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Critiques de Jacques Chessex (220)
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Revanche des purs

Je me réjouis sans cesse de dénicher de petits trésors chez les bouquinistes. Je suis tombée par hasard sur « Revanche des purs », un recueil de poésie de Jacques Chessex dont l’œuvre a été récompensée du grand prix Jean Giono. Il avait aussi été lauréat en 1992 du prestigieux Prix Mallarmé avec « Les aveugles du seul regard ».

De Jacques Chessex, je connaissais les romans, « L’ogre » ou « le vampire de Ropraz » entre autres, et je dois avouer que le poète m’était inconnu. Lacune comblée grâce à ce recueil.



La poésie de l’auteur Vaudois prend ses racines dans la campagne du Jorat où il habitait et dont il se nourrissait.

Outre la nature, plusieurs thèmes cohabitent dans ses poèmes, comme Dieu a qui il s’adresse

« Voudras-Tu que je me trouble/ De Toi seul/ Comme je fais avec la neige », ce Dieu intimement mêlé à la nature et qui « a voulu la pourriture du corps blanc ».

Les animaux foisonnent dans ces poèmes où les porcs sont aimables, le renard revient de l’enfance et les mésanges sont en larmes.

Dans « Salués » Jacques Chessex célèbre des gens célèbres, Cocteau, Goya, Schubert… et il évoque la mort pour certains comme dans « Mort de Balthus » et il écrit dans « Mort de Jean-Paul II »

« Ses poèmes disaient la montagne verte

Le torrent jailli dans l’ombre

De la forêt originelle »

Car oui, ce que l’on sait moins, c’est que, avant son élection à la papauté sous le nom de Jean-Paul II, Karol Wojtyla était dramaturge et poète.

Mais le thème le plus présent, voire le plus prégnant, est bien la mort. Le poète la tourne même en dérision dans « Le pain des forts » en déclamant :

« Et me voyant dans ce miroir/ Je ris sous l’herbe si noire ». Et il met avec talent sa propre mort en scène dans « Faire-part » où il précise : « maintenant je tiens peu de place/ juste un invisible espace/ Entre mon ancienne vie et moi »

Il faut se laisser porter par le style puissant jusqu’à l’âpreté de Jacques Chessex. Ne pas se laisser effrayer par l’annonce de sa mort car un poète ne meurt jamais, il nous suffit de relire ses poèmes pour qu’il renaisse de ses cendres, et c’est tant mieux

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Le vampire de Ropraz

Si je n'avais pas lu des critiques intéressantes sur Babelio, je n'aurais jamais découvert ce roman. Oui, amis Babeliotes, c'est à vous que je dois cette lecture !



Ce roman, l'ayant cherché, je fus un peu dépité, lorsque je l'eus trouvé...

Quoi ? C'est c'est petit machin là qui vous mettait en émoi ?



Malgré tout, je l'ajoutai sur ma pile à lire, la taille n'ayant rien à voir dans le plaisir,



Je signale aux obsédés du fond que je parle bien de plaisir littéraire ! Ne voyez pas du double sens sexuel dans tout ce que j'écris (oh, sale menteuse que je suis).



Alors, comment ce petit machin m'a-t-il fait vibrer ?



De par sa narration, tout d’abord, qui est inhabituelle dans un roman, étant donné qu'il n'y a pas de narrateur et que nous avons l'impression de lire la gazette qui nous raconterait un fais divers.



Fait divers qui a bel et bien existé. L'histoire débute à Ropraz, un petit village près de Lausanne, en Suisse (paradis d'exil fiscal) en 1903.



On sent bien que les mentalités sont encore obscures et que les gens croient vite au Malin et aux esprits ou toutes autres créatures maléfiques.



C'est qui arriva lorsqu'on retrouva une tombe profanée d'une jeune fille morte la veille. Et quelle profanation !



Estomacs sensibles, accrochez-vous, les descriptions sont un peu... heu... peu digestes pour vous.



Les autres - ceux comme moi - continuez de déguster votre pain au chocolat tout en lisant que la poitrine a été cisaillée à coups de couteau et qu'elle est profondément charcutée. Ah oui, les intestins pendent hors du cercueil et le cœur a disparu.



