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Critiques de Gitta Sereny (102)
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Des enfants tuent un enfant

L'histoire est insoutenable, qui secoua la Grande-Bretagne puis le monde au début de l'année 1993.

Comment deux enfants de dix ans avaient-ils pu faire ça?

Gitta Sereny, journaliste d'investigation, tente de comprendre et de faire comprendre... Car il y a eu un avant à cette journée abominable d'une école buissonnière qui tourne au cauchemar, et un après qui n'en finit pas avec ses autres cauchemars et ses effets pervers.

Gitta Sereny pointe du doigt cet archaïsme, qui consiste à juger les deux petits criminels comme des adultes. Elle montre aussi les failles de systèmes sociaux parfois aveugles sur des situations familiales souvent perturbées.

Pour autant, même si certaines lumières se font, personne ne peut vraiment saisir ce qui a conduit Jonathan et Robert à commettre une telle atrocité. Les petits meurtriers eux-mêmes le savent-ils exactement?

Raison pour laquelle, ces enfants n'auraient pas dû être jugés comme adultes.

Le récit de l'affaire Bulger, est suivit de celui d'une affaire similaire survenue en... 1861: L'affaire Burgess. Très intéressante, par le jugement étonnant pour l'époque (les enfants assassins étaient âgés de huit ans!) rendu à l'époque...

Voilà donc un livre passionnant, mais difficile par les faits qu'il relate.

Un livre qui ne peut que questionner bien plus qu'il ne révèle.

Le lire, donc.
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Une si jolie petite fille

Mary Bell avait 11 ans lorsqu'elle fut reconnue coupable du meurtre de deux petits garçons de 3 et 4 ans, cela se passait en 1968 en Angleterre et à l'époque, les enfants de plus de 10 ans étaient jugés comme des adultes.

Elle fut donc condamnée à aller en prison.

L'auteur a rencontré Mary Bell à de très nombreuses reprises et ce, pendant plus de trente années, ainsi que plusieurs membres de sa famille et de nombreux membres du personnel des différents endroits où elle fut enfermée au cours des années.



Elle s'interroge sur le fait que dans les années 60-70 personne ne conseillait de faire soigner les enfants criminels, aucune aide psychologique ou psychiatrique n'était apportée, les enfants emprisonnés n'avaient accès ni à l'école ni à aucune sorte d'éducation ou de formation professionnelle et bien sur ils n'étaient en rien préparé à une éventuelle vie d'adultes en dehors de la prison.



En somme, lors du procès, personne ne s'est réellement demandé pourquoi une petite fille de 11 ans avait bien pu tuer deux petits garçons si jeunes.

Avait-elle une famille heureuse, présentait-elle un handicap, avait-elle des prédispositions à la violence, avait-elle déjà fait du mal auparavant à d'autres personnes, avait-elle elle-même subit quoi que ce soit de douloureux ou de traumatisant ?

Mary Bell sera finalement libérée une fois adulte mais la presse et la vindicte populaire la poursuivra pendant des années, l'obligeant à changer de nom et à déménager souvent.



L'auteur de ce documentaire pose une question à la toute fin de l'ouvrage, elle se demande combien de temps une personne ayant été jugée et punie pour un crime doit-elle encore "payer" pour cela même après sa libération.

En somme, y a t-il une rédemption possible ?



Ce documentaire est passionnant mais le sujet difficile et les révélations qui viennent s'ajouter tout au long des chapitres font que je n'ai pas pu le lire d'une seule traite, mais que je l'ai découvert peu à peu, en alternant avec des lectures plus légères.

Pour tout ceux qui s'intéressent au thème des enfants criminels, ce document est édifiant car il révèle ce qu'était la réalité d'une époque pas si lointaine.

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Une si jolie petite fille

Le 17 décembre 1968, Mary Bell, une fillette de 11 ans, est condamnée à la prison à perpétuité par le tribunal de Newcastle pour homicide involontaire avec responsabilité atténuée.Quelques mois plus tôt, elle avait en effet causé la mort de deux enfants, Martin Brown, 4 ans, et Brian Howe, 3 ans.

A l'époque, Gitta Sereny qui couvrait le procès pour son journal, est horrifiée de voir cette enfant jugée comme une adulte, maltraitée par la presse, poursuivie par la vindicte populaire et qualifiée de psychopathe par des psychiatres qui l'ont à peine entrevue. En 1972, elle publie Meurtrière à onze ans : Le cas Mary Bell où elle dénonce le traitement infligé aux enfants tueurs en Angleterre, après une longue enquête auprès de la famille de Mary et de tous ceux qui, de près ou de loin, sont intervenus dans son arrestation et son procès. Lors de ces interviews, elle découvre les mauvais traitements dont a été victime Mary durant sa petite enfance et qui expliquent partiellement sa violence future.

En 1998, soit 30 ans après les faits, elle revient sur cette affaire qui continue ponctuellement d'intéresser la presse anglaise. Cette fois, elle s'entretient avec Mary elle-même, revenant avec la principale intéressée, sur les meurtres, le procès, la prison, la libération.



Quand un livre est en lice pour le prix du meilleur polar Points, on s'attend, peut-être à tort, à lire un polar. Or il ne s'agit ici ni d'un polar, ni d'un roman mais bel et bien d'un travail journalistique d'envergure mené par Gitta Sereny, en étroite collaboration avec Mary Bell, la ''meurtrière du onze ans'' devenue une femme libre après douze années derrière les barreaux. La première surprise passée, on entre dans la vie de celle qu'on appelait May, de ses crimes à sa libération, en passant par ses années de prison et son enfance tourmentée. Sans voyeurisme ni parti pris, Gitta Sereny raconte le parcours familial et judiciaire d'une petite fille broyée par le système. Son propos n'est pas d'excuser les crimes mais d'expliquer les faits qui ont conduit au passage à l'acte et surtout de dénoncer la justice anglaise qui traite les enfants criminels comme des adultes. Sous-jacente, la question est aussi de savoir pour combien de temps on est redevable à la société des crimes que l'on a commis. Doit-on payer toute sa vie ou une rédemption est-elle possible ?

