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Critiques de Irina Teodorescu (97)
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Ni poète ni animal

Nous avons tous étudié la chute de Ceaușescu dans nos livres d’histoire, la chute du Rideau de fer, la fin de l’URSS, 1989, et tout ça. Nous connaissons les dates et les faits historiques, nous savons comment se finit l’Histoire. Pourtant, il est bien différent d’appréhender ce même événement de l’intérieur du pays, et surtout à travers les yeux d’une gamine de dix ans à la famille complètement dingue et à l’imagination débordante. Carmen, parisienne d’adoption et avocate défendant les droits des animaux, sur son enfance à Bucarest, ses élans poétiques d’enfant glorifiant le communisme, ses weekends chez sa grand-mère folle, les lubies de son père, les étés chez ses grands-parents plus sains d’esprit, et surtout sur l’été de ses dix ans, où tout a basculé. elle évoque dans son récit son amitié pour un grand poète roumain controversé et récemment décédé, son seul ami et mentor resté en Roumanie – serait-il calqué sur Adrian Păunescu ?

Carmen, la narratrice devenue adulte, nous livre un récit décousu, drôle et piquant, entre histoires d’enfant plus ou moins inventées et les facéties d’une vie d’immigrée parisienne ne sortant pas de son arrondissement. D’anecdote en anecdote, elle nous décrit cette famille assez aisée, assez frappée, où chacun y va de sa petite magouille et de sa petite marotte. Le récit est entrecoupé de passages complètement loufoques : la mère enregistre sur une cassette un monologue à envoyer à sa meilleure amie immigrée aux Etats-Unis, ou bien la narratrice nous restitue les compte-rendus de rendez-vous psychologiques de sa grand-mère folle.

Irina Teodorescu nous offre une vision inédite des révolutions soviétiques, un regard de l’intérieur, celui des enfants ayant grandi dans ces pays et n’ayant jamais rien connu d’autres, celui de ces monsieur-tout-le-monde qui n’ont rien vu venir et rien demandé non plus, celui des familles simples, pas forcément engagées politiquement qui vivaient juste leur vie. C’est rafraîchissant et en même temps, très instructif.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Quel étrange roman, cette farce dramatique (plus drame que farce en ce qui me concerne) qui enchaine les morts et les folies dans une famille maudite par un bandit moustachu (ce n'est pas un scoop, c'est dans le titre^^) !

L’aïeul au début du 20e siècle fait un acte barbare par envie de richesse. Ensuite, survolant l'histoire du siècle (des phrases par-ci par-là rares mais pertinentes : l'arrivée des voitures, les guerres, un roi lointain puis le communisme), on a une collection d'accidents, de choix de vie dictés par l'orgueil du sang bleu, par le désir, par le malheur et la peur qui va avec, parfois par l'amour (qui ne sauve rien).

L'autrice roumaine écrit dans un français rythmé qui se lit rapidement, j'ai fini un peu perdue dans qui est qui mais ce n'était pas si grave, et avec un "woh, que ce conte est désenchanté !"
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Ni poète ni animal

Carmen, la narratrice – née en 1979 en Roumanie, comme l’auteure – est avocate à Paris. Le jour où elle apprend la mort d’un grand poète roumain, héros de la révolution, ami très cher et mentor, les gilets jaunes battent le pavé des ronds-points français, un renard meurt d’éblouissement dans la lumière de ses phares, tout la ramène dans ses souvenirs, et plus particulièrement à l’année 1989.



« Quand j’étais enfant, il y a eu, dans mon autre pays, une révolution. Un moment de grâce, j’ai cru que le temps des dictateurs était terminé et que commençait le règne des poètes. »



1989. L’année de ses dix ans, de la chute du Mur de Berlin, de la révolution en Roumanie, de la fin du dictateur Nicolae Ceausescu. L’année où son Grand Poète fit son apparition sur la scène littéraire dissidente. Se souvenir pour essayer d’y voir clair, faire le point, entamer un travail de deuil, se rappeler d’où on vient, le chemin que l’on a parcouru, réfléchir à la suite, peut-être, que l’on veut donner à sa vie.



« A l’époque, l’argent était un gros mot pour la petite pionnière de la patrie communiste que j’étais. »



Au début je me suis demandé si c’était des souvenirs d’enfance ou un roman. Un peu des deux certainement, un entre-deux, les deux réunis ? A l’image du titre du livre, Ni poète ni animal.



Carmen raconte son année 1989, à la hauteur de ses yeux d’enfant, petit clown dégourdi et « grande poétesse de l’école 307 de Bucarest ». Les cigognes gelées sur pied au bord d’un lac en mars, son dixième anniversaire le 1er avril, les vacances à la campagne avec ses grands-parents paternels et son amitié pour le petit cochon de lait qu’ils ont adopté, sa mère qui s’enferme dans la salle de bains pour enregistrer des K7 pour sa meilleure amie enfuie aux Etats-Unis car le téléphone coûte trop cher et les communications sont surveillées – K7 que la plupart du temps elle n’envoie pas car des propos subversifs lui ont encore échappé.



« Si on vivait dans une romance américaine, là oui, de temps en temps nous pourrions nous amuser à raconter une petite histoire sordide à nos enfants. Mais ici, avec la vie qui est la nôtre ? Il n’y a qu’à regarder par la fenêtre et tu l’as, ton histoire sordide. »



Son père, directeur financier dans une usine de savons, qui en échange au marché noir contre des denrées plus comestibles. Elle qui fait la queue des heures pour réussir à acheter les premières tomates de la saison. Sa grand-mère maternelle Dani – qui a un sacré grain, soit dit en passant -, suivie en hôpital psychiatrique et par les services secrets car elle est fille d’aristocrate… sans compter ses quatre ou cinq frères et sœurs, elle ne sait jamais combien (il semble que ce soit une sœur qui oscille dans sa mémoire, j’ai pensé à un règlement de comptes, haha).



