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Critiques de Graham Greene (311)
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La Fin d'une liaison

Graham Greene - La Fin d'une liaison - 1951 : Graham Greene écrivait avec ce roman un nouveau chef d’œuvre qui s’inscrivait dans sa période dite catholique. L’auteur faisait de ses interrogations existentielles un véhicule de son imaginaire et de la trame de son livre. Alors que Maurice Bendrix vivait une histoire d’amour enflammée avec une femme mariée, celle-ci du jour au lendemain se détournait de lui. Désespéré, il croyait à un nouvel amant. Il engageait alors un détective privé pour en avoir le cœur net, mais les recherches ne donnaient rien. Deux ans plus tard, alors que par hasard il la rencontrait à nouveau, il comprenait que ce n’était pas par manque d’amour qu’elle avait rompu mais pour respecter un vœux fait à dieu afin de lui sauver la vie à la suite d’un bombardement. "La fin d'une liaison" est un ouvrage délectable, les nombreuses digressions sur le sens de la vie ou de la foi lui octroyant une aura philosophique éclairante. La littérature britannique a ses génies et incontestablement Graham Green en fait partie. Il faudra absolument lire ce livre pour s'en persuader…
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La puissance et la gloire

Graham Greene publia « la puissance et la gloire » en 1940, époque où les chrétiens étaient martyrisés en Union Soviétique, en Espagne et au Mexique, dans ce que le Pape Pie XI appelait « le triangle terrible », époque où les juifs étaient eux martyrisés en Allemagne …



Au Mexique, la persécution, sous différentes formes, existait depuis le début du XIX siècle mais en 1917 la loi Calles imposa l'éradication de l'église catholique et dans la province de Tabasco « les chemises rouges » assassinèrent les uns après les autres les membres du clergé, comme ce fut le cas en Espagne dans les années 30 à l'époque du « front crapulaire ». Persécutions vécues à notre époque dans certaines provinces de l'Inde, du Vietnam ou en Chine et au Nigéria, par exemple.



C'est dire que ce roman est toujours bouleversant, et que ce pécheur, prêtre fort peu exemplaire, parce qu'il est fusillé en tant qu'ecclésiastique, devient martyr et que son témoignage conserve de nos jours une telle force et un telle actualité comme François Mauriac le soulignait : « grande leçon donnée à ces obsédés de la perfection, à ces scrupuleux qui coupent en quatre leurs misérables manquements et qui oublient qu'au dernier jour, selon le mot de Saint Jean de la Croix, c'est sur l'amour qu'ils seront jugés. »
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La puissance et la gloire

Le heros de la Malediction du gitan, ce sourd muet sans jambes qui se produisait en des acrobaties de cirque, lisait, le seul a lire parmi tous les freaks pratiquement illetres qui l'entouraient. Dans ses moments de desesperance il revenait, encore et encore, a La Puissance et la Gloire de Graham Greene. Voulant comprendre en quoi l'histoire d'un cure harcele pouvait le consoler je l'ai relu moi aussi. Il y a de ca une eternite je n'avais pas specialement apprecie ce que j'avais vu comme de la propagande religieuse. Entretemps le livre a beaucoup change, ou alors c'est moi.



La trame est simple: dans une region mexicaine ou les revolutionnaires au pouvoir veulent abolir toute religion, un cure traque tente de fuir, sans succes. C'est le dernier pretre, tous les autres ayant ete tues s'ils n'ont pas reussi a passer a temps la frontiere, ou ayant ete forces de se laiciser et se marier. Il sera finalement fusille, un metis mouchard l'ayant reconnu et livre a ses poursuivants.



La trame est simple mais le developpement qu'en fait Greene ne l'est pas. Il y mene une sorte d'etude, profonde et ardue, douloureuse et implacable, sur l'ancienne question du bien et du mal, sur ce qui les oppose et ce qui les relie. Une etude de terrain, qu'il place dans un terrain qu'il a connu, le Mexique, et dont il sonde le caractere profond de ses habitants, leur ame. Leur sens de l'obeissance a la tradition, du devoir et du destin, leur intime essence d'un catholicisme metisse, manifeste meme quand la revolution prohibait la religion. Greene avait passe quelques mois au Mexique en 1938, enquetant la persecution de la religion qu'avaient declanche les presidents Calles et Cardenas. Il en avait tire en 1939 un livre de voyages, The Lawless Roads, et, plus tard, ce roman.



Deux principaux acteurs dans ce drame, un cure et un lieutenant, bien qu'il n'y ait que le lieutenant qui agisse vraiment, le cure se laissant entrainer comme malgre lui par les circonstances. Tous deux sans nom propre, comme un troisieme acteur, le metis, celui qui tient le role de Judas, du mouchard qui vendra le cure pour une poignee de pesos. Il n'y a que les personnages tout a fait secondaires qui auront droit a des noms. Sans noms, ces acteurs peuvent prendre une dimension archetypique. Mais Greene les complique a souhait. Ni heros ni anti-heros clairs et nets, tous ont droit et a son blame et a sa compassion. Tous decrits implacablement humains. le cure est une creature maladive, egoiste et peureux, qui s'est eloigne de nombreuses fois de la foi qu'il preche. Seuls le courage et la capacite de sacrifice des villageois qu'il rencontre et qui le cachent pourront lui faire surmonter la peur, l'amertume, le fiel qui niche en son coeur. Ce n'est que grace a eux qu'il finira par gagner un certain apaisement de l'esprit, une certaine serenite devant son futur, serenite face aux hommes qui l'accusent et le jugent, serenite pour affronter Saint Pierre dans l'au-dela. Une redemption tardive, aux limites du courage, la decouverte d'une force d'ame qu'il n'avait jamais eu. Quant au lieutenant qui le poursuit, ce n'est pas un fou sanguinaire, il n'a pas de raisons personnelles, tout en lui est ideal, mais il incarne trop fanatiquement les ideaux laics de la revolution mexicaine de ces annees-la. Les cures ne sont pour lui que suppots d'un obscurantisme qui maintient le peuple dans l'ignorance et la misere. Ils doivent disparaitre pour que l'avenir puisse etre radieux. Et la fin justifie les moyens. Mais il saura aussi etre misericordieux envers sa proie, une fois qu'il l'aura attrapee.