Sans omettre de lire aussi que les seins ont été découpés, mangés, mâchés, et recrachés dans le ventre ouvert. Ils y en a qui gâchent la nourriture !



Le roman nous raconte ce qui se passa dans la région après les deux profanations de tombe et de corps (oui, une seconde au cas où votre estomac aurait résisté à la première *rire sadique*).



C'est la Suisse profonde !



Au menu de ces gens un peu "simples" (le mot n'est pas à prendre au sens péjoratif), nous avons toutes les vieilles et sombres histoires de famille, les incestes (courantes), les commérages qui vont bon train et l'imagination au pouvoir.



Ils diabolisent tout et pour eux, les vampires rodent la nuit. Et pas qu'eux, quelques loups-garous aussi, sûrement (Twilight en version gore ?).



Une belle plongée dans le terreau de leurs vies où poussent les vieilles croyances ancestrales, les peurs de ce qu'ils ne connaissent pas. Là, j'ai adoré.



Ce qui m'a plus gênée, c'est l'arrestation... Coupable or not coupable ?



Ils leur en fallait un, n'importe qui aurait sans doute fait l'affaire et c'est là que le bât blesse...



La fin, en tout cas, est inattendue et à prendre au second degré, je pense.



C'est court, c'est bref, c'est intense, on rentre dedans tout de suite et on arrive au bout alors qu'on a pas vu le temps passer.



Comme quoi, on peut être peu épais et faire de l'effet...



Oui, je parle toujours de littérature !





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Le vampire de Ropraz

Si vous voulez découvrir une Suisse romande profonde, vous êtes sur le bon bouquin et vous en aurez pour votre argent. Le début de l’action se passe à Ropraz, en 1903.

Vous allez vivre du "Hard-Chessex", qui se déguste à pleines dents!

Ropraz est un village d'aspect tranquille à l’écart des grandes routes du canton de Vaud, ses habitants vivent un peu en autarcie alimentaire et intellectuelle. Mais, les histoires de famille, les incestes, les jalousies, font ici le bonheur des commérages, l’imagination et la diabolisation font bon ménage. Les vampires rodent la nuit. Les superstitions persistent dans ses parages et bien que protestants, les gens se signent devant certaines maisons et sur certains lieux!



Un jour , une jeune fille de vingt ans meurt de méningite. Le lendemain de son enterrement, on découvre sa tombe ouverte avec son cercueil en partie dégagé. Un médecin arrive, on soulève le couvercle à moitié refermé, et là, l’indescriptible se dévoile devant les témoins de cette exhumation dont voici le compte rendu (accrochez-vous bien!):

« Cadavre violé. Traces de sperme, de salive, sur les cuisses dénudées de la victime. Et la mutilation la plus sanglante apparaît dans toute son horreur.

La main gauche coupée net, gît à côté de cadavres.

La poitrine, cisaillée à coups de couteau, est profondément charcutée. Les seins ont été découpés, mangés, mâchés, et recraché dans le ventre ouvert.

La tête aux trois quarts séparée de tronc, y a été enfoncée après que des morsures très repérables et visible ont été pratiquées en plusieurs endroits : le cou, les joues, l’attache de l’oreille.

Une jambe, la droite, et la cuisse droite elle aussi, sont hachées jusqu’au pli du sexe.

Le sexe a été découpé prélevé, mastiqué, mangé, on en retrouvera des restes recrachés, poils pubiens et cartilage, dans la haie dite du Crochet, à deux cents mètres au-dessus de la forge.

Les intestins pendent hors de la bière. Le cœur a disparu.[…] »



Difficile de savoir si cette description sort de son imagination,cependant lorsqu'on ouvre un livre de Chessex, il est permis de s’attendre à tout.

Mais revenons à nos moutons car ce genre d'actes se répètera encore à deux reprises. Cette fois, toute la région est chamboulée. Et Chessex s’en donne à cœur joie, ne serais que cette scène où des enfants jouent au football avec un étrange ballon, en fait avec une tête de décapitée, et ce cris qui fuse soudain: "c'est Nadine!". Bref, je vous laisse découvrir une succession d’événements de plus en plus décalés. Pour preuve, cette rencontre improbable entre le présumé criminel, alors engagé à la légion étrangère, et le caporal suisse Frédéric Sauser, alias Blaise Cendrars, et qui serait ici, prétendument à l'origine du texte de "Moravagine": Chessex, le manipulateur, en plus du reste.

