Citations de Guillaume Apollinaire (1425)
L'hiver revient mon âme est triste
Mon coeur ne sait rien exprimer
Peut-être bien que rien n'existe
Hiver de tout hiver d'aimer
Où la peine seule résiste
Et pourquoi donc mon coeur bat-il
Par la tristesse qu'il endure
Toi qui m'attends ô coeur gentil
Ne sais-tu pas que je t'azure
Pour te rejoindre plus subtil
Je suis le bleu soldat d'un rêve
Pense à moi mais perds la raison
Vois-tu le songe qui s'achève
Se confond avec l'horizon
Chaque fois que ton oeil se lève
Oh toi que j'aime éperdument
A qui je pense dès l'aurore
Et tout le jour je vais t'aimant
Et quand vient le soir je t'adore
("Poèmes à Madeleine")
Tu m'as parlé de vice en ta lettre d'hier
Le vice n'entre pas dans les amours sublimes
Il n'est pas plus qu'un grain de sable dans la mer
Un seul grain descendant dans les glauques abîmes
Nous pouvons faire agir l'imagination
Faire danser nos sens sur les débris du monde
Nous énerver jusqu'à l'exaspération
Ou vautrer nos deux corps dans une fange immonde
Et liés l'un à l'autre en une étreinte unique
Nous pouvons défier la mort et son destin
Quand nos dents claqueront en claquement panique
Nous pouvons appeler soir ce qu'on dit matin
Tu peux défier ma volonté sauvage
Je peux me prosterner comme vers un autel
Devant ta croupe qu'ensanglantera ma rage
Nos amours resteront pure comme un beau ciel
Qu'importe qu'essoufflés muets bouches ouvertes
Ainsi que deux canons tombés de leur affût
Brisés de trop s'aimer nos corps restent inertes
Notre amour restera bien toujours ce qu'il fut
Ennoblissons mon cœur l'imagination
La pauvre humanité bien souvent n'en a guère
Le vice en tout cela n'est qu'une illusion
Qui ne trompe jamais que les âmes vulgaires
Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait.
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L'inspiratrice de ce poème est sans doute la femme peintre Marie Laurencin.
MARIE
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C'est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mai est délicieux
Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encore que sais-je
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Extrait de Alcools, 1913
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« Entends battre mon cœur d’amant .
Ce cœur en vaut bien plus de mille.
Puisque je t’aime éperdument . »
J'insinuai :
- Vous exagérez peut-être. Je vous crois trop imbu de certaine littérature. Mais, prenez garde, la mort vient comme un voleur, à pas de loup, à l'improviste, et si j'avais ce bonheur d'être croyant, j'ajouterais que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Au fait, quels livres lisez-vous ?
- Cela vous intéresse-t-il ? Voici ma bibliothèque; elle est édifiante.
Il sortit de sa poche deux livres fatigués, que je pris. Le titre du premier bouquin était : Catéchisme du diocèse d'Avignon; celui du second : Les vampires de la Hongrie, par Dom Calmet.
("Le Juif latin")
Je médite divinement
Et je souris des êtres que je n’ai pas créés
Dégoûtant ? Pourquoi donc ? Pourquoi donc deux sexes ont-ils été créés [...] ? Tu ne peux pas croire comme ça fait du bien, beaucoup plus de bien que quand on le fait tout seul.
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule
Marie
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C'est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
pp. 55-56
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
Chérie ! tes seins sont fleurs obscures
Emmi la nuit. Chérie ! tes seins
Ont fleuri d’attente. O luxure
Chérie ! tes seins sont fleurs obscures
Chérie ! tes seins ont des fleurs tristes
Couleur de gants de magistrats
Chérie ! tes seins outres taries
Ont des fleurs brunes et leur espoir
Est orgueilleux. Chérie tes seins !
Nos étoiles ( extrait)
La nuit s'écoule, lente, lente,
Les heures sonnent lentement
Toi, que fais-tu, belle indolente
Tandis que veille ton amant
Qui soupire après son amante ,
Et je cherche au ciel constellé
Où sont nos étoiles jumelles
Ton destin au mien est mêlé
Mais nos étoiles, où sont-elles?
Ô ciel, mon joli champ de blé...
Mon destin ô Marie est de vivre à vos pieds
En redisant sans cesse Ô combien je vous aime
Ô faible voix ô faible voix qui me trompiez
Je ne sais plus comment on bâtit un poème
J'ai trouvé quelquefois des rythmes langoureux
Qui faisaient palpiter tout l'amour sous les feuilles
Et je ne trouve rien que ces vers malheureux
Qui méditent ma mort pourvu que tu la veuilles
Il y a des petits ponts épatants
Il y a mon cœur qui bat pour toi
Il y a une femme triste sur la route
Il y a un beau petit cottage dans un jardin
Il y a six soldats qui s'amusent comme des fous
Il y a mes yeux qui cherchent ton image
Il y a un petit bois charmant sur la colline
Et un vieux territorial pisse quand nous passons
Il y a un poète qui rêve au ptit Lou
Il y a un ptit Lou exquis dans ce grand Paris
Il y a une batterie dans une forêt
Il y a un berger qui paît ses moutons
Il y a ma vie qui t'appartient
Il y a mon porte-plume réservoir qui court qui court
Il y a un rideau de peupliers délicat délicat
Il y a toute ma vie passée qui est bien passée
Il y a des rues étroites à Menton où nous nous sommes aimés
Il y a une petite fille de Sospel qui fouette ses camarades
Il y a mon fouet de conducteur dans mon sac à avoine
Il y a des wagons belges sur la voie
Il y a mon amour
Il y a toute la vie
Je t'adore
- Il y a -
Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été
Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire
(Nuit rhénane)
Les anges les anges dans le ciel
L'un est vêtu en officier
L'un est vêtu en cuisinier
Et les autres chantent
Bel officier couleur du ciel
Le doux printemps longtemps après Noël
Te médaillera d'un beau soleil
D'un beau soleil
Le cuisinier plume les oies
Ah! tombe neige
Tombe et que n'ai-je
Ma bien-aimée entre mes bras
Je connais gens de toutes sortes
Ils n’égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs cœurs bougent comme leurs portes
"Marzibill" extrait.
« Il est grand temps de rallumer les étoiles » .
MARIE
[...]
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine