Un roman de la maturité ? Le nouveau texte d’Irina Teodorescu, « Ni poète, ni animal », à paraître à la fin de ce mois d’août chez Flammarion, rompt, sous ce titre quelque peu énigmatique, avec sa veine fictionnelle traditionnelle, plus proche du conte que du récit réaliste. Changement de point de vue, d’abord, puisqu’ici la narration est prise en charge par le « je » d’une petite fille devenue adulte, peut-être un double de l’auteur, tant certaines anecdotes évoquées ont la chair du souvenir intime; changement de thème, surtout, puisque cette fois la dimension magique et fantastique des précédents textes disparaît au profit de la chronique plus sage du temps, d’un regard souvent désenchanté sur les événements. Et pourtant ! On retrouve bien dans ce récit, mois après mois, des faits survenus dans son pays, la Roumanie, et dans la famille de Carmen, la narratrice, au cours de l’année 1989 qui vit à la fois la Chute du Mur de Berlin et la fin de la dictature du couple Ceaucescu , tous les ingrédients qui font le charme des textes de l’écrivaine, l’humour, la fantaisie, un goût immodéré de l’incongru et du sauvage, comme si, décidément, l’écriture refusait de se laisser jamais entièrement apprivoiser, échappant même peut-être à l’occasion à la maîtrise de son auteure… Et on aime ! Avec ici, en supplément, une construction du texte en kaléidoscope chatoyant, avec les enregistrements désopilants de la mère sur des cassettes à destination d’une amie passée à l’Ouest ou les interrogatoires délirants de Dani, la grand-mère internée en hôpital psychiatrique pour n’avoir vraiment plus toute sa tête. Et les fils conducteurs de l’amitié pour un poète, acteur de la révolution de 1989 et qui vient de mourir au début du récit, et de l’empathie pour les animaux, du renard mort d’ «éblouissement» aux savoureux (dans tous les sens du terme…) ours des Carpates, en passant par des cigognes ou un cochon de lait au triste destin, et peut-être, au bout du compte, une invitation à se méfier, justement, des « éblouissements », des lumières trop vives des sentiments ou des révolutions ! Un livre étonnant, plein de séduction, une nouvelle face de l’art d’une auteure que nous avons déjà reçue plusieurs fois à Privas depuis la parution des «Étrangères», cette si belle histoire d'amour, et que nous allons inviter à nouveau, avec grand plaisir… À bientôt, Irina ?
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les 13 portraits de femmes m'ont pas mal plu : certains sont extra, d'autres moins... mais toujours plaisants à lire, voyage imaginaire garanti. Je ne dis pas non pour enchaîner sur La Malédiction du Bandit Moustachu.
A suivre donc :D
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Une écriture surprenante et superbe pour un roman rythmé. Un bandit maudit une famille qui se révèle pire que le plus méchant bandit.
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Oui ! Oui, oui, oui, c'est un très bon et beau roman. Vous ne pouvez pas être déçu du voyage.
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« J’ai atterri ici, dans ce qu’ils appellent une « agroturistica », une nuit de pleine lune, début octobre, les chênes étaient dorés, les pins toujours verts, c’était époustouflant de beauté ».
La canopée lève ses miscellanées. « la forêt, désormais, de l’intérieur », rémanence et le chant d’une littérature qui excelle.
On marche sur les feuilles craquantes, « le partout, 57043,27 hectares de forêt, des bois et des réserves naturelles, aussi sauvages les unes que les autres ».
L’œuvre qui se crée. On ne lit plus. La trame est vivante et nous prend par la main.
C’est un récit vrai, intime, onirique et puissamment engagé, étincelant. Un tissage fascinant au jour le jour à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie.
Une forêt ancestrale, vierge et non apeurée. Qui acclame les visites parce qu’étranges et en mimétisme certain.
Se fondre dans cette forêt, une maisonnette cachée sous les mousses. Les fenêtres qui reflètent les mystères et les vertus, les douleurs, les insistances et les prises de risque.
Irina Teodorescu est ici. Elle a laissé ses grands enfants en France. Elle pressent dans cet espace, l’idiosyncrasie du monde. Les endurances et le poids lourd d’un bois mort qui pourrait la faire flancher encore.