Et, sapristi, qu'il écrit bien, le bougre! Sournoisement le texte tourne au récit surréaliste, pour aboutir à une énorme farce au détriment d’un des monuments des plus chers aux français, tout ça avec le plus grand sérieux!.

Bref, et en quelques mots: Gore, iconoclaste, génial, avec un zeste d’humour, le tout badigeonné d'encre à l'acide sulfurique et de giclures de sperme…



Récit à lire d’un trait (à peine plus de cent pages), en choisissant un soir d’orage, avec, si possible des hululements de chouette, un volet qui grince au vent, un parquet qui craque, un éclair et les fusibles qui sautent juste à la fin de la page 110, histoire de traverser la maison dans le noir le plus total pour y retrouver son lit.



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L'interrogatoire

Je viens de relire certains passages de cet "interrogatoire". J'y retrouve tout ce qui fait la force de Chessex. L'auteur se confie dans un faux interview puisque c'est lui qui fait les questions et les réponses. Mais cela ne l'empêche pas d'y aborder tous les thèmes principaux de ses romans. J'aime son non-conformisme, son rejet des conventions. Il a le courage d'assumer sa part d'ombre. Même si cet exercice littéraire peut sembler assez narcissique, il a le mérite de ne pas se dérober. Les questions et les réponses sont parfois très frontales, proches de la provocation, face à cette "folie suisse qui cache ses gouffres, qui s'arrange pour charmer et manipuler ceux qui s'approchent de sa face lisse". Chessex ne s'épargne et ne nous épargne rien. C'est court, c'est percutant. On n'aime ou on n'aime pas. Moi j'adore !
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Le vampire de Ropraz

Ropraz, c’est une petite commune Suisse du canton de Vaud.

En 1903, il n’y fait pas trop bon y vivre et encore moins y mourir.

Malheureusement, comme partout à cette époque on y trépasse beaucoup de méningite ou de tuberculose. Des filles, des jeunes, des belles…



Ames sensibles s’abstenir ou bien se tenir surtout si vous avez l’imagination fertile.

Cet auteur Suisse, Goncourt 73 pour l’Ogre a toutes les qualités pour insérer entre deux points rapprochés l’horreur d’une profanation, l’effroi d’une violation de cadavres avec mutilation.

Des filles, des jeunes, des belles…



Jacques Chessex a aussi le talent d’exprimer sans hypocrisies ni simagrées la rudesse d’une région, la raideur des calvinistes, la souffrance des êtres mal-nés et la violence des mœurs dans les fermes isolées.



C’est une lecture courte mais dense, abrupte où les mots sont choisis pour frapper et finalement m’avaler le peu d’oxygène qui subsiste à la fin de chaque phrase ou dominent l’austérité, l’âpreté et la cruauté.



Bien sûr, il y aura un présumé coupable, un certain Charles-Augustin Favez, à la vie cabossée dès qu’il est né, le docteur Albert Mahaim éminent psychiatre tentera de le disculper.

Les preuves manquent et le doute persiste mais que peut-on contre la vindicte populaire qui réclame une vengeance ?



Je n’ai rien révélé d’essentiel, dans ce roman c’est l’atmosphère sordide et l’ambiance glaçante qui sont importants et surtout, un final génial surgi du diable vauvert qui m’a scotché.



C’est une histoire Suisse mais c’est en France qu’elle trouve un dénouement vraiment étonnant et quasiment risible si ce n’était pas si délicat.





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L'Ogre

Ce n'est pas un roman qui se lit facilement, car il peut provoquer chez le lecteur une grande impression de malaise. Très introspectif il narre le mal-être d'un professeur de latin, marqué à vie, par la présence de son père. Présence qui subsiste même après la mort de ce dernier. Le héros du roman a des problèmes existentiels et une mauvaise image de lui dont il ne peut se départir. D'où la présence sournoise du père, qu'il voit comme un "ogre", ogre castrateur qui l'a empêché de s'épanouir.