Sentiments ambivalents à la lecture de ce livre dur et violent. Les meurtres effroyables et la personnalité trouble de Mary sont contrebalancés par la révélation des mauvais traitements infligés par sa mère et par la punition imposée par les juges. Une enfant si jeune enfermée sans espoir de libération, intégrée à une prison pour femmes dès l'âge de 16 ans et durant des années jamais suivie psychologiquement ou psychiatriquement, peu ou mal préparée à une éventuelle sortie, forcément cela interpelle sur la façon dont une société gère le cas des enfants délinquants...Et en amont, la prévention est à revoir. Avant son passage à l'acte, Mary a lancé plusieurs appels à l'aide mais les services sociaux et la famille sont restés sourds à sa souffrance, par manque de moyens et soucis de discrétion. Prise en charge plus tôt, Mary n'aurait sans doute pas tuer...

Un livre fort, passionnant à certains égards mais qui souffre de certaines longueurs et n'entre pas dans le cadre du polar.
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Une si jolie petite fille

En décembre 1968, Mary Bell, onze ans, a été condamnée pour 'homicide involontaire avec responsabilité atténuée', après avoir tué deux petits garçons de trois et quatre ans.



Malgré son jeune âge, Mary Bell a été jugée comme une adulte. Quid de la responsabilité pénale des enfants ? De leur notion du bien et du mal ? De ce qu'ils ont eux-mêmes subi pour en arriver là ? Un tueur est-il forcément un monstre, quel que soit son âge ?

Mary Bell a été envoyée en prison dès 16 ans. Pourquoi ? Quelle est la fonction de l'emprisonnement ? Protéger les citoyens ? Punir les criminels ? Les remettre dans le droit chemin grâce à un système éducatif approprié, dont ils ne pourraient pas bénéficier dehors ? Hélas, les moyens manquent pour l'enseignement et la réinsertion...

Et après ? Une fois la peine purgée ? Le coupable doit-il continuer à payer en se cachant, sous peine d'être harcelé par les médias, chassé par les 'honnêtes citoyens' ? Un enfant qui a tué reste-t-il dangereux ?



Même si cet ouvrage fait partie de la sélection 'Prix du Meilleur Polar Points 2016', il ne s'agit pas d'un roman policier, mais d'un documentaire.

Après avoir rencontré Mary Bell enfant pour un premier ouvrage sur cette affaire ('The Case of Mary Bell', 1972, consacré aux meurtres et au procès), la journaliste d'investigation Gitta Sereny a de nouveau travaillé avec elle trente ans plus tard. Elle a recueilli ses témoignages et ceux de personnes qui l'ont côtoyée et/ou accompagnée.

L'idée de l'auteur n'était pas de publier un livre à sensation, mais de retracer le parcours de Mary (de sa naissance non désirée à sa vie de femme et de mère, en passant par la case prison) pour comprendre comment les enfants peuvent déraper, pourquoi les enfants meurtriers sont de plus en plus nombreux. A travers ce cas et celui, plus récent, de l'affaire James Bulger, le lecteur est invité à réfléchir sur les systèmes judiciaires et pénaux - appliqués aux mineurs, notamment - et à s'indigner, forcément.



Le récit est minutieux, fouillé, la lecture est dérangeante, même si Gitta Sereny évite de s'appesantir sur les détails sordides. L'auteur sait montrer que Mary Bell, victime de maltraitances maternelles, « n'était rien d'autre qu'une enfant désorientée à qui un jour on avait fait quelque chose d'affreux ». Son écoute attentive, respectueuse, met Mary Bell en valeur sans la dédouaner de ce qu'elle a pu commettre - la journaliste rappelle fréquemment la douleur des proches des deux petites victimes.



Le titre original est plus pertinent que sa traduction française (on s'en fiche qu'elle ait été jolie ou moche lorsqu'elle a tué, Mary, à onze ans !) : 'Cries Unheard, the Story of Mary Bell' :

« Mary Bell n'était pas un assassin mais une enfant maltraitée à qui on n'a pas porté secours », conclut l'auteur, avant de préciser : « [...] en Grande-Bretagne, nous ne nous contentons pas d'être discrets, nous vouons un culte à la vie privée. Nous n'observons pas les enfants de nos voisins. Surtout, nous ne les écoutons pas, nous ne sommes pas - pardonnez-moi de le répéter encore - à l'écoute de leurs cris, de leurs pleurs, de leurs appels. »

C'est terrifiant.



• Un autre récit (fictif cette fois ?) sur un enfant meurtrier : 'L'affaire Jennifer Jones', d'Anne Cassidy - aussi bouleversant et intelligent que ce documentaire de Gitta Sereny.
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Une si jolie petite fille

En 1968, à Newcastle, Mary Bell, une fillette de onze ans, assassine deux enfants de 3 et 4 ans à quelques semaines d’intervalle. 26 ans après la parution de Meurtrière à 11 ans en 1972, un document retraçant les étapes de l’affaire, Gitta Sereny décide de rencontrer la jeune femme, alors âgée de 40 ans et mère d’une petite fille, afin de comprendre les raisons pour lesquelles une enfant de 11 ans peut commettre des actes aussi horribles et quelles conséquences peuvent avoir des années d’emprisonnement sur le développement psychologique des enfants. Ce livre est le résultat de 7 mois d’entretien où sont évoqués les circonstances du drame, le procès, les années d’emprisonnement, la difficile réinsertion dans la société, pour finir par l’évocation douloureuse de la petite enfance et des traumatismes subis. Ce tragique portrait d’une femme plongée dans le chaos par les actes horribles commis dans son enfance se double d’une réflexion sur l’impuissance de la justice à juger les crimes commis par les mineurs et à proposer des mesures d’accompagnement et de soins. Bien que centré sur le système judiciaire anglais, ce récit peut se transposer aisément à d’autres systèmes. Il est un appel à soigner ces enfants en déshérence, abandonnés par nos sociétés plus préoccupées à se protéger qu’à prévenir. Il est difficile de rester insensible à ce récit qui se conclut par cette phrase de l’auteur : « Je pense que la plupart d’entre nous sommes dorénavant d’accord pour affirmer que Mary Bell n’était pas un assassin. Elle fut une enfant maltraitée à qui personne ne porta secours ; elle n’incarnait pas le mal, elle ne cherchait pas à faire le mal. Elle était désespérée, et c’est ce désespoir qui a conduit à la tragédie ».
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Des enfants tuent un enfant

Des enfants qui tuent un enfant recense deux articles fouillés de la spécialiste du genre, Gitta Sereny. Le titre laisse peu de place au flou artistique et l'on sait, en le commençant, qu'on en ressortira ébranlé. En effet, à l'instar des protagonistes - policiers, accompagnateurs sociaux, témoins, etc - qui intervinrent, il est mentalement très difficile d'accepter la réalité criminelle d'enfants à peine plus âgés que leur victime.



