Citations de Ildefonso Falcones (110)
Quelle guerre ? Il n'y avait eu que des massacres, des échauffourées où les seuls perdants avaient été les petites gens, les soldats loyaux... et les enfants qui souffriraient de la faim l'hiver suivant par manque de grain. Quelle guerre ? Celle qu'avaient livrée évêques et cardinaux, entremetteurs de rois rusés ? [...] Pourquoi avait-il dû tuer ? A quoi servaient ces morts ?
Chante Gitan, chante jusqu'à sentir le goût du sang dans ta bouche.
— Moi aussi, j’ai une mère.
— Nouvelle ?
Arnau hésita.
— Je ne sais pas. Elle s’appelle Vierge Marie.
— Vierge Marie ? C’est qui, celle-là ?
— Elle est dans certaines églises. ...
Le trafic de chair humaine était un des commerces les plus prospères et les plus rentables dans la Cordoue de ce siècle, et non seulement pour les marchands professionnels, mais pour quiconque possédait un esclave.
- Je n'aime pas les voir mourir, se rappelait-il avoir dit à Hamid, devant la file de Chrétiens nus et attachés qui se dirigeaient vers leur fin. Pourquoi faut-il les tuer ?
- Moi non plus, lui avait répondu l'uléma. Mais nous devons le faire. Ils nous ont obligés à devenir chrétien sous peine d'exil, ce qui est une autre façon de mourir, loin de sa terre et de sa famille.
Seuls les très riches, les très pauvres ou les fous pouvaient se permettre de tout perdre pour leur honneur.
Le seul danger c'est de vivre en se détournant de Dieu.
Arnau, il y a quelque chose qui ne changera jamais : celui qui possède de l'argent en veut davantage. Il ne l'a jamais offert et ne l'offrira jamais.Si vos évêques ne le font pas, pourquoi leurs paroissiens le feraient ? Que cela s'appelle un prêt ou une commanda, quel que soit le nom, les gens ne donnent jamais rien gratuitement. Pourtant, nous les juifs, sommes les seuls usuriers.
C'est la vérité -se défendit le Maure.
Non, ce n'est pas vrai, Mar lui dit Arnau qui se vit gratifié d'un sourire. Le roi vient nous demander notre aide pour conquérir la Sardaigne.
De l'argent ? demanda l'enfant après avoir fait un clin d'oeil à Guillem.
Arnau observa d'abord la petite, puis Guillem ; tous deux lui firent un sourire ironique. Comme cette petite avait grandi ! Elle était déjà presque une jeune fille, belle, intelligente, avec un charme capable d'enflammer n'importe qui.
Un jour, du temps de nos petits-enfants, ou de leurs enfants, ou des enfants de leurs enfants, lorsque les gens regarderont cette oeuvre, ils ne parleront pas de Berenguer de Montagut ; ils parleront de toi, petit.
Arnau sentit sa gorge se nouer. Le maître ! Qu'était-il en train de lui dire ? Comment un bastaix pouvait-il être plus important que le grand Berenguer de Montagut, maître d'oeuvre de Santa Maria et de la cathédrale de Manresa ? C'était lui qui était important.
Tu as mal ? insista le maître.
Non... un peu. Juste une torsion.
J'espère bien. -Berenguer de Montagut lui posa la main sur le dos- Nous avons besoin de tes pierres. Il y a encore beaucoup à faire.
Pour être noble, il faut être né noble, il faut avoir tété de la noblesse. Je ne dis pas que c'est bien. Mais seuls les nobles qui en ont tété peuvent en être et contrôler en même temps les risques qu'ils prennent. Même quand il se ruine, qui ose contrarier un baron catalan ?
