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Critiques de Horacio Castellanos Moya (143)
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La diablesse dans son miroir (La mort d'Olg..

Voici mon septième Moya, mon auteur fétiche salvadorien.

Le pep des livres de Moya décolle déjà avec une prose intrépide et incandescente.

Si ajoute le traitement thématique et formel de la violence, un des traits majeurs de l'oeuvre moyane, qu'ici dés la première page, nous y sommes en plein dedans. Comme l'indique son titre, il s'agit ici du meurtre “sans raison apparente” d'Olga Maria, une jeune femme de trente ans, mariée et mère de deux enfants. C'est sa meilleure amie, Laura, reine des pipelettes, qui suite à son assassinat, dégoise à des tiers sa relation avec elle et ce qui en découle . « Une tragédie pareille ce n'est pas possible, ma belle... », " ma belle" , indirectement nous, allons connaître Olga, son histoire, ses nombreux amants et l'enquête de son meurtre à travers le prisme de la personnalité de cette furie dont son usage fréquent de "ma belle" et ce qu'elle débite, laissent très vite soupçonner une femme à double fond. L'enquête se corse , car l'arbre cache la forêt, corruptions, magouilles financières, narcotrafiquants et politique chaotique du pays qui alterne communistes et dictatures couplées de la guérilla. Le tout, une lecture copieuse dans cette forme exquise de monologue au rythme trépidant qui monte en crescendo .

Je me répète à chaque billet de ses livres.....si vous n'avez pas encore lu un seul Moya, vous ne savez pas ce que vous perdez !

Et un grand merci à mon amie Ambages pour le cadeau !



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L'homme en arme

Un autre livre de Horacio Moyà, où il nous embarque à nouveau dans le bourbier pour ne pas dire bordel, sud-américain. Cette fois-ci notre protagoniste c'est Robocop, sergent d'élite dans le bataillon Acahuapa, démobilisé à la fin de la guerre civile qui ravagea le Salvador. Le mec ayant des difficultés à se convertir en civil ne va pas tarder à dégoter des boulots peu orthodoxes......et dans ces contrées où il n'y a ni foi ni loi, où barons de la drogue et autres mafieux, ex-révolutionnaires ou ex-antirévolutionnaires sont l'Etat même, tout activité du genre se solde dans la bouse, et quelle bouse !

Les aventures rocambolesques et violentes de ce type sans états d'âme, amoral, tueur professionnel, kamikaze, mais sous la plume incandescente de Moyà devenu presque une caricature nous donne une lecture passionnante et......sans états d'âme.

Si vous n'avez encore lu aucun Moyà, c'est grave, même très grave, je vous assure......vous ne savez pas ce que vous manquez.

Merci Bison.

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La diablesse dans son miroir (La mort d'Olg..

Impossible de la faire taire ! Personne n'a trouvé la prise.

Laura, lapin Duracell de la parlotte, thésarde en ragots, éoliennes à paroles, raconte l’assassinat de sa meilleure amie, Olga Maria au début des années 90 à San Salvador.

Le meurtrier, un certain Robocop, que les lecteurs d’Horacio Castellanos Moya ont déjà rencontré et qu’il ne faut pas confondre avec la boîte à conserve de Paul Verhoeven des années 80, a été arrêté et refuse de dénoncer le commanditaire.

La commère échafaude et partage les théories les plus folles de cette exécution au fil de son quotidien. Comme la copine trépassée avait un peu le feu à la culotte, la liste des suspects défile et la narratrice ne se prive pas de suspecter et d'interroger amants et maris, y compris son propre ex-époux. Jalouse de la défunte, au fil des pages, la belle Olga Maria passe de l’icône à la dépravée, de la mère de famille dévouée à la voleuse de maris frivoles. A ce stade, dire autant de mal devient un art. Elle raconte cette histoire avec la mesure et la modération d'un commentateur de football sud-américain. Ses digressions finissent toujours en agression.

Personne ne trouve grâce aux yeux de la mégère et comme l’hypothèse du crime passionnel ne suffisait pas, ses accusations vont s’orienter vers un règlement de compte politique. Il faut dire que le Robocop faisait parti des escadrons de la mort et qu’un des amants de la donzelle avait des ambitions présidentielles.

Première incursion pour moi dans ce pays et dans la Comédie Inhumaine d’Horacio Castellanos Moya. A défaut d’être ébloui par les paysages et une guerre civile qui fit près de 100000 morts, j’ai été subjugué par l’inventivité et l’originalité du récit.

Faire porter la totalité de la narration de cette histoire par une telle vipère permet à l’auteur de déverser tout ce qu’il a sur le cœur concernant la société bourgeoise de l’époque, corrompue et complice de la dictature. Le vernis de la respectabilité craquelle.

Les mesquineries et allusions de Laura sont jubilatoires. Son langage sans filtre relève de l’exorcisme pour l’écrivain et de l’hypnose pour le lecteur. Les phrases sont courtes, rythmées comme un monologue d’ivrogne au bistrot qui refait le monde en ayant oublié son nuancier. Oui, Laura, c’est un peu la mamie qui parle pendant des heures à la boulangère et qui se moque éperdument des quinze personnes qui font la queue à sa suite, c’est le sapin de Noël qui fait profiter tout le salon de coiffure de ses maladies et de ses dernières vacances, c’est le touriste qui croit toujours en savoir plus que le guide dans un voyage organisé.

Vous allez adorer la détester et comme la diablesse ne supporte pas qu’on l’interrompe, vous n’oserez pas corner la moindre page du livre. Il se lit d’un trait.

Je tiens aussi à saluer la beauté des couvertures des éditions Métaillié. Je suis bien parti pour les collectionner. Et comme les personnages de cet auteur se croisent dans plusieurs romans, je ne vais pas me priver de suivre le Balzac salvadorien.









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Effondrement

Folie et Fureur chez les Mira Boss, années 60.

Moyà toujours avec la même verve ( chez lui les demi-mesures n'existent pas :)), nous entraîne dans cet opus, au sein d'un couple hondurien. Lui, chef du parti national, politicien de renom, elle, ex-journaliste, propriétaire d'une plantation de café.

C'est le jour de mariage de leur fille. Elle épouse un communiste salvadorien de vingt-quatre ans son aînée. Un gendre âgé, communiste et de surcroît salvadorien, pour la mère c'est la cata, pour sa dignité et sa réputation, mais aussi pour celles de sa famille et même de son pays ! Résultat, elle en robe de chambre, les cheveux en bataille, déchaînée ( une furie que je ne souhaite à personne d'avoir comme femme ou mère ! ), lui enfermé à double tour par elle dans les cabinets, pour l'empêcher de se rendre au mariage, et à travers la porte......Règlements de comptes à OK Corral !

La suite en sera encore pire, avec l'enveniment du conflit Honduras-Salvador. Leur fille mariée ayant suivi son mari dans son pays, la furie va perdre les pédales.....



Un texte qui débute très fort, où Moyà n'y va pas de main morte ! C'est une traduction, donc difficile d'en juger pleinement, mais les mots tapent fort. "Une putain gonorrhéique, taré, pédé, bandes de médiocres, canaille ...." tout est bon pour l'insulte. Une histoire foisonnante, étalée sur trente ans, où il y a aussi meurtre, suspens, guerre...que Moyà nous raconte en trois temps et trois formes narratives divers; une première partie qui rappelle celle d'une pièce de théâtre, une seconde, épistolaire, et une troisième de témoignage, et tout ça en 190 pages.



