Citations de Hélène Dorion (224)
Nos racines courent sous le sol, invisibles, impossibles à déterrer toutes. On peut essayer d'en arracher une, espérer qu'elle nous mènera vers une autre qu'on pourra dégager, elle aussi et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on perçoive un sens à cette histoire qu'on appelle notre vie
« Il souffle mille voix de vent
sur la montagne que traversent
des marées tant d’aubes
un silence de fin de jour
quand s’amorce la descente
vers soi
au- dessus du vide
flotte un ciel
qui n’ignore pas sa fragilité
murs d’incertitude et miroir
déformé de nos rêves » ….
Je marche entre mes ombres
et ma quête de joie
la neige striée des sentiers
boit l'encre de chaque mot
j'attends un geste de lumière
posé sur l'énigme fragile
Les jours tombent comme
cassent les troncs
dans le cercle des ans
tombe le fruit
quand la foudre me surprend
je pourrais ne plus trouver
la maison
m'enfermer
dans la nuit des autres
Autour de moi les notes
lumineuses d'une feuille
venue jusqu'à la branche
pour remuer avec le souffle
danse et boit
l'eau qui la sauve
au matin quand recommence
son chemin vers le soir
et je marche aussi
d'un pas qui repose dans l'infini
j'écoute le monde qui bruit
à travers les arbres seuls
comme des êtres occupés
à devenir leur forme singulière
mes forêts sont un long passage
pour nos mots d'exil et de survie
un peu de pluie sur la blessure
un rayon qui dure
dans sa douceur
L'ocre
dit la saison
l'usure lente
des mémoires
que l'on piétine
Le vent nous invente
des dénuements
déchire les feuilles
casse les branches
casse même le tronc
pour mieux vois
le paysage que l'on trahit
Les racines
fendent le sol
comme des éclairs
avancent dans leur solitude
et tremblent
pareilles à une vaste cité de bois
les racines
s'accordent à la sève
qui les fouille
observent-elles les nuages
pour rapprendre
la langue de l'horizon
Toute ma vie, j’ai tangué
entre le port et le grand large,
l’ancrage et l’inconnu.
Je veux montrer la vie humaine
a travers les mots,
dire ce que nous sommes.
J’aimerais saisir le sens
de cette humanité,
lui donner une voix,
lui donner ma voix.
Il n'existe aucun chemin
la quête que nous poursuivons
repose en chaque chose approchée
en chaque instant qui délivre ses clartés.
Le temps ne s’écoule pas.
Le temps brûle à nos côtés,
silencieux
et bordé de roc qu’il fissure
lentement,
dans le désert intérieur.
Aucun chemin.
Juste quelques pas
à la lisière de l’aube.
À moins que ce soit cela, vivre, entrer dans le courant sans contourner les récifs et les hauts-fonds, sans éviter les pierres que la marée aura tôt fait de projeter sur la grève ?
Par le fleuve on refait le trajet de l’amour et celui des conquêtes, on voit le bien et le mal au fond des mêmes eaux embrouillées du temps .
L’onde du chaos
extrait 2
il fait refus et rejet
un temps de pixels d’algorithmes
qui nous projettent
sur des routes invisibles
avec l’avenir comme promesse
que le vent dévore aussitôt
un peu d’écorce et de feu
au creux de la main
il fait chimère
et rêve de rien du tout
un siècle de questions rudoyées
le bord d’une falaise
où chutent nos poèmes
et la neige
nous apprend à perdre
tout ce que l’on perdra
L’onde du chaos
extrait 1
Il fait un temps d’insectes affairés
de chiffres et de lettres
qui s’emmêlent sur la terre souillée
un temps où soufflent des vagues
au-dessus des vagues
dans nos corps
il fait un temps d’arn
de ram zip et chus
sdf et vip
il fait triple K
usa made in China
un temps de ko
pour nos émerveillements
il fait casse-gueule
un bruit de ferraille
déchire le paysage
comme un vêtement usé
…
Les poèmes rendent-ils plus légère la part qui pèse sur nous? Sont-ils plus grands que le réel, plus puissants que l'amour pour le transformer, ou sont-ils le réel, l'amour même ?
Les mots, je le pressentais, allaient m'inventer d'autres chemins que celui qui apparaissait chaque matin alors que j'assistais, impuissante, à une cassure que je ne pouvais réparer. En les pétrissant comme de l'argile, je recréais le sens des choses. Chaque poème que j'écrivais perçait déjà une brèche dans l'obscurité, soufflait sur le brouillard qui pesait dans la maison.
Simone avait plusieurs visages. Le premier , triste et ténébreux, celui des bords de mer et des crépuscules, le deuxième coléreux, celui des corvées ménagères et de l'existence matérielle, le troisième, radieux, celui de l'apéro et des soirées bien arrosées entre amis, celui aussi des voyages avec son amie Charlotte ou avec sa sœur Agathe, quand elle se laissait porter loin de sa réalité -Malaga, Grenade, Lisbonne, Faro-, elle en rapportait de la force, des fous rires et des éclaircies pour le cœur.
Combien de temps dure la nuit ? Et sait-on un jour traverser ces heures où l'on ne peut plus avancer, où l'on reste immobile en attendant que revienne la clarté ?
Il lui a fait voir la lumière qui cisèle la surface de l'eau et le silence des étoiles.
Elle semblait aux aguets devant toutes les fractures possibles de l'existence, cet instant où la digue lâche, où le barrage se fissure, et le moindre mouvement en ce sens la jetait dans un état de stupeur dont la profondeur m'étonnait chaque fois