Dans la famille Holleeder, il y a d'abord le père : alcoolique et violent qui détruit tout sur son passage, rabaisse femme et enfants et fait régner un climat de terreur dans son foyer. Ouvrier chez Heineken, il se soûle en rentrant de l'usine, distribue raclées et insultes sous l'effet de l'alcool et de la frustration. Il y a la mère, être fragile et docile qui tente tant bien que mal de protéger ses enfants. Il y a Willem, le fils aîné, seul à tenir tête à son père et qui finit par le dépasser en devenant l'un des plus grands criminels des Pays-Bas, le célèbre "Neus" (le Nez). Avec comme premier haut fait d'armes, l'enlèvement en 1983, à vingt-cinq ans, du patron d'Heineken, Freddy Heineken et son chauffeur, Ab Doderer. Fort de cette réputation et tout en purgeant une peine de prison, Willem Holleeder va se transformer en chef de gang, prêt à tout pour régner sur un monde mafieux qu'il va contribuer à bâtir.
De prisons en prisons, la petite frappe va se muer en meurtrier assoiffé de sang et de pouvoir, "Scarface" hollandais, sans scrupule, soupçonné d'avoir commandité le meurtre de son meilleur ami et beau-frère, Cor. Et puis il y a Sonja et Astrid Holleeder, les deux soeurs, deux femmes qui un jour vont trouver le courage de dénoncer ce frère qu'elles ne reconnaissent plus, monstre de cruauté. Témoignages, enregistrements clandestins, les soeurs vont se faire Judas et envoyer leur cher frère en prison.
Ce thriller du réel, entre Roberto Saviano et Gitta Sereny, nous plonge au coeur d'une histoire de trahison, de crime, de haine et d'amour qui n'a rien à envier aux tragédies grecques ni au "Parrain".
Traduction de Brigitte Zwerver-Berret et Yvonne Pétrequin
Pour en savoir plus : https://bit.ly/2OwrxbW
Nous suivre :
Instagram : https://bit.ly/2CJJdhB
Facebook : https://bit.ly/2Wprx1O
Twitter : https://bit.ly/3h1yr5p
+ Lire la suite
Les réactions au livre ont révélé un autre aspect, d'après moi très significatif : le refus, chez certains commentateurs, de croire les souvenirs de Mary. Ils jugeaient impossible qu'elle eût été abusée sexuellement de 4 à 8 ans par les clients de sa mère [prostituée] et en présence de celle-ci. Cela démontre, une fois de plus, que quelques experts - ils sont peu nombreux, mais tenaces - et un grand nombre de personnes tout à fait convenables demeurent incapables de supporter l'existence même de la pédophilie, ce qui, étant donné le nombre de faits qui devraient s'imposer à eux, est presque aussi stupéfiant que la pédophilie elle-même.
Quiconque a travaillé auprès d'enfants abusés sexuellement sait à quel point ils ont du mal à en parler. Ils ne comprennent pas l'horreur de ce qui se passe, d'autant qu'ils sont soumis à un lavage de cerveau de la part de leur père ou de leur mère, ou des deux, consistant à leur faire croire que ce qui leur arrive arrive à tous les enfants. De sorte que nous sommes, encore aujourd'hui, souvent incapables de détecter et par là de prévenir ces abus.
(p. 484-485)
... lorsqu'il y a un plus fort et un plus faible, le plus faible rend l'autre plus fort en se montrant plus faible...
Les travailleurs sociaux [...] sont souvent extrêmement protecteurs de la vie privée de leurs 'clients'. On peut comprendre pourquoi, mais dans la pratique, leur priorité étant - si les parents ne sont pas notoirement négligents ou abusifs - de maintenir les familles unies à presque n'importe quel prix, cette apparente bienveillance a pour résultat de mettre les enfants en danger.
(p. 110)
Elle avait un oiseau, une mésange bleue qu'elle nourrissait tous les matins. J'ai vu plusieurs fois ce petit oiseau, il semblait l'attendre, toujours au même endroit. Quand quelqu'un s'approchait, elle faisait semblant de le chasser, ça ne se faisait pas de montrer de la tendresse en prison.