Irina Teodorescu est roumaine de naissance, vit en France depuis de nombreuses années et écrit en français. Je l’ai pour ma part découverte avec ce titre et son écriture bouillonnante et espiègle, surprenante et poétique, à la mélodie et au tempo particuliers, m’a séduite.



« […] Je me suis mise à apprendre le russe, j’aime cette langue et la langue est un miroir. Je me regarde dans mon russe de débutante, je me vois à peine crayonnée, et cette image me satisfait. »



A travers la vie de ces trois générations de femmes – les souvenirs de Carmen alternant avec des retranscriptions de certaines K7 de sa mère et des compte-rendus d’entretiens psychiatriques de sa grand-mère -, c’est toute la Roumanie du 20ème siècle que raconte ce livre. Un récit très bien construit, une lecture intéressante et riche. J’ai beaucoup aimé !



« Pourtant il parlait lentement, comme s’il attrapait ses mots avec des pincettes et qu’il les posait un par un sur une table métallique pour les étudier. »
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Roman qui se lit très vite (170 pages) et qui retrace, ou plutôt qui énumère, de générations en générations, la malédiction qui s'est abattue sur Marinescu et ses descendants sur presque un siècle.

C'est un livre plein d'humour, écrit presque comme un télégramme. Ici pas de poésie, c'est du brut !

J'ai passé un bon moment mais ce n'est pas un livre qui me restera en mémoire.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Entre roman et conte burlesque, l'histoire d'une famille à travers plusieurs générations touchées par une malédiction.



Un bandit moustachu piegé par un homme sans scrupule, meurt seul au fond d'une cave. Dans son dernier soupir, il va juste avoir le temps de maudire Gheorghe Marinescu et toute sa descendance jusqu'à l'an deux mille.



Et voilà, que de génération en génération, les fils ainés de cette famille meurent de façon prématurée, d'accident ou de maladie.



L'écriture est directe, inscisive. Les personnages sont travaillés et ne s'embarrassent pas de scrupule, les situations sont souvent cocasses.



J'ai beaucoup apprécié cette lecture. Une histoire originale, une plume légère, fantaisiste, sans complexe.



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Ni poète ni animal

En avant-première grace à Babelio j'ai reçu et lu Ni poète ni animal d'Irina Teodorescu, auteure roumaine qui écrit en français. Mission agréable de lire ainsi avant même parution du roman. Mais ça ne marche pas à tous les coups et j'ai eu beaucoup de peine à m'intéresser au destin de ces trois femmes fille, mère, grand-mère roumaines. La grand-mère est en psychiatrie du temps béni de Ceaucescu, la mère lorgne vers l'Occident et enregistre des K7 pour une amie passée à l'Ouest, la fille n'a que dix ans et écrit des poèmes.



J'avoue avoir mal compris où l'auteure avait voulu en venir. Je crois qu'elle a souhaité délivrer une fable sur la révolution roumaine. Cela m'a laissé de glace et malgré la présence dans sa vie du Grand Poète roumain (appellation officielle) je n'ai pas ressenti la moindre émotion. Tout au plus quelques lignes sur la fin du Conducator Ceaucescu, impressionnante (sa fin, pas le livre). Il y aurait pourtant matière à un bouquin intéressant, lequel existe peut-être. Les métaphores animales, renard, ours, m'ont paru hors de propos. A oublier. A oublier aussi, cette chronique. Mais Babelio et moi ferons mieux la prochaine fois.

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Ni poète ni animal

C'est par hasard, en consultant un journal en ligne, que Carmen apprend la mort d'un célèbre poète de son pays d'origine. Son chagrin est d'autant plus vif qu'elle le considérait comme un ami, un confident, un mentor, et que personne ne l'a avertie. Pourquoi l'aurait-on fait, étant donné que leur relation était secrète. Pour exorciser sa peine, la jeune femme prend le volant et roule « au hasard et comme un bolide sur les routes communales de Sologne » heureusement désertes. Enfin, pas tout à fait, puisqu'elle tue un renard. L'accident agit comme un électrochoc qui la ramène sur terre. En rentrant, elle remarque des attroupements, des feux le long de la route. Et des pancartes : « les gens sont dans la rue ». Par association d'idées, elle est projetée dans le temps, en 1989, l'année où elle a vécu la révolution dans son « autre pays ».

D'Irina Teodorescu, je connaissais déjà « Les étrangères », un roman qui ne m'avait pas plu. C'est pourquoi j'ai eu envie de découvrir une autre facette de l'auteur en profitant de l'opération Masse critique privilégiée qui me proposait de lire son nouvel ouvrage à paraître à la rentrée de septembre.

Si la quatrième de couverture situe d'emblée l'action en Roumanie, pays natal de l'auteur, dans son livre, pourtant, elle ne le nommera jamais.

Sa narratrice vit en France, où elle exerce la profession d'avocate, spécialisée dans le droit des animaux. En 1989, elle vivait encore « là-bas » et la révolution, elle la décrit à travers ses yeux d'enfant.

