AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de James Baldwin (261)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'homme qui meurt

Hasard de choix de lecture, c’est pour moi ici encore un récit à dominante autobiographique. Mais à la différence de la Promesse de l’aube, de Gary, nulle question dans ce livre, d’une mise en scène de soi auto complaisante , d’une entreprise d’autocélébration de son parcours, déguisée en autodérision revendiquée.

Mais la puissance et le prix de « l’Homme qui meurt » tient en partie aussi à cette façon que Baldwin à de construire son livre qu’il organise autour de 3 temporalités : un présent, un passé récent et un passé plus ancien, et que son récit en progressant chronologiquement, fait se rejoindre à leurs extrémités.

Cet admirable dispositif qui fait alterner le récit de l’enfance d’un jeune afro américain de Harlem avec celui du même personnage apprenti comédien au sein de la bohème théâtrale de Greenwich Village et avec enfin celui du comédien célèbre qu’il est devenu terrassé par un infarctus , permet très précisément de mettre en parallèle et de décliner la condition d’un homme noir dans le New York de l’après guerre jusqu’aux années 60 , d’en distinguer les variations notamment dans le rapport du personnage principal à la domination blanche.

Le récit de l’enfance est des 3 moments le plus âpre, le plus percutant et le plus émouvant dans sa description du quotidien d’une famille noire de Harlem.

A la différence , la partie consacrée à l’évolution du personnage au sein de cette bohème artiste , s’avère être de plus basse intensité par le fait d’une narration par trop délayée, mais qui cependant documente et illustre bien ce chemin d’accès à l’intégration communément emprunté par les minorités raciales et qui trouve son prolongement dans l’évocation au présent du personnage rendu pourtant vulnérable par son accident cardiaque , mais dont la célébrité lui confère désormais une apparente immunité et invisibilité raciale.

Pour autant profondes, les blessures intérieures demeurent, et loin d’être un port d’arrivée ce statut confortable va devenir au contraire par l’irruption d’un événement accidentel, déclencheur et révélateur, la possibilité pour ce double de Baldwin , d’un nouveau départ , celui d’un exil outre atlantique.



Commenter  J’apprécie          30
La conversion

Un des classiques de la littérature afro-américaine, un livre qui participe à l'émergence de l'émancipation d'une partie du peuple américain.



Telles est l'idée que je m'en faisais au commencement de la lecture.



Au final, c'est une oeuvre assez forte mais également déconcertante. Nous suivions les parcours de vie de plusieurs membres d'une famille, père, mère, tante, fils, frère,... à dans le Harlem des années 1930. Le livre est écrit après la guerre et donc bien avant les mouvements des années 60-70. Ceci est important à noter car cela nous aide à comprendre une écriture qui est à la fois revendicative et désespérée.



Roy, Deborah, Elizabeth, Florence, Gabriel, John... nombreux personnages dont l'histoire nous est contée, les récits se croisent, les périodes se chevauchent, les flash-backs nombreux. On s'y perd. à ceci s'ajoutent les nombreuses références religieuses qui, pour ma part, ont considérablement alourdi ma lecture. Si bien que j'ai été transporté par moments, mais que mon esprit a aussi vagabondé dans de nombreux autres.



Néanmoins, on perçoit une implicite critique de cette morale religieuse qui bride les révoltés. L'hypocrisie d'une morale factice parcourt tout le roman et certains personnages dont Gabriel, père adoptif de John, le personnage central du roman, sont particulièrement désagréables.



Un must read pour les citoyens américains, peut-être un peu moins pour les Européens. Content de l'avoir lu, d'avoir élargi mes connaissances générales, mais ce ne fut pas un grand plaisir de lecture, loin de là.
Commenter  J’apprécie          21
La conversion

Ce roman m’a créé de vraies montagnes russes d’émotions. De l’enthousiasme à la frustration, de l’espoir au découragement, j’ai espéré jusqu’à la fin ressentir un wow unilatéral qui ne s’est pas présenté. Pourtant, il y a des moments de grâce dans ce livre qui font que ma quête de cet auteur n’en restera pas là.