Greene a ecrit une tragedie. La tragedie d'un homme faible devant son destin. Peut-etre aussi la tragedie de la force minee par le doute. le drame du vieil antagonisme de la spiritualite et du materialisme, personnifie en deux hommes, sans que nous soit montre trop clairement et trop facilement ou git le vice et ou siege la vertu. Un troisieme homme, le delateur, est manifestement l'outil du destin ou l'agent de la Providence. Ce n'est pas forcement un mauvais homme, sa mission est d'amener le cure a l'expiation, a sa purification, comme le Judas des ecritures face a Jesus. Ce Judas-ci tend a nous faire croire que Greene, catholique convaincu, veut que sa tragedie finisse en apotheose de la foi, en la victoire morale de la foi. Ce serait trop facile. Moi je vois, justement parce que Greene est croyant, dans cette opposition de differentes croyances, de differents ideaux, la tragedie du Dieu auquel il croit. Ce Dieu qui a fait l'homme a son image, qui est dans tous les hommes. Dieu qui est le juge et le pecheur, le vertueux et le criminel, ici le cure et le lieutenant, et aussi le Judas, bien sur. Dieu qui est celui qui a le pouvoir, et en use, et celui qui en est demuni. Dieu qui est l'homme glorieux mais aussi l'infame. Dans cette optique, la puissance et la gloire sont peut-etre incarnees par les deux principaux protagonistes, mais aussi par le destin qui les dirige et les mene, ou la fatalite, ou tout simplement Dieu. Ce Dieu a qui le roi David chantait: “A toi, Eternel, la grandeur, la force et la magnificence, l'eternite et la gloire, car tout ce qui est au ciel et sur la terre t'appartient; à toi, Eternel, le regne. […] C'est de toi que viennent la richesse et la gloire, c'est toi qui domines sur tout, c'est dans ta main que sont la force et la puissance” (Chroniques I, chap. 29, versets 11-12). Tellement de pouvoir... il ne peut qu'etre tragique, ce Dieu.



En fin de ce long billet je dois me confesser. Je ne suis pas religieux, je ne crois pas en un Dieu, je suis plutot un fieffe mecreant. Sans aucune excuse de cette sorte j'ai trouve ce roman tout simplement sublime. Puissant. Glorieux.

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Voyage sans cartes

Comme son titre l'indique , ce livre raconte un voyage "sans cartes"que fit Graham Greene avec sa cousine Barbara Greene au Liberia, en 1935, à trente ans. Difficile d'imaginer à cette époque là de voyager sans carte, avec des guides de fortune en terre inconnue. Pourtant deux cartes existent. L'une issue par les britanniques et l'autre par le ministère de la guerre de Etats-Unis.Celle britannique,totalement faux, consiste en une grande zone blanche représentant l'intérieur du pays,couverte de forêts, et la côte aux quelques noms disséminés, méconnus de tous. Celle américaine,encore pire, la côte exceptée , n'indique que la mention "Cannibales ".



Le Liberia est un pays particulier d'Afrique, fondé en 1822 par une société philanthropique américaine de colonisation, l'American Colonization Society, pour y installer des esclaves noirs libérés, qu'ils trouvent désormais encombrant sur leur territoire ( aujourd'hui l'idée même d'un pareil acte semblerait absurde !).

Cette population nouvellement asservie a pour leitmotive "L'amour de la liberté nous a emmené ici-( The Love of liberty brought us here)". Mais malheureusement l'amour de liberté de ces colons métis est loin de correspondre avec celui de la population autochtone. Un grand malaise en sera déclenché, entraînant chaos et guerre civile sur des décennies.C'est dans ce chaos que se rend Greene, qui quitte l'Europe pour la première fois et qu'il reconnaît lui-même comme une entreprise amateur et ingénue. Est-ce sans doute l' ignorance totale de ce qui l'attend qui lui donne le courage d'entamer un tel voyage,qui nécessite une logistique compliquée à l'époque.

Un voyage en train et camion à travers le Sierra Leona où il accoste arrivant d'Angleterre, jusqu'à la frontière, et 350 miles à pied à travers le Liberia et la Guinée française, avec quatre serviteurs et 25 porteurs. En 1935 , une histoire assez particulière, d'autant plus que même aujourd'hui c'est loin d'être une destination touristique, les conditions de vie dans la brousse ayant peu changées.( témoignage -http://www.nytimes.com/2011/03/26/opinion/26iht-edbutcher26).



A travers la forêt dense, dans les villages où règne une misère totale , il rencontre à sa grande surprise des indigènes calmes,accueillants et gentils envers l'étranger, et extrêmement tendres envers leurs enfants.Douceur, gentillesse et honnêteté sont les attributs dont il qualifie cette population que les américains nomment "cannibales" sur leur carte. L'homme non touché par la civilisation le touche profondément.

Il nous raconte une expérience extraordinaire, riche en réflexions et observations,

sur les rites,coutumes et croyances des indigènes, sur les divers spécimens humains ( un allemand qui apprend des langues indigènes dans la brousse, un autre , nazi, docteur dans une mission.....) qui croisent sa route, agrémentée de nombreux détails,amusants (les montres qui s'arrêtent, dû au climat, et fait disparaître la notion de temps à jamais), intéressants (les sociétés secrètes cannibales, Leopard Society, Alligator Society...)......

Green qui a peur des papillons de nuit et des oiseaux,s'apprivoise même à l'idée de dormir dans la brousse avec des rats à son chevet. Rien ne le déçoit vraiment ni le décourage sinon la triste réalité de l'exploitation de ces pays pauvres par l'Occident et leur soi-disant apport de civilisation qui fait plus de mal que du bien.....



Ce voyage est aussi un voyage métaphysique, qu'un retour revigorant à la nature, hors de son milieu social naturel, donnera à Greene l'occasion d'aller au plus profond de lui-même à la recherche d'idées et souvenirs intimes enfouis dans son subconscient, qui l'aidera à libérer son esprit des démons du passé. Une collision entre le fervent catholique et l'Afrique animiste,monde des esprits, altérera à jamais sa perception du risque et de la mort, un voyage qui changera radicalement sa vie:"Je découvrais en moi quelque chose que je ne pensais pas posséder: un amour de la Vie ("I was discovering in myself a thing I thought I had never possessed: a love of life" p.171).



Un livre qui a croisé mon chemin par pur hasard, une édition de 1971 acheté d'occasion chez un bouquiniste.Si vous aimez la prose de Greene, les histoires intéressantes, l'Afrique et voyager, ou juste l'un d'eux, ne passez pas à côté, un livre passionnant.

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Les comédiens

« Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. » Ce n'est pas Graham Greene qui contredira son compatriote Shakespeare avec cette « comédie de moeurs » tragique qui a pour cadre l'Haïti de Papa Doc.