Souvent, elle évoque les dirigeants du pays, dont les photos (avantageusement retouchées) trônent dans les classes. La petite Carmen éprouve donc le plus grand respect pour « le président » et son épouse, car « le camarade maître de la classe C » et « la camarade maîtresse » se soucient moins d'éduquer leurs élèves que de leur farcir la tête. Aussi, notre fillette est-elle très fière de l'ode qu'elle a composée, dédiée au « Parti » qui « avait remplacé Dieu et était, on nous l'avait assez martelé, notre père à tous ». Lorsqu'elle lit son texte à sa famille, à sa grande surprise, « tout le monde (…) éclata de rire ». Sans doute ses parents ne partagent-ils pas son enthousiasme ! En revanche, la camarade maîtresse, elle, la « félicita à plusieurs reprises, [lui] mit un 10 - équivalent du 20 - en roumain – équivalent du français – et décida que pour la fête de fin d'année et de fin de primaire (…) toute la classe apprendrait par cœur et réciterait en chœur les deux premières strophes de [son] poème ». Quant à la glorieuse poétesse, elle déclamerait la fin, comme une apothéose.

A partir du jour où éclatent les émeutes, l'enfant, à l'instar de sa famille, remplacera le « camarade président » par un timide « dictateur ». Il faudra attendre qu'elle grandisse pour qu'elle le nomme enfin Ceaucescu, lorsqu'elle retrace, non sans ironie, sa fuite et sa fin.

Puisque le roman est, en grande partie, consacré aux souvenirs de Carmen, on suit sa scolarité en fin d'école primaire. Si elle se taille un beau succès grâce à son œuvre poétique, cela ne la met pas à l'abri des injustices de la camarade maîtresse qui ne l'aime pas, car, contrairement aux autres parents, « ni ma mère ni mon père ne s'étaient présentés devant elle avec les cadeaux requis en vue d'une amélioration indéniable de ma moyenne ».

En dépit des troubles, la vie de l'enfant semble assez heureuse. Pourtant, parfois, elle laisse filtrer quelques allusions aux difficultés auxquelles la population doit faire face. Carmen affrontera des heures de file pour pouvoir acheter quelques tomates. Lorsqu'enfin le camion paraît, « le chauffeur et la vendeuse fumaient, assis l'un à côté de l'autre sur le rebord de la devanture. Il ne se passait rien. » Et la centaine de clients sont obligés d'attendre, en silence, des fruits qui se révéleront sans saveur. En passant, la fillette remarque : « Ils vont introduire des tomates, - c'était ce qu'on disait, Ils ont introduit de la viande, par exemple, ou du fromage, ou des oranges, ils ont introduit des œufs, vite, vite. » ce qui donne une idée du rationnement auquel les habitants sont soumis.

Mais peut-être ne s'en rend-elle pas vraiment compte ? Ses grands-parents paternels vivent la campagne et cultivent certainement leurs propres légumes. Ils achètent un cochon à engraisser, prétexte à l'épisode tragi-comique où la petite, qui considérait l'animal comme un compagnon, qu'elle emmenait en promenade, prend soudain conscience que le plat dont elle est en train de se régaler, n'est autre que son cochon. Après quelques larmes, elle se console en pensant que, « en quelque sorte, manger mon ami allait le transformer en moi, et je suppose que c'était une idée qui lui aurait plu (…) Je me promis de manger le plus possible de mon cochon. »

Si elle aime beaucoup aller chez ses grands-parents, au contraire, Dani, la mère de sa mère, lui fait peur. Il faut dire qu'elle est pour le moins étrange. Internée à plusieurs reprises dans un hôpital psychiatrique, Dani s'entretient avec le médecin, et ce qu'elle raconte fait souvent froid dans le dos.

De temps à autre, Carmen écoute les cassettes audio qu'Em, sa mère, enregistrait pour son amie partie vivre aux États-Unis. Ce sont celles qui sont restées cachées dans un tiroir. Em s'y livrait à des critiques du système qui ne pouvaient tomber dans l'oreille de la police.

Ainsi, les employés de bureau sont obligés d'aller nettoyer la rue. Certains chefs soumettent les femmes à un harcèlement sexuel contre lequel Em trouve une parade efficace ! Elle évoque aussi souvent sa mère qui la battait et la dénigrait, répétant à l'envi : « Tu es laide, moche (…) Tu es courte sur pattes (…) Dégage, tu m'énerves. »

Enfin, Carmen raconte l'amitié qui la lie au « Grand Poète », assigné à résidence par le Parti, et qui prendra la tête de l'insurrection.

Irina Teodorescu parle comme le ferait une enfant de dix ans, ce qui lui permet de prendre un certain recul, non sans que, sous l'apparente naïveté ne perce une ironie mordante.

Certaines images sont inattendues : « Dani (…) comme à son habitude, serrait ses dents avec une grande concentration comme si avec ses dents elle tenait les ficelles invisibles d'un filet qui la maintenait rassemblée ».

Bien que la politique ne soit vraiment pas ma tasse de thé, j'ai apprécié ce récit, surtout parce qu'il trace les portraits de trois femmes étonnantes : Carmen, Em et Dani.

Sans doute suis-je passée à côté de certaines idées, faute de connaître assez bien l'histoire de la Roumanie à cette époque. Pourtant, qu'elle soit présentée à travers des yeux d'enfants qui en parle indirectement fait l'originalité de ce livre. Aussi, je remercie Babelio et son opération Masse critique privilégiée, ainsi que les éditions Flammarion de m'avoir permis de le découvrir en avant-première.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Ce court récit démarre comme une fable. Une sorte de farce caustique, débridée, et empreinte des racines de l'auteure. Ce n'est pas nommé explicitement, mais l'action se déroule "quelque part en Roumanie".



L'auteur, c'est à signaler, écrit en français. Et la langue est vive, tourneboulée et emberlifictotée. Parfois cela donne une émotion vertigineuse, et parfois cela file le tournis à ne plus savoir où on en est.