Malgré ce pessimisme et cette noirceur j'ai beaucoup apprécié ce roman. Le texte est d'une très grande qualité. Ce roman avait été récompensé par le prix Goncourt en 1973.
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Un Juif pour l'exemple

« Un juif pour l’exemple », même approche, même style que « Le vampire de Ropraz » et même plaisir de lecture.

Jacques Chessex a attendu d’avoir 75 ans pour enfin nous livrer ce témoignage bouleversant. Sans doute lui a-t-il fallu tout ce temps pour laisser décanter ses souvenirs et nous livrer ce récit dense, concis et puissant.

L’histoire débute en 1942 et l’on découvre que les haines raciales contre les juifs ont infecté jusqu’à ce gros bourg rural de la Suisse vaudoise. La victime choisie, un marchand de bestiaux, père de famille et citoyen ordinaire, n’aura eu que le tort de ne pas sentir le vent tourner. Le récit qu’en fait l’auteur est précis et minutieux. Jamais de haine, mais des questions. Si le style parait froid et distant j’ai senti parfois, au détour d’une phrase, l’émotion retenue affleurer brusquement. Le tragique, l’horreur en sortent renforcés.

Du grand art pour un livre troublant et qui vous suit longtemps après l’avoir refermé.

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Un Juif pour l'exemple

Un livre assez court et tellement bien fait...c'est frustrant. On aimerait en savoir plus, mais tout y est pour le sujet concerné. La montée de la haine, le passage à l'acte, ignoble ...l'injustice. comment la peste brune a pu gagner du terrain en Suisse jusqu'à ce que l'irréparable soit commis.
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Revanche des purs

Curieuse poésie que celle de Chessex. Ses vers sont courts et coupants, comme écrits à la hache.

La versification est classique mais les mots semblent juxtaposés les uns aux autres, avec peu de liens entre eux. Les prépositions et les pronoms sont souvent absents, ce qui donne des phrases bizarres, à la tonalité sèche. La syntaxe est malmenée et le lexique parfois incongru.

Le recueil s'articule autour de quatre thèmes : la nature, Dieu, le sexe et la mort. On commence par une série de poèmes sur la nature. Une nature sombre, forestière, animale où l'auteur semble chercher un certain panthéisme. On y trouve des sapins, des cerfs, des corbeaux… L'animal est, soit divinisé, soit maltraité par la civilisation comme les ours de Berne. Ensuite, Dieu, cette fois à travers sa transcendance, se révèle comme le modèle à atteindre sans jamais y parvenir. Chessex s'y confronte, le recherche, demande pitié pour sa condition humaine. Humble être vivant souhaitant s'extirper du mal et demandant le chemin de la vertu. Mais le sexe est toujours là, à l'affût, prêt à le dévier de la grâce. La mort, enfin, apparaît comme l'unique possibilité. Le retour à la terre qui suit le pourrissement et amorce le renouveau de la nature comme l'unique destin humain.

Qui aime les romans de Jacques Chessex ne sera pas déçu par sa poésie !
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Le vampire de Ropraz

Pour son roman « le vampire de Ropraz » Jacques Chessex s’inspire d’un véritable fait divers. Au début du 20ème siècle, un maniaque a terrorisé une région rurale de Suisse en profanant des tombes de jeunes femmes fraîchement décédées, profanations particulièrement sordides puisque nécrophilie, mutilations et nécrophagies sont au rendez-vous. Très vite, les soupçons se portent sur un garçon de ferme surpris dans une étable en train de se livrer à des actes contre-nature.



Prendre comme point de départ ce fait divers aurait pu donner lieu à un roman vraiment intéressant, et ce d’autant plus que l’auteur semble vouloir adopter un point de vue assez compassionnel envers le jeune homme. Pourquoi pas en effet ?! Favez, le jeune homme en question, a vécu une enfance misérable et a subi d’abominables sévices, ce qui explique sans doute qu’il soit devenu un dégénéré. Voilà qui aurait pu aborder le thème de la responsabilité tout en s’inscrivant dans une peinture d’une époque et d’un lieu donnés. Mais pour ça, il aurait fallu que le roman adopte un point de vue narratif, ce qu’il ne fait jamais. Il s’agit pourtant bien d’un roman puisque Chessex invente certains faits. Mais le récit se contente d’une énumération chronologique assez clinique des faits. Il n’y a aucune ambiance dans le roman, aucune émotion ne le traverse et il semble inhabité, la faute à des personnages à la caractérisation quasi-inexistante.