La première partie traite de l'affaire du petit James, deux ans, littéralement massacré par deux gamins de dix ans en 1993 à Liverpool - affaire qui avait défrayé la chronique tant en Angleterre que dans le monde entier.

La seconde, très similaire, remonte à 1861, toujours en Angleterre. La victime a également deux ans, ses meurtriers, huit...

Gitta Sereny s'étend plus sur la première affaire, ayant pu rencontré les intervenants et les familles des jeunes criminels. Elle s'emploie à dépeindre les conditions de vie des enfants, sans jugement accusateur ni fausse compassion qui excuserait tout. La qualité de son approche mérite d'être soulignée.



En parallèle du récit des faits, la journaliste interpelle sur les procédures judiciaires pour mineurs en Angleterre, qu'elle juge archaïques et apportant plus de problèmes qu'elle n'en résoud. Elle s'interroge également sur les suites à donner à de telles affaires mettant en cause de si jeunes enfants. Quelle peine affliger? Peut-on estimer que leur cas ressort de soins psychiatriques, d'une sanction de type carcéral ou d'une rééducation? Et de comparer les jugements rendus en 1861 et 1993, avec quelques surprises pour nous lecteurs.



En tout cas, un livre qui ne peut laisser indifférent puisque touchant à un sujet particulièrement noir et difficile. J'ai beaucoup apprécié la façon dont Gitta Sereny a traité son sujet, avec profondeur et sobriété, sans exhibitionnisme malsain. Il me reste à lire son précédent ouvrage sur un autre enfant meurtrier, Une si jolie petite fille.
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Dans l'ombre du Reich

Difficile de noter ce livre car l'auteure s'y engage entièrement en tant que personne. le noter lui, c'est la noter elle...Et elle me met mal à l'aise, très mal à l'aise, et c'était déjà le cas avec "Une si jolie petite fille".

Ce qui me met mal à l'aise, ce sont d'abord des phrases comme "à la fin de cette soirée il (Albert Speer !!!!!) s'était lié d'amitié avec mon mari." (chapitre sur son interview de Speer, dans sa splendide maison de Heidelberg...Les travailleurs-esclaves des Nazis sont loin )...ou encore " cela se passait avant que je ne finisse par l'apprécier (toujours Speer !!!) mais, à la fin de nos trois premières semaines, je jugeai sincère, et j'aimai, ce sentiment de culpabilité en lui "(pages 370-371)...Non mais cocotte, t'as fumé quoi ??? Tu parles du favori d'Hitler, d'un de ses ministres les plus importants, organisateur du travail forcé dans les camps de concentration, responsable de la mort de milliers (dizaines? centaines ? ) d'entre eux, et qui voulait certes les conserver en vie un peu plus longtemps, mais dans une optique de productivité...voir les articles historiques sur cet aimable individu. Il a nié pendant 20 ans avoir connu la solution finale...Mais finalement, quand il n'a plus risqué d'être pendu, il a dit que oui, finalement, effectivement, "ma principale culpabilité réside dans l'acceptation tacite de la persécution et du meurtre de millions de Juifs" (p 389). le pauvre, il se sent coupable...Sortez les mouchoirs. Et notre Gitta de conlure : "C'est un homme hanté, qui a bataillé pendant trois décennies durant pour reprendre possession de sa dignité perdue" (30 ans c'est pas assez, c'est 3000 ans qu'il faut)."A moins que nous déniions à tous les hommes la capacité à se régénérer (nous la dénions effectivement dans certains cas de génocides), cet homme, je crois" (ferme-la, Gitta, avant de dire une connerie)" doit maintenant avoir droit à la paix" (en enfer avec Attila, Staline, Pol-Pot, son cher ami Hitler, ses autres copains Göring, Goebbels, Himmler, Bohrmann, Heydrich, que du beau monde, grillez bien en paix.)Bon, vous l'aurez compris, le chapitre sur Speer, à mon humble avis, c'est du grand n'importe quoi.

Après, il y a l'interview de Stangl, le commandant du camp d'extermination de Treblinka, qui est exceptionnelle. Pourquoi ? A mon avis, car Stangl n'est pas un grand bourgeois, comme Speer (et Gitta, issue d'une famille très bourgeoise, artiste, cosmopolite, a pu se laisser complètement embobinée par un homme très séduisant et manipulateur, d'un milieu comparable au sien). Pas d'affinités entre eux, pas de séduction, une femme froide à l'écoute. Et là, vraiment, on a un texte extraordinaire. Elle lui laisse l'espace pour parler, et lui, il parle sans doute comme jamais. Dix neuf heures après un des derniers entretiens prévus, il meurt d'une crise cardiaque. Pas de coïncidence, sans doute.

Voilà. de l'exceptionnel, et du délirant. Gitta Sereny peut se faire manipuler. Son éducation, son milieu social très favorisé, l'empêche de voir certains éléments évidents, comme l'argent, dans le cas de Stangl. Elle n'évoque jamais les questions de rémunération, qui ont pourtant dû être un moteur fondamental dans la motivation de ces hommes. Elle vit dans un monde très abstrait, très désincarné, très dénué de sang et de chair. Comme si les morts étaient des idées "crime contre l'humanité, "crimes de guerre", et non des corps empilés dans des fosses, alors, évidemment, c'est plus facile d'être copine avec un Nazi non repenti (François Genoud, pp 313 sqq) "François Genoud, un Suisse d'une scrupuleuse honnêteté qui , au plan idéologique, était resté un nazi, et qui, avec son épouse, furent de bons amis de Don et moi de 1976 à sa mort en 1996. (p 302) Scrupuleuse honnêteté, plan idéologique, nazi, bons amis, pas de souci...Voilà, ça reste des idées...Mais ce ne sont pas des idées, ce sont des faits, des chairs sanglantes, le typhus, des morts de faim et de soifs, des tortures inimaginables... Lire Charlotte Delbo, Primo Levi, le Journal d'Anne Franck SVP...

Enfin bref, vous voyez, c'est bizarre, ce livre. J'ai mis trois étoiles pour les chapitres ahurissants, mais pour certains, c'est zéro pointé.
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Une si jolie petite fille

J'ai eu étonnamment beaucoup de mal à venir à bout de l'ouvrage de Gitta Sereny. Je n'ai pourtant aucun reproche à faire sur le travail documentaire que l'auteur a effectué sur le destin de cette petite fille anglaise, qui à l'âge de onze ans, a tué deux jeunes enfants.

Je me suis vraisemblablement faite avoir par le macaron apposé sur la couverture « Prix du meilleur polar des lecteurs de Points ». Il n'y a pourtant rien de romancé dans « Une si jolie petite fille ». Jusque dans la forme, on découvre très vite que le livre est bien un pur document retraçant le parcours de la jeune Mary Bell, juste avant le drame, pendant son procès, puis sa détention, et enfin, ce qu'elle est devenue ces dernières années. Pendant presque cinq cent pages, l'auteur fait un récit détaillé de ce qu'ont vécu l'enfant et son entourage en intercalant des témoignages des personnes citées.



La redondance dans la forme des entretiens et le soin que porte Gitta Sereny aux lieux et aux personnes concernées n'a pas facilité ma lecture. Mon intérêt ne s'est éveillé que lorsque l'auteur souligne l'incapacité des structures de l'époque – et c'est malheureusement encore le cas aujourd'hui – à prendre en charge correctement une enfant, qui malgré son terrible crime, avait une sensibilité, une histoire. Il faut saluer l'impartialité de Gitta Sereny qui s'attache à relater les faits sans juger hâtivement, sans condamner même lorsqu'elle évoque ce qu'a subi Mary dans son enfance.

Malgré tout, cet ouvrage reçu dans le cadre de Masse Critique m'a amenée à m'interroger et me renforce dans ma conviction qu'il n'y a pas de question de « Mal », même dans les meurtres les plus atroces. Ainsi, je m'interroge encore : à quel âge le jeune est-il conscient de la portée de ses actes ? En quoi le passé peut-il déterminer nos actions futures ? Une rédemption est-elle toujours possible ?



En me penchant sur un tel fait divers, je savais que je ne resterais pas insensible, mais je ne m'attendais pas à être si révoltée par les structures censées préparer la réinsertion de Mary. Une phrase m'a particulièrement glacée, celle du docteur Chamarette, à propos du séjour de Mary en prison : « C'est assez incroyable que personne n'ait essayé de l'aider à se confronter à elle-même avant aujourd'hui. Cela montre à quel point on accorde peu de valeur aux êtres humains. »

Les dernières pages sur la mère de la jeune criminelle et tout ce qu'elle lui a fait subir sont extrêmement dures et j'ai été choquée de voir à quel point la jeune Mary avait été traumatisée.



Ainsi, même si ma lecture a été plutôt laborieuse, je reconnais que Gitta Sereny nous livre un portrait extrêmement complet et complexe de Mary Bell, qui nous fait nous rendre compte qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire dans l'accompagnement des enfants criminels.

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Dans l'ombre du Reich

Recit boulversant mais quelque peu inquietant quant on prend en compte la position de l'auteur par rapport aux criminels de guerre nazi.

Je pensais que cet ouvrage serait une reflexion quant aux facons dont le peuple allemand s'est accomode ou s'en est sorti avec sa culpabilite quant aux horreurs qui se sont deroulees sous le regne des nazis.

Eh bien non!Grosse deception;il s'agit tout au plus de dialogues et d'analyses journalistiques des dignitaires nazis.Le chapitre Albert Speer et Globonic sont tres révélateurs des sympathies inspirees par ces monstres a l'auteur

Ce livre n'a pas eu la consistance que j'en attendais
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Une si jolie petite fille

Ce roman aborde le sujet douloureux et controversé de la loi codifiée pour des adultes et appliquée à des enfants qui ne sont pas en mesure de la comprendre.

A travers l'histoire dramatique de Mary Bell,meurtrière à 11 ans de 2 enfants de 3 et 4 ans,l'auteur pose des questions qui pourraient faire changer le point de vue de bon nombre d'entre nous:Un enfant peut-il être un monstre,peut-il changer s'il est écouté et soigné par des professionnels,l'amour et l'admiration peuvent-ils lui servir à trouver le cadre qui lui manque pour être "sociabilisé".

L'auteur tente de comprendre ce qui a pu amener "une si jolie petite fille" à accomplir l'irréparable.Elle n'excuse pas le geste,elle le replace dans son contexte de l'époque.Dans une société moderne où l'analyse tient une place prépondérante,peut-on encore envisager de punir à vie un enfant perdu.

Un roman très enrichissant qui peut faire évoluer les mentalités.A lire avec un esprit ouvert.
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Une si jolie petite fille

Newcastle 1968. Mary Bell, 11 ans, assassine 2 petits garçons de 3 et 4 ans. Un crime qui horrifie l'Angleterre. Mary est vue comme "démoniaque". La petite fille est jugée comme une adulte. Pas de recherches sur la famille, pas de tentatives pour comprendre. Elle est condamnée à la perpétuité. Mais rien n'est prévu pour elle et rien ne le sera jamais; Gitta Sereny, journaliste, mène l'enquête, va essayer de comprendre comment et pourquoi une petite fille en vient à tuer. Elle va découvrir les horreurs que Mary Bell a vécu depuis sa naissance. Cette enquête veut servir d'exemple pour réfléchir: la culpabilité, la punition, les préjugés, le mal, la rédemption etc....