Car cette malédiction se développe sur plusieurs générations. Et si le récit est d'abord chronologique (pour le plus vif contentement du lecteur que je suis), on arrive vite dans cette habitude de déconstruire le récit en sautant des étapes, en revenant en arrière ou en changeant d'angle d'approche. J'avoue avoir perdu le fil à plusieurs reprises.



Car la lassitude risque vite de s'installer et l'auteure l'a bien perçu. En effet, la malédiction touchant les m^âles principalement, on pourrait avoir une succession de malheurs, de morts inopinées, qui feraient sourire, mais susciteraient chez le lecteur une impression de déjà-vu peu intéressante. Dès lors, passés quelques sourires lors des premiers effets de la malédiction, l'auteure développe davantage une génération, celle de Ion-Aussi, aisni appelé car il se nomme Ion aussi... comme son paternel, mort de la malédiction... Si vous suivez, vous êtes mûrs pour le roman.



J'ai dit que le livre était une fable (un conte, si on veut), mais cette partie plus terre-à-terre s'inscrit davantage dans le roman traditionnel. Et c'est là que je coince un peu. Car l'aspect surréaliste, décalé, y est beaucoup moins présent, et j'avais trouvé le début tellement envolé que je reste un peu sur ma fin. Ce ton utilisé au début m'avait beaucoup plu.



Dans cette partie, e roman devient charnel aussi. Les pulsions d'Ana sont vivaces et pulpeusement décrites... Sa culpabilité sado-maso est aguicheuse. C'est bien amené.



En toile de fond, on vit les mutations de la Roumanie, un siècle de développement, de la guerre à la fin du communisme. C'est fait avec délicatesse. Sans doute trop diaphane pour vraiment marquer l'esprit du lecteur, mais quand même...



Du positif, donc. Mais un sentiment de trop peu ou de "je suis passé à côté" qui ne me quitte pas. Le ton inégal n'arrange pas non plus l'impression que j'en retire. Sur 150 pages, je m'étais attendu à une écriture serrée, envolée, dynamique (un peu comme dans les 1001 façons de quitter la Moldavie...). Ce n'est pas le cas, même si cela reste plaisant. Le premier livre de l'auteure est un recueil de nouvelles. Sur un court texte, le talent pour la fable, le conte et les univers débridés devrait faire merveille.
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Ni poète ni animal

Carmen, la narratrice, devenue avocate en France, apprend par le journal la mort du Grand Poète, qu'elle connaissait personnellement et qui était originaire de la Roumanie, son pays d'origine à elle-aussi. Elle est d'autant plus affectée par sa disparition que personne bien entendu, ne l'a prévenue alors qu'elle se considérait comme une amie et qu'il était son mentor...le lecteur en apprendra davantage au fil du récit.

Elle est en train de traverser un rond-point mais est stoppée non seulement par cette nouvelle, mais aussi parce qu'elle se retrouve au milieu d'une manifestation, dans une France déchirée, celle des gilets jaunes. Elle a soudain un "éblouissement" car cet instant lui rappelle l'année 1989, alors qu'elle n'avait que dix ans et que son pays vivait lui-aussi une révolution, conduite justement par ce poète dissident, longtemps assigné à résidence par le Parti.

Carmen nous raconte sa petite enfance quand sa mère au lieu de l'appeler Carmen, la surnommait "petite xénope" ce qui signifie "petite grenouille"...

A cette époque, la petite fille écrit des poèmes à l'éloge de sa maîtresse ou du Parti. Ses poèmes sont appris par la classe entière et Carmen en retire une très grande fierté. Les parents ne peuvent rien dire car ils savent bien que toute parole entraînerait des conséquences immédiates et irréversibles pour leur petite fille, cadette de la fratrie, si poète et rêveuse. Ils veulent la protéger le plus possible.

Mais Carmen sait profiter de ces instants de gloire car la maîtresse ne l'aime pas ! Les parents de Carmen ne lui ont jamais offert de cadeaux, comme ils se devaient de le faire, si on voulait que les enfants aient de bonnes notes.

Carmen est surtout heureuse avec ses grands-parents paternels qui l'emmènent pour le week-end ou les vacances, hors de la ville au milieu des animaux. Là elle s'attache particulièrement à un petit cochon...

Par contre, Carmen a très peur de Dani, sa grand-mère maternelle qui a été internée plusieurs fois, a fait des tentatives de suicides et qui est à vrai dire un peu folle. A sa sortie de l'hôpital psychiatrique, elle a vécu pourtant plusieurs années chez elle, à son domicile, simplement surveillée par une jeune étudiante.

Ema, la mère passe son temps à enregistrer des K7 audio qu'elle envoie de temps en temps à Marga, sa meilleure amie passée à l'Ouest (en Amérique). La plupart du temps elle ne peut pas les envoyer car elle sait qu'elles ne passeront pas la censure. Elle y raconte sa vie quotidienne mais aussi le harcèlement dont les femmes sont victimes dans le cadre de leur travail.

Le père travaille dans une usine de savons et, de temps en temps, il en échange quelques-uns pour avoir des petits pains...car la nourriture est rationnée.

Quand on est enfant, nous dit-elle, on voit les événements de la vie d'une autre façon. On a une distance naturelle par rapport aux choses graves. Mais à dix ans, on est ni enfant, ni adulte et on comprend beaucoup de choses sans pouvoir y mettre des mots.

Ainsi en est-il des événements qui frappent le pays, du rationnement qui affame la population, les gens attendant pendant des heures l'arrivée d'un camion quand "ils introduisent des tomates, ou de la viande".

Le regard sur la folie de la grand-mère nous interroge. Dani est en effet surveillée depuis toujours par les autorités pour une raison qui nous restera inconnue. Les interrogatoires des médecins qui la suivent sont totalement effrayants.