Ce premier roman de James Baldwin s’inspire fortement de sa propre vie. Il met en scène un jeune garçon, comme lui, noir et illégitime; élevé par un pasteur illuminé, rempli de colère, qui prône un Dieu inspirant la crainte plutôt que l’amour. Ce pasteur, Gabriel Grimes, s’empêtre dans les racines du mal, de la haine, «  l’arbre le plus puissant qui fût dans tout le pays de John » John étant son fils aîné, enfant de la seconde femme de Gabriel, Elizabeth, qui était tombé enceinte de Richard, décédé de façon violente après une arrestation arbitraire et musclée. John est un enfant de la honte.



« la honte, à moins que le miracle d’un amour humain ne l’en délivre, était tout ce qu’elle avait à offrir. »



Le roman se passe en 1935, lors de la journée d’anniversaire de John, il a 14 ans. L’auteur raconte le combat spirituel et l’éveil à la vie et à la société raciste du jeune adolescent avec, et en parallèle, l’histoire raciale de ses parents et grands-parents qui a forgé cette vie misérable à Harlem, après le Sud et Chicago. Le Nord, le supposé Eldorado, n’apporte que crasse, tentation et danger, situations envenimées par des discours de pasteurs tous aussi profiteurs les uns que les autres.



«  ils plaisantaient en comparant le nombre d’âmes qu’ils avaient sauvées, comme s’ils avaient compté leurs points dans une salle de billard. »



Le pasteur Grimes est l’acteur principal de ce roman, plus encore que John. Par lui et ses deux vies, les excès amour haine se confondent et les femmes de sa vie en subissent les conséquences. Même si sa mère et le Sud sont précurseurs de sa foi et son combat spirituel, l’esclavage révélant le prophète qui déclame sur l’enfer, Gabriel brûle d’un feu soutenu et inspire la crainte dans une attitude bienveillante.



« …les yeux de sa mère ne le quittaient pas un instant; sa main, pareille à des pinces brûlantes, agrippait la braise tiède de son cœur et suscitait chez lui, à la perspective de la mort, une autre terreur, plus glacée encore. »



J’ai un profond respect pour cette écriture dense et catastrophique. La vie de ces noirs qui ont en tête des images dures et des inégalités dramatiques m’émeut beaucoup. J’ai plus de difficultés avec la prédication et la manipulation divine. Les sermons m’exaspèrent et suivre la voie de Dieu, très peu pour moi. Donc, la conversion de John ne pas pas convaincu mais…

« …mais y a des choses, on dirait, on peut pas les oublier comme le vent. »
Commenter  J’apprécie          220
La prochaine fois, le feu

A noter : J’ai lu le livre en anglais.



La prochaine fois, le feu est un essai écrit l’écrivain et l’activiste des droits civils américain, James Baldwin. Il y a deux essais dans le livre, le premier est une lettre il a écrit à son neveu adolescent, où il a lui encouragé d’éloigner ses perspectives et rêves afin qu’il puisse échapper des chaînes de ce à quoi la société américaine a conditionné les Noirs américains à aspirer (la médiocrité et pas l’excellence comme il avait dit).



Le deuxième essai est la majorité du livre, où il explore son expérience de grandir comme un homme noir aux Etats-Unis. Il a commencé par s’exprimer comment il a pris l’aide de la religion d’abord – par visiter l’église noir dans la communauté mais il a réalisé qu’il y a plus d’effets néfastes du christianisme sur la communauté noire aux Etats-Unis. Il a aussi décrit sa rencontre avec Elijah Muhammad de « Nation of Islam » : dont il était bientôt désabusé et décrit que le mouvement comme illogique avec un but de créer un « dieu noir » pour contrer le « dieu blanc chrétien ».