(p. 295)
[l'auteur en conclusion]
Je voulais montrer comment une histoire aussi terrible pouvait avoir lieu, mettre en lumière les nombreuses failles qu'elle révèle. D'abord dans la famille, mais aussi dans la société, quand la parentèle se protège en resserrant ses rangs contre les étrangers sans se préoccuper des conséquences, quand les voisins ferment les yeux, quand les policiers sous-estiment le danger des conflits parents-enfants et le plus souvent prennent la défense des parents (sauf dans les rares cas où des enfants dénoncent des abus sexuels), quand les travailleurs sociaux protègent leur relation avec ces derniers aux dépens des enfants, quand les instituteurs, débordés, mal formés à la détection des troubles psychologiques, ne voient pas ce qu'ils ont sous les yeux...
Dans le monde anglo-saxon, et particulièrement en Grande-Bretagne, nous ne nous contentons pas d'être discrets, nous vouons un culte à la vie privée. Nous n'observons pas les enfants de nos voisins. Surtout, nous ne les écoutons pas, nous ne sommes pas - pardonnez-moi de le répéter encore - à l'écoute de leurs cris, de leurs pleurs, de leurs appels.
(p. 479)
« Je pense qu'il faut que quelqu'un comprenne et explique comment des crimes aussi terribles que ceux commis par Mary [Bell en 1968], celui des deux garçons de 10 ans qui ont tué James Bulger [1993, Royaume-Uni] et beaucoup d'autres, commis par des enfants, peuvent se produire. Il n'est pas question de chercher des excuses ou de légitimer de tels actes, mais devant l'horreur du public, pleinement justifiée, et la rapide acceptation du terme 'diable' pour désigner les responsables, les gens ont tendance à oublier qu'il s'agit ou s'agissait d'enfants. Il s'agissait d'enfants, avait-elle répété avec emphase. Des enfants qui, avant ce qu'on pourrait appeler leur 'explosion' dans ces actes de violence, portaient un poids inconnu ou ignoré par tous les adultes responsables. »
D'expérience, elle savait que des enfants comme Mary et les deux jeunes meurtriers de James Bulger étaient bien trop jeunes pour comprendre eux-mêmes l'impact de leur enfance malmenée sur leurs actes.
(p. 40)
En prison, ce que tout le monde combattait sans relâche, c'était la monotonie. « Comme je vous l'ai dit, la semaine on faisait toujours la même chose et les week-ends, c'était pire : si vous n'aviez pas de visite, il n'y avait rien à faire, absolument rien. C'était l'ennui, l'ennui, l'ennui, donc même si c'était horrible pendant la semaine, on attendait impatiemment le lundi pour retourner au travail. En même temps, ils essayaient de nous rendre la vie plus supportable, en nous faisant changer de lieu de travail tous les trois mois et même avant si on s'appliquait. »
(p. 295)
- Evidemment, j'ai repéré qu'il y avait beaucoup d'autres relations [entre détenues] et à quel point ces relations tenaient une place importante dans la vie de la prison - la seule forme de contact dénuée d'agressivité, vous voyez. Surtout pour les femmes qui étaient habituées... pas seulement à une vie sexuelle régulière... mais à être avec quelqu'un, à vivre et à dormir avec quelqu'un. Bien sûr de telles femmes - et, honnêtement, il s'agit de la plupart des femmes - vont avoir besoin de poursuivre cette vie. J'ai très vite compris que ce n'était pas seulement une question de sexe. Les plus vieilles - certaines détenues étaient très vieilles, il y avait une Grecque de 80 ans qui purgeait une peine de dix ans - voulaient juste des câlins. Les sentiments, le désir, les besoins ne disparaissent pas parce que vous êtes en prison. En fait, ils s'intensifient. Je veux dire que là-bas, il n'y a rien d'autre à faire que de penser... eh bien... aux sentiments.
- Vous voulez dire au sexe ?
- Ouais mais plus... plus que ça.
(p. 280-281)
(...) personne, même s'il l'éprouve, ne peut manifester du chagrin en continu.
Leurs révélations sont monstrueuses, et incompréhensibles. Le 2 février, Jonathan et Robert ont fait I 'école buissonnière. À leur arrivée au centre commercial, après quelques larcins (les fameuses piles faisaient partie du butin), ils ont cherché à kidnapper un enfant. Ils ont essuyé un échec auprès
d 'un premier petit garçon, de deux ans lui aussi, rattrapé in extremis par sa mère. Puis ils ont trouvé James Bulger.