La petite fille n'a pas peur non plus des ours des Carpathes qui sortent de leur tanière pour parcourir les forêts parce qu'affamés, ils ne peuvent rester longtemps en hibernation. Sa vie d'enfant est traversée par toutes sortes d'animaux, du cochon dont je vous ai déjà parlé, au hérisson qui parle, aux cigognes qui meurent de froid durant ce rude hiver, animaux qui donneront envie à Carmen, devenu adulte et avocate de se battre pour leurs droits.



Ainsi à travers le regard teinté de naïveté et de légèreté de la narratrice, Irina Teodorescu dresse le portrait de trois femmes, bousculées par l'histoire, du mois de mars à décembre 1989 et au début de l'année 90.

Le récit s'appuie sur des événements réels qui se sont bien passés à Bucarest. Il alterne entre le récit de la narratrice enfant, "l'écoute" des K7 enregistrées par Ema, les interrogatoires de Dani et, le ressenti de la narratrice aujourd'hui.

Le lecteur a parfois un peu de mal à suivre, mais au fond nos souvenirs personnels sont un peu ainsi constitués de bribes, d'extraits que nous avons nous-aussi parfois du mal à remettre dans un ordre chronologique !

Avec sa plume particulière, directe mais non dénuée d'humour et de poésie, l'auteur sait nous parler à travers ses mots, des privations de liberté vécues durant son enfance en Roumanie, sous le règne de Ceausescu, et nous fait revivre cet "espoir de liberté" consécutif à la révolution.

Le titre évoque l'entre-deux qui marque la vie de la narratrice mais aussi celle de l'auteur. Il évoque les mots que lui disaient son mentor..."Repoétise-toi" car le poète et sans doute aussi les animaux, c'est ce qu'elle veut nous dire, savent prolonger l'éblouissement de l'enfance et rêver d'un monde meilleur. Comment faire alors quand on est ni poète, ni animal pour garder espoir ?

Ils doivent donc s'unir, nous dit-elle, le "camp des artistes" et le "camp des sauvages" contre le manque d'imagination et réinventer une vie nouvelle !
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Ni poète ni animal

Mon avis sur ce roman est mitigé. Il est plutôt court et l’écriture de son autrice est fluide, ce qui fait qu’il se lit rapidement. J’ai trouvé la plume d’Irina Teodorescu assez particulière, très imagée voire parfois naïve et usant souvent du même vocabulaire. Mais en même temps, cette plume est travaillée et poétique.



Quant à l’histoire en tant que telle, je l’ai trouvée brouillon. Carmen apprend la mort de son ami et décide d’aller se changer les idées en conduisant dans les bois. Elle croise alors des gens avec des banderoles près d’un rond-point [je suppose que cela fait référence aux Gilets Jaunes ?] et cela lui donne l’occasion de se remémorer les mois qui ont précédé la chute du couple présidentiel roumain. Soit… A cette époque, Carmen vivait une vie relativement tranquille, entourée de ses parents [père patron d’une savonnerie, mère greffière], ses grands-paternels “sains d’esprit” et sa grand-mère maternelle, devenue folle et aigrie et ayant toujours fait l’objet d’une surveillance de la part du régime.



Le récit est parfois entrecoupé d’extraits censés être des retranscriptions de cassettes audios que la mère de Carmen enregistrait pour communiquer avec sa meilleure amie, partie vivre aux USA. Il arrivait que le contenu de ces cassettes soit trop subversif pour être envoyé par la poste, raison pour laquelle certaines sont encore disponibles pour Carmen. A d’autres moments, ce sont des extraits de rapports d’analyse psychiatrique concernant sa grand-mère maternelle qui viennent s’intégrer dans le récit.



Ces deux types de “documents” donnent une vision plus adulte de cette période, contrairement aux souvenirs de Carmen, plus enfantins. Ils permettent de prendre conscience de l’auto-censure du peuple par rapport à ce qu’il pouvait penser du régime. Le tout est ponctué par des souvenirs plus récents de conversations entre Carmen et son ami, Le Poète.



Malheureusement, bien que le pitch me semblait prometteur, j’ai trouvé que ce roman manquait de cohérence, de fil conducteur… Ce sont des successions de moments et de souvenirs mais j’avais du mal à comprendre où l’autrice voulait en venir. De même, celle-ci propose plusieurs réflexions autour du bien-être animal [autre point qui m’avait initialement attirée] mais celles-ci tombent souvent de nulle-part, sans réel rapport avec les faits énoncés [sauf l’épisode où Carmen raconte comment ses grands-parents lui ont fait manger son cochon… :-/].



Ce ne fut pas une mauvaise lecture mais je n’en ressors pas spécialement enthousiaste. Sur un thème similaire, j’avais préféré La Petite Communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon.
Lien : https://www.maghily.be/2019/..
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Celui qui comptait être heureux longtemps

« Celui qui comptait être heureux longtemps » d’Irina Teodorescu chez Gaïa est un texte émouvant et poétique, porté par une langue singulière, et qui aborde un thème universel : comment grandir et survivre sous un régime autoritaire, et jusqu’à quel point accepte-t-on de coopérer, pour arriver à ses fins ?



Bo est né le même jour que la Nouvelle Société. Il grandit dans un pays totalitaire, mais ses dons pour les maths et la recherche lui valent un statut privilégié, à tel point qu’il pense pouvoir imposer ses vues au pouvoir en place. Après une ‘aventure’ avec la troublante Irenn, il finit par se marier à Di. Ensemble ils ont un fils qu’il adore. Lorsque celui-ci tombe gravement malade, ils se battent pour le sauver, avec l’énergie du désespoir.