Une poignée d'Occidentaux qui ont lié connaissance durant la traversée jusqu'à Port-au-Prince se retrouvent à leur corps défendant acteurs d'un projet de coup d'état contre Duvalier père et sa cohorte de Macoutes sanguinaires.

Brown, propriétaire d'un hôtel jadis fréquenté par les expatriés (et calqué sur l'Hotel Oloffson, toujours existant, à l'architecture superbe) souhaiterait faire revivre son bien et surtout renouer avec sa maîtresse Martha Pineda, l'épouse allemande d'un ambassadeur uruguayen. Il rencontre les Smith, qui veulent créer un centre végétarien sur l'île afin de lutter à leur manière contre la violence endémique , ainsi que le Major Jones, un Britannique vétéran de la Birmanie.

Hélas pour Brown, le corps du ministre Philipot est découvert dans sa piscine. C'est alors que les trois coups sont donnés par Greene pour l'entrée en scène du neveu de Philipot, qui souhaite rejoindre les rebelles et qui convie Smith à une authentique et très politique cérémonie vaudou. Les dés sont jetés.



Etrange roman que ce récit apparemment désinvolte de la tragédie haïtienne, toile de fond et fond sonore qui pourtant finira par happer les personnages apparemment passifs, et qui jongle entre humour et passion amoureuse. Etrange stratagème que ce coup d'éclat révolutionnaire qui ressemblerait presque à une attaque au pistolet à eau contre les machettes des Macoutes, et les rebelles à des bravaches complètement inconscients.



Ecrit en 1966, Les Comédiens offre pourtant une vision lucide de la sanglante dictature du bon docteur Duvalier, dont le slogan, maintes fois aperçu par le narrateur dans les rues de la capitale assène « Je suis le drapeau haïtien, uni et indivisible. François Duvalier. » Smith, Jones, Brown, patronymes banals pour une sanglante pièce de théâtre dans laquelle Greene ne manque pas de critiquer au passage la mise sous tutelle de l'île par les Etats-Unis qui laissent pourrir Haïti, et qui n'interviendraient que si la rébellion prenait un tournant « cubain ».

Détesté par Duvalier, preuve qu'avec son humour et son élégance, Greene a fait mouche, le roman a été adapté par Peter Glenville en 1967 avec les amants terribles Liz Taylor et Richard Burton.
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Voyage sans cartes



Pour son premier voyage en Afrique, en 1936, Graham Greene fait fort : il choisit le seul pays qui n’ait pas été colonisé par les puissances occidentales et (donc) sans cartes, sans routes, sans trains, un pays vierge en somme.

Une société philanthropique américaine a eu l’idée (humanitaire ? cynique ? bon débarras ? ) d’envoyer, en 1822, au « Libéria », pays inventé, des esclaves noirs libérés, dont la devise est « l ‘amour de la liberté nous amena ici ».



Ironie de l’histoire, les colons ex esclaves américains sont des colons.



Depuis la Sierra Leone, où Graham Green reviendra dans d’autres circonstances, il entend surtout parler d’une situation catastrophique, des maladies graves( éléphantiasis, paludisme, fièvre jaune,)ainsi que de l’impossibilité pour un Blanc de pénétrer dans la République du Libéria.

Il y arrive tout de même, accompagné de sa sœur, des porteurs (les hamacs, le whisky) en suivant les frontières du pays, en nous dessinant une carte (celle venant d’Angleterre était en blanc, comme dans Conrad, celle du Département de la guerre américain portait mention « cannibales »). Le sienne suit son parcours, avec le nom des villages.

Et en joignant à son livre des photos.

Parce qu’en réalité, il ne verra que peu les habitants de la capitale Monrovia, ni les politiciens ex/ esclaves. Son voyage est une marche entre les villages, avec, oui, les dangers des maladies, des léopards et des éléphants, et aussi des sociétés secrètes pratiquant le cannibalisme. Il se prend une chique dans le pied, il finit par ne même plus faire attention aux cafards, aux fourmis dévoreuses, aux serpents, ni aux rats.



Il est, il y est, il découvre que dans certaines conditions limites, la joie s’instaure, inexplicablement. GG parle plusieurs fois de la psychanalyse, du besoin d’aller voir en soi même des sentiments inexplorés, alors, à mesure qu’il entre dans un pays inexploré, avec l’extrême fatigue de ces marches dans les sentiers, il découvre un formidable sentiment de bonheur.

« J’éprouvai, dit-il, de nouveau un sentiment heureux de liberté ; on n’avait qu’à suivre un sentier assez longtemps pour traverser tout un continent. ».





Il finira par éprouver beaucoup de tendresse pour les serviteurs et porteurs qu’il a recrutés. Ils ont vécu la même aventure, car c’est une aventure, ils ont souffert des mêmes maux. Les villageois visités leur offrent gite et souvent couvert, ils aiment leurs enfants, ils sont pauvres et doux. Beaucoup d’admiration aussi pour les religieux, petite annexe de l’Angleterre « dont on pouvait s’enorgueillir ; colonie pleine de douceur, de piété, de candeur et d’abnégation, qui ne savait même pas qu’elle était courageuse. »

Enfin, il analyse les danses, parfois mimant l’acte sexuel, parfois tout à fait neutre, l’accompagnement par les masques à robe de raphia, les danses aboutissant à la transe, la musique qui dure toute la nuit, et certaines petites filles, aussi, les seins nus, jouant de leur beauté devant lui comme des chattes.



Le Temps n’est plus divisé et mesuré: les porteurs et lui comptent par journée de marche, les montres de toute façon ne fonctionnent plus.

GG rapporte la remarque de Stanley sur son lit de mort, entendant sonner Big Ben : « voici donc le Temps ». En Afrique, « il faut cesser de compter fût-ce les jours, les semaines et les mois ».

Autre aspect que j’ai adoré dans ce livre, qui touche de très près à la réalité d’une certaine Afrique éloignée de la civilisation, et pourtant ravagée par les fièvres, la saleté et la faim : la constante comparaison que fait GG avec la pauvreté du temps des Stuarts.

Lui, le catholique, qui a contemplé les maléfices des sorciers, le surnaturel des sociétés secrètes et leurs rites d’initiation, s’indigne, lorsqu’ils arrivent à « la Côte, » Grand Bassa, de ce que l’homme a fait du primitif, représentant l’enfance humaine.



