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Citations de Gil Courtemanche (100)


Maria était ridicule et ma complicité dans cette opération rocambolesque me ramenait à la réalité. Il était temps que je revienne en moi.
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A une dizaine de mètres, quatre jeunes miliciens portant la casquette du parti du président faisaient des moulinets avec leur machette. La joyeuse et bruyante anarchie du marché s'était éteinte, comme dans une forêt soudain se taisent les oiseaux quand les prédateurs s'y glissent.
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De plus en plus, à Kigali et encore en province, la vie ne tenait qu'à un mot, à un caprice, à un désir, à un nez trop fin ou à une jambe trop longue.
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Si l'on veut continuer à vivre, pensait Valcourt en longeant le marché qui reprenait ses anciennes couleurs, il faut croire à des choses aussi simples et évidentes : frères, sœurs, amis, voisins, espoir, respect, solidarité.
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À cette heure précise où les buses s’installent autour de
la piscine, les parachutistes français, dans leurs transats de
résine, se donnent des airs de Rambo. Ils reniflent toutes
les chairs féminines qui s’ébattent dans l’eau puant le
chlore. La fraîcheur importe peu. Il y a du vautour dans ces
militaires au crâne rasé à l’affût au bord d’une piscine qui
est le centre de l’étal, là où s’exhibent les morceaux les plus
rouges et les plus persillés, autant que les flasques et les
maigres bouts de chair féminine dont l’unique distraction
est ce plan d’eau. Dans la piscine, le dimanche et tous les
jours vers cinq heures, quelques carcasses rondouillettes
ou faméliques troublent l’eau sans se douter que les paras
n’ont peur ni de la cellulite ni de la peau que seule l’habitude
retient aux os. Si elles savaient quel danger les
menace, elles se noieraient d’extase anticipée ou entreraient
au couvent.
En ce dimanche tranquille, un ancien ministre de la
Justice se livre à d’intenses exercices d’échauffement sur le
tremplin. Bien sûr, il ignore que ces amples moulinets font
glousser les deux prostituées dont il attend un signe de
reconnaissance ou d’intérêt pour se jeter à l’eau. Il veut
séduire car il ne veut pas payer. Il percute l’eau comme un
bouffon désarticulé. Les filles rient. Les paras aussi.
Autour de la piscine, des coopérants québécois rivalisent
de rires bruyants avec des coopérants belges. Ce ne
sont pas des amis ni des collègues, même s’ils poursuivent
le même but: le développement, mot magique qui habille
noblement les meilleures ou les plus inutiles intentions. Ce
sont des rivaux qui expliquent à leurs interlocuteurs
locaux que leur forme de développement est meilleure
que celle des autres. Ils ne s’entendent finalement que
sur le vacarme qu’ils créent. Il faudrait bien inventer un
mot pour ces Blancs qui parlent, rient et boivent pour que
la piscine prenne conscience de leur importance, non,
même pas, de leur anodine existence. Choisissons le mot
«bruyance», parce qu’il y a du bruit, mais aussi l’idée de
continuité dans le bruit, l’idée d’un état permanent, d’un
croassement éternel. Ces gens, dans ce pays timide, réservé
et souvent menteur, vivent en état de bruyance, comme
des animaux bruyants. Ils vivent également en état de rut.

Le bruit est leur respiration, le silence est leur mort, et le
cul des Rwandaises, leur territoire d’exploration. Ce sont
des explorateurs bruyants du tiers-cul. Seuls les Allemands,
quand ils descendent en force sur l’hôtel comme
un bataillon de comptables moralisateurs, peuvent rivaliser
de bruyance avec les Belges et les Québécois. Les Français
d’importance ne fréquentent pas cet hôtel. Ils se barricadent
au Méridien avec les hauts gradés rwandais et
avec les putes propres qui sirotent du whisky. À l’hôtel, les
putes sont rarement propres. Elles boivent du Pepsi en
attendant qu’on les choisisse et qu’on leur offre de la bière
locale, ce qui leur permettra peut-être de se voir offrir plus
tard un whisky ou une vodka. Mais, en femmes réalistes,
elles se contentent aujourd’hui d’un Pepsi et d’un client.
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Nous sommes toujours prisonniers de nos paroles.