C’est un livre court mais un texte puissant, explorer la vie d’une personne noire moyenne à l’époque de l’auteur et aussi montrer clairement la relation entre les races dans la communauté ségréguée. Il critiquait souvent l’idée de dieu, l’idée principale du pays d’Etats-Unis et de ses ancêtres, que l’on connait comme les personnes ayant lutté pour la paix et la « liberté », cette dernière étant ironique tant si l’on considère comment l’idée de supériorité raciale était profondément ancrée ; et il faut aussi noter que l’esclavage était légal il n’y a pas si longtemps.



Cependant, je ne suis pas d’accord où l’auteur a justifié la violence ; pour n’importe quelle raison. Pour être honnête, ses arguments étaient convaincants. Je dois noter qu’il n’a pas directement approuvé la violence mais dans le même temps, condamné la glorification du « nègre pacifique » car les blancs ne veulent imaginer aucune menace pour leurs biens et leurs richesses.



Une autre observation qui n’est pas exactement liée avec le livre que l’époque, je n’étais pas à l’aise par lire le mot « nègre » plusieurs fois. Je comprends que dans les années 60, ce mot était utilisé même dans l’écriture formel mais une note de bas de page de l’éditeur aurait aidé à contextualiser. Je ne serais pas surpris si je citais à l’avenir une ligne de ce livre sans contexte, un quelconque suprémaciste blanc prétendant que le mot a une légitimité.



Le livre était très perspicace et, vu sa taille, il nous a fait réfléchir aux formes de discrimination possibles et à la façon dont, dans une position privilégiée, nous pouvons facilement qualifier les gens de « criminels » alors que, dans une société qui pratique systématiquement la discrimination, il n'y a guère d'intérêt à respecter les règles. Étant donné la situation actuelle aux États-Unis, avec un président (Donald Trump, au moment de la rédaction de cette revue) qui refuse de condamner sans condition les tenants de la suprématie blanche et qui se prosterne devant les groupes d'extrême droite, il est important de faire prendre conscience aux gens des luttes qu'ils ont dû mener pour arriver à la situation que nous connaissons aujourd'hui et que la lutte est loin d'être terminée.



Je donnerais ce livre une note de quatre sur cinq.
Lien : https://lastute.blogspot.com..
Commenter  J’apprécie          10
La conversion

J’adore Baldwin, l’homme, quand je le vois dans des vidéos d’archives. Sa fougue, son charisme, et son intelligence me fascinent et je ne peux être qu’admirative de sa combativité. Avec sa littérature, c’est un peu plus compliqué. J’apprécie mes lectures, mais j’ai l’impression de ne pas pouvoir y plonger complètement.



Le premier roman de Baldwin en partie autobiographique, La conversion, se déroule l’espace de 24 heures, le jour des 14 ans de John Grimes, à Harlem dans les années 1930. Le jeune afro-américain passe une grande partie de cette journée et de la nuit qui suit à l’église pentecôtiste, où son père officie. Au travers des préparatifs et du déroulement de la cérémonie, la narration opère des retours dans le temps pour raconter la vie des parents de l’adolescent, empreinte de misère et de violence.



La dimension religieuse est omniprésente, dans le fond, comme symbole de terreur et de soumission, mais aussi de renaissance et d’espoir, et dans la forme, inspirée de la Bible et des chants liturgiques. Je croyais à tort que le récit exprimerait un rejet de la religion, mais cette volteface est survenue un peu plus tard dans la vie de Baldwin. À 14 ans, il s’y accrochait encore et ce roman en témoigne.

Commenter  J’apprécie          60
La prochaine fois, le feu

Dans ce texte très court, Baldwin délivre non seulement un témoignage puissant de l’expérience des Afros-américains aux États-Unis mais également une mise en garde contre l’extrémisme racial.