Une féroce satire du mariage, des relations mère-fille, des conventions sociales superficielles où l'apparence prime sur le fond, de l'hypocrisie politique, des préjugés qui nous aveuglent et glacent notre cerveau, de la fausse information, de la bêtise des masses qui commet l'irréparable, des gouvernements de pacotille......dans une partie du monde qui chauffe.....Mais au fond, Honduras, San Salvador.....le décor de fond n'y change rien , la bêtise humaine est universelle où qu'on y va !

C'est son quatrième livre que je lis, un seul mot pour le décrire, il est Génial !
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La diablesse dans son miroir (La mort d'Olg..

Un livre réjouissant aux accents de télénovelas sud-américains, à l'ambiance Almodóvarienne !



Mais quelle pipelette, quelle commère cette Laura qui nous raconte dans le menu l'assassinat de sa meilleure amie, Olga Maria, d'un coup de pistolet devant ses enfants, sans motif apparent, à San Salvador !

Au fil de ses commérages à une autre mystérieuse amie (qu'elle prénomme « ma belle ») le portrait dressé de cette pauvre femme assassinée change subtilement : La mère dévouée, l'épouse modèle, se transforme peu à peu en une femme dépravée dont les multiples amants, qu'elle rejetait très vite dès que se pointait l'ennui ou la déception, sont autant de pistes possibles d'exécution. Cette soi-disant meilleure amie livre tous les secrets de la défunte, sans aucune pudeur, mettant en valeur la jalousie tapie derrière l'amitié, et échafaude absolument toutes les pistes et mobiles possibles pour savoir qui a commandité ce meurtre, depuis le crime passionnel en passant par le complot politique jusqu'au narcotrafic. Ses investigations sous forme de commérages vont tellement loin qu'elle se pense elle-même en danger, sa sagacité ayant permis très probablement de toucher du doigt la vérité.



"Ma belle, je te raconte toutes ces choses, mais ne répète rien ; c'est très, très délicat."



C'est un livre réjouissant à plus d'un titre.

Tout d'abord il s'agit d'une véritable enquête policière dont les éléments du puzzle nous sont révélés peu à peu au fil des commérages proférés férocement, en phrases courtes et claquantes, mais très nombreuses, tel un monologue sans fin, par cette femme prompte aux ragots et à la vulgarité. L'enquête s'avère ainsi passionnante grâce ce procédé original et très prenant.

Ensuite cette Laura est précisément un personnage prodigieux qui se dit être la meilleure amie de la victime, qui se dit être sous le coup du choc et du chagrin et dont les paroles trahissent en réalité l'indifférence, la jalousie, la perfidie, la mauvaise foi, la mesquinerie. J'avais l'impression de la voir, de l'entendre, avec une voix forte que j'imaginais haut perchée, une certaine posture, un port de tête, oui je l'imaginais cette vraie langue de vipère. Ses propos sont jubilatoires tant ils renferment méchanceté et bassesse d'âme, à moins que ce ne soit de la bêtise, uniquement de la bêtise. J'ai aimé la détester, revenir auprès d'elle tout en m'offusquant, avoir envie de la faire taire, oui j'ai aimé être soulée par ses tirades péremptoires, ses soliloques qui rendent fou durant lesquels Laura s'écoute parler… Ses coups de gueule aux policiers qui posent inévitablement des questions sur la vie intime de la défunte, sous prétexte de défendre son honneur et sa mémoire, sont théâtraux (d'ailleurs chaque chapitre peut être vu comme des scènes de théâtre), et voyez plutôt quels sont ses propos pendant le cortège en voiture conduisant jusqu'à l'église :



« J'ai tellement transpiré qu'au lieu de suivre le cortège j'ai envie de rentrer en vitesse chez moi pour prendre une douche. Je vais me mettre derrière Sergio et la Cuca. Quelle belle couleur, la voiture de Sergio, j'adore ce lilas, je l'aurais voulu pour moi, mais il n'existe pas pour les BMW, seulement pour les Toyota, c'est pourquoi j'ai préféré le blanc, parce qu'il va avec tout et que je n'allais pas changer de marque uniquement parce qu'il n'y en avait pas en lilas. Il y a des gens qui s'en soucient comme une guigne ; mon ex-mari Alberto est comme ça ; Il y a à peu près douze ans que je n'ai que des BMW, depuis que mon père m'a offert ma première voiture quand j'ai eu mes dix-huit ans et que je suis entrée à l'université ».



Enfin, même si c'est moins présent que La mémoire tyrannique, le précédent livre de cet auteur que j'ai lu récemment, on découvre derrière cette histoire quelques facettes de la vie au Salvador, sa violence, sa corruption, son instabilité politique, l'hypocrisie de la bourgeoisie, les cartels de drogue, entre autres.





Deuxième livre de Horacio Castellanos Moya que je lis - et certainement pas le dernier – ce récit est jubilatoire et corrosif. Nous avons là une enquête policière selon un précédé original qui tient en haleine le lecteur. Qui est la diablesse du titre, Laura ou Olga Maria ? A vous de vous faire votre propre idée !



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Le dégoût : Thomas Bernhard à San Salvador

Longue litanie d'un homme exilé, qui de retour temporaire à son pays, le temps de l'enterrement de sa mère et de liquider un héritage, déverse sa haine pour son pays natal, Le Salvador, dans un long monologue proche du délire. En faites il est assis dans un bar en fin d'après-midi, et s'adresse à son ami Moyà, l'auteur lui-même. Mais ce dernier se manifestant qu'en avant propos, laisse la scène à Vega, cet illuminé qui en 104 pages va nous lessiver, avec un discours aux mots forts et violents, renforcé par un style à la Thomas Bernhard ( phrases longues à répétitions ), d'où le titre, et pas seulement.....

Il nous déballe les revers d’un pays dévasté, pauvre et corrompu, sous le joug de la dictature et des criminels, ses propres rapports familiaux, non des plus sains, bref toute sa bile pour un système, un pays, des hommes et des relations, que désormais il honnit. Mais il faut accepter que l’énergumène n’est pas dépourvu d’humour, et que son discours a un fond de vérité valable pour tous les dictatures et pays du tiers monde régit par des régimes douteux et même dirais-je certains arguments valent pour nos propres sociétés et régimes occidentaux, supposés démocratiques.

C’est tellement noir, que l’effet est revigorant; mais vaut mieux ne pas échoir dans la langue de ce genre de personnage, c’est de l’acide caustique. Et si vous aviez par hasard, un minimum d’envie de voyager un jour au Salvador, après cette lecture, il ne vous en restera aucune trace 😊!

Pour moi, une inconditionnelle de Bernhard, et bientôt de Moyà, ça ne pouvait que me plaire. Un formidable coup d’œil au grand écrivain autrichien et une expérience littéraire unique, que je conseille absolument, d’autant plus que c’est court !