Elle est de déambulation, de collecte et d’écriture. Elle s’ouvre à l’adversité, aux hôtes des bois. Elle fait des rencontres aussi sauvages et repliées qu’elle-même. Elle dévoile subrepticement un quotidien rude et accepté. Une connivence dans un hiver glacé et hostile. La chaleur humaine est vaste et spontanée. Irina Teodorescu est spéculative. Son écriture feuillage et âpre. Elle ne cède rien. Diogène et digne telle une essentialiste également. Elle sait combien la frontière est trouée et cède le passage aux dos courbés et aux mains meurtries de froid. Elle pressent les barbelés sur les fronts lourds et les diktats des migrations. Elle somme les migrants, la solidarité et la débrouillardise, malgré les tanks et les militaires. Agir comme un rai de lumière. Naturelle et complice de ceux qui sont tels des invisibles pour l’humanité. Elle note et consigne tout. Ses rêves qui changent de forme dans ces clairières hédonistes. L’autorisation aux fantasmes. Ici, est le liant. Elle sait combien cette forêt emblématique est une fourmilière où gravite l’humanité. Où s’élève l’ésotérisme. « Conclusion : Si on s’endort contrariés, la forêt rêve à travers nous. Et non seulement à travers, mais aussi pour. » « Et tu ferais quoi, si tu étais très riche ? J’achèterais cette forêt, côté Biélorussie y compris. Et tu ferais quoi avec cette forêt ? Rien, justement, je lui foutrais la paix ».
Irina pense comme la forêt. Elle est dans une posture libre et initiatique. Elle fuit sa mère. Dévoreuse de tendresse, dents acérées. La maternité scie l’arbre souverain. Les échanges téléphoniques avec elle, sont rares comme un rappel à la normalité. Elle réfute l’ordre et interpelle sa liberté de femme, d’amante absolue. Irina Teodorescu préserve ici, son intimité, ses silences. Elle fuit les friches du monde d’en haut. Écrire les sacrifices, les prises de risque, les arbres comme des explosions sur son propre corps. Elle est liane, végétale. Son îlot intérieur comme un sous-bois où se réfugient les migrants. Elle est le vacarme politique. Les sidérations qui témoignent. Le mémorial des possibilités. Les déambulations comme des hallucinations. Elle marche jusqu’au paroxysme des magies, des drogues et de l’amour. La forêt résistante, théologale et berceau. Devenir feuillage. La forêt-monde, nomade en son cœur. Avide de symboles et de raison : la sienne. Ce livre-journal est essentiel et brûlant. Inépuisable forêt, l’antre inestimable où tout peut advenir. Mésange et louve, écrivaine et combattante qui déjoue la fresque humaine si chaotique. Un journal-mousse, comble de paraboles. La renaissance comme un rêve qui se révèle. D’ombre et de lumière, vibrant et métaphysique. Le miroir d’une femme, sylvestre devenue. Publié par les majeures Éditions La Grange Batelière.
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Un petit bonbon parfait pour l'été.
Suite à une malédiction, on suit l'histoire d'une famille sur plusieurs générations qui essaye de s'en depêtrer. J'ai pensé à une version presque parodique de 100 ans de solitude ! Mais l'humour absurde et potache (les surnoms des gens) m'ont fait rire.
Parfois un poil longuet, et une fin qui aurait mérité un peu plus mais globalement une lecture très sympa pour la plage.
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Quand les souvenirs reviennent à la surface. Carmen, avocate à Paris, est submergée par un flot d’images de son enfance lorsqu’elle apprend la mort d’un grand poète Roumain.
Enfant, elle est marquée par la révolution de l’année 1989, qui pourtant sera bercée par les poèmes qu’elle écrit et les animaux dont elle se préoccupe particulièrement. Carmen se souvient et décrit deux portraits de femme : sa grand-mère, dont la folie est disséquée par les questions d’un psychiatre, et sa mère, qui enregistre des cassettes audios pour une amie de l’autre côté du Mur, où elle y décrit son quotidien et laisse transparaître une personnalité fantasque.
L’écriture et l’histoire ne m’ont pas particulièrement touchée et mes émotions sont restées de marbre face aux souvenirs ou aux personnalités évoqués. L’ennui et la déception était plutôt au rendez-vous, surtout après m’être perdue dans ce récit un peu trop brouillon et surréaliste à mon goût. Pourtant, le style se veut original et imprégné de poésie, un peu à la manière d’une fable ou d’un conte, mais dont je suis sans doute passée à côté.