En confrontant son expérience personnel à celles d’autres afros-américains et aux idées plus extrêmes, Baldwin arrive à dépasser la haine et la rancoeur contre les injustices et crimes perpétrées par les blancs et prône une acceptation du passé pour tous pour construire un avenir commun. L’écriture est incroyable et tellement chargée émotionnellement tout en restant rationnelle, véritablement un chef d’œuvre.
Commenter  J’apprécie          10
Jimmy's blues

Sans véritable surprise, ce recueil porte bien son titre, l'auteur y exprimant les souffrances, l'ostracisme et l'incompréhension dont sont victimes les noirs américains. Les vers et les mots sonnent comme une longue litanie incommensurable sur la non-existence d'une population qui paraît invisible aux yeux des autres. Cependant, si les tirades acerbes sur la condition noire aux Etats-Unis sont d'une justesse pertinente, le poète semble s'enliser parfois dans un soliloque répétitif et victimaire un peu trop exacerbé. Heureusement, Baldwin a de l'humour, nous entraînant avec malice dans une verve poétique provocatrice en se moquant de lui-même et de situations ubuesques dans lesquelles il se retrouve parfois. On pourra noter des clins d'œil à la France en évoquant Simone Signoret à qui il rend hommage et à des lieux qui lui rappelle des souvenirs. L'auteur, dans ce recueil me fait penser à un musicien de jazz, psalmodiant sa vie, empreinte d'un spleen grave et caustique, mais où la nostalgie des jours heureux peut comme dans un solo de saxophone dantesque ressurgir pour éclairer le poète et hurler l'espoir d'un monde meilleur.
Commenter  J’apprécie          160
La Chambre de Giovanni

L'Étranger mais make it gay...



Je pense que Giovanni aurait séduit bon nombre de mes copains. Il a quelque chose de dangereusement attachant.



L'écriture de Baldwin est troublante, j'avais l'impression d'être dans un rêve palpitant qui tourne au cauchemar.



Très bien pour l'époque mais trop triste. Laissez les homosexuels avoir des fins heureuses !
Commenter  J’apprécie          00
La Chambre de Giovanni

J'ai lu et adoré il y a quelque temps le bouquin Swimming in the dark de Thomas Jedrowski, et c'était l'énième oeuvre lgbt mentionnant Giovanni's room comme un must read majeur sur ce thème (un perso offre à l'autre ce livre dans l'histoire et cela lance leur relation). J'ai donc franchi le pas et décidé de me faire mon avis ! Verdict : c'est sombre. Dans le détail, on suit David, bi sévèrement refoulé, débarquer dans le Paris gay des années 50 pendant que sa partenaire explore l'Espagne. Il y rencontre donc Giovanni et sa "chambre" qui vient petit à petit représenter la prison intérieure de David, coincé entre devoir "jouer l'homme" avec sa copine si elle revient et se détester chaque jour un peu plus dans cette chambre. Giovanni's room est une fenêtre sur ce que l'homophobie intériorisée et la masculinité toxique sans aucun contrepoids ni refuge pouvaient créer chez les hommes gay à une époque. On ne croise dans ce récit aucune lumière, les personnages dans le cercle de David sont tous présentés comme brisés et/ou sales, et la sombre issue du récit est offerte dès les premières pages, comme un couperet dont il ne reste qu'à attendre qu'il tombe enfin. C'est donc un livre qu'il aura été difficile d'aimer à proprement parler, mais dont la qualité d'écriture et la faible longueur m'auront tout de même permis une plongée instructive dans une psyché étrangère, victime comme il en existe encore de plusieurs siècles de peur de la différence.
Commenter  J’apprécie          10
Blues pour l'homme blanc

Une ville des Etats-Unis, probablement Montgomery, Alabama dans les années 1960

Richard avait un avenir prometteur dans la musique, à New-York où il a passé 8 ans. Ayant tout gâché par des excès notamment de drogue, il était depuis quelques jours de retour dans le Sud mais vient d’être assassiné probablement par Lyle, un commerçant blanc qui a déjà tué un homme noir et a été acquitté.

La pièce est découpée en trois actes. James Baldwin est très précis dans les indications scéniques qu’il souhaite pour sa pièce. La scène doit être coupée en deux.

L’Eglise des Noirs d’un côté fait face au Tribunal de l’autre.

Les scènes mettant en action les Noirs se joueront côté Eglise, celles concernant les blancs côté Tribunal.