Jamais je n’aurai lu ce livre sans Idil @bookycooky, la seule à avoir chroniqué

ce livre et à nous avoir donné envie de le lire.

Je la cite : « Si vous aimez la prose de Greene, les histoires intéressantes, l'Afrique et voyager, ou juste l'un d'eux, ne passez pas à côté, un livre passionnant. »

Merci Idil, de m’avoir permis ce voyage particulièrement intéressant.

Pour



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La Fin d'une liaison





Ce livre s’ouvre sur un sentiment de haine. La haine de Maurice Bendrix envers Henry Miles lorsqu’il le croise. Peu à peu nous comprenons le rôle de chacun dans cette histoire de triangle amoureux. Henry, l’époux trompé, aimant mais terne. Maurice, l’amant jaloux, qui a confondu amour et désir et dont la passion s’est muée en haine envers sa maîtresse lorsque celle-ci l’a subitement abandonné. Sarah, la femme adultère, qui lors d’un blitz s’en remet à Dieu pour qu’Il exauce un vœu. Graham Greene nous décrit la souffrance des trois protagonistes par la voix de Maurice, puis en contrepoint par la lecture du journal de Sarah. La trame principale est cependant toute autre. Graham Greene nous entraine dans une réflexion sur l’amour charnel et spirituel, la foi, les miracles. Ce très beau roman peut a priori sembler bien désuet. Il témoigne avec simplicité et réalisme sur ce que peut vivre une personne déchirée entre les préceptes de la religion catholique et des relations adultères.



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La puissance et la gloire

«La puissance et la gloire» faisait partie des romans de Graham Greene désignés comme catholique par la critique de l'époque. L'auteur traversait alors une grave crise mystique qui l'amena à se replonger dans ses racines chrétiennes. Ce livre mettait en scène un pretre au prise avec la révolution anticléricale mexicaine des années 30. C’était beaucoup en réduire sa portée que de le circonscrire à la sphère purement religieuse, car même si son aventure s’apparentait à un chemin de croix, ce sont bien des sentiments humains qui bouleversait ce serviteur de dieu. Menacé de toute part, recherché, poursuivi, il refusait la fuite en avant cherchant la rédemption de ses péchés dans le martyr. Dans un moment de faiblesse quelques années plus tôt, il avait eu une petite fille avec une paysanne de sa paroisse. Alors qu' il le souhaitait ardemment il lui était impossible maintenant de se confesser, tous les prêtes mexicains étant en fuite et ceux qui restaient ne pratiquaient plus l’absolution par peur des représailles. Malgré la peur qui l’étreignait devant l'éternité la seule solution qui lui restait pour gagner le paradis était la mort dans l’exercice de ses fonctions sacerdotales. Ce livre était remarquable dans le traitement des personnages en ne cédant jamais à un manichéisme facile. Ainsi le militaire chargé d’arrêter le prêtre, malgré les tueries dont il se rendait coupable attirait presque la compassion du lecteur tant il souffait dans sa chair d'une enfance misérable vecue dans une une société dominé par un ordre social aisé maintenant le peuple dans un avilissement sans nom. L’écriture était aride presque désenchantée, elle rendait parfaitement compte du grand désert qui habitait le paysage et le cœur de ces hommes pris dans la tourmente. Ce livre poignant était au combien représentatif du talent de Graham Greene, grand écrivain britannique injustement oublié…
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Dr Fischer de Genève

Voilà d'excellentes retrouvailles d'Horusfonck avec la belle plume de Graham Greene après de trop nombreuses années de séparation.

Drôles de "Dîners de cons", dans lesquels ces cons sont toujours les mêmes et...riches!.. Ces "crapauds", comme les appelle la fille de l'organisateur de ces humiliantes agapes, l'abominable docteur Fischer du titre.

Graham Greene, à travers le regard d'Alfred Jones, emmène le lecteur dans quelques tréfonds de la bassesse et de la vanité humaine.

Alfred Jones n'est pas de cette coterie des riches tant benêts qu'hypnotise le docteur Fisher. Alfred Jones est un quinquagénaire mutilé du blitz, mari aimant et aimé de la fille du docteur, Anne-Luise.

Comme ils sont pathétiques, ces crapauds et leur maître de cérémonie, surtout lorsque ce dernier sonnera la fin de la partie dans une sorte de grand-guignol larvé!.. Avec du son!

Un bon Greene, en tout cas.

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La puissance et la gloire

Proche du western, une traque haletante, écrite comme un road-movie, l'histoire d'une vengeance, et celle d'une fuite. A travers la province de Tabasco, elle ne manquera pas de piquant et l'on s'imagine volontiers par endroits les paysages désertiques parsemés de cactus dans cette partie du Mexique, avant d'apercevoir une bananeraie et de s'enfoncer dans la forêt équatoriale, de plonger accroché à sa mule dans un fleuve, où se prélassent des crocodiles, pour échapper à un escadron de gendarmes et s'enfuir par la montagne toute proche, enfin se réfugier dans la province voisine plus tolérante vis-à-vis de l'Eglise catholique.



Car le fugitif, qui est aussi le narrateur, est un prêtre. Quant à moi, qui suis d'une ignorance crasse en ce qui concerne l'histoire de l'Amérique centrale et du sud, je le confesse volontiers, j'ignorais tout de cet épisode anticlérical dans les années trente ainsi que l'existence des chemises rouges à tendance Marxistes. Bon, celles et ceux intéressé(e)s trouveront tout cela sur wiki, et j'ai aussi déniché une carte des lieux où s'est rendu ce prêtre, là je vous donne le lien en commentaire (*).



Tout ce que j'ai mentionné est naturellement correct, mais ce récit est bien plus qu'un autre le Bon (le prêtre), La Brute (le lieutenant) et le Truand (le métis) . Certains prétendent que c'est un roman catholique, se basant vraisemblablement sur la conversion à 22 ans de Graham Greene. Probablement sont-ils influencés par l'introduction de François Mauriac que j'ai bien soigneusement éludée, désireux de lui conserver sa part d'absolu. J'ai des doutes et ce livre a d'ailleurs échappé de très peu à la mise à l'index.



Il arrive que d'aucun(e)s, trouvent mes chroniques obscures. Certes souvent, elles ne proposent qu'un éclairage rasant, diffus, propice à la mise en évidence d'un ou l'autre point d'intérêt, laissant intact le plaisir d'une possible découverte. Ce roman, lui, est assez limpide mais d'une noirceur comme rarement. de tous les personnages, je n'ai trouvé que trois âmes qui ne soient pas tourmentées : la jeune et rafraîchissante Carol Fellows, et les deux bons samaritains luthériens Mr Lehr et sa soeur.



