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Critiques de Ichiyô Higuchi (13)
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Qui est le plus grand ?

Les Japonais sont capables de maquiller même la prostitution en une institution pleine de délicatesse, de finesse et même de la qualifier d'honorable 😊! Bien qu'ici elle ne soit pas au coeur de l'histoire, celle-ci se passe à la fin du XIX e siècle , dans le Yoshiwara, le quartier des plaisirs d'Edo, ancien nom de Tokyo. Nous y suivons des enfants au seuil de l'adolescence, au coeur d'un monde révolue qui font l'apprentissage de la vie. Parmi les nombreux personnages, le récit évolue autour de deux garçons et une fille Midori , fille de gardiens d'une maison de repos, dont la soeur est geisha et dont elle va probablement en suivre l'exemple. Un quartier où la femme objet de convoitise, au métier de courtisane nullement considéré méprisable et à la suprématie indéniable, le nom d'oiran ,courtisane de classe supérieure est une marque de respect. Alors que les hommes , enfants, basculent entre voyous et dociles , adultes, ils se débrouillent comme ils peuvent , comme le bonze qui occasionnellement ouvre boutique ambulante sur le terrain vague et fait vendre à sa femme , des épingles à cheveux à la criée.

Seulement 100 pages pour une lecture ardue, un texte dense, touffu, bourré de termes spécifiques japonais, qu'on peut consulter aux notes de la fin, aux nombres de 103 😊. de nombreux détails et personnages nous font vivre une vie de quartier d'une époque intéressante, agrémentés de fêtes multiples, d’images touchantes, dont celle d'un des deux jeunes garçons polissons qui casse la lanière de sa sandale devant la maison de Midori, en apparence son ennemie , alors que la pluie bat son plein , il est trempé; elle veut l'aider, lui se sent obligé de l'ignorer, …..c'est délicat , fin, émouvant et se conclue par une magnifique image «  la jolie étoffe de yûzen à tâches rouges imprégnées des sentiments de Midori resta abondonné et désormais inutile à l'extérieur du portail. »

J'avais déjà lu des nouvelles de Ichiyo Higuchi, qui m'avaient beaucoup émues. Une grande écrivaine qui me touche pour la seconde fois, malheureusement disparue très jeune elle n'a pas d'autres livres , du moins pas traduit à ma connaissance.



« Grâce à ton amour, sur la couche d'une brève rencontre …. »

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La treizième nuit et autres récits

Les accords nocturnes d'un koto* apaisent un jeune mendiant qui n'a connu ni amour ni compassion, faisant ressurgir la tendresse qu'il avait si longtemps enfouie au fond de son coeur devenu dur comme un roc ( le son du koto).

Une rencontre déchirante s'improvise dans la treizième nuit du neuvième mois, alors qu'a lieu "les Fêtes de la lune", que le faible chant des insectes se mêlent tristement au vent d'automne sous la lune claire (La treizième nuit).

Un souvenir douloureux d'un passé qui n'a été qu'erreurs, se ravive à la première neige ( Jour de neige ).

Les pétales d'un cerisier près de l'avant-toit, qui tombent un à un , "au rythme de la triste résonance d'une cloche dans le ciel du soir" , alors qu'il n'y pas un souffle de vent dehors, évoque la fougue de la jeunesse et la folie de l'amour ( Fleur de cerisier dans la nuit ).

"Je vais devoir traverser le pont de bois**, moi aussi.....", signe la fin d'un amour impossible dans les quartiers du plaisir (Eaux troubles).



Dans le Japon du 19iéme siècle des personnages malheureux dont la majorité sont des femmes, qui subissent pauvreté, misogynie de l'homme et le poids des liens familiaux. Des femmes qui fument des pipes, de différentes trempes, dont dans la dernière nouvelle, l'une qui accepte comme naturel l'entichement de son mari pour une geisha, une autre qui dit " Moi je suis prête à lui laver sa veste et lui coudre des caleçons, mais quand je le vois batifoler ici et là , je doute qu'il puisse se poser un jour !"et contrairement au dernier livre d'Olivier Adam qui parle du Japon actuel, à l'époque, l'enfant en cas de séparation reste avec le père. Un texte foisonnant de références à de nombreuses oeuvres de divers poètes anciens , des personnages à la psychologie fouillée, où les détails ( vêtements, coiffure, bruits, sons...) complètent leurs descriptions.





