Citations de Hyam Yared Schoucair (147)
"Une ration par jour", se justifiait-il lorsque je lui demandais pourquoi, il économisait l'amour et le désir aussitôt qu'il était en présence des seins. "Afin qu'il t'en reste les jours de dèche. Je suis le coffre-fort de ton désir. Je stocke le surplus pour les jours où tu m'aimeras moins." Je trouvais impensable d'aimer moins. Haïr, peut-être, autant qu'on a aimé. Mais ne pas aimer moins.
J’avais Beyrouth entre les jambes.
Je vais vous poser une question : que voyez-vous en moi ? » Le trafic s’est densifié. Nous sommes à l’arrêt. Ses yeux dans le rétroviseur ne me lâchent pas. Je lui devine un sourire. Je tente :
— Une femme ?
— Oui, mais encore ?
— Une femme, chauffeur, heu… chauffeure de taxi ? Avec un e ?
— C’est tout ?
— Qui aime son métier ?
— Et ?
— Je ne sais pas, moi… Dites-moi…
—
Octobre
Moi, madame, avant, j’étais un homme et je peux vous dire que j’ai longtemps rêvé de ce e, et qu’il n’est pas muet. Et puis vous ? Vous qui êtes auteure, les différences, vous en faites quoi ? Aucune lettre ne ressemble à une autre. Aucune.
Sous la menace de la mort, dis-toi que nous sommes tous égaux ! — La vie alors, on en fait quoi ?
Je lui fit part de ma crainte de l'inconnu. Il n'y a que ça de vrai, répondit-elle, respirer nous y oblige.
Où tu ériges l'absence ton pas te ment.
Dans mes os faits d'écho le vide est féminin.
N'accouple aucun ruisseau à mon apesanteur
« Ton jardinier avait attaché un tuteur à ton jasmin. Il fallait que le grimpant suive le mur. J'ai toujours eu peur de suivre le sort de tes grimpants. J'ai longtemps vécu le corps et l'âme sanglés par mon éducation. J'ai alors développé une technique infaillible pour passer d'un choix à un autre.[...] Jamais je ne pus naître mieux qu'en quittant. Mes parents. Plus tard, mon mari. »
Notre entrevue au beau milieu du chaos de la guerre était surréaliste. La vie derrière soi. La guerre devant.
La mère souffrait de n’avoir pas choisi mon ADN. Je la comprenais. Moi j’aurais voulu choisir un vente formaté à ma recevoir.
Le cœur ne se dit pas, il se chuchote, sans presque de voix, disais-tu. C'est un murmure de lèvres d'où aucun son ne sort et où tout est possible.
La preuve du rêve est dans les arbres.
Tu voyais dans nos poumons un sanctuaire à la vanité des choses et citais Virginia Woolf : "La vie est un rêve. C'est le réveil qui nous tue."
Le seul fait d'exister te réjouissait.
J'ai pleuré de savoir que l'on vieillit. Je n'avais rien choisi. J'étais née, et je ne voulais pas mourir au même endroit. Je m'imaginais telle quelle, mais ailleurs. En Inde par exemple. En Iran, voilée et révolutionnaire. Dans un camp palestinien, issue d'une famille de réfugiés. Rester sur place m'indisposait. Écrire, c'est partir un peu. J'écrivis de tout mon être. Les mots réconfortaient ces besoins de fugue qui vous étreignent sans retour. Il m'importait peu d’arriver quelque part du moment que je partais. Je ne voulais qu'une chose : m'absenter.
De quelle liberté veux-tu parler? Naître est une prison. Vivre au Liban, une condamnation. (p.46)
Qui a dit que vivre est une partie de plaisir? C'est d'en ressortir libre qui compte. (p.46)
Le plaisir, ça peut griller des neurones, vous savez. Méfiez-vous de vos addictions. Rien n’est anodin !
Ça peut rendre fou d’aimer les autres à vos dépens !
Il faut une femme pour lire dans une autre femme. Une mère pour savoir que les ovaires sont des prisons et que la liberté surtout est un antihéros pour la maternité.
À force de chercher à plaire aux autres, j’ai oublié de m’aimer. La contrefaçon, ça biaise le bonheur en un tournemain.
(... ) celui qui naît « est pris au piège de la mort », disait mon père en ajoutant en fin de phrase que vivre n’aidait pas à aller mieux.