Guillaume Prévost - La berceuse de Staline .
A l'occasion du Salon du Livre de Paris 2014, rencontre avec
Guillaume Prévost. "Une enquête de François-Claudius Simon : La berceuse de Staline" aux éditions NIL. http://www.mollat.com/livres/prevost-guillaume-berceuse-staline-9782841117185.html "Une enquête de François-Claudius Simon :
Le quadrille des Maudits" aux éditions 10-18. http://www.mollat.com/livres/prevost-guillaume-quadrille-des-maudits-9782264060877.html "Une enquête de François-Claudius Simon :
Le bal de l'Équarrisseur" aux éditions 10-18. http://www.mollat.com/livres/prevost-guillaume-bal-equarrisseur-9782264056399.html "Une enquête de François-Claudius Simon :
La valse des gueules cassées" aux éditions 10-18. http://www.mollat.com/livres/prevost-guillaume-une-enquete-francois-claudius-simon-valse-des-gueules-cassees-grands-detectives-9782264052711.html Notes de Musique : Tres Tristes Tangos/Unknown Album/Planta Baja. Free Music Archive.
+ Lire la suite
Quelle que soit l'ampleur de vos souffrances, jeune homme, reprit Tardif, vous devez vous convaincre que nos faciaux ont subi bien pire. Dans leur chair, cela va de soi, mais aussi, et c'est inestimable, dans leur identité. La guerre ne les a pas seulement abimés, elle a détruit irrémédiablement ce qu'ils étaient. Et si votre coupable se cache dans cet hôpital, gardez en tête que sa propre folie n'est peut-être que le reflet de celle qui durant ces quatre années a embrasé le monde.
A ses pieds se trouvaient son fusil Lebel et son havresac, d'où pendaient sa gourde et sa timbale. Il fixait l'objectif, les yeux plissés comme si, au delà du photographe c'est le spectateur du cliché qu'il cherchait à accrocher. il avait cet air à la fois désabusé et exigeant qui le définissait si bien et ses lèvres entrouvertes semblaient murmurer :"je ne devrait pas être là. Personne ne devrait être là. J'espère juste qu'on se verra ailleurs"
A cette heure, en plein hiver, le Forum était entièrement désert.
Au printemps, les bergers menaient pâturer leurs bêtes au milieu des restes de temples détruits ou de constructions partiellement effondrées que ces derniers siècles avaient vu fleurir : forteresses, maisons d'habitation en bois ou en pierre, abris pour les animaux, cahutes pour les artisans. Le glorieux passé de Rome était ainsi livré à l'abandon, voire à la destruction. Les nombreux chantiers qui ne cessaient de s'ouvrir en ville donnaient en effet prétexte aux chaufourniers pour redoubler d'ardeur et débiter tout ce qui pouvait brûler dans leurs grands fours, avant de le réemployer à la construction de telle église ou de tel palais. Les travaux d'édification de Saint-Pierre, évidemment, avaient aggravé le mal. Ainsi les thermes de Dioclétien ou le théâtre de Marcellus étaient-ils devenus de vastes carrières où les architectes des papes puisaient sans scrupule. Bramante le premier, et le plus enragé : on le surnommait le "faiseur de ruines". Il fallut la nomination de Raphaël comme commissaire aux Antiquités pour que les autorités s'émeuvent enfin des inestimables pertes qu'entraînait ce mépris.
François le suivit à travers les immenses combles vitrés qui abritaient le laboratoire et où cohabitaient diverses spécialités dans un désordre étudié. Si l'espace réservé à l'anthropométrie, avec ses fonds de mesures et ses tableaux d'oreilles ou de nez, était désormais délaissé, la zone consacrée à la photographie regorgeait de trépieds et d'appareils, le coin dévolu à l'étude des empreintes concentrait quatre tables où l'on s'occupait aussi de l'analyse graphologique et des faux en écriture, tandis qu'une zone plus à l'écart était réservée à la balistique, avec plusieurs microscopes pour l'étude des projectiles et une partie sécurisée où l'on procédait aux tirs d'essai dans d'épaisses couches de bourre. Une cloison séparait ce premier ensemble du laboratoire de toxicologie et de chimie, où des experts en blouse blanche mélangeaient des réactifs mystérieux destinés à faire parler les poisons, les échantillons de fluides humains et autres drogues en tout genre. Un étrange cabinet de curiosités, au total, où s'élaboraient pourtant les techniques les plus modernes de la science criminelle.