Une enquête passionnante. Un livre d'une grande exigence et une leçon d'humanité.
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Une si jolie petite fille

Enquête journalistique remarquablement détaillée et complète, menée par Gitta Sereny, sur une affaire qui secoua le Nord de l’Angleterre en 1968. L’affaire MARY BELL, du nom de celle qui, a 11 ans, tua deux jeunes garçons de 3 et 4 ans à 9 semaines d’intervalle par strangulation dans un quartier populaire de Newcastle. Après 2 semaines de procès, Mary Bell sera reconnue responsable devant un tribunal d’adultes et condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité…

La journaliste revient tout d’abord sur les circonstances des deux crimes, non pas pour remettre en cause la culpabilité de Mary mais davantage pour mettre en exergue les failles du système judiciaire anglais. La culpabilité est d’autant moins questionnable que la petite fille montre un certain aplomb face aux adultes et qu’elle ment beaucoup durant le procès. Si la culpabilité est donc assez claire, cette histoire n’en demeure pas moins énigmatique au regard tout d’abord de l’absence de conscience de la petite fille de ses actes. Pendant très longtemps, elle n’aura pas la conscience d’avoir commis l’irréparable. D’ailleurs lorsqu’à 16 ans, après une période transitoire dans un centre de réhabilitation, on la conduira en prison, sa 1ère réaction sera « mais qu’est ce que j’ai fait ? ». L’énigme de cette histoire se situe également dans les raisons qui ont conduit Mary à tuer ses 2 garçons, et c’est là où le travail journalistique et l’acharnement de G. Sereny prend tout son sens. Sans trahir le secret effroyable qui sera révélé dans les dernières pages, il faut aller chercher dans le contexte familial de Mary, entre un père voyou et une mère profiteuse.

La construction de cette enquête est remarquable car elle fait évoluer les sentiments du lecteur. Le début de la narration est peu propice à l’empathie, même si la journaliste n’en manque pas, mais au final il est difficile de ne pas croire que la compréhension et la rédemption sont possibles.

Mary Bell sortira de prison à l’âge de 23 ans et obtiendra, fait unique en Angleterre, la reconnaissance par la loi d’un droit immuable à l’anonymat.

Gitta Sereny a consacré une bonne partie de sa carrière professionnelle et deux ouvrages à cette histoire dont celui-ci qui a été publié en Angleterre en 1998. Elle est décédée en 2012 et aura réussi à travers ces pages à mener une enquête que la Police elle-même n’a jamais réussie, et notamment sur les origines psychologiques d’actes meurtriers.

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Une si jolie petite fille

Ceci n'est pas un polar (comme on pourrait le penser au départ) mais l'histoire vraie de Mary Bell, fillette qui avait onze ans lorsqu'elle tua deux petits garçons de 3 et 4 ans en Angleterre en 1968.



L'auteur nous retrace ici l'histoire de Mary Bell et surtout se pose les vraies questions à savoir que même si ses crimes sont affreux, qu'est-ce qui peut pousser une fillette de 11 ans à tuer ? Quel était son passé ? et surtout... la suite. Quel avenir pour Mary Bell qui fut enfermée en maison d'éducation à 11 ans puis emprisonnée à 16 ans. Elle ne ressortira que des années plus tard, ne connaissant rien de la vie à l'air libre...



Très beau travail de journaliste d'investigation qui pousse à se poser des questions sur la justice des mineurs et des moyens mis en place (ou non) afin de traiter ces phénomènes de société...
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Une si jolie petite fille

Gitta Sereny (Vienne 1921 - Cambridge 2012) est une journaliste d'investigation habituée aux sujets lourds - enfants dans les camps de réfugiés à la fin de la seconde guerre mondiale; accusés de crimes de guerre- et elle s'est intéressée sur des années à Mary Bell. En 1968, à Newcastle sur Tyne, deux petits garçons de trois quatre ans sont retrouvés assassinés à quelques semaines de distance. Après jugement par un tribunal pour adultes, Norma Bell, 13 ans, est acquittée et Mary Bell, 11 ans est condamnée à la prison à vie(avec situation reconsidérée à intervalles réguliers) , reconnue 'coupable d'homicide involontaire pour cause de responsabilité atténuée'. En 1968 Gitta Sereny avait assisté au procès et en 1972 avait écrit Meurtrière à 11 ans, après avoir rencontré ceux qui connaissaient la fillette.

De 1995 à 1998 elle rencontre Mary Bell, à cette époque sortie de prison, après avoir connu de 11 à 16 ans un établissement pénitentiaire où elle était la seule fille (!)(elle n'a pas été envoyée en hôpital pour être prise en charge car il semble que ça n'a pas été possible) puis après 16 ans la prison pour femmes. De leurs entretiens sortira ce nouveau livre, Cries unheard, le titre anglais, étant bien plus parlant.



C'est une lecture passionnante, et, vous le pensez bien, éprouvante quand même. Fort heureusement, rien de glauque là dedans, absolument pas de voyeurisme, pas question non plus d'oublier les petites victimes et leurs familles. Gitta Sereny ne croit pas sur parole Mary Bell, elle repose les questions patiemment, elle s'appuie sur d'autres rencontres, des dossiers, etc. Les rencontres entre les deux femmes s'étalent sur des mois. L'on apprend comment ces années se sont déroulées pour Mary Bell et les relations effarantes avec sa mère Betty ("elle a gagné sa vie en étant ma mère")(et ce n'est pas vrai seulement à cause de l'intérêt médiatique suscité par sa fille).

Ces crimes auraient-ils pu être évités si l'entourage, les services sociaux, la police avaient tenu compte de signes avant coureurs? Un enfant de 11 ans réalise-t-il comme un adulte ce qu'est la mort? La réhabilitation est-elle possible? Des tas de questions sont posées par l'auteur. Je pense que c'est un livre à lire sans peur, il est très dense, il remue, certains faits sont sidérants, mais pas question de se voiler la face, cela existe. A lire - en choisissant le bon moment - mais à lire!
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Une si jolie petite fille

À noter en préambule que contrairement à ce que pourrait laisser croire la pastille " Prix du meilleur polar" apposée sur la version poche de ce livre, il ne s'agit en aucun cas d'un roman policier.



Gitta Sereny revient sur un fait divers qui secoua l'Angleterre à la fin des années soixante et retrace le parcours de Mary Bell, reconnue coupable du meurtre de deux petits garçons alors qu'elle n'était elle même âgée que de onze ans.

