réactions hostiles, cet ouvrage entreprend la déconstruction de l’imaginaire mythologique qui a forgé l’idée d’Occident et son corollaire, son regard dépréciatif sur l’Orient.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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