AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Gil Courtemanche (100)


Qu'est-ce qu'un pays pour celui qui n'est ni militaire ni patriote exacerbé? Un lieu de correspondances subtiles, un accord implicite entre le paysage et le pied qui le foule. Une familiarité, une entente, une complicité avec les couleurs et les odeurs. L'impression que le vent nous accompagne et que parfois, il nous porte. Un renoncement qui n'est pas une acceptation devant la bêtise et l'inhumanité que le pays nourrit.
Commenter  J’apprécie          10
Tu as raison, le silence est effrayant car dans le silence, on ne peut mentir.
Commenter  J’apprécie          10
Valcourt se sentait porté par un de ces manèges monstrueux qu'on trouve dans les grands parcs d'attractions et qui procurent presque simultanément la terreur et l'extase, la peur de mourir et la sensation de vivre intensément sans trop savoir comment départager ces sentiments les uns des autres.
Commenter  J’apprécie          10
Ici, nous allons tuer dans un grand excès de folie, de bière, de mari, dans un déferlement de haine et de mépris qui dépasse ta capacité de comprendre, et la mienne aussi. Je dis "nous" parce que je suis rwandais et parce que les Tutsis le feront aussi quand ils en auront l'occasion. Je dis "nous" parce que nous sommes tous devenus fous.
Commenter  J’apprécie          10
Non, il n’est pas un des neveux du président. Valcourt les connaît tous. Celui qui au Québec se donne des airs d’étudiant en sciences politiques, mais qui organise les escadrons de la mort faisant la chasse aux Tutsis, la nuit, à Remero, à Gikondo ou à Nyamirambo. Et l’autre qui contrôle la vente des préservatifs offerts par l’aide internationale, et l’autre encore, le sidéen, qui croit qu’en baisant de jeunes vierges il se libère de son empoisonnement, et les trois autres qui sont militaires et protecteurs des putains du Kigali Night, les putains les plus « propres » de Kigali, que les paras français se tapent sans capote dans les bosquets qui entourent le bar, parce qu’Eugène, Clovis et Firmin, les neveux du président, leur disent qu’ils les baisent sans capote et qu’ils ne sont pas malades.
Commenter  J’apprécie          10
Voilà Raphaël et sa bande de copains qui travaillent à la Banque populaire du Rwanda. Ils repartiront à minuit quand le bar du quatrième fermera. Et monsieur Faustin, qui sera premier ministre quand le président donnera la démocratie à ses enfants. Viendront se joindre à lui les autres membres de la table de l’opposition, Landouald, ministre du Travail qui est entré en politique pour faire plaisir à sa femme, une Québécoise libérée, et quelques autres qui feront des courbettes en allant trois fois se servir au buffet.
Commenter  J’apprécie          10
Depuis deux ans, tous les jours à la piscine, on parle inlassablement du changement qui se prépare, on déclare qu’il sera là demain ou mardi, mercredi au plus tard. Mais cette fois, c’est vrai, et un grand frisson de rumeur saisit les habitués. Le mari de la secrétaire du président est mort du sida il y a deux jours à Paris où il était hospitalisé depuis six mois. C’est Émérita, taxiwoman, businesswoman, le meilleur taux au marché noir du franc rwandais, qui est venue le dire à monsieur Faustin.
Commenter  J’apprécie          10
Peu importe, dans une demi-heure, quand Émérita aura terminé son Pepsi après avoir parlé à Zozo le concierge, une nuée de chauffeurs de taxi partira pour la ville. Ce soir, de Gikondo à Nyamirambo, en passant par Sodoma, le bien nommé quartier des putes, on imaginera, puis on déclarera que le président se meurt du sida. Demain, cela se dira à Butare et après-demain à Ruhengeri, le fief du président. Dans quelques jours, quand le président sera le dernier à apprendre qu’il se meurt du sida, il fera une énorme colère et des têtes tomberont. Ici, les rumeurs tuent. Ensuite, on les vérifie. Dans le même avion que le médecin du Val-de-Grâce et sa meurtrière nouvelle sont arrivés les dix exemplaires de L’Express et de Paris-Match qu’on s’échangera durant un mois et les fromages français un peu trop ou pas assez faits qui seront mangés en grande pompe trimestrielle à la salle à manger de l’hôtel.
Commenter  J’apprécie          10
Ils manient la dissimulation et l’ambiguïté avec une habileté redoutable. Léo est une caricature de tout cela. Il est absolument double. Père hutu, mère tutsie. Corps tutsi, cœur hutu. Carte du PSD et rédacteur des discours de Léon, l’idéologue extrémiste hutu, dit l’Épurateur, ou le Lion Vengeur. Discours de colline, vêtements du 6e arrondissement. Peau de Noir, rêves de Blanc. Heureusement, pense Valcourt, Immaculée n’entretient que mépris et dédain pour Léo qui s’escrime en fleurs et en chocolats
Commenter  J’apprécie          10
Lisette, qui est désespérée depuis qu’elle s’est fait voler son sac de golf, maugrée. Imaginez sa désolation. Elle est gauchère, la seule gauchère parmi tous les membres du Golf Club de Kigali qui étend ses fairways mal entretenus dans une petite vallée que surplombent l’arrogant édifice du Conseil national du développement, les villas luxueuses des favoris du régime, les résidences d’ambassadeurs et le Club belge. Dans ce pays de merde qu’elle exècre, le golf constitue son seul plaisir, sa seule activité civilisée. Être nommée à Kigali quand on a dix-sept ans de service dans la Carrière, c’est une invitation à démissionner.
Commenter  J’apprécie          10
Gil Courtemanche
Les morts qu'on cache se transforment en fantômes qui viennent nous hanter.