Par ailleurs, j’ai été assez gênée par une vision assez méprisante, voire insultante, de la ruralité de l’époque lorsque l’auteur parle de Favez comme « victime d’une ruralité misérable » dans une région où « l’alcool, l’inceste et l’illettrisme sont des plaies ataviques ». Je ne dis pas que ce genre de choses n’a pas existé mais les présenter comme inhérentes à la société rurale de l’époque, je trouve ça réducteur et assez injurieux.



Bref, je n’ai pas aimé ce livre. Je voulais lire un roman, « le vampire de Ropraz » est présenté comme tel, et j’ai eu l’impression de lire un article de journal sans âme et un brin racoleur.

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Le dernier crâne de M. de Sade

On suffoque dès les premières pages l’air manque sous l’étreinte divinement infernale d’une prose virulente.



Entre ombre et lumière les scènes les plus abominablement obscènes commencent très fort. Damnation !...Nous voici bien dans un voyeurisme tel que l’a fantasmé et mis en scène le plus célèbre et le plus exécrés des libertins : Le Marquis de Sade.



La crudité époustouflante et naturelle du défunt auteur trousse ici un très étrange, et truculent roman drolatique noir sur les tribulations d’un crâne !... Et quel crâne !!!



Rien de la fin de feu le Marquis de Sade n’est éludée. A demi décomposé, soixante quatorze ans voués aux jouissances sodomites marquant la chair de plus d’une empreinte !

« …enfermé à vie à l’hospice de Charenton avec les fous, les agités, afin que la société des honnêtes gens soit préservée des idéologies, thèses, inventions littéraires scabreuses et actions perverses et toujours renouvelée de ce scélérat… »



« Au-dedans ce corps ruiné, la honte des viscères usées, des humeurs louchement infectées ; au dehors une paroles acérée malgré l’infirmité de la bouche, un regard d’azur pur sur les mensonges du monde. »



A croire que Jacques Chessex est allé à Charenton lui rendre de fréquentes visites avant de rendre l’âme à son tour.

« Impossible de lire « Le dernier Crâne de M. Sade » sans penser à chaque ligne que son auteur va mourir et qu’il le sent. C’est un roman crépusculaire et testamentaire » écrit Jérôme Garcin dans la chronique où il relate comment Jacques Chessex qui relisait la dernière phrase de son livre n’avait plus alors que deux heures à vivre.







« Comme nous sommes las d’errer ! Serait-ce déjà la mort ? »



http://lefildarchal.over-blog.fr





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Le vampire de Ropraz

Il me fallait un roman avec un vampire pour le challenge multi-défis… Je ne suis pas déçue : Jacques Chessex met en scène un vampire bien réel, qui a existé et qui a terrorisé le village de Ropraz et ses environs, là où habitait l'écrivain, justement. Si vous voulez des détails sur le fait divers, suivez ce lien : https://www.le-courrier.ch/sur-le-vampire-de-ropraz-et-environs/. Oui, mais bien qu'inspiré d'un fait divers réel, il s'agit vraiment d'un roman comme c'est mentionné sur la couverture. C'est dans la volontaire confusion entretenue entre roman et réalité que réside en partie la force de ce petit livre.

