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Citations de Gil Courtemanche (100)


On parle de la maladie du président considérée déjà comme un fait avéré, et de la date probable de sa mort et de sa succession. André, qui distribue des capotes pour une ONG canadienne et qui à ce titre est un expert en matière de sida, calcule fébrilement. D’après la rumeur, il baiserait depuis trois ans avec sa secrétaire.
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Le rire de la bande de Raphaël est de courte durée. Les trois beaux-frères du président apparaissent, suivis du directeur adjoint belge de l’hôtel et de cinq militaires de la garde présidentielle. Mais la piscine affiche complet. L’ancien ministre de la Justice, encore tout dégoulinant, se précipite vers les trois hommes, mais sa table est au soleil et ces messieurs veulent s’asseoir à l’ombre.
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Depuis deux ans, tous les jours à la piscine, on parle
inlassablement du changement qui se prépare, on déclare
qu’il sera là demain ou mardi, mercredi au plus tard. Mais
cette fois, c’est vrai, et un grand frisson de rumeur saisit les
habitués. Le mari de la secrétaire du président est mort du
sida il y a deux jours à Paris où il était hospitalisé depuis six
mois. C’est Émérita, taxiwoman, businesswoman, le meilleur
taux au marché noir du franc rwandais, qui est venue
le dire à monsieur Faustin. Un médecin du Val-de-Grâce,
arrivé ce matin, l’a dit au premier secrétaire de l’ambassade
de France, qui l’a répété à Émérita qui lui rend de menus
services, tout en sachant qu’elle s’empresserait d’annoncer
la nouvelle à monsieur Faustin. Le mari de la secrétaire du
président était un parfait idiot qui se contentait d’exploiter
sa licence exclusive d’importation des pneus Michelin,
mais la rumeur veut que sa femme ne doive pas son ascension
foudroyante dans les rangs de la fonction publique à
ses prouesses dactylographiques. Le service de renseignements
de l’ambassade, joint par un des frères de madame
la présidente il y a quelques mois, a rassuré ce quémandeur
désintéressé: tout cela n’était que racontars malicieux provenant
des milieux de l’opposition.
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Au centre de Kigali, il y a une piscine entourée d’une
vingtaine de tables et de transats en résine de synthèse.
Puis, formant un grand L qui surplombe cette tache bleue,
l’hôtel des Mille-Collines avec sa clientèle de coopérants,
d’experts internationaux, de bourgeois rwandais, d’expatriés
retors ou tristes et de prostituées. Tout autour de la
piscine et de l’hôtel se déploie dans un désordre lascif la
ville qui compte, celle qui décide, qui vole, qui tue et qui vit
très bien merci. Le centre culturel français, les bureaux de
l’Unicef, la Banque centrale, le ministère de l’Information,
les ambassades, la présidence qu’on reconnaît aux chars
d’assaut, les boutiques d’artisanat qu’on fréquente la veille
du départ pour se débarrasser du surplus de devises achetées
au marché noir, la radio, les bureaux de la Banque
mondiale, l’archevêché. Encerclant ce petit paradis artificiel,
les symboles obligés de la décolonisation: le rond-point de la Constitution, l’avenue du Développement, le boulevard de la République, l’avenue de la Justice, la cathédrale laide et moderne. Plus bas, presque déjà dans les basfonds, l’église de la Sainte-Famille, masse de briques rouges
qui dégorge des pauvres endimanchés vers des venelles de
terre bordées de maisons façonnées de la même terre argileuse.
Juste assez loin de la piscine pour qu’elles n’empestent
pas les gens importants, des milliers de petites maisons
rouges, hurlantes et joyeuses d’enfants, agonisantes de
sidéens et de paludéens, des milliers de petites maisons qui
ne savent rien de la piscine autour de laquelle on organise
leur vie et surtout leur mort annoncée.
Autour du jardin de l’hôtel croassent des choucas
énormes comme des aigles et nombreux comme des moineaux.
Ils tournoient dans le ciel en attendant, comme les
humains qu’ils surveillent, le moment de l’apéro. À cet instant,
les bières apparaissent tandis que les corbeaux se
posent sur les grands eucalyptus qui encerclent la piscine.
Quand les corbeaux se sont perchés, arrivent les buses qui
s’emparent des branches les plus hautes. Gare au vulgaire
choucas qui n’aura pas respecté la hiérarchie. Ici, les
oiseaux imitent les hommes.