Il s’avère souvent intéressant de découvrir le style d’auteurs qui écrivent en français, mais dont le français n’est pas la langue maternelle. C’est le cas d’Irina Teodorescu, qui est née à Bucarest, et vit à Paris. L’histoire de ‘Celui qui comptait être heureux longtemps’ est poignante, et le style très particulier de l’auteur amplifie l’émotion. Si certains passages sont à mon avis trop simplistes (phrases courtes, à la manière d’un conte pour enfants), l’alternance entre les dialogues un peu loufoques du ‘Quidam Bo’ avec les ‘généraux’ et le récit intime, plein de sensibilité, est bien menée. Pour la suite, cliquez sur le lien
Lien : https://bit.ly/2qoVCOp
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Celui qui comptait être heureux longtemps

Masse Critique est un truc génial, sans Babelio, il aurait fallu l'inventer. Merci donc à Babelio et tous les éditeurs participant, ici plus particulièrement à Gaïa!



Bo est né sous les bombes, les derniers jours de la guerre. il a grandi avec la dictature, bien décidé à être heureux malgré tout, et cela en prend le chemin, il organise des fêtes, il a un bon boulot, un ami sincère, une femme étrange puis une femme fidèle, et enfin un fils. Tout au fil des années plane la menace de la haine et de la délation, mais ma foi, on peut bien faire avec. Et qu'importent les petits inconforts matériels?



Seulement voilà, l'enfant est malade, il faudrait le soigner à l'étranger et dans un cruel choix de Sophie, le pouvoir maléfique lui échange les autorisations contre le fait de devenir espion.

Le drame intime ne suffit pas : dans un tel pays, l'intime n'existe pas, le drame collectif achève la dévastation.



Irina Teodorescu garde son style pointilliste et malicieux, facétieux au début puis peu à peu frappé au coin du malheur, ses phrases rapides, ses accélérations.



Comme dans La malédiction du bandit moustachu, la bonne humeur et la détermination sont impitoyablement mis à mal par la fatalité.



Bonne lecture à proposer à ceux qui répondent à la surveillance généralisé qu'ils s'en fichent, qu'ils n'ont rien à cacher...

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Les étrangères

Dans un pays où les murs ont des oreilles et où « fabriquer des choses jolies serait un acte de rébellion contre le Parti » grandit une petite fille, Joséphine, à la fois roumaine et française. Inséparable de son violon, elle connaît très tôt la solitude. C’est qu’elle est considérée comme une étrangère. Mais en grandissant, elle devient photographe et rencontre le succès. Quelques temps après la chute du mur de Berlin, lors d’un beau dimanche à Bucarest, Joséphine rencontre Nadia. Entre ces deux jeunes femmes, l’une artiste reconnue, l’autre danseuse aux pirouettes sans fin, c’est le début d’une passion amoureuse qui emporte tout. Une évidence qui colore les murs de la ville roumaine puis de Paris la lumineuse. Mais comment exister par soi-même dans une relation dévorante ? Dans ce nouveau roman aux allures de conte qui dépeint ce qu’est une enfance dans un pays communiste, l’auteure roumaine, de sa plume délicieuse et espiègle, nous joue la partition d’un amour absolu, sensuel et sauvage.

Par SARAH GASTEL, Librairie Terre des livres, Lyon
Lien : http://www.pagedeslibraires...
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Ceci n’est pas un conte, disait Diderot. Ce roman en est un, mais un conte cruel.

J’aurai aimé que l’on en sache plus, sur ce mystérieux bandit moustachu qui donne son nom à ce roman. Il n’a pu se sauver lui-même quand il tomba aux mains de Gheorghe Marinescu, mais il fut assez puissant, tel Laton dans Les métamorphoses d’Ovide, pour le maudire, lui et sa descendance. Tels sont faits les contes.

Comment venir à bout de la malédiction ? Personne ne songe à apaiser les mannes du bandit, en vouant soi-même sa vie aux pauvres qu’il défendait ou en redistribuant sa fortune. Non, chaque membre de cette famille, si fière de son sang qu’elle ne veut surtout pas contaminer, n’aura de cesse de vivre le mieux possible, de s’enrichir, de préserver ses biens. Il y aura quelques exceptions, mais à l’exception d’Emil, aucun membre, même ceux qui paraissent les plus désintéressés, les plus altruistes sont en fait très égoïstes, et cruels – nous ne sommes plus au moyen-âge, mais certains agissent comme s’ils y vivaient. La religion, telle qu’elle est pratiquée dans ce roman-conte, ne peut rien contre les instincts, la sexualité crue et violente des différents protagonistes.

Apparaît une voix, au dernier tiers de ce roman au rythme enlevé. A qui appartient-elle ? A des descendants de la lignée maudite, guère plus sympathique que ses aïeux. Dans un mariage où l’on aime si peu l’autre, où l’on cherche qu’à détruire ce qu’il est, il ne faut pas s’étonner que la continuité romanesque aille jusqu’au bout de la malédiction.

La malédiction du bandit moustachu est un roman hors-norme, hors du temps, qui tranche avec les préoccupations réalistes de la rentrée littéraire 2014.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Irina Teodorescu est une conteuse hors pair. Son roman - La malédiction du bandit moustachu - est une belle fable qui retrace un siècle d’histoires, à travers les péripéties funambulesques de la famille Marinescu. Un «Cent ans de solitude» roumain si vous voulez, où il pleut beaucoup moins mais les coups du sort s’abattent comme des coups de tonnerre magiques. Une épopée roumaine écrite de main de maîtresse directement en français, s’il vous plaît. Et quel français ! Imagé, dynamique, prenant, rocambolesque, sensuel, voguant allègrement entre poésie et théâtralité, entre merveilleux et coutumes autochtones, entre le fil des générations et l’inanité de la temporalité. Comme le «bien mal acquis ne profite jamais», le destin met sa petite queue dans les affaires de la famille Marinescu et nous suivons, happés par la plume de l’auteure, les aventures hors-normes de ses membres, dans cet espace oriental fascinant où tout peut arriver à tout moment puisque les superstitions y règnent et le destin n’en fait qu’à sa tête.