***

En 1903, Rosa Gilliéron, 20 ans, belle comme un coeur et vertueuse, forcément vertueuse, meurt d'une méningite foudroyante. Comme en plus elle appartient à une famille riche, c'est l'émoi, et tout le canton de Vaud ou presque se précipite à son enterrement. Deux jours plus tard, on retrouve la tombe profanée. On exhume le corps et on découvre horreur après horreur : le cadavre a été violé, la main gauche coupée, la tête mordue, mâchouillée à différents endroits, quasi détachée du corps et enfoncée dans le tronc, quant aux seins et au sexe, les outrages qu'ils sont subis vaudront au coupable son surnom dans les journaux dès le lendemain de l'horrible découverte. Ajoutons que le coeur a disparu. Les mêmes abominations se reproduiront sur les cadavres de deux autres femmes le mois suivant, dans cette même région du Haut-Joraz. On soupçonnera plusieurs hommes, souvent pour des motifs plus fallacieux les uns que les autres, et voilà qu'on surprend Charles-Augustin Favez, garçon de ferme, colosse alcoolique et simplet, « en train de s'exécuter sur une génisse entravée »… Son compte est bon malgré les doutes du psychiatre qui l'a rencontré…

***

Le vampire de Ropraz raconte d‘horribles événements et Jacques Chessex, avec son grand talent de conteur, nous fait partager la suspicion qui s'installe entre les villageois, la peur du lendemain, et même une certaine empathie envers « ce malheureux » vampire ou donné comme tel. le narrateur réveille les superstitions, fait revivre des pratiques catholiques disparues de ces contrées depuis des siècles, et réussit à nous entraîner encore plus loin dans les croyances populaires. Parce qu'enfin, cette dame blanche, visiteuse du vampire, est-elle bien réelle ou est-elle l'annonciatrice de la mort telle qu'on la rencontre dans les légendes ? En plus d'être magnifiquement écrit et malgré les sordides événements racontés, ce roman m'a parfois fait sourire : le regard que porte le narrateur sur les différents intervenants est plein d'un humour contenu auquel l'auteur laissera enfin libre cours ; le clin d'oeil à Cendrars et à Moravagine ainsi que la pirouette finale sont de vrais petits bijoux. Il y a des années que je ne m'étais pas replongée dans cet auteur (1934-2009). Un plaisir à redécouvrir…

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L'Ogre

Le livre s'ouvre sur la mort et se conclut sur la mort.

Chessex nous parle de la difficulté de vivre de Jean Calmet, professeur de latin dans un lycée de Lausanne. Vie tourmentée, dans l'ombre de son père. Impossibilité d'avoir des relations sociales normales. Remise en question et souffrance morale continuelles.

Justesse et poids des mots. Ecriture lourde, prégnante. Chaque mot, chaque tournure de phrase est pensé.

La lecture d'un livre de Chessex m'offre à chaque fois un regard sur la difficulté de la vie, une réflexion sur moi-même. Chessex puise au plus profond de l'humain pour en tirer l'authentique substance.

Magistral et bouleversant !



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Le vampire de Ropraz

Le vampire de Ropraz est un court roman d’à peine 90 pages que j'ai lu très vite. Au début j'ai beaucoup aimé l'ambiance, le froid, un petit village de suisse coupé du monde, le début du siècle dernier (nous sommes en 1903), les commérages.... Bref tout pour plaire.



Et puis tout bascule quand une jeune fille meurt et que l'on découvre le lendemain sa tombe ouverte et son cadavre mutilé. Vu le titre je m'y attendais mais les descriptions précises des horreurs faites au corps m'ont vraiment dérangé. Et puis ça ne s’arrête pas la car c'est abominations se répètent sur deux autres mortes.



La police finit par arrêter un jeune homme dont on ne saura jamais s'il est réellement coupable. Mais il faut dire qu'il a tout qu'il l'accuse en particulier sa sexualité (sur des animaux notamment des vaches). La encore les descriptions des scènes m'ont vraiment dégouté.



Par contre la fin m'a beaucoup plu, elle est originale et inattendue.

Je ne dis pas que je ne relirai pas d'autres romans de l'auteur mais je veillerai a ne plus retomber sur les détails affreux qui ponctue ce récit.
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Le vampire de Ropraz

Le vampire de Ropraz



Et voilà un petit chef d'oeuvre de Jacques Chessex (prix Goncourt 1973) qui nous plonge dans la Suisse profonde du début du vingtième siècle.

Ca n'est pas la joie dans le village de Ropraz : Incestes, viols,

« commerce » avec les animaux et avec les cadavres déterrés.



