Citations de Herman Koch (186)
Qu'est-ce qui pouvait expliquer cette dispute sinon les sentiments que nous éprouvions l'un pour l'autre? (...) Seuls les couples indifférents ne se disputent jamais. Ils poussent tout au plus de profonds soupirs ou lèvent les yeux au ciel avec insistance quand l'autre prend la parole.
- Tu es tout simplement raciste, m'avait lancé Claire quand je lui avais confié mon aversion pour Beau.
- Pas du tout ! lui avais-je répondu. Je serais raciste si je trouvais cet hypocrite gentil simplement du fait de la couleur de sa peau et de ses origines. Ce serait de la discrimination positive. Je serais raciste si je concluais que l'hypocrisie de notre neveu par adoption vient de l'Afrique en général et du Burkina Faso en particulier.
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Tous ces faits étaient discutés pendant mon cours d'histoire. L'Etat d'Israël où on cueillait principalement des oranges et où le soir on dansait dans des sandales d'où les orteils dépassaient parfois autour des feux de camp. Partout des gens heureux et fiers de planter des fleurs dans des régions désertiques avant.
Ces dernières années, le vieillissement du visage de l'écrivaine s'était accéléré. Le vin rouge draine la peau par en dessous. C'est comme lorsque le niveau de la nappe phréatique diminue. L'hydratation ne se fait plus qu'en dessous de la surface de la peau qui,elle, est laissée à l'abandon. La vie disparaît. Les animaux s'en vont chercher un autre endroit où l'eau est moins rare. Les plantes dépérissent et meurent. Le soleil et le vent ont le champ libre. La terre se fissure. Érosion. Du sable très fin continue de raviner le sol.
Fidèle à mon serment d'Hippocrate, j'adresse le moins souvent possible mes patients à un spécialiste
Je connaissais les statistiques. Le divorce est la règle plutôt que l'exception. On pourrait croire qu'une tragédie a un effet unificateur, que le chagrin partagé renforce les liens. Mais ce n'est pas le cas. Beaucoup de gens préfèrent au contraire oublier leur chagrin. Or l'autre leur rappelle continuellement ce chagrin.
L'expérience m'a appris que, face à des intelligences inférieures, le mieux est de mentir effrontément; en mentant, on donne aux abrutis la possibilité de battre en retraite sans perdre la face.
C’est l’instinct : quand on tombe, on est faible ; quand on est au sol, on est une proie.
Judith n'avait pas embelli après la mort de son mari, c'était le moins qu'on puisse dire. La peau de son visage avait rougi, mais pas uniformément, si bien que l'ensemble paraissait tacheté......J'ai regardé le visage de Judith Meier de l'autre côté de mon bureau. Les taches étaient encore là. Il était désormais difficile de dire si elle avait un visage blanc avec des taches rouges ou un visage rouge avec des taches blanches.
Parfois vous rembobinez votre vie, pour vérifier à quel moment elle aurait pu prendre une autre tournure.
On n'a pas besoin de tout savoir les uns des autres. Les secrets ne sont pas un obstacle au bonheur.
''Le trou noir n'existe pas, s'entend-il dire. Pas plus que le blocage de l’écrivain. Ce sont les lâches échappatoires des écrivains sans talent. A-t-on jamais entendu parler d’un menuisier qui a un blocage du marteau ? D'un menuisier qui après avoir posé un parquet ne sait plus s'il saura en poser un autre ?''
Il avait parfois entendu dire que le corps humain pesait vingt et un grammes de moins juste après la mort. Les croyants attribuaient cette différence de poids au départ de l'âme. Mais il n'était pas croyant, du moins il ne croyait pas à des âmes que l'on pouvait poser sur une balance.
Je n’avais pas envie d’aller dîner au restaurant. Je n’en ai jamais envie. Un rendez-vous dans un proche avenir est la porte de l’enfer, la soirée est l’enfer même. Cela commence le matin dans la glace : que va-t-on bien pouvoir mettre, et faut-il ou non se raser. Tout est alors assertion, que ce soit un jean déchiré et taché ou une chemise repassée. Si l’on garde sa barbe d’un jour, on a été trop paresseux pour se raser ; avec une barbe de deux jours, on vous demande immanquablement si la barbe de deux jours fait partie d’un nouveau look ; et avec une barbe de trois jours ou plus, on n’est plus qu’à un petit pas de la dégradation totale. « Tu es sûr que ça va ? Tu n’es pas malade au moins ? » Quoi qu’il en soit, on n’est pas libre. On se rase, mais on n’est pas libre. Se raser est aussi une assertion.
Je sais parfaitement que, dans les restaurants haut de gamme, on privilégie la qualité et non la quantité, mais il y a vide et vide. En l'occurrence, on avait été visiblement très loin dans l'exagération du vide, de la partie de l'assiette sans aucune nourriture.
D'ailleurs vivre sainement est un facteur de stress majeur. Regardez autour de vous. Tous ces artistes qui ont atteint l'âge de quatre-vingt ans, voire plus, alors qu'ils ont toujours mené une vie dissolue ! Je vois déjà mes nouveaux patients se détendre. Un sourire apparaît sur leur visage. Je leur dis ce qu'ils ont envie d'entendre. Je cite un nom. Pablo Picasso, dis-je. Pablo Picasso ne crachait pas dessus, lui non plus. Citer un nom sert un double objectif. En associant dans un même souffle mes patients à un artiste mondialement connu, je leur offre l'impression le temps d'un instant d'être eux-mêmes Pablo Picasso. Je pourrais leur formuler autrement. Vous êtes un plus grand poivrot que Pablo Picasso, pourrais-je leur dire, sauf que vous n'avez pas le dixième de son talent. Tous bien considéré, ce n'est que du gaspillage. Un gaspillage d'alcool, j'entends. Mais je ne le fais pas.
Comme tous les spécialistes, il ne se donnait pas la peine de dissimuler son profond mépris pour les médecins généralistes. Que ce soit un chirurgien ou un gynécologue, un gastroentérologue ou un psychiatre, ils vous lancent tous le même regard. Vous n'aviez plus envie de poursuivre vos études à l'époque ? dit ce regard.
Elle était acroupie et avait enlevé ses tongues et mise à découper le gros poisson en morceaux. Je regardais ses jolis pieds nus, la hache à viande frappant parfois dangereusement contre les dales près de ses orteils. J'ai regardé en tant que médecin. J'ai essayé de penser à ce que je devrais faire en premier en cas d'accident. Les orteils pouvaient, à condition d'être maintenus au frais, être rattachés dans un hôpital. Heureusement, la hache n'est venue qu'une seule fois à moins d'un centimètre de son gros orteil.
Les femmes ont plus de temps que les hommes. Quand elles ont passé l'aspirateur, elles ouvrent un livre (...). Le soir, au lit, elles lisent encore.
Il s’est alors installé ce curieux silence que l’on n’entend que dans les restaurants : une soudaine conscience aiguë de la présence des autres, du brouhaha et du cliquetis des couverts sur les assiettes de la trentaine d’autre tables, une ou deux secondes de calme plat pendant lequel les bruits de fond deviennent des bruits de premier plan.