On entre avec étonnement dans ce livre atypique et cet étonnement nous accompagne, fidèle, tout le long, pour atteindre le paroxysme à la fin. Rien que la galerie de portraits, pittoresques à souhait, vaut le détour, pour ne pas mentionner les clins d’œil narratifs, les croyances et les couleurs locales, la sexualité et la fabrique d’eau-de-vie qui ne servent, finalement, que les desseins capricieux de la mort.

Ça m’arrive rarement de ne pas voir où le récit d’un roman mène, vers quel dénouement. Même s’il s’agit d’une histoire inhabituelle, on sent presque toujours les intentions de l’auteur. Dans «La malédiction du bandit moustachu», je ne l’ai pas vu et la lecture m’en a été joliment bonifiée.

Un premier roman parfaitement maîtrisé, aux portes de l’Orient et de la Providence.

Radu Bata
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Un jour, alors qu'il est chez le barbier, Gheorghe Marinescu rencontre un homme moustachu - dont la préoccupation principale est de voler les riches pour aider les pauvres - avec qui il devient ami. Attiré par ses trésors, il va finir par le tuer pour pouvoir s'emparer du magot. Seulement voilà, une malédiction va s'abattre sur lui et sa descendance jusqu'à l'an 2000... Certains vont essayer de conjurer le sort, sans succès.

Le rythme du roman est soutenu, à travers un siècle d'une histoire familiale, le lecteur se trouve face à des personnages loufoques et surprenants, différents les uns des autres mais tous intéressants à leur façon. Tout s'emballe, les évènements s'enchainent trop vites, parfois sans liant, et le temps de respirer pendant la lecture manque ce qui a tendance à rendre les choses quelque peu confuses. L'abondance de personnages n'a pas facilité non plus ma lecture. De prime abord, ce roman, plutôt surprenant, avait tout pour me plaire, j'ai aimé, mais la forme m'a déstabilisé et empêché d'apprécier pleinement.
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La forêt, désormais, de l'intérieur

Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions de LA GRANGE BATELIÈRE.



Sur la quatrième de couverture, ce texte est appelé « journal de vie ». Pas « journal intime ». Quelle est la différence ?

Je dirais qu'il n'est pas daté au jour le jour tout en étant chronologique ; qu'il est décomposé en chapitre et en parties, ce qui suppose une interprétation des évènements. Les trois parties intitulées : INLUST, INLAS et INLOVE représentent "les trois grâces" (p 148). Pour ces raisons, je parlerais volontiers de moments de vie dont une empreinte de fiction réside dans le choix de ce qui est rapporté ou non, ainsi que dans la façon dont il est rapporté.



Quoi qu'il en soit, ce récit raconte la « fuite » d'une femme de 42 ans dans la forêt biélorusse. Ce n'est pas un retour au pays natal (elle est née en Roumanie), mais au pays de ses origines (la Pologne, que son père a fui en sens inverse). C'est également un retour à l'amour (nouvel homme, nouveau bébé) et à la "grâce" de la dernière forêt primaire d'Europe.

Tout d'abord, Irina Teodorescu nous invite à des promenades, sylvestres, oniriques et fantasmatiques, entremêlées d'hallucinations provoquées par diverses drogues (alcool, beuh, ecsta, etc.). Les associations d'idées, de mots, de pensées, les « élucubrations » « sans élagage » illustrent la bizarrerie de l'« agitatrice de la langue », comme elle se présente et nous plonge dans le vécu intime de la « performatrice-poétesse », métier qu'on lui attribue.

Puis, dans la cabane jaune (qui ressemble un peu à la maison bleue de San Francisco) les réflexions politico-écolo-humanitaires d'"intello-extrasensibles" réunis par le hasard ou par conviction s'entrecroisent au fil des rencontres.

Enfin, la contradiction entre la réalité des émigrants qui appelle à la solidarité et la violence des douaniers barrant une frontière artificielle et absurde où chacun repousse l'autre écartèle la magie du lieu.



Sept photos, en noir et blanc, montrent la forêt dans son état naturel, ni spectaculaire ni quelconque.



Désormais, la forêt sera intérieure. le titre évoqué en dernière page annonce moins une fin qu'un projet. Ambitieux ? En tout cas, pour ce livre, une « performance artistique ».

anne.vacquant.free.fr/av/
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Ni poète ni animal

Défi ABC 2023 2024

Un très beau roman que j'ai dévoré. L'auteure, je l'ai découverte à la bibli, est française (le français est sa langue d'écriture) d'origine roumaine et son style, fin et drôle, convoque ici beaucoup de présences animales : petite Xénope (une grenouille et le surnom de la narratrice), éléphante, ours, cigognes… Et bien d'autres. L'héroïne, adulte et avocate en France, raconte surtout son enfance en Roumanie : une amitié enfantine, ses débuts en poésie, avec un regard d'enfant... regard qui sera ébloui par le soleil ( l'éblouissement de la révolution est le fil roue de ce livre). Animaux et poètes : Ma Terre, ami de la narratrice, assigné à résidence, est poète comme elle, mais lui est une figure subversive.



Ce style humoristique et fin sert un propos poétique et philosophique davantage qu'historique, même si la révolution roumaine apparaît vers la fin. L'aspect farfelu et léger demeure même lors de cette scène : . Le début et la fin sont un peu à part et éclairent - ou éblouissent ? - l'intention littéraire.