Tout le monde est coupable, mais tout le monde cherche un bouc émissaire. Un pauvre gosse de 20 ans s'y colle parce qu'on l'a surpris en train de niquer une génisse. Il en a vu et « senti » beaucoup depuis qu'il est né, le nommé Favez et, faute de peine de mort (heureuse décision prise par la Suisse à la fin du 19°, presque cent ans avant la France, pays des droits de l'homme) il échappe au lynchage rampant et va en prison puis dans un hôpital psychiatrique ou curieusement il est plutôt (enfin) bien traité.



108 pages d'une écriture parfaite et sans complaisance nous mène vers l'issue de ce roman (qui n'est pas une nouvelle) où l'on côtoie Blaise Cendrars dans les tranchées.



Ce tour de force mérite le détour. Indéniablement.

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Un Juif pour l'exemple

Est-ce l’éditeur ou l’auteur qui a choisi de désigner Un Juif pour l’exemple sous l’épithète de roman? Le livre de Jacques Chessex, auteur que je n’avais pas lu depuis l’université — dans le cadre d’un cours sur la littérature suisse, me semble bien davantage un récit qu’un roman, l’auteur relatant ici un crime qui s’est déroulé à Payerne, dans le canton de Vaud, son village natal, en 1942.



D’un ton froid, presque distant, le narrateur relate les faits entourant l’assassinat d’Arthur Bloch, Juif désigné par une poignée de Suisses nazis et antisémites de la région dans un récit entrecoupé par ses réflexions ou par des citations de Vladimir Jankélévitch.



L’enfant que Jacques Chessex était à l’époque (il est né en 1934) est resté marqué par ce crime qu’il a porté en lui pendant plus de soixante ans avant de se décider à en laisser la trace, à l’inscrire dans l’Histoire plutôt que laisser le temps en faire une anecdote banale qu’on finira par déformer ou simplement oublier. Pour cette raison, le livre devient nécessité. Urgence. Et si le ton peut sembler distant, c’est parce que ça fait encore mal cette violence alors qu’un homme n’est pas seulement tué mais dépecé comme les bêtes qu’il achetait puis vendait. On n’enterre jamais de tels souvenirs si on ne les écrit pas.



Par contre, il n’est pas certain que cette façon de livrer ce qui est arrivé à Payerne en 1942 atteigne vraiment son but. Le livre fermé, le lecteur se dit qu’il a découvert une facette de la Suisse qu’il ne connaissait pas, ce pays ayant toujours été montré dans les livres et dans les films comme une terre d’asile pour les fuyards, qu’ils soient Juifs ou résistants. Mais au-delà de ça, on peut se demander s’il sera touché, bouleversé. Je ne sais pas. Vraiment pas.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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Le vampire de Ropraz

Inspiré d'un fait divers, le lecteur a presque l'impression de lire un article de journal tant les faits sont précis mais sans être trop détaillés non plus. L'auteur se limite à nous énoncer les faits et à nous faire prendre conscience de l'horreur des crimes (il n'a d'ailleurs pas trop besoin de le faire car le simple fait de les écrire nous donne la nausée).



Trois crimes abominables perpétrées sur des belles jeunes filles, récemment décédées de maladie. Quelle est donc le crime me direz-vous ? Il s'agit ici de nécrophilie, de viol de sépultures et de cannibalisme.

Pourquoi lire une telle horreur me direz-vous (d'autant plus pour moi qui sus si sensible à ce genre de choses) ? Tout simplement parce que j'avais lu un très bon article sur ce dernier dans "Le Magazine littéraire" il y a quelques mois et c'est donc de mon plein gré que j'ai voulu m'attaquer à cet ouvrage, que je ne regrette pas d'avoir lu d'ailleurs, bien au contraire.

L'histoire débute à Ropraz, un petit village près de Lausanne en Suisse en février 1903 (date à laquelle est commis le premier acte de barbarisme sur le cadavre de la jeune Rosa Gilliéron, la fille d'un juge renommé et ce ne sera que le début pour que la mystérieuse bête humaine qui a accompli ces gestes soit qualifié de vampire. La légende du "vampire de Ropraz" est née...