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La mémoire tyrannique

Le dernier livre à être traduit en français de Horacio Moya est basé sur un pan de l'histoire du El Salvador, celle de la dictature de Maximiliano Hernández Martínez, surnommé « le sorcier nazi », dû à son intérêt pour le spiritisme. Un règne qui dura 12 ans, de 1932 à mai 1944. Moya nous y plonge à travers le journal de Haydée dont le mari, Pericles est prisonnier politique. Nous sommes à la mi-mars 1944, alors qu'approche le dimanche de Pâques, où un coup d'état raté dans le but de renverser Martinez va avoir lieu , compliquant la situation déjà précaire. D'autant plus que le père de Pericles est un fidèle colonel du dictateur et le fils de Pericles et Haydée , Clemente, qui travaille à la radio, sera le premier à proclamer la mort du dictateur, qui malheureusement est une fausse nouvelle.

Alternant trois différentes formes narratives,comme dans l'”Effondrement”,

La forme du journal, celui de Haydée,

Celle qui rappelle une pièce de théâtre, dont les protagonistes sont deux fugitifs, condamnés à mort, Clemente et son cousin Jimmy, officier ayant participé au coup d'état raté ,

Et une troisième,surprise, que je vous laisse découvrir,

Moya capte l'histoire des Aragon, famille bourgeoise salvadorienne dans une période turbulente et très intéressante de l'histoire d'El Salvador. Il raconte ce mois crucial entre deux événements majeurs, jusqu'au dénouement final spectaculaire, qui n'est pas de la fiction. Il y revient sur la violence inouïe et l'injustice qui ont sévi son pays, aux griffes d'un tyran prêt à tout, ayant perdu le soutien des américains qui le posèrent sur son trône douze ans auparavant. L'attraction du livre, vient de la plume exquise de Moya, de ses personnages terriblement humains, et la différence de ton et de rythme entre les deux formes narratives qui s'alternent; le ton dramatique du journal et celui ironique de la partie des “Fugitifs”, qui avec humour nous tient en haleine jusqu'au bout, avec une partie finale en bonus. Sacré Moya !

Le dénouement est une leçon d'histoire à méditer. La preuve qu'avec le courage, la solidarité et la volonté, un peuple peut changer le cours de son destin, même temporairement, bien qu'il y ait malheureusement sans aucun doute la patte américaine, et que la suite de la grande Histoire montre qu'on n'apprend rien des leçons.



Comme toujours Horacio Moya, magicien de la prose est passionnant à lire. C'était mon cinquième livre lu de lui, jamais, jamais déçue.



« Je m'en tiens toujours à ce que j'ai toujours cru: il doit exister un enfer où cet homme doit payer pour tout le mal qu'il nous a fait. »
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La mémoire tyrannique

L'impact collectif et personnel d'une insurrection…



Connaissez-vous l'histoire du Salvador ? Personnellement, elle m'est inconnue et ce livre La mémoire tyrannique, de Horacio Castallnos Moya permet précisément d'approcher un pan de l'histoire de ce pays. Nous sommes en 1944 et l'auteur met en évidence les mécanismes d'une insurrection et sa répression par Maximiliano Hernández Martinez, le « sorcier nazi » dont le règne dura douze ans, de 1932 à mai 1944. Il est appelé le « sorcier nazi » à cause de ses complaisances pour le troisième Reich et son attrait pour les sciences occultes.



Au moyen d'une alternance de points de vue - depuis le journal intime d'Haydée, femme de Periclès agitateur politique emprisonné, en passant par les aventures épiques et burlesques de son fils Clemen en fuite avec son cousin, jusqu'au récit, trente ans plus tard, dressant le portrait d'un Périclès devenu vieux – au moyen d'une belle alternance de registres, de tons et d'écriture, l'auteur salvadorien nous fait découvrir l'histoire de son pays à travers quelques personnages ordinaires dont l'auteur dresse, en creux, le portrait.

J'ai trouvé particulièrement intéressante cette façon de combiner la grande Histoire et l'histoire de ces protagonistes dont l'attachement aux repas, à l'alcool, aux rumeurs, à l'apparence, aux bonnes et mauvaises habitudes du quotidien fondent l'existence.



« J'espère qu'il sera libéré dans la matinée, comme cela est arrivé en d'autres occasions. Nous préparons une salade de cresson au lard, et ces lasagnes aux épinards et au fromage que Pericles aime tant ; en dessert il y aura de la confiture de lait. Et nous mettrons une nappe neuve, celle à fleurs offerte par ma soeur. Je trouve que c'est un signe magnifique que le rosier du jardin ait fleuri justement aujourd'hui ; fini la solitude. Demain, de bonne heure, j'irai au salon de coiffure me faire couper les cheveux, coiffer et maquiller. Je veux que mon mari me trouve belle, élégante, comme il le mérite, sans les marques d'angoisse et d'abandon que je vois en ce moment sur mon visage ».



Le journal intime de Haydée nous dévoile une femme en soutien total à son mari emprisonné et à son fils en fuite. Une femme discrète qui fera preuve d'un étonnant courage, d'un héroïsme sans éclat, une résistance ordinaire pour défendre bec et ongle les hommes de sa vie. le journal démarre avec une certaine légèreté, nous voyons Haydée préparer les victuailles à apporter à son mari dont elle nous détaille les mets avec précision (« la bouteille thermos avec le café, les oeufs durs, du lait et des brioches pour le petit déjeuner, les sandwichs au jambon et au fromage pour le dîner »), et nous assistons peu à peu à la succession d'événements de plus en plus funestes : la simple arrestation habituelle de son mari au Palais noir devient un vrai emprisonnement au Pénitencier, son fils coureur de jupon et alcoolique se voit condamné à mort car faisant partie des putschistes ayant déclenché l'insurrection (en annonçant la mort du Général à la radio alors qu'il n'en est rien). le ton et les préoccupations écrites dans le carnet changent, Haydée et les autres épouses et mères s'organisent ; les figures féminines, simples maîtresses de maison, épouses modèles et mères nourricières, se font désormais centrales compensant les excès et les inconséquences masculines.



« En chemin, en faisant attention à ce que don Leo ne la voie pas dans le rétroviseur, doña Chayito, le plus naturellement du monde, a passé la main sous sa jupe et sa culotte, et en a sorti une feuille de papier qu'elle a pliée et m'a tendue ; c'était un nouveau communiqué des étudiants, différent de celui que Raúl avait apporté ce matin à la maison, ai-je jugé d'après le titre. J'aurais eu du mal à le lire dans la pénombre. Je l'ai replié et l'ai glissé sous mon soutien-gorge ».



Notons que l'écriture dans les chapitres dédiés à ce journal est une écriture basique, descriptive, l'auteur se mettant vraiment dans la peau d'une femme du peuple écrivant un journal. Les formules « on m'a dit que… », « on raconte que… », « j'ai dit à… » s'enchainent et rendent la lecture parfois fastidieuse, même si nous comprenons complètement ce choix, immersif et naturel.



Dressant le portrait en creux d'un fils alcoolique, frimeur, impulsif, mû par un enthousiasme protestataire irréfléchi, les chapitres intitulés « Fugitifs » consacrés au fils de Haydée, Clemente, sont cocasses et font penser, du fait des nombreux dialogues, à des scènes de théâtre. Sa fuite avec son cousin Jimmy, entrecoupée par des déguisements burlesques (en femme, en sacristain) et par un naufrage totalement ubuesque, offre étonnamment des moments de respiration bienvenus pour le lecteur au milieu du journal d'Haydée au ton éminemment plus tragique.