La nôtre sera tout le contraire. Elle ne sera ni longue ni haute, mais elle sera très spacieuse, pour pouvoir contenir tous les Catalans, ensemble, devant leur Vierge. Un jour, quand elle sera finie, tu verras : l'espace, sans distinction, sera commun à tous les fidèles ; et pour unique décoration, elle aura la lumière, la lumière de la Méditérannée. Nous n'avons besoin de nul autre ornement : seuls l'espace et la lumière qui entre par ici.
extrait traduit par moi même
Dalmau connaissait la technique du trencadis imaginée par Gaudi. Elle lui plaisait. Ce fouillis de petites pièces cassées était surprenant. Parfois il inquiétait mais il émerveillait toujours : la couleur, la disposition, et même la possibilité de spéculer d’où provenait telle ou telle pièce, dans une vaine tentative de connaître son histoire.
- C’est une nouvelle technique, moderniste..tenta Dalmau de défendre le grand architecte.
- Fiston, répliqua Don Manuel en l’interrompant. Le trencadis n’est rien d’autre qu’une variante du zellig, déjà utilisé par les arabes dans notre pays il y a très longtemps. Le fait est que Gaudi est obsédé par l’économie, son discours tourne toujours autour d’elle, utiliser les matériaux à bon escient, économiser. Il a ressorti cette technique et a obtenu que les usines lui donnent leurs restes inutilisés, ce qui lui baisse les coûts.
Peut-être que le trencadis venait des arabes ; de nombreuses constructions modernistes se basaient sur l’architecture et l’ornementation arabes. Néanmoins, il était indéniable que la céramique appliquée sur les façades des immeubles, cassée ou entière, changeait l’aspect de l’environnement. La pierre et les briques, grises, uniformes, tristes, se transformaient, grâce à une couverture de carreaux, en façades lumineuses, colorées, brillantes, capables de supporter et de montrer au passant des formes osées, innovantes, beaucoup plus impactantes que les ennuyeuses compositions classiques qui ornaient les boulevards des grandes villes.
Bernat compta l’argent que lui avait donné Grau et le jeta dans sa bourse en grommelant. Ça devrait suffire mais... maudits Génois ! Quand s’achèverait enfin le siège auquel ils soumettaient la principauté ? Barcelone avait faim.
Ponç avait payé la caution qu’avait sollicitée le viguier et celui-ci lui avait livré Joana. Il avait construit dans son jardin une pièce de deux mètres et demi sur un mètre vingt, creusé un trou pour les besoins, ouvert cette fenêtre par laquelle Joanet, venu au monde au terme de neuf mois de procès et jamais reconnu par Ponç, se laissait caresser la tête, et emmuré à vie sa jeune épouse.
Jaume supervisa de près les premiers pas de Bernat, jusqu’au jour où il s’estima satisfait : il avait considérablement augmenté la production de l’atelier et Bernat continuait à apporter le même soin à ses tâches. « Davantage même que certains ouvriers ! » se vit-il obligé de reconnaître.
Les gens, debout, sur des madriers ou par terre, firent honneur aux agapes, sans quitter du regard les agneaux que surveillaient en permanence quelques femmes. Le vin coulait à flots, on parlait, on criait, on riait.
— Une grande fête, oui monsieur, jugea Pere Esteve entre deux cuillerées.
Ils nous ont obligés à devenir chrétiens sous peine d’exil, ce qui est une autre façon de mourir.
Allah vous a récompensés avec un fils. Moi, il m’a donné d’abord deux filles, insista Salah.
Quinze ans seulement s’étaient écoulés depuis que Philippe II en personne, instigateur de révoltes et protecteur de la cause catholique en France, avait réagi avec enthousiasme en apprenant le massacre de la Saint Barthélémy, au cours duquel les catholiques avaient assassiné plus de trente mille huguenots. Si, lors d’un conflit religieux entre chrétiens, argumentait le traducteur dans sa lettre, le roi Philippe n’avait pas hésité à afficher publiquement sa joie et sa satisfaction pour l’exécution de milliers de personnes – peut-être pas catholiques, mais chrétiennes tout de même -, quelle miséricorde pouvait-on attendre de lui puisque les condamnés n’étaient qu’un troupeau de Maures ?