Citations de Jacques Sternberg (220)
Sculptée au plus près par une robe noire très sobre qui lui collait au ventre comme au cul, aux seins comme à sa chute de reins, elle dévoilait à moitié de longues jambes superbement modelées, mais très minces, une croupe à en perdre le souffle, et tout son corps presque frêle accusait des virages, des courbes si exagérément dessinés que l’ensemble dégageait une étonnante présence sexuelle. À la fois gazelle gracieuse et fauve arrogant sous sa crinière de brune, elle affirmait de tout son visage distant sa fierté d’être en vie dans un corps aussi tentant, son ivresse de sentir ses muscles longilignes lui donner cette allure à la fois alanguie et vibrante.
Je m’étais laissé entraîner jusque-là pour dîner chez une secrétaire médicale, assez séduisante, qui se refusait depuis des mois alors que je la désirais tellement, mais cette fois, après le repas, elle s’était offerte en guise de dessert. Elle me parut effectivement aussi onctueuse qu’un succulent café viennois. Je me sentais repu, mais fatigué.
Quand on pense que les condamnés savaient qu’ils allaient être exécutés et que, dans leur cellule, ils attendaient la mort, à l’aube, d’un jour à l’autre…
Il toucha un instant les pointes des seins qui durcirent en quelques secondes et, déjà trop excité, il laissa sa main s’abattre vers le ventre, puis s’exacerber du sillon des fesses aux profondeurs d’un con tellement marécageux qu’il sentit le plaisir lui labourer les tripes en quelques déchirantes secondes.
Grande, mince, blonde comme le sable d’une journée solaire, lisse et visiblement nue sous sa gangue immaculée d’infirmière, elle manipula en professionnelle les fiches et les fils de sa petite machinerie ambulante, avec des gestes si sensuels qu’ils semblaient ceux d’un subtil ballet conçu pour mettre en valeur ses seins, ses cuisses et sa chute de reins, fatale descente en beauté vers un cul d’une éblouissante présence.
Le meurtre d’un représentant de la loi, et commis par un Noir en supplément, cela ne pardonnait pas dans cet État du sud des États-Unis. La sentence était tombée comme un couperet : condamné à la détention à perpétuité.
Les souvenirs, à ses yeux, ne pouvaient jamais être que faux, faussés. Quand on les attrapait au vol, presque en instantané, on manquait de recul, on courait trop vite. Et quand on tentait de les retrouver, bien plus tard, on n’avait plus le souffle, la spontanéité pour les courser. Les souvenirs lui avaient toujours paru suspects, autant les laisser courir et les éviter.
Cette histoire n’aurait eu sa véritable force de percussion que jetée sur papier avec le maximum de sincérité, de véracité qui dépassait de très loin toute fiction. Il ne pourrait que l’affadir, la rétrécir, la recréer tant bien que mal, surtout que sa mémoire du vécu était particulièrement défaillante. Jamais il n’aurait pu rendre dans toute son incohérente sauvagerie tout ce que leur liaison, si souvent rompue chaque fois reprise, avait brassé d’excès et de dérapages, de convulsions et d’exaspération, trimbalée au gré des ans entre l’admiration et le mépris, la rancune et l’indulgence, le remords et le besoin de revanche, l’attachement inébranlable et l’infidélité déchaînée, la compassion et la cruauté, le désir et le refoulement, la quiétude et la hargne, autant d’états contradictoires qui se catapultèrent en vrac dans la confusion, à un rythme qui lui donna souvent le vertige, le déstabilisa avec une navrante régularité que ni l’habitude, ni la résignation, ni l’érosion des ans n’arrivèrent à tempérer.
Il y avait bien des années qu’il voulait écrire un livre consacré à la femme qui partageait sa vie depuis si longtemps. Il n’arrivait pas à s’y décider, il reculait toujours.
Au commencement, Dieu créa la femme.
Puis, il considéra son œuvre qui le laissa sur sa faim viscérale de sadisme : la femme, en effet, avait un nombre appréciable de défauts, elle était à la fois inconsciente et cynique, certainement capable de faire n’importe quoi.
On le dit inclassable, sans doute parce qu’il ne s’est jamais limité à un seul label littéraire. Il aurait pu demeurer un romancier, un auteur dramatique, un scénariste de cinéma, un chroniqueur pamphlétaire. Mais en réalité il avait, par-dessus tout, la passion du texte bref. Qui ne l’abandonnera jamais.
Dans l'absolu, y avait-il vraiment une différence entre le destin d'un seul homme et celui de toute l'humanité?
Car, malgré tout, il convient de reconnaître que si l'homme a enfin pris pleine conscience de ses sens, il n'a toujours pas trouvé son véritable sens. Simplement, il ne le cherche plus comme dans le passé. Il baise, donc il croit qu'il est. Quant à Dieu, on l'a envoyé se faire croire ailleurs.
Et je pense. Que faire d'autre, sinon penser, quand on n'a vraiment rien à faire?
L’homme ne serait donc qu’un crayon ou un taille-crayon ? Mais oui, il faut bien l’admettre. Autrefois, il n’était qu’un roseau pensant, il se contentait de penser sous la rosée. Mais les temps sont devenus beaucoup plus durs, le monde a bien changé. On a coupé les roseaux et on en a fait des flûtes. C’est le progrès, il faut progresser pour engraisser.
Tant qu’il y a de la femme, il y a de l’espoir.
On en apprend tous les jours.
La brume d’hiver tue les insectes de l’été, celle du printemps ceux de l’automne. Rien n’est jamais rien. Va en paix. Et ne juge pas ton prochain.