Citations de Henry Miller (1057)
Je ne pourrai jamais énumérer toutes ses qualités et ses capacités. C’était vraiment un homme qui pouvait se suffire à lui-même.
En Afrique, la danse est impersonnelle, sacrée et obscène. Quand le phallus s’érige et se manipule comme une banane, ce n’est pas « bander personnellement » qu’il s’agit : c’est à une érection tribale que l’on assiste. Ces êtres bandent religieusement, non pas braqués sur une vague femme mais sur toutes les femelles de la tribu. Armes collectives mettant en scène un baisage collectif. L’homme s’arrachant au monde animal, grâce à un rituel de son invention. Par sa mimique, il manifeste qu’il réussit à dominer l’acte sexuel pur et simple.
La danse rituelle du sexe, dans le cadre de la ville, se danse en solo ; et ce fait est à soi seul d’une signification stupéfiante. La loi interdit toute réponse, toute participation. Rien ne reste du rite primitif, que les mouvements « suggestifs » du corps. Et leur suggestion varie avec l’individualité de l’observateur. […]
Mais quelle est donc cette loi qui tient le spectateur figé et rigide sur son siège, comme enchaîné et menotté ? C’est la loi tacite du consentement commun, qui a réussi à faire du sexe un acte furtif et mauvais, auquel on ne saurait se livrer sans la bénédiction de l’Eglise.
Quand j'abaisse les yeux vers cette vulve de putain tant de fois bourriquée, je sens le monde entier sous mes pieds, un monde branlant et croulant, un monde usé jusqu'à la corde et poli comme le crâne d'un lépreux. S'il y avait un homme qui osât dire tout ce qu'il a pu penser de ce monde, il ne lui resterait pas un pouce carré pour s'y tenir. Quand un homme apparaît, le monde l'écrase et lui rompt l'échine. Il reste trop de piliers pourris debout, trop d'humanité infectée pour que l'homme puisse fleurir. La superstructure est un mensonge, et la fondation une énorme peur haletante.
Un homme peut fort bien se mettre à aimer la merde si sa vie en dépend, si son bonheur est en question.
Ce qui est en apparence mauvais, déplaisant, pénible, peut devenir source de joie, de beauté ou de force, si on l’affronte courageusement. La lutte est partout, en tout, le temps importe peu. Sans trêve. La paix n’est pas un état statique qui s’impose de l’extérieur ; mais un état intérieur, fruit de compréhension. Et il ne peut y avoir compréhension sans lutte active, participation active. Mais la source de l’action gît dans le secret de l’être.
La tradition ne peut s’exprimer vraiment, qu’à travers l’esprit de courage et de défi, et non dans l’observance de la sauvegarde superficielle des coutumes.
L’objet d’horreur peut aussi être objet de beauté : le monstrueux et l’esthétique ne sont pas en conflit ; ils sont le complément l’un de l’autre, à la façon de deux couleurs primaires habilement juxtaposées.
J’ai toujours adoré ce qui m’est étranger. J’aime ce qui me stimule, me heurte, m’étonne.
La plus grande des difficultés, pour l’individu créateur, c’est de refréner l’entêtement à vouloir faire le monde à son image, et c’est de prendre ses frères humains pour ce qu’ils sont – bons, mauvais ou neutres. On fait de son mieux, mais ce n’est jamais assez.
Éternel accouplement du Bien et du Mal, de la laideur et de la beauté, du noble et de l’ignoble, de l’espoir et du désespoir. Il semble impossible que ces extrêmes opposés ne coexistent pas dans ce que l’on appelle un monde civilisé.
Je n’ai aucune foi dans les aliments de santé, ni dans les régimes. Il est probable que, toute ma vie, j’ai mangé uniquement ce qu’il ne fallait pas – et que cela m’a réussi. Je mange pour le plaisir de la chère. Tout ce que je fais, je le fais d’abord pour le plaisir.
Avoir un maître l’est encore plus. Le tout est de savoir comment et où en trouver un. D’habitude, il est en plein au milieu de nous, sans que nous parvenions à le reconnaître. D’un autre côté, j’ai découvert que, très souvent, il y a beaucoup plus à apprendre d’un enfant que d’un mentor attitré.
Quel que soit le chemin que l’on prenne, cela revient à marcher sur la corde raide.
Ce sont mes amis qui m’ont gardé en vie, qui m’ont donné le courage de poursuivre, et qui m’ont souvent aussi assommé à en pleurer. Le seul point sur lequel j’ai insisté auprès de tous, sans distinction de classe ni de position dans la vie, a toujours été de pouvoir parler franchement. Si je ne peux me permettre de m’ouvrir franchement à un ami, ou si lui-même ne le peut, alors je laisse tomber.
La seule chose à laquelle nous ayons vraiment droit, c’est le présent ; mais rares sont ceux d’entre nous qui le vivent jamais. Je ne suis pas plus un pessimiste qu’un optimiste. Pour moi, le monde n’est ni ci ni ça ; il est tout à la fois, et ce, selon la vision de chacun.
La vie nous donne de force quelques leçons ; elle ne nous apprend pas nécessairement à grandir. À première vue, je ne connais guère plus d’une douzaine d’individus qui aient appris la leçon ; et, si je le leur disais, pour la plupart ils ne se reconnaîtraient pas sur la liste.
Malgré la connaissance du monde qui vient d’une large expérience, malgré l’acquisition d’une philosophie de tous les jours qui soit viable, malgré soi, on se rend compte que les imbéciles sont encore plus idiots qu’avant, et les emmerdeurs, plus emmerdants.
Le succès vu sous l’angle de ce monde, est une sorte de fléau pour l’écrivain qui a encore quelque chose à dire. À ce stade, où il devrait pouvoir goûter un peu de loisir, il se retrouve plus occupé que jamais. Il est victime de ses admirateurs et des bien-intentionnés, de tous ceux qui désirent se servir de son nom. Et c’est dès lors une autre sorte de lutte qu’il faut livrer. Le problème devient de savoir comment garder votre liberté, comment ne faire que ce qui vous plaît.
Si vous pouvez siffler à cul tête, si une paire de fesses accrocheuses ou une adorable paire de nénés peut vous allumer, si vous pouvez tomber amoureux sans relâche, si vous pouvez pardonner à vos parents le crime de vous avoir mis au monde, s’il vous est égal de ne pas savoir où va la vie, s’il vous suffit de prendre chaque jour comme il vient, si vous êtes capable de pardon aussi bien que d’oubli, si vous pouvez vous empêcher de tourner entièrement au vinaigre, à la hargne, à l’amertume et au cynisme, alors, mon gars, c’est plus qu’à moitié gagné.
À quatre vingt ans, si vous n’êtes ni infirme ni invalide, si vous gardez votre santé, si une bonne marche à pied vous fait encore plaisir, et un bon repas (avec tout ce qui l’accompagne), si vous pouvez dormir sans commencer par prendre une pilule, si les oiseaux et les fleurs, la montagne et la mer continuent à vous inspirer, alors vous êtes le plus fortuné des hommes et, à genoux matin et soir, vous devriez remercier le Seigneur tout-puissant de vous avoir épargné et conservé dans sa bonté.