Aucun sensationnalisme dans ces lignes, bien au contraire, l'auteur s'attache toujours à garder une certaine distance vis à vis de son sujet, ce qui rend ses questionnements encore plus pertinents.

Son but, en aucun cas excuser les crimes, mais comprendre comment une enfant de cet âge a pu en arriver à commettre l'innommable et quelle réponse y apporter.

Les sujets abordés sont multiples, de la misère sociale aux carences d'un système judiciaire inadapté, jusqu'à la question morale de la rédemption.

Souvent éprouvant, mais aussi très éclairant...
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Une si jolie petite fille

Comment un enfant peut-il en tuer un autre ? Que se passe-t-il donc dans sa tête ? Comment une fille de 11 ans peut-elle tuer deux garçonnets de 3 et 4 ans ?

Patiemment, minutieusement, la journaliste d'investigation spécialisée dans les traumatismes de l'enfance enquête, non seulement à l'aide des nombreux interviews de la meurtrière, mais surtout à l'aide des multiples témoignages de tous ceux qui l'ont approché de près ou de loin, lui permettant de recouper les informations et de faire apparaitre la vérité.

Ce roman peut donner l'impression que l'autrice prend parti pour la meurtrière, alors qu'elle ne fait que dénoncer les failles des services sociaux et du système judiciaire. Il faut le lire dans son intégralité pour constater l'impartialité de l'autrice et se poser les bonnes questions. Un livre poignant.
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Une si jolie petite fille

" Vous ignorez probablement la tragédie qui s'est déroulée dans la jolie petite ville de Newcastle-sur-Tyne au Printemps 1968. Vous avez oublié, vous étiez trop jeune, peut-être n'étiez vous même pas né, ou viviez-vous dans un pays préoccupé par ses propres problèmes.

En deux mots: à neuf semaines de distance, deux petits garçons âgés de 3 et 4 ans furent retrouvés morts.

Plusieurs mois plus tard, en décembre 1968, deux fillettes étaient jugées pour leur assassinat.

Norma Bell, âgée de 13 ans fut acquittée;

Mary Bell (aucun lien familial) fut condamnée à la prison à vie.

L'affaire fit beaucoup de bruit et Mary Bell, vilipendée à travers tout le pays, fut décrite comme "une mauvaise graine" fondamentalement démoniaque.

Gitta Sereny a couvert le procès de Mary et Norma pour le Daily Telegraph Magazine. Suite à une enquête auprès de l'entourage de la fillette, la journaliste publie un premier livre en 1972, Meurtrière à 11 ans.



Mary Bell sera libérée en 1980 à 23 ans. C'est à l'âge de 40 ans , en collaboration avec Gitta Sereny, qu'elle nous parle, nous décrit ses actes et ses sentiments, le mal qu'on lui a fait et ce qu'on a fait pour elle, ce que fut sa vie. Elle raconte les mois qui ont précédé les deux meurtres, son amitié avec sa petite voisine et co-accusée, Norma Bell, leur vie imaginaire qui devait aboutir à la mort tragique des deux petits enfants.

Elle se souvient de son procès, qui lui semble durer des années, de la vois de ses hommes édifiants dont les propos lui étaient incompréhensibles, et de sa terrifiante certitude qu'on allait l'envoyer à l'échafaud.

Une lecture bouleversante!
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Une si jolie petite fille

Etoiles Notabénistes : ******



Cries Unheard : The Story of Mary Bell

Traduction : Géraldine Barbe



ISBN : 9782757849033



Il était une fois une petite fille, née en Grande-Bretagne, dans le Nord, et que l'on nomma Betty. Sur son enfance personnelle, les lettres adressées à son père, qu'on retrouva après sa mort dans ses affaires, sont assez étonnantes et peuvent prêter à des interprétations carrément inquiétantes. D'autant que, vers quinze / seize ans (si nos souvenirs sont bons), l'adolescente se retrouva enceinte.



Elle donna naissance à une autre petite fille, qu'on finit par baptiser Mary. Au départ, l'enfant ne fut reconnue par aucun père et sa propre mère, sur la table d'accouchement, pria farouchement qu'on "enlevât cette chose" loin de sa vue. Ce fut donc la grand-mère qui prit l'enfant en charge, puis d'autres membres de la nombreuse fratrie de Betty, jusqu'au moment où celle-ci retrouva un "travail" et, apparemment pleine de bonnes intentions, voulut récupérer sa fille.



Le "travail" en question consistait à faire des passes, le plus souvent chez elle. Il n'y a pas de sot métier. le problème, l'odieux problème dans l'affaire, c'est que Betty contraignit Mary, alors toute petite, à se prostituer elle aussi de façon passive, visage voilé, mains et pieds attachés, le tout accompli selon des rituels incontestablement sado-masochistes. Il est crucial d'insister sur le fait que Betty également abusa alors de sa fille. Comme il arrive en pareilles circonstances, sado-masochisme ou pas, l'esprit de l'enfant "fit le noir" sur cette période. Ce qui signifie qu'elle ne l'oublia pas : simplement, afin de lui épargner la folie, son cerveau fourra ces très vilains squelettes dans un placard.



Mais, comme tout squelette de cette race horriblement bruyante et tenace, ceux-là tambourinaient sans cesse pour sortir. Mary avait grandi, elle avait maintenant une vie de famille relativement stable puisque sa mère s'était trouvé un compagnon qui avait adopté l'enfant sans nom, et elle lui avait donné des petits demi-frères et demi-soeurs. La vie était toujours difficile - nous étions en 1968, à Newcastle-upon-Tyne, et les Bell n'étaient pas très riches - mais au moins, ils formaient une famille bien que la relation entre Betty et Mary fût toujours aussi difficile (la petite fille ne comprenait pas pourquoi mais il lui semblait bien que sa mère l'aimait et la haïssait tout à la fois). Comme tous les enfants de son quartier, Mary traînait dans la rue après ses devoirs avec sa meilleure amie, Norma Bell (aucune relation de parenté) et les deux fillettes s'amusaient à des jeux divers.