Comment parler autrement qu'avec les codes ei l'objectivité qui étouffent et trahissent la réalité?

Quand le soleil descend sur Kigali, on ne peut que se réjouir de la beauté du monde. De grands vols d'oiseaux font de délicates broderies dans le ciel. Le vent est doux et frais. Les rues se transforment en longs rubans de couleurs vives qui glissent paresseusement, formés de milliers de fourmis qui partent du centre-ville et grimpent lentement sur leur colline. De partout montent les fumées des braseros. Chaque volute qui se dessine dans le ciel parle d'une petite maison. Des milliers d'enfants rieurs courent dans les rues terreuses, poussent des ballons crevés et roulent de vieux pneus. Quand le soleil descend sur Kigali, qu'on est assis sur une des collines qui entourent la ville et qu'on possède un restant d'âme, on ne peut faire autrement que de se taire et de contempler.
Commenter  J’apprécie          10
Valcourt n’a pas rejoint, comme il le fait chaque soir,
ses copains rwandais. La détresse de Gentille le retient à sa
table. La bêtise du Rwandais de Paris le révolte. Mais il est
un peu lassé depuis quelque temps du discours obsessionnel
de ses amis et encore plus de leur langue ampoulée,
ornée, prétentieuse, souvent surannée. Ils ne parlent pas,
ils déclarent, ils déclament, non pas des vers, mais des slogans,
des formules, des communiqués de presse. Ils parlent
des massacres qu’ils prévoient avec l’assurance des météorologues
et du sida qui les ronge comme des prophètes
de l’Apocalypse.
Commenter  J’apprécie          10
Gentille, déjà timide, marche maintenant comme une
femme en deuil. Valcourt commande «une grosse Mutzig,
ma petite Gentille». Il vient près de prononcer quelques
mots pour la réconforter, mais se sent bêtement démuni
devant cette jeune femme trop belle. Et puis il sera bientôt
six heures et, autour de la piscine, tous les acteurs du rituel
quotidien de l’apéro auront pris place dans la même mise
en scène que la veille. Et Valcourt jouera son rôle, comme
tous les autres. Le stylo Mont-Blanc bouge: «Je me fais un
fondu aux Noirs.»
Commenter  J’apprécie          10
Le Rwandais de Paris crie: «Petite conasse, et je
connais le ministre du Tourisme, sale Tutsie qui couche
avec un Blanc pour travailler à l’hôtel.» Il hurle devant sa
Mutzig qui n’est pas une verveine-menthe. Et Gentille, qui
a un nom aussi joli que ses seins, si pointus qu’ils font mal
à son chemisier empesé, Gentille, qui a un visage encore
plus beau que ses seins, et un cul plus troublant dans son
insolente adolescence que son visage et que ses seins, Gentille,
qui n’a jamais souri ni parlé tellement sa beauté la
gêne et la paralyse, Gentille pleure. Seulement quelques
larmes et un petit snif qu’ont encore les jeunes filles avant
que s’installent entre leurs cuisses des odeurs d’homme.
Depuis six mois que Valcourt ne pense qu’à une chose
entre les cuisses d’Agathe qui vient dans sa chambre
quand elle n’a pas de client, plutôt que de prendre le risque
de rentrer la nuit à pied à Nyamirambo, depuis six mois
qu’il bande à moitié dans Agathe parce qu’il veut transformer