Enfin, la toute dernière partie présente le portrait du mari, Périclès, désormais vieux et atteint d'un cancer. Cet agitateur politique, ancien partisan du tyran, revenu d'une ambassade à Bruxelles totalement changé, communiste notoire, est très touchant à l'hiver de sa vie…



« Parfois ce que nous détestons le plus et pardonnons le moins chez ceux qui nous entourent, c'est cette part cachée de nous-mêmes que nous ne voulons ni reconnaître ni accepter ».



J'apprécie particulièrement les livres relatant l'histoire de pays dirigés par des dictateurs, des tyrans. le portugais Antonio Lobo Antunes, par exemple, relate à l'envi, dans chacun de ses livres, la dictature salazarienne et, comme Moya, donne voix à des gens et leur histoire singulière. L'exhortation aux crocodiles est le livre qui me vient en tête car il donne la parole aux femmes dont nous suivons les obsessions, les craintes, les pensées. Comme dans La mémoire tyrannique, nous comprenons la violence inouïe, les exactions et l'injustice dont ces hommes aux ambitions grandiloquentes font preuve. La grande différence est que Lobo Antunes plonge dans les pensées des femmes épouses, soeurs, des proches du dictateur. Ici, la femme suivie, Haydée, est du côté des victimes et la forme du journal, plus limpide que le flux de conscience proposé par Lobo Antunes dont il se fait le spécialiste, mais sans doute moins riche aussi, ainsi que l'alternance des autres formes narratives, donne une fluidité permettant une approche assez originale et claire de la dictature. Je préfère le style d'un Lobo Antunes dans cette façon d'approcher le coeur et les tripes des personnages en prise avec la dictature, mais je dois reconnaitre que cette manière-là offre un angle d'étude très intéressant où l'escalade des événements politiques le dispute aux désirs et envies ordinaires de la vie quotidienne.



J'ai aimé aussi voir le rôle des femmes, leur solidarité pour changer leur destin et contribuer, malgré leur absence de pouvoir légitime, à inscrire leurs efforts dans la grande Histoire. Notons que ce livre est également une ode à l'écriture, à ce qu'elle apporte en termes de témoignage et d'exutoire.

« J'écris ce journal pour atténuer ma solitude. Depuis notre mariage, c'est la première fois que je suis séparée de Périclès pendant plus d'une semaine ».



Enfin, j'ai été touchée par la conclusion du récit qui met en valeur, comme souvent dans ces pays, que le départ du dictateur n'a pas permis à la démocratie de s'épanouir au Salvador.



Un grand merci à Idil pour cette idée de lecture. En plus de m'instruire, ce livre m'a permis de découvrir un grand auteur de la littérature sud-américaine à la plume singulière. D'après ce que je comprends, ce livre s'inscrit dans la « Comédie inhumaine » de Moya qui relate l'histoire mouvementée de la famille Aragon au sein de l'histoire sombre du Salvador. D'autres volumes sont ainsi à découvrir !





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L'homme apprivoisé

Dans ce dernier opus d'un de mes auteurs de prédilection , l'écrivain salvadorien Horacio Castellanos Moyà , on retrouve le prof paranoïaque Erasmo Aragon de son livre « Moronga » et le danger de dénonciation de harassement sexuel sans fondement non seulement aux États Unis mais ici aussi en Europe.

Le personnage à la suite d'une fausse accusation d'abus sexuel sur mineur se retrouve du jour au lendemain sans boulot , loin de son pays qu'il a fuit pour les États Unis où il enseignait dans une université. Mais le plus grave c'est que cette accusation développant chez lui anxiété et paranoïa à l'extrême, il se retrouve à l'hosto psychiatrique où il fera la connaissance de Josefin une belle infirmière suédoise. Tout cela n'empêche pas qu'il est loin d'être un agneau. À cinquante et un ans ayant à la place de la cervelle la moronga ( penis en salvadorien ) , comme souvent chez les hommes 😁( exit mes amis babeliotes et mes propres hommes 😁 ), qui le harcèle constamment à la vue des dames et même à la vue de la fille de dix-huit ans de Josefin qu'il va suivre en Suède, les pépins ne seront jamais loin. Effectivement la moronga couplée avec ses bobos présents et son inertie naturelle face à l'existence (exit les dames ) finit par lui être fatale, lui apprenant ainsi qu' « Avec les Suédoises, ça ne rigole pas. ». Alors qu'il se demande « Comment a-t-il pu en arriver là dans sa vie, à ce point où sa relation avec le monde, sa survie, dépend d'une femme », dans sa tête sous cachets anxiolytiques, le bordel continue incessamment à tourner à mille à l'heure …..



Sacré Moyà , toujours avec ce langage cru , mais allant comme un gant à ses personnages tous fêlés plus ou moins, ici à l'extrême, toujours angoissés , condamnés à l'errance. Comme toujours avec son style sec et méticuleux il maintient la tension jusqu'à la fin sans aucun temps mort. Un livre qui m'a un peu moins passionnée des sept autres livres lus de lui, car probablement étant un peu moins intense et plus bref.



Merci infiniment aux éditions Metaillé et NetGalleyFrance pour l'envoie du livre.

#LHommeapprivoisé #NetGalleyFrance
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La diablesse dans son miroir (La mort d'Olg..

Lorsqu’Olga Maria Trabanino est froidement abattue chez elle, dans sa riche villa de San Salvador, son amie Laura Ribera, indignée de voir l’enquête piétiner, se sent en devoir de s’en mêler. Ses découvertes sur la vie privée de la victime, et l’imbroglio des enjeux dont elle prend conscience autour de celle-ci, finissent par la mettre elle-même en danger.





Long monologue intérieur de Laura, le récit nous fait entrer dans la tête d’une jeune femme de la bourgeoisie salvadorienne, encore sous le choc de l’assassinat commandité à l’encontre de son amie. Son bavardage oiseux et prétentieux témoigne initialement, par sa morgue incrédule, d’un sentiment d’outrage bien plus que de frayeur. Le meurtre de l’une d’entre elles a l’impensable brutalité d’un pavé dans la vitre, qui protégeait jusqu’ici leur existence d’en haut, du méprisable chaos d’en bas. Qui plus est, l’enquête a l’inconcevable impudence de s’intéresser à leur milieu, jusqu’ici naïvement synonyme pour Laura d’une aisance si naturelle qu’il ne lui était jamais venu à l’idée de penser à sa provenance. Outrée, notre prétentieuse et assez méchante innocente ouvre néanmoins peu peu les yeux, découvrant d’abord, dans un sursaut de colère et de jalousie, les infidélités croisées de son amie et de ses amants, puis, dans un trouble de plus en plus affolé, alors qu’un scandale financier vient soudain éclabousser tout ce beau monde, l’effrayant enchevêtrement des intérêts et des intrigues dans une société corrompue jusqu’à la moelle.





Une ironie presque mauvaise accompagne le dessillement du lecteur en même temps que de Laura. Et c’est bien une forme de dégoût qui transpire de cette malodorante description de l’élite salvadorienne, dont on ne doute pas un instant qu’elle soit l’exact reflet d’une réalité qui a contraint l’auteur, menacé de mort, à l’exil. Profondément original, le parti-pris narratif s’avère toutefois à double tranchant. S’il permet d’épouser habilement les pensées de son personnage, peu à peu déstabilisé jusqu’à en sombrer, il risque aussi de noyer le lecteur dans l’écoeurement d’une logorrhée, d’abord exaspérante d’arrogance et de frivolité stupide, puis déconcertante d’absurdité paranoïaque. Une lassitude et la hâte d’en finir au plus vite m’ont ainsi d’autant plus rapidement envahie, gâchant inexorablement mon plaisir de lecture, que l’intelligence et l’intérêt du roman ne m’ont vraiment sauté aux yeux qu’une fois l’étonnement de son dénouement retombé. Car alors, certes, vous ne connaîtrez pas le fin mot de l’histoire, mais vous comprendrez enfin, vu l’état de pourriture ambiant, que cela n’aurait servi de rien, de toute façon.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Moronga

Lu en v.o. Ce qui m'a oblige a recourir sans arret au Diccionario de americanismos mis en ligne par la Asociacion de Academias de la Lengua Espanola. Et cela m'a bien rejoui.