J'ai beaucoup aimé le style très classique, sans effets ni comparaisons alambiquées, ainsi que l'introduction avec Mr Tench, cette figure mémorable de dentiste, venu chercher fortune, ou bien …, solitaire égaré, ruiné suite à la dévaluation du pesos. Et j'ai beaucoup aimé son apparition à la fin, quand il vient arracher le mal à la racine.



Le prêtre est alcoolique, je ne l'ai pas encore mentionné. Il n'est pas le seul à noyer ses doutes et sa solitude dans l'alcool : Mr Tench, le jefe, le métis, … La chaleur est accablante, la misère omniprésente, la faim lancinante, et l'absence d'amour, cruelle. Il n'y a pas que le prêtre, toutes et tous semblent vouloir se fuir, inexorablement. Un vide, un gouffre au fond d'eux-mêmes, étouffant. Dans ce désert d'amour, que de coeurs asséchés à l'abandon ! Aucun des torrents de pluies tropicales ne semblent pouvoir dérider toutes ces âmes racornies (hormis les trois citées plus haut) et moins encore celles de ce lieutenant revanchard et de ce prêtre fugitif.



Et si le prêtre est en état de péché mortel, ne cherchez pas dans la liste des péchés capitaux, c'est pourtant le plus grave de tous : la désespérance. Voilà le coeur de ce roman : la désespérance. Et la motivation pour arrêter la fuite ne m'apparaît pas tant l'orgueil comme donné en justification que l'ultime fuite de soi. Car seule la mort semble alors délivrance. Une mise en garde plus que jamais nécessaire.



Une énigmatique quatrième partie m'a cependant laissé perplexe tant elle me semble avoir été rapportée pour atténuer le propos.



Comment taire cette chanson de Brassens aux paroles de Francis Jammes qui sont venues peu à peu s'incruster en association ?

https://www.youtube.com/watch?v=1xTHNXIcOCw

Je ne peux m'empêcher non plus de mettre en contre-point la prière païenne de Jacques Brel.

https://www.youtube.com/results search_query=brel+pri%C3%A8re+paienne



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Le dixième homme

Le roman débute dans une prison dans la France occupée durant la seconde guerre mondiale ; suite à un attentat contre des Allemands, un prisonnier sur dix doit être fusillé à titre de représailles. Un tirage au sort désigne l’avocat Chavel, mais ce dernier se rebiffe et se déclare prêt à un curieux échange …

Nous le retrouverons à la fin de la guerre…



Conçu par Graham Greene comme base de scénario de film, oublié par lui, ce texte ressurgit quarante ans plus tard.

Un prologue relate la genèse de ce livre, il ne m’a que moyennement intéressé n’apportant rien au récit qui le suit.



C’est un texte court, le pacte quasi faustien est original, les remords, la curiosité, les dissimulations et la rédemption finale du protagoniste principal sont bien exposés. Il en va de même pour les considérations sur le temps en prison, l’atmosphère particulière de la France au sortir de la guerre où d’anciens collaborateurs tentent de se créer de nouvelles identités alors que les résistants les recherchent.

Je n’ai néanmoins pas été séduit par cette lecture, certains rebondissements me paraissent quelque peu tarabiscotés…





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Notre agent à La Havane



Jim Wormold est un citoyen anglais installé à La Havane. Son petit commerce d’aspirateurs ne génère pas beaucoup de bénéfices et ne lui permet pas de payer toutes les extravagances et les désirs de Milly, sa fille de 17 ans. Alors, quand l’agent Hawthorne lui propose de rejoindre les services secrets britanniques, Wormold voit la possibilité de gagner rapidement de l’argent. De son côté, Hawthorne est persuadé d’avoir installé un espion de premier ordre dans une zone qui commence à s’agiter, à la veille de la révolution castriste. « Il nous faut notre agent à La Havane, n’est-ce pas ? Les sous-marins ont besoin de fuel. Les dictateurs se rapprochent les uns des autres. Les gros entraînent les petits. » (p. 51)



« La Havane pourrait devenir un endroit clé. Les communistes vont toujours là où il y a des troubles. » (p. 75) Wormold va tirer parti de cette terreur rouge et de cette obsession du renseignement qui marque la Guerre froide. Il envoie à Londres de faux rapports et de fausses informations. Il s’entoure de faux agents et arrive à faire prendre les plans d’un aspirateur pour une formidable machine de destruction. De messages codés en microfilms dissimulés au dos de timbres, Wormold monte une improbable affaire que Londres prend très au sérieux. Ce que le marchand d’aspirateurs n’avait pas prévu, c’est que ses élucubrations prendraient une réelle épaisseur et que de vrais méchants se mettraient à ses trousses et à celles de ses proches.



Voici un roman d’espionnage d’un ton très original : je n’aime pas l’agent 007 parce qu’il se prend trop au sérieux. Avec Graham Greene, c’est plutôt James Bond au pays des barjos ! Les services secrets britanniques sont loin d’être une organisation rodée et ses membres sont bien bouffons parce que trop tatillons. C’est donc un roman burlesque que Graham Greene propose, avec un faux air de vaudeville quand les portes claquent pour dissimuler des agents fantômes. J’ai passé un bon moment avec cet agent secret pas comme les autres, mais je ne suis pas certaine que ce roman me marquera longtemps.

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Notre agent à La Havane

Années 50, La Havane. James Wormold est un paisible quadra quitté par sa femme et qui vend des aspirateurs, enfin peut-être est-il plus juste de dire qu'il essaie de vendre des aspirateurs. En le quittant, sa femme lui a aussi abandonné leur fille Milly, dix-sept ans, belle comme un ange, fervente catholique, en pleine mutation vers l'état de femme et la proie potentielle du capitaine Segura qui voit davantage en elle une simple femelle. Jusque là, Wormold a largement de quoi occuper sa vie et quand il a un peu de temps libre devant lui, il se descend un petit whisky en compagnie de son acolyte alcoolique, le Dr Hasselbacher. Pourtant, l'existence de Wormold va tout-à-coup être transformée du tout au tout lorsqu'il est désigné contre son gré agent spécial à La Havane par les services secrets de sa Majesté britannique...