Cinq nouvelles d'une romancière japonaise du XIXiéme siècle , Higuchi Ichiyô (1872-1896 ), première femme du Japon moderne dont l'oeuvre soit passée à la postérité. Romancière à 18 ans , morte à 24 ans de la tuberculose, elle figure aujourd'hui sur les billets de 5000 yen de la banque du Japon, en tant que symbole de la création littéraire. La première femme écrivaine à avoir couché sur papier, la voix de la souffrance et du désespoir des femmes de l'ère Meiji, son oeuvre n'a pas pris une seule ride. Une magnifique lecture émouvante, de plus dans une belle édition avec une superbe couverture qui me l'a fait lire dés son arrivée.



"Dites-moi qu'est-ce qui vous rend le plus heureuse ?***

-Je vais vous le dire. Ce n'est pas de multiples couches de brocart, C'est la nature qui me rend heureuse....Il y a une vérité, une honnêteté dans la nature qui parfois me donne le sentiment de communion avec les fleurs silencieuses et la lune tranquille."



*Instrument de musique japonaise.

**Le pont de bois qu'on hésite à traverser, et qui symbolise le danger de l'amour.

***Question posée à l'écrivaine.
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La treizième nuit et autres récits

Higuchi Ichiyô (Natsu, de son vrai prénom) est la première femme de lettres dont la renommée fut pérenne, du Japon moderne (à compter de 1868, ère Meiji). Ce fait déjà remarquable en soi l'est encore plus lorsqu'on sait que la jeune femme mourut à seulement 24 ans de tuberculose en 1896. Soit un an seulement après la parution de La treizième nuit. Après lecture de ce recueil de cinq nouvelles, quand je vois la qualité et la maturité narrative de ses textes, je ne peux que déplorer une si précoce disparition car il est certain qu'elle avait encore de grandes choses à écrire.



De l'ensemble des récits émane une profonde mélancolie, caractérisée selon une tradition littéraire symbolique par la présence de la lune, étincelante et impartiale, qui observe les faits et gestes d'une humanité impermanente et éphémère, en lutte contre des destins et des conditions de vie difficiles. Les personnages principaux de Higuchi Ichiyô, majoritairement féminins, sont tous en proie au désarroi ou à l'amertume, qu'il s'agisse d'une belle jeune fille de bonne famille mue par une folle et excessive passion de jeunesse qu'elle regrettera amèrement, d'une jeune femme de basse extraction mariée à un homme riche et influent qui la dénigre ou encore une courtisane à succès masquant sa peine sous une façade ou dans une tasse de saké.



Chez l'auteure, mélancolie ne rime pas avec "natsukashii", bel adjectif japonais qui renvoie à une mélancolie heureuse et douce, mais avec "kanashimi" (tristesse). Elle dépeint ses personnages avec profondeur et bienveillance, nous les rendant attachants. On en ressort d'autant plus le coeur étreint d'émotions et presque coupable de ne pouvoir changer la destinée de ces êtres soumis aux aléas et au tourment.

Autour de ces femmes et de ces hommes, la nature déploie ses saisons. On retrouve comme déjà citée plus haut la lune, mais également pruniers et cerisiers en fleurs, la neige, ..., autant d'éléments chantés de tout temps dans la poésie et la littérature traditionnelle japonaise. Higuchi Ichiyô maîtrise bien ces codes, ayant abondamment étudié et lu les recueils poétiques et romans des périodes Heian et Tokugawa. Elle utilise ces symboles dans ses nouvelles, mêlant intimement la tradition à une narration plus moderne. D'ailleurs j'adresse un grand merci à Claire Dodane pour sa merveilleuse traduction, ses notes infrapaginales très éclairantes quant aux références littéraires qui émaillent les cinq récits et sa postface instructive et mettant l'oeuvre de Higuchi Ichiyô en perspective. Chers/chères traducteurs et traductrices, que n'aurais-je pu découvrir sans vous!