Durant tout ce moment où je perdis la notion de moi-même, j'appris que l'on pouvait se chercher sans vouloir se trouver, et que l'on pouvait s'abandonner sans vouloir se perdre.
J'appris que le corps des femmes est plus subtil que le nôtre, que leurs émotions sont plus riches et plus exigeantes. Qu'il faut du tact et de l’ingéniosité. De l'amour aussi.
J'appris enfin, les yeux perdus dans le feuillage, un peu de mystère des vertus florentines.
C'est le propre des jeunes gens que de courir vers le précipices les yeux fermés. Ce n'est qu'après, en se retournant, qu'ils réalisent à quoi ils ont échappés.
Sans trop y croire, il plaça la pièce au centre du soleil: elle s'y ajusta parfaitement, comme aimantée par une force invisible.
C'est alors qu'il perçut le bourdonnement. Il colla son oreille contre la pierre sculptée: elle émettait ue sorte de vibration, très régulière et très lointaine...Mieux, il lui semblait qu'elle n'était plus tout à fait froide. Son imagination, sans doute. Pourtant...Oui, quelque chose s'en dégageait. Une chaleur...
Une chaleur et un sorte de magnétisme.
Il eut même l'impression que le sol autour de lui se mettait à vibrer et qu'il suffirait de poser les doigts sur l'ovale tiède de la pierre pou ressentir son étrange palpitation. Il avança la main...
La dernière chose dont il eut conscience fut une brûlure atroce qui lui remontait le long du bras et lui embrasait le corps.
L'important pour un ancien n'est pas de cajoler ceux qui lui succèdent. L'important est de leur transmettre ce qu'il a appris de la nature et ce qu'il a appris de l'homme. Voilà pourquoi, à ma naissance, l'eau de mon bain a été mélangée à la terre, mes cheveux rasés et jetés au fil du fleuve, les signes de l'air et de l'eau tracés sur mon front. Le nouveau-né n'est qu'un bourgeon, une particule de l'univers... Voilà pourquoi encore on m'a donné le nom d'un ancêtre disparu et pourquoi chaque famille est venue m'honorer d'un présent : l'enfant n'est que le maillon d'une chaîne qui continue à s'allonger après lui.
- Les nouvelles qui nous arrivent de Berlin sont mauvaises. Depuis une semaine que la délégation allemande s'est vu remettre les conditions du traité de paix, la presse d'outre-Rhin se déchaîne. D'après ce qu'on peut lire, les clauses seraient toutes intolérables, les promesses de Wilson auraient été bafouées, les Alliés s'apprêteraient purement et simplement à liquider l'Allemagne, que sais-je encore. En oubliant au passage que ce sont eux les responsables du sacrifice de dix millions d'hommes ! Quoi qu'il en soit, l'opinion générale de nos ennemis est qu'il faut refuser de signer. Des manifestations se succèdent en ce sens dans les grandes villes et la fermeture de tous les lieux de spectacles a été décrétée, comme si le pays était en deuil. Quant aux notes que nous adressent les délégués allemands depuis Versailles, elles ne sont qu'un ramassis de protestations indignées. Il semblerait que tous ces beaux messieurs n'aient pas encore pris la vraie mesure de leur défaite.
- Le retour des hostilités est donc réellement envisageable ? s'inquiéta Guichard.
- Si les vaincus s'obstinent à nous défier, il n'y aura pas d'autres choix. Le signature ou les armes... Le maréchal Foch a présenté il y a peu un plan d'invasion qui prévoit de marcher sur Weimar et Berlin avec quarante divisions. Alors oui, une nouvelle guerre est possible.
Mais si la vie est une chiennerie, hélas, on a rien inventé de mieux pour passer le temps. Et le temps, ce petit salopard, c'est lui qui finit par tout emporter. La douleur, les espoirs, les bonnes choses, les regrets... Ton meilleur et ton pire ennemi, voilà ce qu'il est. Une fois que t'as compris ça, ta philosophie, ça devient la patience. T'as pas moins mal, bien sûr, mais tu sais que ça durera pas toujours. Car rien ne dure toujours.