Dans un décor haut en couleurs où cireurs de chaussures et prostituées côtoient flics véreux et espions de tout poil, Graham Greene invente le genre de l'espion débutant et maladroit, une espère de Pierre Richard à situer à équidistance de 0007 et d'OSS117. Impossible de ne pas ressentir d'empathie pour un personnage aussi paumé et aussi touchant même si l'écriture a quand même pris un petit coup de vieux (sans même parler de mon édition 10/18 de 1980 truffée de fautes d'orthographe).



Un roman d'espionnage plaisant qui ne se prend pas au sérieux et qui fait la part belle à l'humour au détriment de l'action mais sans que cela nuise à la cohérence de l'ensemble.



Challenge Petit Bac 2016 - 2017

Challenge 1914-1918 2017

Challenge MULTI-DÉFIS 2017
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La puissance et la gloire

Roman qui raconte la traque du dernier prêtre qui officie encore clandestinement dans une région du Mexique, au début du 20 ème siècle, alors que les autres ont été contraints de se marier, se sont enfuis, ou considérés comme traîtres ont été jugés et fusillés.

Ce prêtre ci, et il en convient est un mauvais prêtre, qui a beaucoup pêché et n'hésite pas à enfreindre une loi interdisant la consommation d'alcool. Il se rappelle que, jeune religieux, il a vécu une vie facile et a été orgueilleux, mais que reste-t-il de tout cela, à l'approche de la vieillesse, il tente bien de fuir, sans vraiment s'y résoudre sérieusement et mène une vie de misérable sur les routes du Mexique, faisant des rencontres et se questionnant sur son utilité. Roman questionnant sur la valeur réelle d'un homme mais aussi sur la religion et de qu'on est en droit d'attendre de l'Eglise et d'un prêtre en particulier.

Un roman qui ne laisse pas indifférent.
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La Fin d'une liaison

La frontière est mince entre la haine et l'amour. Maurice, jeune écrivain anglais, se penche sur les deux années qu'il a partagé pendant la guerre avec Sarah, femme adultère. Si c'est la passion qui les a liés, c'est aujourd'hui une haine mêlée de vengeance qui le pousse à la faire suivre par un détective. Qui voit-elle aujourd'hui, après l'avoir quitté lui, pour rester avec un mari qui ne la touche plus depuis longtemps et qu'elle n'aime pas?

Petit-à-petit et tour à tour par le regard de l'amant, celui du détective et le journal de Sarah se dévoile la relation qui les a unit et les véritables sentiments d'une jeune femme tourmentée, puisque le catholicisme s'en mêle.

Loin de tirer sur l'adultère, Graham Greene tourne autour et tente d'en saisir l'essence, la profondeur. Il dessine ainsi une histoire d'amour belle et bouleversante dans une Angleterre bombardée, ce fameux Blitz (série de bombardements tuant près de 50000 britanniques) qui est au coeur de l'histoire des deux amants, entre souffrance des trois protagonistes et pardon du mari trompé.

Le tout, écrit avec une simplicité réaliste qui rend cette histoire encore plus poignante.
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Les chemins de l'évasion

Avec Graham Greene c'est un peu comme une rente : jamais de mauvaise surprise. Réguliérement du plaisir.

Vous venez de lire American psycho et vous êtes comme une vieille serpillère ?

Mieux que toutes les gélules et comprimés que peuvent fournir les pharmacies, ouvrez un livre de Graham Greene !

bien-être immédiat.



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La Fin d'une liaison

J'aime Graham Greene, d'abord parce que je le considère comme l'un des très grands écrivains britanniques, et puis tout bêtement parce que je suis bien dans ses histoires ou plutôt parce que ses histoires sont terriblement humaines, comme l'est ma vulnérabilité face au complexe et à l'inexplicable.

Green a cette qualité, que j'apprécie beaucoup, de ne pas être dans le descriptif d'un personnage, d'un décor - qu'il préfère laisser au lecteur d'imaginer -, mais dans les situations et dans l'action, lesquelles suscitent d'emblée l'émotion et la réflexion.

- La fin d'une liaison - est la traduction biaisée de - The end of an affair -, qui, sémantiquement, s'apparente davantage à une histoire d'amour, je dirais pour ma part à une passion.

Pourquoi passion ?

Parce que l'homme et l'auteur sont dans la période mystique, spirituelle religieuse - je vous laisse le choix des mots - de leur vie et de leur oeuvre -, et par conséquent le mot passion recouvre à lui seul la passion humaine, qu'elle soit amoureuse ou charnelle... ou les deux... et la passion christique.

Et c'est tout à fait à ces deux passions auxquelles nous avons affaire dans ce livre écrit en 1951, entre Maurice Bendrix, l'amant agnostique, possessif et jaloux et Sarah Miles, sa maîtresse adultérine, déchirée entre son amour pour Bendrix et celui pour un Dieu auquel elle se refuse d'abord mais à qui elle finira par s'abandonner.

Entre autres qualités, ce roman a celle de meubler tout un univers grâce à huit personnages essentiels et pleins de relief en dépit du manque de "descriptif" - le psychologique supplée aisément le manque de portrait ou de peinture -.

Ces six personnages sont :

- Maurice Bendrix,

- Sarah Miles... tous deux déjà présentés.

- Henry Miles, l'époux trompé,

- Alfred Parkis , un veuf, détective privé... homme très singulier,

- Lance Parkis, fils et " élève" du détective, âgé de 12 ans et orphelin de mère,

- Richard Smythe, un prédicateur rationaliste, affublé de taches blanches sur la moitié gauche ou droite de son visage ; infirmité qui l'enlaidit et dont il souffre,

- le Père Crompton, un prêtre catholique ... incontournable dans ce roman,

- Mrs Bertram, mère de Sarah, pique-assiette et "bottineuse" invétérée ; elle détient un secret sur sa fille...

Cette histoire est donc celle d'une passion amoureuse à laquelle vient se substituer une passion irrationnelle, " céleste ".

C'est pour Greene l'occasion d'installer le débat auquel nous nous heurtons depuis la nuit des temps : Dieu est-il le fils de l'homme ou bien serait-ce l'inverse ?

Pour ce faire, l'auteur jalonne son roman de ce qu'on appelle les "coïncidences", ces signes que vous et moi interprétons à toutes les sauces et dont Einstein disait : « Les coïncidences sont une manière pour Dieu de rester anonyme .»

Pour parodier Ian Fleming, je dirais pour ma part qu'une fois, c'est un hasard, deux fois, c'est une coïncidence, la troisième fois, c'est -selon chacun - la victoire ou la défaite du doute.

Ce roman est né de la relation de Greene avec Catherine Crompton - nom du prêtre dans le roman -, femme mariée avec laquelle il entretint une relation adultérine pendant vingt ans.

L'histoire se déroule avant le début de la Seconde Guerre mondiale ; la passion - mot employé à dessein - est vécue à Londres pendant la guerre, la rupture intervenant après les bombardements des premiers V1 sur la capitale anglaise ; elle se termine peu d'années après le conflit.

L'exploration psychologique des personnages est très fouillée, très réaliste.

À l'opposé de beaucoup de romans d'amour où domine l'affect, celui-ci est davantage "tripal"... d'où sa force.

De même que sont très réalistes, "osées" pour l'époque, les scènes intimes entre les amants et pas que...

J'ajouterai que ce Roman de Greene a connu de nombreuses adaptations cinématographiques, théâtrales et une version "opéra"... c'est dire !

Même si je demeure très attaché à - La puissance et la gloire -, cette oeuvre est une oeuvre majeure tant pour Greene que pour la littérature en général.
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Un Américain bien tranquille

Bien mieux écrit (ou mieux traduit) que le brontosaure du roman d'espionnage estampillé Graham Greene lu précédemment (L'agent secret, 1939) et dont on visualisait assez bien les scènes en « noir et blanc » et les dialogues sous-titrés, celui-ci nous plonge d'emblée dans le genre aventure exotique en Technicolor sur écran large, avec odeurs de rizières et de poudre. Ce n'est pas pour rien qu'Un américain bien tranquille (1955) a été adapté deux fois au cinéma, la première par Joseph Mankiewicz en 1958 (avec Michael Redgrave) et la seconde par Phillip Noyce en 2002 (avec Michael Caine).



Nous sommes à Saigon en 1952. le narrateur, Thomas Fowler, correspondant de presse britannique cynique et désabusé, couvre les événements de la guerre d'Indochine. Un peu compliquée à comprendre, celle-ci oppose les Français qui tentent de conserver le contrôle des routes et des villes, et le Viet-minh indépendantiste et communiste. Mais il existe également une « troisième force » soutenue par les américains : les troupes du général Trinh Minh The, qui a pris le maquis (ou plutôt la rizière) pour combattre à la fois les Français et les communistes, sans parler des armées privées détenues par des sectes religieuses, les Hoa Haos et les Caodaïstes qui sévissent dans la région.



Le livre, tout comme le film de Phillip Noyce, ont été considérés comme anti-CIA et anti-américains (Joseph Mankiewicz a complètement modifié le scénario initial pour son film, afin de préserver la réputation de l'Oncle Sam). Graham Greene, dont la carrière dans les renseignements britanniques n'est un secret pour personne, suggère que les Américains auraient aidé des poseurs de bombe agissant contre des ressortissants français et vietnamiens à Saigon (cet épisode peu connu constitue pour moi une découverte, mais là n'est pas l'essentiel du livre).



Le côté historique et géopolitique, pour intéressant qu'il soit, ne doit pas occulter le thème principal du livre : l'histoire d'un triangle amoureux composé de Fowler, de l'insaisissable Phuong, sa petite amie vietnamienne, et de Pyle, l'Américain bien tranquille, dont on apprend la mort au début du récit. On découvre cette histoire dans un long flashback, avec le point de vue de Fowler, épris de la jolie Phuong, qui dévoile très vite des talents cachés, comme sa dextérité lors de la préparation des pipes, etc. L'opium est il est vrai plus politiquement correct que le pudiquement exprimé « etc. » en 1955, vu le nombre de pipes consommées dès le chapitre 1 par Fowler, certes accablé par le chagrin et le remord après la perte de son ami. On comprend progressivement que le gentil et naïf Pyle est en fait un agent infiltré de la CIA pourvoyeur d'armes sous couverture humanitaire. Et que le jeune Pyle a très vraisemblablement et sans coup férir piqué Phuong à Fowler, malgré leur amitié affichée. La question lancinante tout au long du récit est alors la suivante : Fowler est-il impliqué dans la mort de son rival et néanmoins ami Pyle, au motif inavoué de pouvoir récupérer Phuong ?



Grâce à la mise en scène remarquable de Graham Greene, l'aventure attend le lecteur au détour de chaque page. On assiste aux premiers revers des Français (Diên Biên Phu approche) qui cèderont la place aux Américains pour une seconde guerre d'Indochine qu'on appellera guerre du Viêt-Nam. Les occidentaux achèvent ici leurs rêves, de colonies et de paradis lointains pour les uns, d'un monde sans communisme pour les autres. Dans cette toile de fond, un autre conflit fait rage, la lutte entre deux rivaux pour la même femme, jamais déclarée mais peut-être tout aussi meurtrière.



Ce roman est un pur chef d'oeuvre. Je vous invite à jeter un oeil sur la vidéo postée par mes soins sur Babelio de la bande annonce du film de Phillip Noyce, avec Michael Caine dans le rôle de Thomas Fowler. Si après ça je n'arrive pas à imposer ce roman comme lecture du mois sur le forum, je repars cacochyme me repaître d'amanites au fin fond de la Cochinchine, pour rêver aux Annamites.

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Le ministère de la peur

Challenge ABC 2016-2017



Londres, 1942. Bien que le couvre-feu soit de rigueur depuis le début du Blitz et que chaque soir les habitants regagnent sagement les couloirs du métro pour y passer la nuit, la vie continue. On se promène dans les parcs, on organise des kermesses et des tombolas. Pour son plus grand malheur, Arthur Rowe participe à l'une de celles-ci, dont le prix est un alléchant gâteau au vrai beurre (denrée aussi rare en cette période troublée qu'une nuit sans bombardement), et gagne. Par erreur, certes, mais il gagne. le voilà alors embarqué dans une étrange aventure, à laquelle on ne comprend goutte, sauf que le gâteau contient vraisemblablement autre chose de plus précieux que le beurre et que certaines personnes veulent à tout prix récupérer. Se sentant traqué par on-ne-sait-qui, Arthur consulte un détective privé qui aurait préféré continuer à s'occuper de banals adultères, puis s'adresse à deux « gentils » « réfugiés » autrichiens, Willi et Anna Hilfe (« aide » en allemand). Puis Arthur se retrouve encore davantage emberlificoté dans cette situation kafkaïenne quand il est accusé d'un pseudo-meurtre qu'il n'a bien sûr pas commis, puis quand il est sauvé d'une tentative d'empoisonnement par une bombe de la Luftwaffe tombant opportunément sur sa maison. Laquelle déflagration provoque chez Rowe une amnésie totale, prétexte à son internement dans la maison de convalescence (entendez "l'asile") du « bon » Docteur Forester.

