Citations de Gilbert Cesbron (715)
Le Chef, avec une sorte de tristesse.
C'est que nous n'avons plus grand-chose nous dire, Fugiani...
Le Comte Fugiani.
J'aurais, moi, beaucoup de choses à dire si vous me laissiez parler ! Mais vous transformez nos entrevues en monologues : c'est du mauvais théâtre, croyez-moi.
Parfois, un arbre humanise mieux un paysage que ne le ferait un homme.
Dans ce siècle, il ne s'agit pas tant d'inventer quelque chose d'utile aux autres que de les persuader qu'ils ont besoin de ce qu'on a inventé.
Si saint Martin avait acheté un manteau pour le pauvre, le pauvre eût été mieux vêtu, mais personne ne parlerait plus de M. Martin.
Pour la plupart des humains, chaque jour, chaque semaine, chaque année de leur vie n'est qu'une tacite reconduction.
«Dépenser sans compter» ne signifie pas dépenser beaucoup; cela exprime la manière, nullement la quantité.
Le monde en guerre est un cirque où les fauves finissent toujours par se jeter sur les spectateurs.
C'est un très grand malheur que d'avoir l'esprit plus vif que le cœur.
Chaque jour est veille pour les uns, lendemain pour d'autres, mais aujourd'hui pour bien peu.
Je connais un homme qui passe sa journée à recevoir des visiteurs (et de la décision de qui dépend beaucoup) et qui laisse toujours une troisième chaise vide : pour l'autre Visiteur. Parce qu'il y a des paroles qu'on ne prononcerait pas, des pensées qu'on chasserait aussitôt si le Christ était devant nous. Or Il est devant nous. Il est.
Que chacun d'entre nous, avant chaque décision, se demande : QUE FERAIT LE CHRIST A MA PLACE?
Mais, à l'échelle du monde (et non plus seulement de notre existence) tout ce qui arrive n'est pas «providentiel» au sens dévot du terme. Dieu ne le «veut» pas: le permet seulement. C'est la résultante de nos actes et de ses desseins.
Apprendre à se méfier de toute voie qui, au départ, n'est pas ouverte à tous; de toute solution qui repose sur l'argent, même assorti des meilleures intentions. C'est, au mieux, un feu d'artifices : ça éblouit, ne chauffe pas, ne dure guère. Passons notre chemin...
Les soigner, ça oui ! Les soigner l’un et l’autre… L’un par l’autre… Et l’un pour l’autre.
C’était plus tragique, habité, vertigineux que le fond des mers !
Yann vous aime comme il n'a jamais aimé personne, comme il n'aimera plus jamais personne. Et pourtant, il faut qu'il vous oublie – je veux dire : qu'il cesse de penser à vous, sans quoi il est perdu. Sans quoi il est perdu, Mme Jeanne ! répéta-t-il avec force. Son cœur a grandi aussi vite que lui, mais pas son esprit, vous comprenez ? C'est aussi le drame de ces enfants-là : ils possèdent et ils réclament un amour au-dessus de leurs moyens. Tout ce qui lui est advenu, sa mémoire ne pourrait pas le conserver sans en être détruite. Il en deviendrait fou, fou pour de vrai – alors qu'il n'y a pas une once de démence chez ces enfants. Il faut qu'il oublie : qu'il oublie sa mère, son père, l'accident, M. Lerouville, les Montessant, les Prairies et maintenant le petit paradis de l'hospice. Qu'il oublie le malheur parce qu'il n'a pas la force de le tenir à distance, et qu'il oublie le bonheur puisqu'on le lui a retiré. Puisque la connerie des adultes le lui retire sans cesse ! explosa-t-il. Leur égoïsme, leur goût de l'ordre ou de l'argent, leurs réglements ! Puisque ce gosse sans âge marchera toute sa vie, comme font les petits enfants, la tête tournée en arrière tandis qu'on l'entraîne par la main ! Puisqu'il ne cessera de crier à tous ces gens qui lui tournent le dos : Mais moi, je vous aimais...
Tiens, voilà le petit con, dit le bistrot sans méchanceté, et l'un des consommateurs ouvre grand la bouche, en imitant Yann, pour faire rigoler les autres. Ils rigolent, sans méchanceté eux non plus. Les gens ne sont pas méchants, vous savez : ils n'aiment pas aimer, voilà tout.
Seules les larmes nous gardent le regard assez clair pour reconnaître ceux qui vivent hors du temps.
Ce n'est pas la pauvreté mais l'abandon qui fait le vieux. (p.397)
Le désespoir, c'est de la lâcheté avec un peu de romantisme autour, rien d'autre! (p.380)