L’acte I est plutôt consacré à la réaction des noirs au drame qui vient de se jouer, à leur colère, à leur certitude que le coupable va à nouveau s’en tirer. Parnell, un blanc ami des noirs fait le lien avec l’autre communauté car il pense qu’il peut obtenir des aveux de Lyle.

Le 2ème acte est plutôt consacré à la réaction des blancs, à leur soutien indéfectible à Lyle.

Le dernier acte est dédié au procès dont on se doute de l’issue.

Je pense que la pièce quand elle est sortie en1964 a dû susciter pas mal de remous. Aujourd’hui, je dois admettre qu’elle ne m’a rien révélé de nouveau. Je suis une femme blasée sans doute mais les faits divers de violences à l’endroit des Afro-américains sont si fréquents… la mort atroce de George Floyd en est une tristement célèbre illustration, qu’on a le sentiment que les Américains ne se sortiront jamais de ce racisme congénital.

Pour autant, les échanges concernant les problématiques de relations sexuelles inter-raciales posent question. La virilité des hommes blanc ou noir envers les femmes de l’autre communauté est toujours l’expression d’une forme de puissance masculine à prouver…

J’ai trouvé intéressante aussi les réactions des deux générations de noirs à la mort de Richard. Si les anciens sont accablés, prennent Dieu à témoin, les jeunes expriment clairement leur colère. On retrouve un peu le schéma des deux modes de luttes de l’époque. D’un côté le pacifisme d’un Martin Luther King, de l’autre la combativité d’un Malcolm X.





Commenter  J’apprécie          230
Harlem Quartet

Le mot est galvaudé peut-être, mais je me permets tout de même : Harlem Quartet est un chef-d’œuvre. Personne n'a su comme James Baldwin, et singulièrement dans ce gros roman rose publié chez Stock, mêler le style à la langue vulgaire, tels la mer avec le soleil. Les personnages sont noirs, ils vivent à Harlem entre deux pôles : les églises évangélistes et... la musique. Nous sommes dans les années cinquante. Hall, l'aîné, raconte la trop courte existence d'Arthur, son petit frère homosexuel, chanteur miraculeux de cantiques, avec ses trois merveilleux amis - le quartet. Le succès les amène à voyager dans le sud des États-Unis, et c'est la rencontre avec les Blancs dans un pays encore ségrégationniste, ou Nina Simone chante Strange fruit. Julia est une gamine exploitée (par son père) pour ses talents de prêcheuse, elle devra se relever d'avoir cru elle-même au pouvoir des évangiles sur la vie réelle - James Baldwin raconte dans La conversion (Rivages poche) sa vie d'enfant prêcheur, le savoir, je crois, donne un accent plus cruel encore à ce récit.

Voilà, stop, je n'en raconte pas plus. Le génie de conteur de l'auteur va vous emmener loin, les sentiments les plus doux vous viendront à l'égard de nombre de personnages, comme un stock de larmes que vous n'aurez (peut-être) pas à verser.

Qu'est-ce que j'adore Baldwin !

Commenter  J’apprécie          63
La prochaine fois, le feu

Enfant de Harlem et prédicateur précoce, Baldwin a connu la peur, l’humiliation, et bien plus tard le succès en Europe puis aux États-Unis. Il a fréquenté des personnalités aussi diverses que Malcom X, Martin Luther King, Robert Kennedy, Marguerite Yourcenar ou Yves Montand. Il fait ici une autobiographie morale centrée sur le problème noir.



Inutile d’insister sur la réalité d’une ségrégation publique et privée qui a persisté un siècle après la proclamation d’émancipation. Après la souffrance subie, le point d’inflexion du livre est la rencontre d’Elijah Muhammad, fondateur de la Nation of Islam et tenant d’un séparatisme noir aussi violent dans les termes que celui des blancs. Baldwin présente le Maître avec respect, énonce les arguments qui nourrissent son suprématisme avant d’en dénoncer l’absurdité historique et la naïveté perverse : « Mais pour modifier une situation, il faut d’abord en avoir une vision claire : dans le cas particulier, admettre le fait, quelque usage qu’on en fasse ultérieurement, que le Noir américain est issu de ce pays, qu’il faille ou non s’en féliciter, et n’appartient à aucun autre — pas à l’Afrique et certainement pas à l’Islam ».