C’est un roman noir. Sans conteste. Je me casse la tete pour essayer de mieux le definir. Noir politique. Noir desabuse, desespere. Noir absurde. Mais peut-etre c'est mon ridicule essai de le caracteriser qui est absurde. Il etale beaucoup de facteurs de violence, de meurtrissures physiques qui ne peuvent cicatriser, de traumatismes mentaux qui ne peuvent se dissiper. Parce qu’en l'Amerique centrale qu'il decrit rien n'est jamais fini et tout s'imbrique, les guerres civiles, le narcotrafic, la crise migratoire. Parce que les emigres sont poursuivis, hantes, par leur passe, par le pays qu'ils ont laisse, qu'ils ont fui, ou ils n'habitent plus mais qui les habite encore, qu'ils portent en eux comme une escarre, comme un ulcere.





A travers deux personnages principaux Castellanos Moya ecrit l'impossibilite de la fuite; et la vanite de la recherche de la verite, de toute certitude; et l'oeuvre tenace, souterraine, surmontant le temps et l'espace, de la trahison.



Deux personnages qui ne sont relies que par d’anciennes connaissances ou des rencontres fortuites, et dont on n'est pas sur jusqu'a la fin s'ils se croisent vraiment ni si et comment ils se sont achoppes par le passe. Un ancien guerrillero qui essaie de vivoter sous une nouvelle identite dans un patelin perdu des Etats Unis et un ancien journaliste devenu historien qui essaie de demeler dans des archives les vraies raisons pour lesquelles on a execute un poete revolutionnaire. Le guerrillero se verra proposer une besogne risquee par un de ses anciens lieutenants mais se dedira quand il croira comprendre l'enjeu. Trahit-il ou c'est lui qui se sent trahi? L'ancien journaliste se fera racketter et sera entraine dans une affaire de guerre de gangs qui fera plusieurs morts. Simple hasard? Une ancienne histoire qui le rattrappe? Ou est-ce qu'obnubile par sa quete exasperee de sexe il parle trop?





Deux personnages tres differents. L'ancien guerrillero est fatigue, desillusionne, un peu sombre. Le journaliste chercheur est anxieux, tirant vers le parano. Castellanos Moya excelle a adapter a chacun d'eux le style d'ecriture qui leur convient. Le chapitre sur le guerrillero sera fait de phrases courtes, d'un langage mesure. Par contre le chercheur nous saoulera avec une sorte de monologue interieur desequilibre, d’une locacite frenetique, une logorrhee tourmentee de pensees et de dialogues. Et une troisieme partie s'habillera de la secheresse d'un compte-rendu de police pour feindre de demeler les liens entre ces deux personnages et les intrigues ou etaient meles des personnages secondaires, qui prennent alors toute leur importance, comme ce Moronga qui s'est approprie le titre.





C'est une histoire de violences. Au pluriel et a differents nouveaux. Violence larvee. Violence psychologique. Violence physique. Une violence endemique en Amerique Centrale, gangrenant ces pays et leurs habitants, les poursuivant meme quand ils emigrent. Ils ne peuvent l’oublier, passer outre, s'en debarasser. Castellanos Moya non plus. C'est pour cela qu’il developpe amplement les recherches d'archives de l'historien: est-ce que le poete salvadorien Roque Dalton etait vraiment un agent de la CIA comme l'ont accuse ses camarades revolutionnaires qui l'ont execute? Ou est-ce que, comme souvent, la revolution, toute revolution, a tendance a immoler ses propres enfants? L’historien tend a l'acquitter de toute accusation de trahison, et on sent que c'est aussi la position de l'auteur, bien qu'il sache qu'il n'y a de verite que subjective, fugace. Son devoir de memoire le pousse a rehabiliter ce poete engage. Meme si ce n'est que dans un roman. Mais nous savons qu'il a fait plus en ce sens. En 2021 il a publie le livre: “Roque Dalton: Correspondencia clandestina y otros ensayos" (Correspondance clandestine et autres essais). Roque Dalton est un grand salvadorien qu'il admire, victime de la violence sans freins et sans frontieres qu'il denonce dans ce roman. Et peut-etre en est-il le troisieme personnage? Le plus cache mais le plus important?





P.S. J'ai atermoye longtemps la lecture de ce roman que tu conseillais, Booky. Ce me fut un conseil benefique, a n'en pas douter.

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L'homme en arme

Si tu vas à San Salvador, va voir la femme qui sait lire dans les yeux du sort et qui traîne dans les ports… et les bordels aussi. Il y a deux endroits où les affaires se font : au bar ou au bordel. Ce sont là que les contrats se signent ou que les poignées de main se serrent. J’y croise de braves types d’ailleurs, au sens large du terme, comme Juan Alberto Garcia surnommé Robocop, une machine à tuer probablement. Cet ex sergent d’un escadron de la mort au Salvador, du jour au lendemain, se retrouve au chômage. Le monde est donc en crise, pour tout le monde. La guerre est terminée – sic – il doit penser à sa reconversion dans le civil. Les contacts gardés, surtout une réputation monstrueuse, lui permirent de facilement trouver le job, mercenaire et garde rapprochée.



Horacio Castellanos Moya décrit sans pitié son pays d’adoption dans lequel règne la sauvagerie de l’âme humaine, la corruption sanglante de cette société. La guerre est finie, mais les factions rivales continuent de s’affronter, l’armée est toujours aussi présente, les morts n’ont guère d’importance, les hommes non plus. Seul le pouvoir justifie les actions. Et l’argent, et la drogue. Notre sergent est parfois dans de mauvaises passes, surtout qu’il ne peut plus aller dans son hôtel de passe, avec sa pute attitrée, trop visible, trop prévisible, mais « Robocop » n’est pas un surnom usurpé. Sans âme, et surtout sans remord, la survie à tout prix, le prix du sang et de la vie.



Alors, oui, un roman sans espoir mais sans concession aussi sur la pourriture de ce monde. Un univers masculin et sauvage, pour ne pas dire barbare. Un peu d’alcool, mais du fort, quelques putes, mais des belles, du sang, beaucoup de sang qui gicle abondamment… Si tu vas à San Salvador, tu sais à quoi t’attendre maintenant… Et la femme dans tout ça… Elle s’en est retournée vers d’autres clients à la chemise plus blanche que ce mélange kaki militaire et rouge sanguin.
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Moronga

José Zeledón, alias....

Ex-guérillero du Salvador, ironie du sort, recyclé aux États Unis après la débandade qui suivit une embuscade par les américains.....alors que ses anciens camarades se sont hissés jusqu'à la présidence après avoir gagné les élections au pays.