Lire une nouvelle de cette incroyable jeune femme implique une lecture ralentie. Ce, afin de goûter avec délectation au style de l'auteure. Je le compare à la plus fine des porcelaines, d'une délicatesse de tons infinis qu'un soupir trop prononcé semble pouvoir briser. Mais qui possède pourtant les forces et beautés évocatrices qui résistent au passage des décennies. N'était la présence fugace d'un costume de type occidental, La treizième nuit et ses consoeurs flottent dans un espace intemporel.



C'est très beau, poignant, fort et émouvant quoique tout dans la retenue. Je sais d'avance que je relirai ce magnifique recueil. Et essaierai de découvrir les autres nouvelles rédigées par Higuchi Ichiyô, dont le beau portait orne les billets de 5.000¥ en reconnaissance de la gloire littéraire (aurait-elle apprécié est une autre question...).
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Qui est le plus grand ?

Higuchi Ichiyô, bien que peu connue en Occident, est considérée comme la première femme écrivain professionnelle au Japon. Elle publie en plusieurs parties Qui est le plus grand? entre janvier 1895 et janvier 1896. Elle meurt cette même année de la tuberculose.



Ce roman se déroule dans un espace très fameux du Tokyo d'alors : celui qui entoure le quartier des plaisirs de Yoshiwara ("la plaine des roseaux"). Dedans gravitent maisons de thé, courtisanes de haut rang ("oiran") ou simples prostituées, geishas et toute une foule de marchands ambulants, clients plus ou moins cousus, ... Presque un univers à part, tout comme le Gion de Kyoto.

Vivant à proximité de ce lieu hors normes, la jeunesse y est plus précocement délurée. Les principaux protagonistes du roman sont d'ailleurs des adolescents entre treize et seize ans. On sent un certain souffle du changement les frôler, les amenant pas à pas vers leur destinée. Midori, la jolie cadette d'une aînée qui s'est vendue comme courtisane, sait avoir à suivre le même chemin. Shinnyo, lui, est appelé à marcher dans les traces de son père en tant que bonze d'un temple bouddhiste (un bonze haut en couleur et à la tempérance toute relative, le paternel!). Shôtarô enfin a déjà commencé à seconder sa grand-mère dans le recouvrement des prêts sur gage de la boutique.

Le rythme des saisons induit les changements à venir, l'hiver annonçant la mort de la douce saison de l'enfance.



Bien que de formation littéraire extrêmement classique, Higuchi Ichiyo débride ici son pinceau en invoquant un Tokyo populaire et le quotidien des simples gens. Les commérages vont bon train, les jeunes garçons s'essaient à des poses viriles et chic, les fêtes du quartier déploient ses artistes de rue et gargotes temporaires. L'auteure signe ici une chronique vibrante de vie. Elle qui vécut dans un lieu plus cossu, a loué un temps avec sa mère une petite boutique dans un milieu populaire. Cette expérience donne toute sa véracité et son naturel au récit.



On sent d'ailleurs, même à ce niveau, les rivalités en matière de rang entre les habitants du Boulevard (la rue principale) et le Faubourg (les venelles et ruelles à l'arrière), le second socialement inférieur au premier.



Le récit m'a beaucoup intéressée. Les renvois aux multiples notes en fin d'ouvrage sont parfois un peu fastidieux mais très instructif quant aux éléments de la vie de tous les jours comme aux références littéraires ou musicales qui parcourent le roman.



En revanche, le texte ne m'a pas touchée, émotionnellement parlant. Sans doute cela tient-il à la prose particulière de l'ère Meiji à laquelle la lectrice occidentale du XXIème siècle que je suis n'est pas habituée. Pour autant, c'est un livre que je recommande à tout curieux de cette époque charnière du Japon, entre des restes de l'époque Edo et une marche en avant rapide vers le modernisme.
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Qui est le plus grand ?