Pendant ce temps-là, les vilains squelettes, dans leur placard, faisaient de plus en plus de bruit, peut-être parce que s'annonçait, chez Mary, l'âge de la puberté. Et un jour, ou plutôt une après-midi, ils réussirent à s'échapper.



Le résultat fut la mort de Martin Brown, quatre ans et demi, puis de Brian Howe, d'un an plus jeune. Bien entendu, l'enquête s'ouvrit à grand fracas, on fouilla, on traqua, on imagina un pédophile adulte, l'école de Mary et de Norma fut saccagée et des lettres des assassins (car ils étaient deux à signer de surnoms fantaisistes) y furent découvertes, bref, divers incidents eurent lieu et, très bientôt, on comprit que Norma et Mary étaient seules responsables.



La loi britannique, on l'a encore vu lors de l'affaire Bulger (totalement différente, soulignons-le, quant aux parcours des assassins), en 1993, fait comparaître des assassins mineurs devant des cours destinées aux adultes. Et les peines encourues sont les mêmes. En raison de circonstances bien précises que je vous laisse découvrir ou imaginer, Norma fut déclarée non coupable et Mary Bell fut expédiée en prison, ou plutôt dans un Centre Pour Jeunes Délinquants.



Nous passerons sur les longues années et les nombreux établissements, sans oublier les non moins nombreuses personnes, qui, bon gré, mal gré, l'"aidèrent" alors à grandir. Dans son malheur, notons qu'elle eut souvent de la chance en tombant sur des éducateurs et même des policiers, voire, sur la fin de sa peine, sur des prisonnières, qui s'intéressèrent à son cas.



Sa sortie officielle, lorsqu'elle eut fait son temps, souleva des tempêtes dans la presse. Certains étaient pour, d'autre contre. le système judiciaire anglais était une nouvelle fois remis en cause. C'était à nouveau le pavé dans la mare. Mary changea d'identité, se trouva un compagnon et eut à son tour une petite fille. Elle rêvait d'avoir un enfant, de le câliner, d'être une bonne mère, d'être en fait tout ce que sa propre mère n'avait pas été pour elle. Pour les enfants ayant eu une enfance de ce type, en général, il n'y a en effet que deux possibilités : ou, en dépit de tout, ils "répètent" sur des enfants, à commencer par les leurs, ce qu'ils ont souffert, ou bien ils font des parents modèles.



Aussi étrange que cela puisse paraître, Mary devint une excellente maman. Mais la tristesse, la dépression revenaient souvent, en l'absence de l'enfant. Elle sentait en elle quelque chose qui la torturait et qu'elle ne pouvait pas exprimer. Et, bien sûr, elle ne cessait d'évoquer Martin et Brian en se demandant : "Comment puis-je me comporter ainsi avec ma fille alors que j'ai tué ces deux petits-là ? Ce n'est certainement pas parce que je suis sa mère : la mienne ne m'a jamais aimée même si elle, elle n'a pas tué."



Gitta Sereny, qui avait suivi son procès en 1968 et, malgré l'horreur des meurtres, l'avait trouvé inique (ce qu'elle expliqua dans un premier livre : "Meurtrière à Onze Ans"), la contacta alors (on était dans les années 1995) et lui proposa tout simplement de remettre tout à plat et de chercher, de fouiller toutes deux au fond de Mary, avec le secours de psychiatres chevronnés et sans a priori. Mary savait évidemment que cela ne ramènerait jamais ni Martin, ni Brian mais elle se laissa tenter. Dotée d'une intelligence sans doute supérieure, visiblement écartelée par ses souvenirs (et pas seulement ceux qui concernaient Martin et Brian), elle voulait "comprendre." N'en avait-elle pas le droit ? de plus, une partie des droits de ce livre servirait à garantir l'avenir de sa fille - volonté qu'on lui a beaucoup reprochée alors qu'on n'a rien dit de sa propre mère, lorsque celle-ci se faisait payer des interviews sur sa "monstrueuse meurtrière de fille."



Le résultat, c'est ce livre, véritable biographie-enquête, que je vous conseille fortement de lire et qui, tout bien considéré, est avant tout une histoire d'enfants maltraités, avec les conséquences que cela peut entraîner dans des cas extrêmes. Betty, la mère de Mary, la qualifiait souvent, et bien avant les meurtres, de "monstrueuse", tout simplement parce qu'elle était née et bien qu'elle fût une très jolie enfant. A son procès, la presse ne cessa de l'appeler : "le Monstre" et les juges la traitèrent eux aussi comme tel. Mais, si l'on pouvait la considérer comme tel après le double meurtre de Martin et Brian - je souligne que je n'oublie pas ici la douleur de leurs parents même si je me range, peut-on dire, hormis en ce qui concerne les crimes, du côté de Mary Bell - pourquoi la persuader qu'elle était un monstre bien avant qu'elle eût fait la connaissance de ses deux victimes ?



Autres questions, que vous vous poserez certainement après votre lecture : pourquoi Norma Bell, qui était au minimum complice et qui a certainement participé à l'assassinat de Brian, fut-elle absoute ? Parce qu'elle avait un meilleur avocat ? Parce que les membres de sa famille n'avaient, au contraire du beau-père et de la mère de Mary, jamais eu affaire à la Police ? Parce que, sur les bancs de l'accusation, elle suivit à la lettre les conseils de ses parents et de son avocat ? ... Parce qu'elle était née sous une meilleure étoile ? ...



Vous trouverez des liens relatifs à l'affaire , en français, sur Wikipédia, et en divers autres points du Web, mais en anglais, probablement. Lisez, réfléchissez et faites-vous votre propre opinion. Certes, les crimes ne peuvent être pardonnés que par ceux qui en furent victimes et leur entourage. Simplement, la toute petite Mary Bell ne fut-elle pas victime, elle aussi, en son temps, d'un crime que les services sociaux ne saisirent visiblement pas bien qu'il se répétât plusieurs fois par jour pendant des années, mais qui se trouve bien à l'origine de toute cette horreur ? Même Betty, sa mère ... Car Mary n'était-elle pas la fille de son grand-père maternel - ou du moins d'un membre très proche de sa famille ? ...