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Je m'appelle Méthode, cadre à la Banque populaire, disc-jockey les week-ends à la discothèque de Lando. Ma musique préférée est le country et les chansons sentimentales. Je suis tutsi, vous le savez, mais avant tout, je suis rwandais. Je vais mourir dans quelques heures, je vais mourir du sida, une maladie qui n'existait pas il y a quelques années selon le gouvernement, mais qui déjà me défaisait le sang. Je ne comprends toujours pas très bien comment la maladie fonctionne, mais disons que c'est comme un pays qui attrape tous les défauts des gens les plus malades qui le composent et que ces défauts se transforment en maladies différentes qui s'attaquent à une partie du corps ou du pays. Voilà à peu près ce que j'ai compris de la maladie, c'est une forme de folie du corps humain qui succombe morceau par morceau à toutes ses faiblesses.
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Le grand marché de Kigali, comme un tableau fauve et éclatant, disait à sa manière qu'existe une Afrique indestructible, celle de la proximité, de la débrouillardise, l'Afrique de la conversation interminable, de l'endurance, de la persistance .
p107
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Les morts ont le droit de vivre.
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Chez vous, on meurt par accident, parce que la vie n'a pas été généreuse et qu'elle se retire comme une femme infidèle. Vous pensez que nous respectons moins la valeur de la vie que vous. Alors, dis-moi, Valcourt, pourquoi, pauvres et démunis que nous sommes, recueillons-nous les orphelins de nos cousins, pourquoi nos vieux mourent-ils entourés de tous leurs enfants ?
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Moi je vous dis, et c'est pour cela que je veux vous parler avant de mourir, que nous serons des millions à mourir. Du sida, bien sûr, de la malaria aussi, mais surtout d'une maladie pire, contre laquelle il n'existe pas de capote ou de vaccin. Cette maladie, c'est la haine. Il y a dans ce pays des gens qui sèment la haine comme les hommes inconscients sèment avec leur sperme la mort dans le ventre des femmes qui la portent ailleurs, dans d'autres hommes et dans les enfants qu'elles conçoivent.
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La vie ne l'avait jamais trahi. Les hommes, oui, qui trahissaient si souvent la vie.
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Le bonheur rend aveugle, surtout si on croit que c'est un état permanent. Et puis le bonheur accordé à un homme distrait l'éloigne des autres.
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Ici, les rumeurs tuent. Ensuite, on les vérifie.
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Chaque moment qu'on vole à la peur est un paradis.
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Au début des massacres, presque tous les Tutsis avaient eu le même réflexe. Les miliciens n'oseraient pas s'attaquer à la maison de Dieu. Par dizaines de milliers, de toutes les collines et de tous les hameaux, ils avaient couru, marché dans la nuit, rampé, et avec un grand souffle de soulagement s'étaient accroupis dans le choeur d'une église, dans l'entrée d'un presbytère ou dans une classe sur laquelle le crucifix veillait. Dieu, le dernier rempart contre l'inhumanité. En ce doux printemps, Dieu et surtout la plupart de ses pieux vicaires avaient abandonné leurs brebis. Les églises devinrent les chambres à gaz du Rwanda.
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Seules quelques femmes acceptaient de parler, à voix basse, les yeux plantés dans le sol et qui y restaient longtemps après qu'elles avaient terminé la description, presque clinique (car elles ne possédaient que des mots concrets), de l'assassinat de leur mari, de leurs fils. Les viols, ces femmes tellement prudes et timides, elles les décrivaient avec un luxe de détails qui donnaient le frisson, comme si elles rédigeaient leur propre autopsie. Elles évoquaient les pires mutilations et les plus perverses agressions avec un calme, une distance qui les rendaient encore plus atroces.
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De plus en plus, à Kigali et encore en province, la vie ne tenait qu’à un mot, à un caprice, à un nez trop fin ou à une jambe trop longue.
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J'ai le corps long des Tutsis et la détermination paysanne des Hutus. Je me regarde et je sais que je fais un heureux mélange. Et si tous les sangs qui s'entrecroisent dans mes veines ne me font pas de maladies, c'est peut-être qu'ils peuvent s'entendre.
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Apparaît, au bout de la terrasse, marchant lentement et pompeusement, un Rwandais qui revient de Paris. On le sait à ses vêtements sport si neufs que leur jaune et leur vert choquent même les yeux protégés par des lunettes de soleil. On ricane à une table d’expatriés. On l’admire à quelques tables locales. Le Rwandais qui revient de Paris flotte sur un tapis volant. De la poignée de son attaché-case en croco pendent des étiquettes de Première Classe et de chez Hermès. Il a probablement en poche, outre d’autres étiquettes prestigieuses, une licence d’importation pour quelque produit de seconde nécessité qu’il vendra à un prix de première nécessité.
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