Sa volonté de justice est empreinte de spiritualité et d’angoisse ontologique. Face à l’arbitraire, Baldwin est partagé comme Albert Camus dans certaines pages sur l’Algérie : « Je savais comment luttent en moi la tendresse et l’ambition, la douleur et la colère et l’horrible écartèlement que je subis entre ces extrêmes — mes constants efforts pour choisir le mieux plutôt que le pire ». Son livre s’achève sur un doute existentiel : « Peut-être l’origine de toutes les difficultés humaines se trouve-t-elle dans notre propension à sacrifier toute la beauté de nos vies, à nous emprisonner au milieu des totems, tabous, croix, sacrifices du sang, clochers, mosquées, races, armées, drapeaux, nations, afin de dénier que la mort existe, ce qui est précisément notre unique certitude ». Revenant à son passé de prêcheur, Baldwin fait de sa dernière phrase une menace d’apocalypse greffée sur la Genèse, mais qui n’existe pas dans le texte biblique :

Et Dieu dit à Noé

Vois l’arc en le ciel bleu

L’eau ne tombera plus

Il me reste le feu…



Le corps du texte, cent pages environ au titre mystique — Au pied de la Croix —, est précédé d’une belle lettre à son neveu : « Et mon cachot trembla », qui reprend affectueusement le texte principal, avec moins de sévérité et d’hésitation.

Commenter  J’apprécie          103
La Chambre de Giovanni

Peu convaincu. L’intrigue ne va pas vraiment où que ce soit. La condamnation annoncée de Giovanni crée artificiellement un suspense dont le payoff regrette d’avoir attendu. Les personnages paraissent sommaires et incompréhensibles. Le style des dialogues n’est ni naturel, ni joliment artificiel mais un entredeux façon (mauvais) mélodrame Golden Age. Les décisions du héros sont bien sûr à contextualiser et sa difficulté à accepter sa sexualité paraissait sans doute plus relatable à la parution (et jusqu’à il y a peu) mais les mensonges dans lesquels sa honte l’enfonce m’a empêché l’empathie. Le peu d’alchimie entre le mutique héros et le draaaaamatique Giovanni, jamais expliquée par plus qu’une attirance physique, rend indifférent au tragique de leur relation. Aucun personnage ne semble capable de ne pas boire dès 10h du matin ? Et la fin [relatif spoiler] où il déchire l’enveloppe parait… fainéante.



Les rares moments où l’intrigue sort du plan serré du trio, comme le début au pseudo-Flore permettent de respirer.
Commenter  J’apprécie          00
La Chambre de Giovanni

i was so bored during the whole thing and all the character are unbearable... and the french was so cringe to read as a French
Commenter  J’apprécie          00
La prochaine fois, le feu

Figure de proue de la lutte pour le droit de la cause noire et homosexuelle américaine, James Baldwin dépeint la domination cruelle du blanc américain sur l'homme noir. Avec une clairvoyance aiguë, il analyse tous les mécanismes de cette relation d'ascendance écrasante ainsi que les répercussions que cela entraîne pour les opprimés. Il décrit également la montée en puissance du mouvement nationaliste Black Muslism en réaction au sentiment d'invincibilité et de supériorité des hommes américains blancs. Avec une lucidité déconcertante, il donne à voir la façon dont les passions destructrices se cristallisent entraînant une rupture radicale. Face à cette escalade de violence en puissance, il livre un message d'amour qu'il définit en tant qu'élévation personnelle dans une vie vouée à n'être qu'éphémère. Dans cette fenêtre de tir offerte à chacun indépendamment de ses singularités, il faut embraser la sensualité, c'est-à-dire tirer sa joie de la force de la vie.
Commenter  J’apprécie          30
La Chambre de Giovanni

La chambre de Giovanni (Giovanni’s Room 1956) avait comme premier titre celui de One for My Baby, c’est un roman classique de la littérature gay et le deuxième roman de l’auteur, narré en mode flux de conscience par le protagoniste, David.