Difficile de résumer ce livre; cela se passe à la fin du XIXem siècle dans un quartier japonais populaire, dans lequel les gens vivent de façon traditionnelle. Les personnages principaux sont des préadolescents, en particulier un garçon fils de bonze qui doit devenir bonze comme son père, et une fillette dont le destin est de devenir courtisane comme sa soeur.



J'ai une certaine difficulté à entrer dans ce livre, il est rempli de termes se rapportant au Japon traditionnel (vêtements, coiffures, nourriture....) et de références culturelles, en particulier littéraires. Or le Japon traditionnel m'est peu familier, il a y a certes de nombreuses notes, mais cela alourdit beaucoup la lecture. En plus il n'y a pas vraiment de récit, c'est une suite de saynètes. Et c'est au moment que les personnages sont posés, et qu'un semblant de récit démarre (une attirance entre les deux personnages principaux qui se concrétise par une fleur) que le livre s'arrête.



Une lecture un tant soit peu frustrante pour moi, peut être par ignorance de la culture japonaise traditionnelle.
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La treizième nuit et autres récits

J'ai lu les récits d'Ichiyô comme des chroniques qui racontent pour la plupart la vie de femmes japonaises à la fin du XIXe siècle. Elles mettent en scène des victimes de la société patriarcale qui tentent, dans un effort ultime, d'échapper à leur sort misérable, mais qui sont enchainées par des obligations envers leurs parents, leur mari, leurs enfants, etc. Le ton est mélancolique et la beauté de la nature (la lune, les cerisiers et les pruniers en fleurs, la neige, etc.) contraste avec les tourments physiques et moraux des personnages. Les textes fourmillent de détails sur les conditions de vie et les us et coutumes. Parmi les plus étonnants, les femmes fument la pipe et celles en âge d'être mariées se maquillent en noircissant leurs dents et en se rasant les sourcils. J'ai particulièrement aimé la nouvelle « Eaux troubles », la dernière et la plus longue du recueil, l'histoire d'une prostituée.

 

Malgré la brièveté de son existence et de sa carrière, Ichiyô Higuchi est une figure importante de la littérature de l'ère Meiji. Elle est morte à seulement 24 ans de la tuberculose, mais son talent était reconnu de son vivant par ses pairs (masculins). Signe d'une notoriété nationale qui ne faiblit pas, son visage apparaît sur les billets de 5 000 yens depuis 2004.
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La treizième nuit et autres récits

L'histoire que j'ai tissé avec ce livre est assez dingue. Je l'avais emprunté en médiathèque il y a pas mal d'années maintenant. Chaque fois que je prenais le temps de me balader dans la médiathèque à la recherche d'un livre, je le reprenais et le redécouvrais. J'étais à chaque fois émerveillée. J'ai donc fini par l'acheter.





Ce livre comporte cinq nouvelles de la première autrice japonaise. J'ai lu ce livre il y a plus d'un mois. J'ai encore du mal à écrire un ressenti sur ce livre. Toutes ces nouvelles ont en commun un personnage centrale féminin face à sa vie. Souvent le personnage secondaire est un homme qu'elle aime ou pense aimer. L'atmosphère japonais est très présent surtout le Japon du 19ème siècle. Il y a cette douceur mélangée à une dureté en parfaite harmonie.





J'ai beaucoup aimé toutes ces nouvelles. Les thèmes abordés sont la séparation, l'importance des choix, les apparences, la pudeur et les traditions parmi d'autres. Les fins sont rarement positives. L'autrice nous montre que quoique l'on fasse, la femme n'a qu'une valeur d'objet. Elle le fait avec beaucoup de poésie mais après réflexion, c'est ce que l'on se dit. Heureusement que ces femmes ont des personnes qui les écoutent





En bref, ce recueil de nouvelles est un petit bijou pour moi. À force de le lire, je manque profondément d'objectivité. J'espère avoir réussi tout de même à vous parler correctement de ce livre.
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Qui est le plus grand ?