les seins de Gentille en seins de femme, depuis six
mois qu’il bande seulement quand Gentille promène ses
seins gentils entre les tables de la terrasse ou de la salle à
manger, Valcourt n’entretient plus qu’un seul projet,
«enfiler» Gentille, expression favorite de Léautaud qu’il a
découvert à cause d’une femme plus cruelle que tous les
mots de l’horrible Paul et qui l’a laissé en morceaux épars
comme une carcasse mal débitée sur un étal sanglant.
Commenter  J’apprécie          10
Ces observations, Valcourt, qui est aussi québécois
mais qui l’a presque oublié depuis longtemps, les note
autant qu’il les marmonne, souvent avec rage, parfois avec
tendresse, mais toujours ostensiblement. Pour qu’on sache,
tout au moins pour qu’on imagine, qu’il écrit sur eux, pour
qu’on lui demande ce qu’il écrit, puis qu’on s’inquiète de ce
livre qu’il ne cesse d’écrire depuis que le Projet l’a plus ou
moins abandonné. Il lui arrive même de faire semblant
d’écrire, afin de montrer qu’il existe, aux aguets et sérieux
comme ce philosophe désabusé qu’il prétend être quand il
est à court d’excuses à propos de lui-même. Il n’écrit pas de
livre. Il écrit pour mettre du temps entre les gorgées de
bière ou pour indiquer qu’il ne souhaite pas être dérangé.
En fait, un peu comme une buse perchée, Valcourt attend
qu’un morceau de vie l’excite pour déployer ses ailes.
Commenter  J’apprécie          10
La peur de la mort ne m'est pas venue de l'annonce de la maladie, elle m'est venue de cette femme qui m'a quitté. Il y a deux morts, celle qu'on attend, l'inévitable terminal, et l'autre bien pire, sentir quotidiennement qu'on ne vit plus. (...) Quand on est mort, la peur de vivre est atroce.
Commenter  J’apprécie          10
Je ne connais pas ma dette envers papa, mais peut-être est-ce celle de mon existence. Et même si je n'étais que la somme négative de tout ce qu'il fut (...) je lui devrais mes repères qui m'ont menés jusqu'à Isabelle. Je lui devrais tout. (page 138)
Commenter  J’apprécie          10
C'est ici que j'ai arrêté d'écrire, car il fallait que je pose la question: peut-on se tromper quand on est certain de vouloir mourir?
Commenter  J’apprécie          00
Les gares sont tristes. Les trains ne s'y arrêtent, ni n'en partent, ils ne font plus que passer, ralentissant parfois l'espace d'une seconde pour laisser descendre un passager qui a oublié de prendre l'auto ou l'autobus.
Commenter  J’apprécie          00
Le Voyageur n'avait pour tout bagage que trente images. Quelques livres aussi beaucoup de souvenirs mêlés de fantasmes. Souvenirs d'amours perdues et embellies par le temps, souvenirs de villes aux odeurs épicées où il se noyait dans la foule bigarrée, souvenirs de morts vues et d'oasis secrètes. Ses souvenirs étaient presque tout d'ailleurs, car le Voyageur avait beaucoup voyagé.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Gil Courtemanche (444)Voir plus

Quiz Voir plus

Robert Merle ou Maurice Druon

En nos vertes années ?

Robert Merle
Maurice Druon

10 questions
2 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}