Planqué à Merlow City, college town, Zeledón galère entres divers petits boulots , dont un, d'”espionnage légal “ au bureau informatique de l'université de la ville. C'est ainsi que son chemin croisera celui d'Erasmo Aragón Mira. Historien et journaliste salvadorien, il enseigne l'espagnol à l'université. Il vient de faire une demande de bourse pour une recherche sur un poète salvadorien assassiné par l'ERP, l'armée révolutionnaire du peuple, accusé d'être un agent de la CIA, plusieurs années avant le déclenchement de la guerre civile.

Zeledón se sent en prison, difficile de garder le moral dans ce trou perdu et de perdre ses vieilles habitudes. Surtout que les souvenirs remontent et qu'une occasion s'y présente,........

Quand à Aragon, arrivé à Washington pour sa recherche sur le poète assassiné, où son obsession de “jolies culs”, va l'entraîner de surprise en surprise pas forcément à son avantage, dans une Amérique où tout est prétexte à une accusation d'harcèlement sexuel....



Deux hommes seuls, “comme un palmier nain dans la toundra”, qui fuient leur passé chargé de violence, mais dans l'impossibilité de se défaire de la méfiance coagulée dans leurs veines, n'arrivent pas à vivre au présent.



Moyà dénonce un pays malade de moralisme et de surveillance, étranglé par ses lois et où les avocats règnent comme des bourreaux.

Un puritanisme qui met en péril toute personne victime d'une dénonciation d'harcèlement sexuel, justifié ou non.

Un imperturbable système de contrôle paranoïaque, stigmatisant tout individu qui de près ou de loin pourrait être un ennemi potentiel, sans aucun respect pour la vie privée, caméras de surveillance dans les villes, restos, cafés et même dans les wc, contrôle des comptes internets...



Bien que parfois un peu cru, j'aime bien le style sec et concis de Moyà. Trés méticuleux dans les descriptions des personnages et des faits, entrecroisant divers intrigues avec l'histoire centrale des deux protagonistes, il maintient la tension sans aucun temps mort. Une histoire haletante bien ficelée, sur fond de violence, et de sexe en garniture, où moronga ( penis en salvadorien ) est le mot clé , un portrait au vitriol d'un pays qui se veut gendarme du monde. Mon deuxième Moyà, excellent !

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Le dégoût : Thomas Bernhard à San Salvador

En espagnol, on dirait, à propos d'Edgardo Vega, le narrateur : "Qué exagerado, cómo se está pasando el tío"*.

Pourtant, il faut le comprendre, ce pauvre Vega. Voilà 18 ans qu'il a quitté le Salvador, son pays natal, pour émigrer au Canada, dont il a acquis la nationalité sous le nom de Thomas Bernhard. Lui qui pensait ne jamais remettre un orteil dans son pays abhorré, il se trouve aujourd'hui contraint d'y retourner au décès de sa mère, sans quoi il n'obtiendra pas sa part d'héritage.

On le découvre à San Salvador, assis dans un bar en compagnie de son ami Moya, l'auteur. Et on assiste avec ce dernier à un long monologue furieux, litanique et répétitif, où Vega s'en prend impitoyablement à la bêtise et au mauvais goût de ses ex-compatriotes, à leur mesquinerie et leur vanité, au goût infect de la bière locale, aux moustiques et à la chaleur, à la musique débile du bar, au pays lui-même avec toute sa corruption, ses guerres, ses dictatures et sa criminalité, et même à sa propre famille cupide et décadente. Bref, pour lui, tout au Salvador est dégénéré et il n'aspire qu'à monter dans l'avion qui le ramènera pour toujours au Canada, ou ailleurs, mais pas dans ce pays de fous.

Et donc, à cette lecture, on comprend bien le sous-titre "Thomas Bernhard à San Salvador", tant ce texte est un exercice d'imitation de/un hommage à l'Autrichien rageur (que je n'ai jamais lu, honte à moi). Edgardo Vego éructe, hurle, déteste et vomit son pays et ses habitants dans des flots de bile. Ce livre qui ne connaît pas la demi-mesure est écrit à l'acide sulfurique. Critique féroce qui tend à l'universel quand elle décrie les régimes politiques non démocratiques et la surconsommation, il s'en dégage évidemment beaucoup de noirceur, mais aussi une énergie contagieuse, une sorte d'élan vital désespéré à l'idée de rester coincé dans ce pays fangeux. Un tour de force impressionnant, génial et jouissif qui a, paraît-il, valu des menaces de mort à l'auteur. Les Salvadoriens n'auraient-ils pas le sens de l'humour ?

*Il exagère, ce type dépasse les bornes.
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Le dégoût : Thomas Bernhard à San Salvador

Un salvadorien exile, professeur d'histoire de l'art au Canada, revient a San Salvador pour les funerailles de sa mere. Un retour apres 18 ans d'absence qui tourne au cauchemar. Il deteste tout ce qu'il voit, autant sinon plus qu'il le detestait quand il etait parti. Il cite un vieil ami, Moya (un double de l'auteur?),le seul a qui il voudrait parler, le seul de qui il croit pouvoir etre compris.





Et nous voila partis pour un monologue torrentiel, ininterrompu, de quelques heures, ou il deverse, haineux, tout le degout que lui inspire son pays natal, ses habitants, ses moeurs et ses coutumes. Buvant du whisky, vu qu'il trouve la biere locale infecte, il vomit sa bile sur les politiques, tous des criminels; sur l'eglise qui enterine cyniquement leurs turpitudes et leurs injustices; sur la population, tous des ignares n'ayant jamais lu un livre, tous peureux face aux gangs de “maras" maffieux qui proliferent, tous serviles devant la police et l'armee qui ne sont qu'une autre sorte de bande de malfaiteurs. Tout y passe. Il ne pardonne rien ni personne. La ville, puante, pestilentielle, infestee de bestioles malveillantes, est un chaos architectural sordide, crasseux. L'eau y est contaminee et meme la biere locale provoque la diarrhee. La gastronomie n'est pas en reste, les “supusas au chicharron" dont tous se delectent, graisseuses et indigestes. La famille, le sens donne en cet endroit a la famille, ignominieux, les hommes hantant des bordels sordide avec l'aval de leurs epouses. Sa propre famille, celle du seul frere qu'il ait, abetie par la television, est cupide et ne pense qu'a lui voler sa part d'heritage.





Un monologue qui n'est pas une critique mais un matraquage de tout ce qui est salvadorien. Presque un anatheme. Et le denomme Moya du recit ecoute sans rien dire, sans interferer en quoi que ce soit. Je me demande donc si ce ne sont pas les vraies pensees de l'auteur, du Castellanos Moya reel, qui sont versees la. En tous cas c'est ainsi que cela a ete ressenti dans son pays, d’ou il a du fuir suite a des menaces. Et en fait dans le seul autre livre que j'ai lu de lui, Moronga, il est aussi tres critique du Salvador, qu'il decrit gangrene par les “maras", les gangs, et ou les anciens guerilleros de la guerre civile sont vite devenus des autocrates corrompus. Mais cela n'atteignait pas le paroxisme de la critique de ce livre, cette condamnation sans appel, justement intitulee Le degout.