En dépit de ce que l'on a voulu faire croire, Mary Bell n'est pas la seule responsable de la mort de Martin et de Brian. Mais elle seule a assumé sa responsabilité. Betty, morte, ne le peut plus. Norma, elle, s'est défilée très tôt - et on l'a laissée faire. Quant aux représentants de la société ...



Si vous voulez juger, jugez mais alors jugez tout le monde : n'oubliez surtout personne. Mais que les âmes sensibles s'abstiennent, cela vaut mieux. Les amateurs de sensationnalisme aussi d'ailleurs. ;o)
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Albert Speer : Son combat avec la vérité

Par une approche particulièrement méticuleuse, Gitta Sereny reprend tous les éléments de la vie d’Albert Speer qui pourraient expliquer ce qui l’a amené à devenir l’architecte favori d’Adolf Hitler.



Si certaines descriptions contenues dans le livre sont intéressantes, - comme par exemple la création de la première autoroute, les projets architecturaux, la recherche atomique ou le procès de Nuremberg-, sa méticulosité fait parfois plus penser à la dissection d’un insecte dans lequel on voudrait absolument trouver un organe ou une tumeur introuvable: « savait-il oui ou non pour les camps de concentration ? », qu’à une biographie du personnage. C’est un livre assez long pour un personnage somme toute pas si intéressant.

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Une si jolie petite fille

Une si jolie petite fille est une enquête journalistique sur une histoire vraie : celle du meurtre, à quelques semaines d'intervalle, de deux enfants de 3 et 4 ans par Mary Bell... une enfant de 11 ans.

Sujet interpellant s'il en est.



Soyons honnêtes, même si ce qui m'a intéressée dans le fait d'engager cette lecture, relevait d'une démarche intellectuelle de compréhension : qu'est-ce qui amène un enfant à devenir un meurtrier ? Il y a, je suppose, pour ce phénomène extra-ordinaire, une fascination morbide.

Si l'on veut lire ce livre, commençons par reconnaitre notre propre part sombre.



J'ai un vrai regret pour la structure du livre. A tort peut être. Je m'explique : le livre s'ouvre succinctement sur le procès et la mise en contexte de la vie de Mary Bell, son voisinage, sa famille, etc. Les meurtres nous sont décrits sans s’appesantir sur les détails, ce qui est bien ainsi.

Ensuite, le livre est principalement constitué d'un long entretien avec Mary Bell : condamnée, elle passera de ses 11 à 16 ans dans un centre éducatif fermé, puis à une prison pour femmes durant 12 ans.



Tout au long de ces entretiens, j'ai ressenti un certain malaise : Mary Bell (qui à ce moment est sortie de prison, a 40 ans et est mère d'une enfant) a un fonctionnement malsain très perceptible, elle manipule et affabule beaucoup, est incohérente (la journaliste recoupe les informations par d'autres sources et nous signale les éléments erronés), est violente, minimise voire ne reconnait pas sa responsabilité, ne se centre que sur son ressenti sans aucune analyse et sans jamais exprimer de regrets sincères pour ses victimes et pour les actes qu'elle a commis.



En bref, Mary Bell, contrairement à l'auteure, n'a suscité chez moi aucune empathie. De son passé, la journaliste ne nous parle qu'à mots couverts. On sait que Mary Bell a subi des abus, mais rien n'est dit. Betty, sa mère toxique, est totalement immature et dysfonctionnelle, prostituée, alcoolique, rejetant dès le début Mary Bell et se faisant de l'argent sur son dos comme la bête de foire médiatique qu'elle est devenue.

Son père est quant à lui un rebelle à l'autorité, paranoïaque et faisant des séjours réguliers en prison.



Évidemment, on se rend bien compte que Mary Bell ne pouvait être que perturbée d'avoir grandi dans pareil contexte. Mais tout de même, elle nous est décrite sous des traits psychopathiques (étiquette qui lui sera d'ailleurs collée lors de son procès... même si l'on sait que chez des enfants, ce diagnostic est difficilement vérifiable), et ce qu'elle a fait à ces enfants - si jeunes ! - est réellement terrible !



Alors donc, j'ai eu un peu de mal moi-même à ne pas tomber dans l'étiquette du monstre. Car, de plus, sa résistance à consulter un psychiatre me laissait en plus frustrée sur un éclairage de sa personnalité et du processus qui l'a amenée à ce point de rupture. Des enfances malheureuses, voire très malheureuses, ce n'est pas si rare. Et pourtant, de telles extrémités sont rarement atteintes. Alors mon "pourquoi ?" n'était pas satisfait.



Je me suis donc intéressée avec distance au parcours pénitentiaire de Mary Bell. Je comprenais néanmoins la démarche de l'auteure de vouloir dénoncer le système judiciaire britannique qui est de juger - l'affaire remonte à 1968 mais à l'heure de la réédition enrichie du livre, c'était toujours d'actualité - les enfants criminels comme des adultes. Bien sûr cette prise en charge apparait totalement inadéquate. Bien sûr, pareil passage à l'acte ne peut être le fruit que d'un appel au secours.



Justement. Ce n'est qu'à la fin du livre qu'un chapitre est consacré à l'enfance de Mary Bell et là on nous livre les détails des traumatismes qu'elle a subis, ce qui éclaire sous un jour complètement nouveau et son comportement, et ses meurtres. C'est selon moi le chapitre le plus intéressant car il met en mots toute l'histoire dans sa vision panoramique et rétrospective.



Alors pourquoi avoir mis ces révélations à la toute fin ?

Pour ménager un suspense ? Il ne s'agit pas d'un polar mais d'une histoire vraie, dramatique.

Pour respecter l'ordre chronologique des entretiens - car pour Mary Bell, mettre en mots ce qu'elle a vécu revenait à dire l’indicible - ?

Je ne sais.

Mais dommage, j'aurais certainement lu toutes ces 400 et quelques pages différemment...



La journaliste le répétait régulièrement : ce qui est arrivé à Mary Bell ne la dédouanait pas de ses crimes. Mais n'ayant pas connaissance des événements dramatiques de sa vie, l'empathie de l'auteur pour elle m'apparaissait déplacée et même me dérangeait !

J'aurais donc mieux compris...



A tout le moins, si vous vous engagez dans cette lecture, attendez-vous à être bousculés et à y rencontrer beaucoup de noirceur.
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