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Ce roman est un roman. Mais c’est aussi une chronique et
un reportage. Les personnages ont tous existé et dans presque
tous les cas j’ai utilisé leur véritable nom. Le romancier leur a
prêté une vie, des gestes et des paroles qui résument ou symbolisent
ce que le journaliste a constaté en les fréquentant. C’est
pour mieux dire leur qualité d’hommes et de femmes assassinés
que j’ai pris la liberté de les inventer un peu. Quant aux dirigeants
et responsables du génocide, ils ont conservé dans ce
livre leur véritable identité. Certains lecteurs mettront sur le
compte d’une imagination débordante quelques scènes de violence
ou de cruauté. Ils se tromperont lourdement. Pour en
avoir la preuve, ils n’auront qu’à lire les sept cents pages de
témoignages recueillis par l’organisme African Rights et publiés
en anglais sous le titre de Rwanda:Death, Despair and Defiance
(African Rights, Londres, 1995).
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Je me suis trompé, mon père n'était pas Staline, mais un dictateur faible et dépourvu de certitude. Sa violence ne disait que sa faiblesse et sa peur de la vie. (page174)
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La mort, on le souhaitait, viendrait comme un voleur. Malheureusement pour lui, pour maman et un peu pour nous, le voleur n'est pas reparti avec son butin, il a préféré s'installer dans la maison. (page 151)
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Je commence à le croire maintenant, si un sursaut de compassion surgit à la veille de la mort annoncée, c'est par peur de s'être trompé dans son rejet ou de n'avoir pas percé le mystère de son créateur. Dans tous les cas de figures, c'est un peu sur soi-même qu'on se penche et non pas sur celui qui agonise. (page 125)
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Peut-être que je me trompe, mais on dirait qu'il n'y a que les vieux qui nous (adolescents) écoutent. C'est peut-être parce qu'ils n'ont plus de vie que celles des autres les intéresse. Les parents, eux, ils parlent. (page 104)
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Les adolescents ne sont que des enfants agés à qui ont accorde des libetés de jeunes adultespour éviter de les affronter et de leur rappeller qu'ils sont encore des enfants. (page 92)
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Quand maman souffre de la vieillesse de papa, on se soucie de la vie qu'il lui rest et que papa lui enlève peut-être. (page 55)
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Pourquoi faut-il que les adultes meurent pour que les enfants se sentent enfin adulte ? (page 49)
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Les enfants ne cessent jamais d'être les enfants de leurs parents. (page 38)
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Pendant cinq ans, j'ai fréquenté un psy pour qu'il me libère de mon père. Ce soir, je me dis que je vais plutôt fréquenter mon père, ce qui devrait m'en apprendre plus que ces cinq années onéreuses. (page 35)
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Il y a quelque chose d'indécent dans cette façon qu'on les enfants de parler à haute voix de leurs parents comme s'ils n'entendaient rien. Après tout, ils nous ont un peu inventés. (page 31)
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Quant à l'orgueil, voilà une qualité et un défaut que partageaient la majorité des hommes de sa génération. Il nous voulait mieux que les autres et plus grands que lui, ce qui n'était pas peu. (page 13)
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Sur les collines, dans les petits villages, dans les lieux-dits, aux carrefours où s'organisent les marchés et les rencontres, les histoires se répétaient. Des voisins, des amis, parfois des parents étaient venus et ils avaient tué. Dans le désordre peut-être, mais efficacement. On les connaissait, on les nommait. Chaque cadavre possédait son assassin connu. Dans les petites villes et les chefs-lieux, le génocide avait été plus systématique. On avait organisé des réunions, lancé des mots d'ordre, donné des directives, tracé des plans. Si les méthodes paraissaient aussi inhumaines, si les assassins tuaient avec une telle sauvagerie, ce n'est pas qu'ils agissaient dans l'improvisation et le délire, c'est tout simplement qu'ils étaient trop pauvres pour construire des chambres à gaz.
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La propagande est aussi puissante que l'héroïne : elle dissout subtilement tout ce qui pense.
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La robe était bleu et rose, avec des épaulettes, des dentelles et des falbalas ornés de paillettes. Vilain costume de princesse de bal masqué, lourde imitation d'un luxe bourgeois suranné, Valcourt y voyait toutes les perversions subtiles de la colonisation qui impose aux colonisés jusqu'aux défroques de la métropole.
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Nulle mort, nul massacre ne l'avait jamais désespéré de l'homme. Du napalm au Vietnam, il était sorti brûlé, de l'holocauste cambodgien, muet, et de la famine éthiopienne, cassé, épuisé, le dos voûté. Mais au nom de quelque chose qu'il ne parvenait pas à définir et qu'il pourrait bien appeler lui aussi l'ordre de la vie, il fallait continuer.
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