Je ne vais pas trop m'étendre sur le résumé de l'histoire car cela vous gâcherait le suspense mais je tenais simplement à vous situer le contexte. Le livre se lit en un rien de temps. Très bien écrit, avec des chapitres très courts, avec certains mots que l'on préférerait ne jamais avoir lus tant ils sont durs mais pourtant, il faut bien se rendre à l'évidence que cela aurait très bien pu se passer s'est sans doute déjà produit et malheureusement se produira encore. Eh oui, il faut que j'arrête de vivre dans mes contes de fées et que je prenne conscience que l'être humain est capable d'accomplir des choses abominables, horribles et inimaginables...tout comme il peut aussi accomplir de merveilleuse choses (heureusement d'ailleurs. je crois que je vais me raccrocher à cette deuxième hypothèse). Même s'il est vrai que certains passages m'ont choqué, il n'en reste néanmoins que c'est un très bon ouvrage qui mérite d'être découvert.
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Passage de l'ombre et autres nouvelles

Je découvre avec ce recueil de nouvelles qui vient de paraître l’écriture de Jacques Chessex, disparu il y a dix ans de cela. Et j’ai été impressionné par la puissance et la noirceur de sa prose.



J’avais ressenti un ton crépusculaire commun à ces 17 textes, malgré des thèmes et des situations variés. Je les pensais écrites vers la fin de sa vie, ce qui s’est avéré être inexact puisque la moitié d’entre elles, au moins, ont été publiées dans des revues à partir des années 1980.

Si ces nouvelles sont le reflet des obsessions communes à son œuvre, je serais tenté de les répartir en deux catégories. Celles qui évoquent la mort, la dissolution dans une nature indifférente (« La pluie des collines », « La préparation aux Conférences », « Le moment de vous décider »), et celles qui ont plutôt une connotation fortement sexuelle et dérangeante, (« Innocenti », « Le fauteuil rouge », « La culotte », « L’adoration »). Les deux aspects ne s’excluent pas forcément.



Je pourrais aussi y ajouter une sorte de fascination pour le dérèglement mental (« Les clous », « Pentecôte », « Les prophéties », « Le portier ») et les rêves éveillés.



Si, comme moi, vous ne connaissiez pas cet auteur, je vous recommande cette lecture qui n’est pourtant pas de tout repos (ni pour tous les âges).



Merci aux éditions Grasset et à NetGalley pour cette belle découverte.



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Le désir de la neige

Découvert comme romancier pour son roman "le vampire de Ropraz", dans lequel j'ai pu admirer sa prose, il était tout naturel de goûter à l'œuvre poétique de Jacques Chessex. Ses vers ont su me toucher, ils me parlent, la nature, l'amour filiale, les petits détails de la vie, le chant d'un oiseau, la pluie, la neige...

Ce recueil est présenté en six chapîtres :

Il est sept heure trente.

Si je me dissous.

Dix-neuf neiges.

L'air à l'instant.

Ma mère.

Terre d'été.

Je ne suis pas un spécialiste de la poésie, parfois difficile d'abord. Mais ce recueil est un livre où de temps à autre, je viens piocher au gré de mon humeur quelques instants de vie.
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Un Juif pour l'exemple

Écrit avec beaucoup de sobriété, l'histoire de ce juif que l'on assassine pour donner un exemple (de quoi ?) est juste terrifiante de banalité. Cet acte de mémoire est nécessaire même si citant Jankélévitch, Chessex s'interroge sur la possibilité de relater l'horreur "Je raconte une histoire immonde et j'ai honte d'en écrire le moindre mot ... car Jankelévitch dit aussi que la complicité est rusée". Nécessaire, parce que notre mémoire oblitérée par l'horreur des camps a oublié ceux qui sont morts ailleurs mal soignés, exclus, humiliés, tués. C'est cette infiltration de l'horreur, cette acceptation de l'indécence qui sont dénoncées en même temps que l'on se souvient d'Arthur Bloch. Ses meurtriers sont des paysans, des garagistes, des bouchers, des gens qui nous entourent, l'homme est homme choisit parce qu'il est juif. Leur haine est dense et elle se nourrit du vide de leurs âmes et c'est cela qui fait peur.
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