J'ai beaucoup aimé un livre de cette autrice que je relierai. Je n'ai donc pas hésité à acheter celui-ci. Néanmoins, il n'a pas grand rapport avec le précédent. En effet, on est dans le Japon du 19ème siècle. L'autrice utilise beaucoup de choses typiquement japonaises. Si on ne connait pas les références ou les objets, la compréhension est difficile. Certes, à la fin du livre, un lexique nous aide mais ça coupe la lecture.



Si ce n'était que ça, ce ne serait pas gênant mais l'autrice exploite de nombreux personnages. Le lecteur doit dont être très attentif passant de la liste de personnages à retenir qui s'enchainent rapidement au lexique afin de comprendre des éléments qui apportent à l'ambiance. Surprenant quand on sait que tous ses personnages vivent dans le même quartier.





Personnellement, ça ne m'a pas trop dérangé. En effet, avec tous ce que j'ai lu sur le Japon, je n'ai eu besoin que de la moitié du lexique( il y a énormément d'annotations dans la première partie.). Je me suis perdue concernant les personnages a un moment. Je n'ai pas su trop différencier deux personnages masculins.





On suit principalement quatre enfants dont une jeune fille de 13 ans. J'ai eu du mal à l'apprécier. En même temps, ils sont tous un peu complexe avec leur problèmes personnels. J'ai été très étonné par la fin. Elle nous laisse en suspens tout en sous-entendant que le destin de ces enfants est déjà tracé dès le début du livre. L'écriture est fluide mais pleine de sous-entendu. On n'est pas toujours très sûr de bien comprendre. Seule la fin nous permet de comprendre pleinement.





En bref, voilà un roman extrêmement court complexe que je ne conseillerai qu'aux personnes ayant déjà des bases solide sur le Japon ou une patience de compréhension bien ancrée.
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Qui est le plus grand ?

D'une écriture fine et sensible, l'auteure japonaise nous fait découvrir la vie d'un quartier des plaisirs dans la fin du XIXème siècle. Elle relate la dernière année de l'enfance d'une jeune fille Midori qui se destine à devenir geisha et Shinnyo, un bonze.

Il y a de nombreux personnages qui gravitent autour des deux protagonistes. Exposer ainsi, la vie est en mouvement continuel, balayée par les quatre saisons.

L'auteure écrit au présent ce qui accentue l'immédiateté des scènes qui se succèdent. C'est un petit roman plein de bruit et d'odeurs.
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La treizième nuit et autres récits

Ce recueil de cinq nouvelles de la brillante et fugace Higuchi Ichiyo, morte à 24 ans en 1896, nous fait partager la mélancolie qui s’attache à des personnages féminins frappés par le destin, enfermés dans leur condition et victimes, parfois consentantes faute de pouvoir envisager autre chose, des traditions autant que, souvent, de leur pauvreté.

Les descriptions poétiques, puisant aux sources les plus classiques, se marient aux âpres conditions vie de l’époque meiji. Nous rencontrons ainsi, dans "le son du koto", un mendiant misérable dont la vie bascule, une nuit, lorsqu’il entend le son de cet instrument sous la lune. "La treizième nuit" nous apprends que la richesse n’apporte pas pour autant la liberté : la belle O-seki, mariée avec un homme important à la suite d’une union inespérée vu leur grande différence de niveau de vie et d’éducation, revient chez ses parents pour leur annoncer son divorce, alors que tous encensent son mariage et profitent, directement ou non, de celui-ci.