C'est une belle découverte que cette autrice, par ailleurs appréciée de la critique.

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Ni poète ni animal

Il me reste un souvenir amusé de la lecture du premier roman d’Irina Teodorescu, La malédiction du bandit moustachu. Le titre et la couverture de ce nouveau livre ont amplifié mon envie de renouer avec cette auteure espiègle. Et finalement, nous restons dans cet univers où les images d’enfance cachent la réalité sombre de la vie.



Carmen, double de l’auteur, est née à Bucarest en 1979. Elle vit aujourd’hui à Paris où elle est avocate. Lorsqu’elle apprend la mort du Grand Poète dissident qui fut son ami, elle noie son chagrin au volant de sa voiture, fonçant au travers de la forêt de Sologne. Elle percute alors un renard, « mort par un éblouissement ». La poésie et le monde animal propulsent son esprit en 1989, année de la chute du mur de Berlin et des mouvements à l’Est, année où ce poète joua un rôle important dans sa vie.



En 1989, Carmen a dix an. Elle vit dans un appartement à Bucarest avec ses parents, proche de la nature apaisante de ses grands-parents paternels et de la folie de sa grand-mère maternelle. Elle est la dernière, tardivement née après cinq ou six frères et soeurs.



Pendant que sa mère enregistre des K7, moins contrôlées que les courriers, racontant à son amie partie vivre aux Etats-Unis toutes les banalités de sa vie et quelques propos subversifs, que son père, directeur financier dans une usine de savons se fait peur dans son bolide, que sa grand-mère déraille dans un hôpital psychiatrique et que son grand-père vole des chats, Carmen écrit des poèmes pour sa maîtresse et se lamente au sujet de cigognes gelées sur le lac du Moulin.



Derrière les évènements anodins perçus par une petite fille, la révolution est en marche. Nous la suivrons avec Carmen de mars à décembre 1989 avec cette image télévisée qui marque encore les esprits, la fusillade du couple Ceausescu.



A l’image du titre de ce roman, le récit oscille entre poésie et réalité historique, naïveté de l’enfance et prise de conscience de l’adulte. Sensible à la poésie et au monde animal, Carmen grandit en cette année charnière qui la propulse de l’enfance à la réalité adulte.



J’aime beaucoup le côté décalé d’Irina Teodorescu. Sa vitalité, son espièglerie donnent du souffle, de la luminosité à ses récits. Le regard de l’enfance, le biais tragicomique donnent en apparence moins de profondeur au témoignage de l’auteur. Mais faut-il toujours être sombre et pesant pour évoquer les dictatures ?
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Ni poète ni animal

Carmen, la narratrice, est d'origine roumaine mais vit depuis longtemps à Paris où elle exerce le métier d’avocate.



La nouvelle, apprise dans les journaux, de la mort de son seul ami, grand poète roumain dont nous ne connaîtrons pas l'identité, est l'événement déclencheur à partir duquel elle invoque son passé, se focalisant sur l'année de ses dix ans, qui s'achèvera avec l'exécution du couple Ceaușescu.



Elle mêle à ses souvenirs la transcription de K7 audio alors enregistrées par sa mère à l'attention d'une amie exilée aux Etats-Unis, que leur contenu passible d'être jugé subversif avait condamnées à être conservées par leur autrice, et les compte-rendus de consultations psychiatriques suivies par Dani, son effrayante grand-mère maternelle internée suite à une tentative de suicide, consignées par une police politique méfiante vis-à-vis de cette héritière de famille aristocrate.



L'ensemble peut sembler un peu confus, sans réelle cohérence, comme une suite de réminiscences liées par des associations d'idées dont la logique n'est pas évidente pour le lecteur. A vrai dire, ce n'est pas gênant, peu à peu les morceaux s'assemblent, créant un tableau davantage cimenté par son atmosphère, son contexte, que par son histoire, représentant avec justesse la manière dont l'enfance est, avec le recul, perçue, amalgame hétéroclite d'anecdotes dont l'importance semble répondre à une hiérarchie fantaisiste.



Les animaux y occupent notamment une place prédominante. Les souvenirs des dizaines de cigognes gelées sur pied lors d'un hiver particulièrement rigoureux, du cochon de la ferme de ses grands-parents paternels qu'elle emmenait en ballade, du chat volé par son grand-père, côtoient ceux des visites à la traumatisante Dani ou des essais poétiques de la petite Carmen suscitant les louanges de ses maîtresses...



A intervalles réguliers, les souvenirs liés au grand poète s'invitent aussi dans le récit, évoquant sa dissidence puis son accession au gouvernement après la révolution, leur rencontre, et cette relation entretenue le plus souvent à distance, elle à Paris et lui à Bucarest, seul lien conservé avec sa nation d'origine. La narratrice, portant sur cette dernière un regard que l'éloignement dote de recul, n'est pas dupe des contradictions de son ami qui vénère la Révolution de 89, et oublie le coup d'Etat qui y était couplé. Comme immunisée contre les idéologies, elle évite, en abordant son récit par une dimension intime, toute approche politique. Désillusion ou sagesse ? Se détournant de la folie des hommes, elle déclare avoir fait le choix de "renoncer, de se taire à jamais, de ne jamais trop s'impliquer sauf pour les arbres et les animaux". Il émane ainsi de "Ni poète ni animal" une mélancolie distante, et l'expression d'une solitude donc on peine à comprendre si elle est subie ou volontaire.



Une lecture plaisante, mais à l'image de la construction quelque peu chaotique de ce roman, les souvenirs qu'il m'en reste, quelques jours après sa lecture, ne sont constitués que de bribes éparses...
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