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Merveilleux... c'est le dernier Teodorescu et elle parvient à nous surprendre, à n'entrer dans aucune répétition. Il y a tant de tendresse et de force dans son écriture, c'est vraiment une autrice unique dans le paysage français et nous avons beaucoup de chance qu'elle écrive dans notre langue. Les amateurs d'eau tiède ou réchauffée ont un peu de mal, bien entendu, ils devront attendre sa consécration - qui arrivera, j'en suis certain - pour lire sa prose magique avec un peu plus d'attention. Ne soyez pas de ceux-là, plongez, plongez dans les mots de Teodorescu !
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La famille Marinescu est une famille roumaine richissime, (en tout cas jusqu'à l'avènement du communisme), marquée par une malédiction. Celle portée sur les aînés de chaque génération par le bandit moustachu, spolié et assassiné par l'arrière-arrière-arrière-grand-père pour établir cette fortune.
Irina Teodorescu raconte cette histoire qui dure un siècle, de génération en génération, mi-conte, mi-farce. C'est un récit tambour battant, loufoque et joyeux, où même les malheurs font sourire. Irina Teodorescu développe habilement un style qui a des accents d'oralité, exclamatif, incluant monologues et dialogues dans le texte sans retour à la ligne, et donne ainsi à toucher l'intime des personnages, racontés l'un après l'autre, dans de courts chapitres.
Humour et joyeuseté sont les maîtres mots de ce récit, jusqu'aux toutes dernières pages, où une émotion poignante étreint le lecteur, dans un contraste saisissant : malgré tout nos efforts à prendre la vie du bon côté, à ne pas se laisser emporter par la tourmente, c'est finalement, comme toujours, le chaos qui l'emporte. On a cru lire un livre plaisant et léger, et en trois pages, tout est retourné comme une crêpe, une belle crêpe pleine de douleur, on comprend enfin que tout cela n'était qu'un cri déchirant.
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un roman visionnaire
le premier amour comme acte narcissique, retour à soi, découverte de l’autre, une vision plus qu’un récit, des impressions un imaginaire, un fil tendu entre le réel, le tableau, et la musique de l’inconscient.
le premier amour lié à un pays, lié à une culture mais vu d’en dehors, comme une ellipse de la migration, entre France et Roumanie, ni tout à fait en France ni tout à fait là, des nuages qui englobent la réalité avec l’imaginaire de ce qu’est l’autre pays, pas tout à fait vrai pas tout à fait faux, mais enraciné dans le ressenti, vibrant
le villes cosmopolites muées en villes mondialisées, en fond le bruit qui en découle, la consommation des corps, les astres narcissiques qui les traversent, opposition identitaire contre autoroute culturée, peroxydée d’argent d’art et de pose. Authenticité factice érodée par l’exil, à force de ressassement, présence floue en terre cible
et une forme enfin, fluide comme du Kundera, imagée picturale polyphonique,
bravo
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Les questions de l'art, du sujet, de l'amour, des lieux, de soi... Il y a tant à dire !
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Un pays, à l'Est, un temps indéfini et la malédiction qui pèse sur les premiers nés de la famille jusqu'à l 'an 2000, depuis que l'aïeul a trahi la confiance d'un bandit moustachu...
Le narrateur remonte le fil du temps en alternant l'histoire familiale, truculente, tragique, avec le passé plus proche de ses parents, leur histoire d'amour et de désamour, leur rencontre, leur mariage... et cette malédiction qui pèse et s'abat, pour la dernière fois, à la veille du 3ème millénaire.
Des chapitres très courts, des ruptures de tons qui nous font brutalement basculer du burlesque au drame et nous enfoncer très progressivement dans la tragédie et le chagrin. Des personnages fantasques, cruels, bons, odieux, étranges... Une galerie impressionnante qui habite ce roman, proche du conte, oui, mais d'un conte cruel, que rattrape la douloureuse réalité.
La fin est assez inattendue et dévoile l'ultime soubresaut de cette malédiction qui nous tient constamment en haleine. J'ai vraiment eu du mal à lâcher ce livre avant de savoir où il m'emmenait... et je ne l'ai su qu'à la toute dernière page ! Si bien que je l'ai lu d'une traite... Un roman à découvrir !
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Ce récit démarre comme un conte. Mais, on se perd très vite dans un dédale de personnages et dans une écriture destructurée. L'autrice aurait pu ajouter un arbre généalogique, cela aurait été bien utile ! Dommage, tout va trop vite, on passe d'un sujet et d'un personnage à l'autre sans transition. Difficile de suivre.
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