Le récit suivant, "jour de neige", nous fait partager les réflexions d’une jeune femme sur la fatalité qui l’a poussée à brûler sa vie dans un amour impossible. Cette impossibilité à s’aimer, sur un mode bien plus délicat, est aussi le sujet de" fleur de cerisier dans la nuit", où la relation impossible entre deux voisins, le beau Ryonosuke et la jeune Chiyo qui s’éveille à l’amour, mais n’ose pas s’en ouvrir à celui qu’elle aime, conduira à une fin tragique. La tragédie marque aussi "eaux troubles", un drame qui se joue dans une maison de plaisir entre la belle O-Riki et Genshichi, marchand devenu misérable pour avoir trop fréquenté sa maison de plaisirs. L’ inconstante O-riki ne peut l’oublier ambré ses amours multiples, mais Genshichi est à ce point épris d’elle qu’il va aller jusqu’à détruire non seulement sa famille, mais sa vie même. Cette longue nouvelle aurait pu donner matière à un roman, et décrit magnifiquement la vie des gens simples qui étaient les voisins de Higuchi Ichiyo lorsqu’elle tenait son petit magasin proche du Yoshiwara, le quartier des plaisirs.



Ce beau recueil nous offre un condensé du talent de Higuchi Ichiyo pour décrire la vie des sans-grade, des femmes et des hommes de peu qui luttent contre la fatalité et cherchent un peu de réconfort dans le simple éclat de la Lune.



Il faut rendre hommage au travail de la traductrice, Claire Dodane, qui enseigne la littérature japonaise à l’université de Lyon. Spécialisée dans les femmes écrivains du Japon moderne, elle a du composer avec le style très particulier de Higuchi Ichiyo, qui mêle des termes, des structures de phrase dérivant directement de la littérature Héian, de l’an 1200, à des références culturelles chinoises et japonaises classiques et des tournures bien plus modernes, celles du Japon de son époque. Le résultat est limpide, les notes nécessaires, en bas de page, étant toujours bienvenues sans jamais freiner la lecture.



Le livre comprend une postface qui précise les particularités de l’œuvre de Higuchi Ichiyo et la situe par rapport à d’autres écrivains de temps, comme Mori Hogai ou Koda Rohan, et discute la portée de ses textes qui annoncent un certain féminisme. Une suite de repères biographiques termine l’ouvrage.

Ce dernier compte 186 pages au format 16 x 22 cm, avec une couverture à rabats, et a été imprimé en France. Il est particulièrement agréable à lire car la papier utilisé est de très bonne qualité, très légèrement duveteux. Enfin, signalons pour tous ceux dont les yeux ne sont plus très jeunes qu’il est imprimé en caractères assez gros, avec des interlignes assez larges pour que sa lecture en soit alors facilitée.
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La treizième nuit et autres récits

Sensitif et imagé

Une grâce d’écriture telle qu’on la retrouve régulièrement en littérature japonaise Un objectif frontal amené tout en douceur.

A travers les métaphores autour de la nature se déploie une écriture vive et droite, économe et poétique.

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Qui est le plus grand ?

Sur la toile de fond d’un monde qui jette ses derniers feux, un quartier pauvre jouxtant le nord du quartier des plaisirs d’Edo, le Yoshiyara, en 1893, Higuchi Ichiyō nous raconte la fin de l’enfance de trois garçons et d’une fille, au cours d’une année fatidique au terme de laquelle ils vont devoir s’engager vers leur condition d’adulte.

Nous sommes dans un milieu misérable, loin des fastes du quartier des plaisirs qui assure pourtant indirectement la subsistance de tout le « petit peuple » dont l’auteur nous fait partager la vie quotidienne, toile de fond bigarrée devant laquelle se jouent les petits drames et les amours touchantes de la fin de l’enfance. Bien que les personnages foisonnent (cela nécessite de lire le livre d’une seule traite, ce qui est facilité par sa longueur, moins d’une centaine de pages), nous allons y rencontrer principalement quatre adolescents : Chôkichi, dit « le grand Chô », bagarreur, querelleur, fanfaron et volontiers m’as-tu-vu, cache sous ses dehors grossiers une grande gentillesse pour ses amis du faubourg, dont il est le « chef ». Une rivalité existe en effet entre les enfants du boulevard (où sont installés les familles les plus « riches ») et ceux du faubourg (où vivent les moins argentés des pauvres), mais nous ne sommes pas ici dans la guerre des boutons, et cette opposition est surtout prétexte à montrer les différents caractères des enfants pauvres d’Edo. Parmi eux, Shôtaro, fils du prêteur sur gage, ne fait pas, lui, mystère de sa gentillesse, alors que Shinnyo, prototype du bon élève et destiné à devenir bonze pour prendre la suite de son père, affecte un grand détachement après avoir subi, puis dépassé, les moqueries de ses camarades. Il est secrètement épris de la jeune Midori, la jeune fille de la bande, sœur d’une geisha de bonne renommée, O Maki, et destinée à prendre le même chemin que sa jolie grande sœur qui officie au Yoshiwara, où, très clairement, elle fait bien entendu commerce de ses charmes. Midori est le personnage principal du roman, attachante et fière, parfois aussi désemparée par le destin qui l’attend et auquel elle aimerait pouvoir, en ralentissant la course des jours, échapper le plus longtemps possible.