Ce n'est que vers la fin que l’exile imprecateur notifie qu'il a change son nom. Il s’appelle desormais Thomas Bernhard. Ah, bon! Ce livre est donc un exercice de style, dans le genre du celebre auteur autrichien. Des phrases longues a la Bernhard, repetitives a la Bernhard, et un denigrement, mechant et gratuit, de la societe ou il vit, a la Bernhard. Mais la comparaison s'arrete la. Bernhard l'autrichien, si j’essaie de me rappeler de vieilles lectures, a plus d'humour, et il se denigre lui-meme beaucoup plus, ce qui rend ses ecrits plus jouissifs. D'un autre cote Bernhard a ete, malgre quelques critiques, tres bien accepte en son pays, ayant meme recu des prix, alors que Castellanos Moya a ete pratiquement chasse du sien.





Pourquoi des ecrivains tentent de copier des modele qu'ils admirent? Castellanos Moya a bien fait par la suite de developper sa propre veine. Et si je dois donner un conseil, lisez plutot Moronga que ce livre-ci.

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L'homme en arme

Mesdames, si après ces mois de confinement vous êtes du genre à fantasmer sur les vilains garçons, les bad boys sans coeur et sans cerveau mais pleins de muscles, mensurations 1m90 pour 95 kg, qui n'ont peur de rien sauf de la vie normale, alors Robocop est fait pour vous. C'est le surnom de Juan Alberto García (moins sexy, vous avouerez), même pas un robot mais un homme de chair et d'os, et même pas policier. Enfin presque plus. En réalité il était militaire, et même pire, puisqu'il était sergent dans le bataillon d'élite Acahuapa, un escadron de la mort au Salvador. Mais ça, c'était avant 1991, avant la fin de la guerre civile et les accords de paix qui ont démobilisé les ploucs et désarmé les guérilleros. En tout cas sur papier. Mais donc Robocop s'est retrouvé au chômage, et ne voit pas trop comment se reconvertir dans le civil, étant donné que son métier, ça a toujours été "machine à tuer". Mais bon, comme au Salvador (et dans le reste de l'Amérique bananière, pardon, centrale) la paix n'est qu'une façade qui n'arrange personne, la réputation de Robocop lui a vite permis de se recycler en mercenaire au service des uns puis des autres, et qu'importe si ces derniers sont les ennemis jurés des premiers.



Dans ce court roman pétaradant et sanglant, l'auteur tire une nouvelle fois un portait au vitriol de son pays au destin pathétique, à l'image de celui de cet homme sans âme et sans morale, uniquement mû par ses instincts de vie et de mort, tuant pour gagner sa vie et/ou ne pas être tué. Racontée par Robocop lui-même, dans une sorte de confession mais sans aucun mea culpa, l'histoire est à la fois glaçante et burlesque. Un curieux mélange, certes, mais efficace et fascinant puisque distillé de la plume de maître de Horacio Castellanos Moya.



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Moronga

"Moronga" signifie "boudin" et par extension, peut désigner, de manière peu flatteuse, l'organe sexuel masculin.

Foin cependant de cours de cuisine ou d'anatomie ici, encore que. Avec "Moronga", l'auteur dissèque la manière dont la violence à l'oeuvre en Amérique centrale dans les années 70-80 (à droite, des coups d'Etat à répétition, à gauche, des guérillas en tous genres) s'est transplantée, quelques décennies plus tard, aux Etats-Unis. Une greffe bien réelle même si elle est peu apparente au départ, puisque personne à Merlow City, Wisconsin, n'imagine le passé de José Zeledón et d'Erasmo Aragón, deux solitaires aux aguets, qui ne se connaissent pas et ne veulent surtout pas faire de vagues.

Le premier, ancien guérillero, a fui le Salvador et ses représailles, et s'est (en)terré dans cette petite ville universitaire endormie où il s'est trouvé un petit boulot de chauffeur de bus scolaire. le deuxième, militant gauchiste dans ses jeunes années, également salvadorien, est professeur d'espagnol à la faculté locale et mène des recherches sur l'assassinat, en 1975, de son compatriote, Roque Dalton, poète et résistant communiste. Il espère que la consultation, à Washington DC, des archives déclassifiées de la CIA à ce sujet lui permettra une avancée décisive dans son enquête.

Deux personnages, deux chapitres, qui leur ressemblent. Dans le premier, Zeledón nous raconte sa vie pendant les dix mois passés à Merlow City, clôturés par son voyage "d'affaires" à Chicago. Descriptif et très factuel, émaillé de flash-back sur son passé au Salvador, le récit donne à voir son quotidien désormais rangé, inconsistant, déprimant, sécurisé. Un peu trop, peut-être, pour les réflexes toujours aiguisés de Zeledón. Dans le deuxième, c'est Erasmo qui s'exprime, dans une logorrhée proche du flux de conscience. Là où Zeledón prend 140 pages pour décrire dix mois de sa vie, le professeur en noircit autant pour seulement cinq jours aux archives nationales, c'est vous dire le bavard invétéré. Sa paranoïa et son hyper-anxiété lui font imaginer les pires complots, et comme si ce n'était pas suffisant pour son cerveau en constante ébullition, il ne peut s'empêcher de courir le moindre jupon qui passe, d'attirer les ennuis qui vont avec (ou pas, d'ailleurs), et qui le conduiront, par hasard, à Chicago.

Les deux chapitres, dans lesquels il ne se passe finalement pas grand-chose, prennent tout leur sens à la lecture du troisième. Ils ne constituaient en réalité que la mise en place de cette sorte d'épilogue, écrit sous la forme d'un rapport de police, dans lequel le roman culmine et se dénoue. Mais, plus que ces derniers événements – violents –, ce qui est intéressant ici, c'est la liste des ingrédients qui y conduisent : des personnages au passé pesant, dont la vie se désagrège parce qu'ils ne sont pas en phase avec leur nouveau pays puritain et policier, adepte de la délation et des caméras de surveillance mais qui échoue lamentablement sur les terrains de la pauvreté, de la délinquance et du narcotrafic.

Avec ses références à la famille Aragón et à d'autres personnages de précédents romans (entre autres "Effondrement" et "La servante et le catcheur"), "Moronga" est donc un nouveau plat de choix sur la carte de H. Castellanos Moya, une pièce supplémentaire dans son grand oeuvre centré sur l'histoire tourmentée de l'Amérique centrale et ses répercussions sur les survivants. Une histoire faite de guerres, de dictatures, de machisme et d'injustice, dans laquelle les âmes malades de violence ne trouvent que peu d'espoir de rédemption. Caustique, véhément, noir et amer. Un grand cru.



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La mémoire tyrannique

En 1944, le Salvador est entre les mains de Maximiliano Hernández Martínez, un dictateur surnommé "le sorcier nazi", en raison de son penchant à diriger le pays en fonction du résultat de ses séances de spiritisme. le journaliste Pericles, son ancien secrétaire et désormais l'un de ses plus féroces critiques, est, une fois de plus, emprisonné. Peu de temps après, un coup d'Etat est monté contre le dictateur, mais échoue lamentablement. Clemente, le fils de Pericles, est impliqué dans cette rébellion, et doit désormais se cacher pour éviter des représailles impitoyables. Entre son mari en prison et son fils en cavale, Haydée, issue d'une famille de la haute bourgeoisie, tente de maintenir sa maisonnée et le reste de la famille à flot.