Voilà à peu près tout ce que j'ai saisi de cette histoire, sachant, en outre, que Rowe, victime d'une machination et bouc émissaire, n'est pas aussi blanc qu'il y paraît puisqu'il est « connu » pour avoir mis fin aux souffrances de sa femme atteinte d'une maladie incurable quelques années auparavant. Et qu'il se trimballe une culpabilité et des états d'âme à nous faire bâiller au fil des pages. Personnage peu sympathique et niais, qui se méfie de son ombre mais fait aveuglément confiance à de parfaits inconnus, Arthur n'est pas le seul à être totalement invraisemblable. Anna Hilfe, aussi belle et vide qu'un vase de cristal sans fleurs, a tout d'une potiche manipulée par son (faux) frère Willi, aussi suave que fourbe.

Ce roman d'espionnage a été publié en 1943, et cela se ressent. Je pense qu'il a très mal vieilli, trop lent, trop naïf, à la fois trop elliptique et trop bavard. Je n'ai pas compris l'importance de ce que cachait le gâteau, ni les motivations et contradictions des personnages, qui frôlent parfois le grotesque (en particulier dans le happy end sentimental des dernières pages). Je n'ai d'ailleurs pas compris non plus qui sont les membres de ce « Ministère de la Peur ».

Obscur et ennuyeux, comme peuvent l'être certains boulots de certains fonctionnaires (mais pas le mien, je vous rassure).
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La puissance et la gloire

"Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles"

Dans les années 1930,dans un état mexicain , il ne reste plus qu'un prêtre. Le gouvernement révolutionnaire mexicain avait mené une vigoureuse campagne contre les représentants de l'Eglise catholique, la Christada. En les expulsant avant tout. En contraignant les réfractaires au départ à se marier, et donc à contrevenir aux dogmes de leur confession.

Pourquoi est-il resté, ce prêtre, il l'explique dans un des plus beaux passages de ce livre, un dialogue:

"- Mais pourquoi êtes-vous resté ?

- Je me le suis demandé, répondit le prêtre, une fois. La vérité, c'est qu'un homme ne se trouve pas placé brusquement devant deux partis à prendre , un bon et un mauvais. Il se trouve engagé peu à peu...ce n'était pas la première fois dans l'Histoire, qu'on brûlait des églises. Vous n'ignorez pas que c'est arrivé souvent. Ca ne signifie pas grand chose. Je pensais que je resterais, disons, encore un mois, pour voir si les choses allaient s'améliorer. Et puis.. oh! vous ne pouvez pas savoir comme le temps passe vite!"

...je crois qu'il aurait mieux valu que je m'en aille , moi aussi. Car c'était l'orgueil qui me faisait agir. Ce n'était plus l'amour de Dieu... Je ne servais à rien, mais j'étais resté..C'est une erreur que l'on commet de penser que parce qu'une chose est difficile et dangereuse..

...- Et bien, vous allez devenir un martyr, vous aurez cette satisfaction.

-Oh, mais non! Les martyrs ne me ressemblent pas du tout. Ils ne réfléchissent pas tout le temps."



Donc, il est resté, célébrant une messe ici ou là , administrant des sacrements, et se rendant surtout au chevet de mourants pour leur accorder ce que son ministère lui permet, l'absolution de leurs péchés, tout cela en se cachant bien sûr, protégé dans la grande majorité des villages.

Seulement le voilà rattrapé par la réalité , et donc poursuivi.



Il y aura dans ce livre ce rapport entre ces deux hommes , cette traque en tous lieux , des observateurs, des populations qui subissent comme toujours. Et un Judas, bien sûr.

La grande force de ce magnifique roman est de ne faire d'aucun personnage un portrait tranché au couteau. Le prêtre est.. alcoolique, plutôt lâche, il a eu un enfant avec une villageoise , et il n'a qu'une seule envie, parvenir à fuir , même si le lieutenant sacrifie des villageois pour faire peur aux autres et qu'ils le dénoncent. Le lieutenant, lui, a eu à souffrir de l'attitude de l'Eglise dans sa jeunesse, il est déterminé mais l'auteur lui prête des qualités d'écoute et même de compassion..Le Judas, et bien il a besoin de manger, et donc de la rançon promise. Les observateurs ( extraordinaire personnage du dentiste ) ont de temps en temps des sursauts. Bien et mal se mélangent , il ne reste que toute cette ambiguïté des rapports de force..idéologiques? Qui s'opposent? Même pas..

Et ce qu'on appelle la foi du prêtre?

" Ecoutez-moi, dit le prêtre ardemment, en se penchant en avant dans le noir , pressant d'une main son pied tordu de crampes, je n'ai pas autant de duplicité que vous le croyez. Pourquoi, à vôtre sens, irais-je dire aux gens du haut de ma chaire, que si la mort les prend à l'improviste, ils sont en danger d'être damnés? Je ne leur raconte pas de conte de fées auxquels je ne crois pas moi-même. Je ne sais rien du tout de la miséricorde divine. Je ne sais pas dans quelle mesure le coeur humain apparaît à Dieu comme un objet d'horreur. Mais je sais ceci: que si jamais dans ce pays un seul homme fut damné, alors je ne puis manquer d'être damné aussi. Il ajouta lentement: " Je ne souhaiterais pas qu'il en fût autrement. Je ne demande que la justice, rien de plus."



Dans la préface, François Mauriac parle de martyre, d'identification au Christ, et ce roman a été qualifié de grand roman catholique. Pourquoi pas, à chacun son interprétation en fonction de ses croyances. Et effectivement , le parcours du prêtre finit par ressembler à un chemin de croix.Et ce qu'il finit par faire, il sait que cela va le perdre, mais il le fait quand même.

Parce que c'est..son devoir. Parce qu'il fait ce qu'il peut faire.

Cela en fait-il un saint, ce que Mauriac sous-entend? Ca, c'est une discussion qui me dépasse, je dois dire ,et encore une vision catholique, mais ce sont ses failles, ses doutes , mais aussi son humilité, ses capacités de voir clair en lui, et ses actes qui en font un si beau personnage.



C'est surtout, pour moi, un grand roman "humaniste", qui montre les hommes tels qu'ils sont capables d'être, dans le pire, le meilleur, et tous les aspects..moins contrastés . Avec un grand signe d'espoir à cette humanité à la toute fin, merveilleuse.





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