Le roman de Higuchi Ichiyō est à l’origine une nouvelle, takekurabe (ce qui peut aussi se traduire par « grandir », ou bien « croissance ») parue par épisodes entre 1895 et 1896 dans la revue Mezamashi gusa. Il est écrit dans une langue simple et belle, qui laisse place à de nombreuses expressions typiques qui sont expliquées en fin d’ouvrage dans une douzaine de pages de notes (qui auraient été plus pratiques en bas de page). Certes, le niveau littéraire des expressions utilisées par des adolescents peut nous surprendre (agréablement), mais cet artifice est explicité par une fréquentation assidue des personnes travaillant au Yoshiwara, qui aurait eu pour conséquence d’améliorer leurs capacités d’expression…



L’autrice, Higuchi Ichiyō, d'un milieu très modeste, a vécu pendant plus d’un an, avec sa mère et sa sœur, dans le quartier qu’elle décrit, où elle a géré une petite épicerie. Elle nous livre donc une fiction qui est aussi un témoignage de première main sur cette époque. Elle n’a hélas pas eu le temps de profiter du succès de ses rares œuvres, car la tuberculose l’a emportée à l’âge de vingt-quatre ans. Sa nouvelle a été adaptée par deux fois au cinéma.

Le livre lui-même (éditions Picquier, imprimé en France, 6 €) est écrit en caractères assez petits et serrés, et contient quelques illustrations de qualité hélas plus que moyenne, ce qui semble dû davantage à l’impression qu’à l’artiste, et dont certaines auraient pu être avantageusement omises. Un plan des lieux d’Edo dont il est fait état dans le texte est aussi fourni, tiré d’une étude japonaise de l’œuvre, par Aoki Kazuo, mais il est hélas trop petit et trop mal imprimé pour être réellement utile. Par contre, et c’est rare, l’introduction de sept pages d’André Geymond, le traducteur, est à la fois suffisamment brève et intéressante, ce qui est rare. Il y donne des détails sur la vie de l’autrice, la structure de son œuvre et les procédés littéraires qu’elle emploie.



Pour la traduction elle-même de ce grand classique de la littérature japonaise, André Geymond a été aidé par Pierre Faure, traducteur de « la Sumida » de Kafu Nagai, et quatre spécialistes japonais. Le résultat est excellent, rendant parfaitement l’atmosphère particulière de l’époque et du lieu, quitte parfois à gêner le lecteur néophyte par de très nombreux termes japonais qui, fort heureusement, sont explicités dans les notes ou bien se comprennent en raison de leur contexte. 



On ne peut que conseiller la lecture de cette célèbre nouvelle aux allures de petit roman qui décrit une dernière année d’enfance et de relative insouciance dans un quartier qui bruisse, sans y participer pour autant, des fastes du Yoshiwara ; et qui donne la vedette à des enfants face à leur destin, ce qui n’est pas si courant dans la littérature japonaise.
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Qui est le plus grand ?

Bien que le livre soit extrêmement court (seulement 120 pages en comptant l'intro et les notes explicatives), j'en ai beaucoup apprécié la lecture.



En suivant ce groupe d'enfants une année durant, il donne un aperçu de la vie quotidienne dans un quartier pauvre de Edo au XIXe siècle.



Un classique à découvrir !
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