Comme dans "Effondrement", Moya utilise trois styles narratifs différents. Dans son journal, Haydée raconte son quotidien par le menu, ses visites à la prison, les événements politiques et leurs conséquences sur son mari, son fils et la famille (dont une partie est plutôt libérale et l'autre plutôt pro-militaires). Malgré ses angoisses et ses inquiétudes, elle explique comment sa conscience politique s'éveille progressivement au contact des femmes d'autres prisonniers, jusqu'à oeuvrer discrètement en faveur de la rébellion. le journal alterne avec les épisodes rocambolesques de la fuite de Clemente, dans un style très dialogué et scénarisé. La dernière partie, en guise d'épilogue, est racontée à la première personne du singulier, avec plus de lenteur, et prend le recul imposé par les 30 années passées depuis le coup d'Etat.



Avec "La mémoire tyrannique", Moya ajoute un volume supplémentaire à sa "Comédie inhumaine", imbriquant une nouvelle fois l'histoire dramatique du Salvador et celle tout aussi chahutée de la famille Aragón. Et une nouvelle fois, il excelle dans l'art de croquer des personnages presque ordinaires, ni très lâches ni très courageux, soudain confrontés à la "vraie vie", telle qu'on peut la concevoir au Salvador. le ton tragique du journal de Haydée est contrebalancé par le côté burlesque et ironique de l'exil de Clemente. Mais cet humour est noir, et ce pays, qui semble voué à une sauvagerie sans fin (aujourd'hui les gangs mafieux ont remplacé les dictatures et les guerres civiles), ne retient décidément rien de son passé.



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La mémoire tyrannique

 Maximiliano Hernández Martínez, dit "le sorcier nazi' à  cause de ses complaisances pour le troisième Reich et sa dévotion  à l'occultisme, règne d'une poigne de fer sur le Salvador après avoir maté  la révolte des paysans indiens commandée par Agustín Farabundo Martí en 1932 et l'avoir  écrasée dans le sang. Depuis,  rien ne semble devoir menacer sa tyrannie - peuple muselé,  armées et polices sous contrôle, voisin  américain conciliant.



Mais en ces fêtes de Pâques 1944 de légers frémissements dans la presse d'opposition, pourtant bien impuissante, et dans les facultés semblent présager un changement. En Europe, il est de plus en plus évident que l'allié nazi est en train de perdre la partie.Même les USA commencent à trouver que ce dictateur ( pourtant  d'un anti communisme de bon aloi)  a de bien mauvaises manières et ne le soutiennent plus  que comme la corde soutient le pendu...



Pour Pericles Aragón,  autrefois partisan du tyran et revenu, dix ans auparavant,  d'une ambassade à  Bruxelles complètement changé,  c'est la routine : exil, disgrâce, mise à pied, séjour au Palais Noir de la police, voire au Pénitencier.



Sa vie semble ponctuée de séjours à la case prison. Mais une prison confortable, une prison pour notable.. . Pour sa femme, Haydée, jolie bourgeoise,  fille d'un colonel réactionnaire,  c'est aussi la routine. Entre deux séances de coiffeur, et trois thés mondains, elle prépare le panier- repas de son rebelle de mari et repasse ses chemises de prison sans états d'âme. Dans son journal, les occupations les plus futiles ou anodines voisinent avec des considérations plus troublantes sur ce qu'elle perçoit vaguement de la situation politique.



Mais tout va brusquement se tendre: un coup d'état éclate, hélas vite réprimé,  les visites au Pénitencier sont suspendues, Clemen, le fils aîné de Haydee et Pericles, condamné à mort pour incitation à la rébellion,  doit prendre la fuite. 



Et Haydée dans son journal de maitresse de maison et d'épouse modèle,  note tout ce qui se passe: sa conscience politique s'éveille, et avec elle, le besoin d'agir. Elle devient, presque malgré elle,  un des soutiens les plus efficaces de la grève générale qui,  en paralysant le pays,  va contraindre le tyran à partir et à  s'exiler.



L'intérêt de ce roman tient à un double récit et à un mouvement de balancier.



Sous la forme de dialogues qui semblent tirés d'une comédie grotesque , on suit les péripéties de la fuite de Clemen et de son cousin Jimmy. Clemen, le rebelle, se révèle pusillanime, inconscient, dérisoire et fragile: une bouteille de whisky ou un mollet de femme suffisent à le déconcentrer et à lui faire perdre de vue l'essentiel.



En revanche, le journal d'Haydée trace le portrait d'une femme généreuse, courageuse, lucide que son amour de la justice, des libertés et surtout des gens éclaire et fait sortir des conventions bourgeoises où semblait la reléguer son éducation.



Plus son fils devient grotesque,  clownesque, pitoyable, plus Haydée devient étonnante, sublime, sans en avoir conscience, pourtant,  ni en retirer la moindre fatuité.



Quelque trente ans plus tard, un très bel épilogue clôturera cette histoire familiale .

Sur fond d'éternelle confusion politique: le départ du tyran n'a pas rendu le Salvador à la démocratie, tant s'en faut. Conclusion amère et forte.



Merci à Booky qui m'a fait découvrir cet écrivain et ce pays dont je ne savais rien. La plume de Castellanos Moya est pleine de saveur, d'ironie douce ou mordante, et le regard qu'il jette sur son pays est sans concession.



J'en retire quelques connaissances utiles- et un très beau portrait de femme.

Haydée et son petit carnet acheté à Bruxelles sont entrés dans mon panthéon des héroïnes féminines!
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L'homme apprivoisé

L'homme apprivoisé du titre, c'est Erasmo Aragón, l'un des (anti-)héros de "Moronga", précédent opus de Castellanos Moya.

Erasmo, ancien militant gauchiste salvadorien, avait fui la violence de son pays et trouvé refuge aux USA, où il occupait un poste de professeur d'espagnol dans une obscure faculté du Wisconsin.

Désormais quinquagénaire, il sort tout juste d'un bref séjour en hôpital psychiatrique après avoir souffert d'une grave crise nerveuse provoquée par des accusations d'abus sexuel. Lesquelles, bien que totalement fausses, ont tout de même causé son licenciement. Sans travail ni revenus, et bientôt sans permis de séjour, Erasmo évite néanmoins un retour fatal en Amérique centrale grâce à Josefin, une infirmière suédoise qui l'a hébergé avant de lui proposer d'aller s'installer avec elle à Stockholm.

Voilà donc Erasmo qui coupe les ponts avec son passé et qui commence une nouvelle vie, sous anxiolytiques et aux crochets de sa nouvelle compagne. Mais malgré les médicaments, le désoeuvrement, la dépendance financière et les frustrations auront tôt fait de ranimer sa paranoïa.



Dans ce roman court et intense, l'auteur revient à ses thèmes de prédilection : l'angoisse, le déracinement et l'errance perpétuels de ceux qui ont fui leur pays, tentent leur chance dans un autre mais échouent à s'y sentir chez eux.

Ce livre-ci me laisse un peu sur ma faim, parce qu'il est un peu trop bref et un rien moins intense que d'autres textes de Moya, notamment ceux écrits à la première personne du singulier, dans lesquels on se retrouve jouissivement enfermé dans la tête du narrateur en pleine logorrhée féroce proche du flux de conscience. Mais en toute logique, Moya n'a pas utilisé ce procédé ici, le cerveau autrefois bouillonnant de ce pauvre Erasmo étant désormais « apprivoisé » par les calmants.

Quoi qu'il en soit, le propos est toujours aussi pertinent, le ton lucide et ironique, et les fans de l'auteur y trouveront largement leur compte.



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