Un film court de 46 minutes, Giovanni’s, a été tourné en 2020 par Amy Wright.



Ce livre a l’originalité de commencer l’action par la fin: David dans le sud de la France a abandonné son ami Giovanni. La fiancée de David, Hella, est retournée aux USA et Giovanni va mourir.,



David, le protagoniste, a perdu sa mère à l’âge de 5 ans et a été élevé par son père et une tante paternelle. Il aura une expérience homosexuelle avec un camarade de classe, expérience qui va le torturer et qu’il essaiera d’oublier et d’enterrer au plus profond de soi. Il va se déclarer hétérosexuel afin de rassurer son entourage et se rassurer lui même. Il partira à Paris afin de se retrouver, mais comme il est assez désargenté et esseulé, il va fréquenter des bars gays et faire certaines connaissances qui vont l’entraîner vers une homosexualité plus affichée.



Jacques, un homosexuel mûr et aisé va l’amener à fréquenter un bar où il fera la connaissance du barman, Giovanni, un jeune italien beau et ténébreux, pauvre, qui vit grâce à l’emploi accordé par le patron du bar, Guillaume, qui l’exploite sexuellement.



Giovanni est bisexuel, il a été marié et il tombera amoureux de David. Giovanni va l’héberger dans sa minuscule chambre, autant pour le sortir des griffes de Jacques que pour l’aider, car David n’a pas d’endroit à lui et il est perpétuellement à court d’argent. Le couple connaitra des jours heureux bien que David soit fiancé à cette époque avec Hella, une jeune et énergique américaine qu’il a connu à Paris et qui revient d'un voyage d’Espagne.



C’est la chambre de Giovanni, sale et exiguë qui abritera leurs amours , car ils ne peuvent pas s’afficher trop ouvertement en dehors des quatre murs.



Au retour de Hella, David quitte Giovanni car il a trop peur d’assumer cette liaison et il veut se persuader qu’en épousant Hella il pourra faire face à ses démons et devenir le personnage que son père attend de lui.



Giovanni entre temps sera mis à la porte par son patron et restera à la merci d’une situation plutôt difficile bien que sa souffrance majeure soit l’abandon de David. Giovanni est immune à la honte qu’éprouve David, et c’est cette liberté morale qui lui fait sentir de la joie à aimer David.



David est en fait bisexuel, et ce roman est la dissection de sa honte, la honte est le sentiment qui prédomine tout le long du récit avec l’ambigüité, les paradoxes et les difficultés éprouvés par lui, tout ceci fait que son personnage est fuyant et peu empathique.



On note une certaine similitude entre le personnage de David et James Baldwin. Ce n’est pas vraiment un roman autobiographique non plus, mais il reflète bien le Paris de la post guerre que Baldwin a connu en 1948.



Un roman remarquable par l’élégance du ton, l’analyse des sentiments et la présentation de cet amour entre David et Giovanni, décrit de façon naturelle, ce qui lui donne une vraie valeur humaine.




Lien : https://pasiondelalectura.wo..
Commenter  J’apprécie          110
La Chambre de Giovanni

J'adore les livres sur l'homosexualité du XXe siècle. Je trouve que l'enjeu de leur parution les rend particulièrement intéressants. Les personnages sont touchants et nuancés. J'ai tout de même eu un peu de mal au début à rentrer dans l'histoire, mais une fois rentrée, l'histoire est très émouvantes et donne à voir les difficultés du sujet, c'est à dire choisir entre amour et conformisme, entre la sécurité d'une épouse et la passion d'un amant. J'ai réellement découvert un auteur à la suite de ma lecture de ce roman et j'ai vraiment hâte de lire d'autres oeuvres écrites par lui.
Commenter  J’apprécie          50
La Chambre de Giovanni

Un vrai coup de poing, une frappe à la fois éloquente, bouleversante et mélancolique.



Baldwin, en parlant de l’homosexualité de l’après-guerre, offre ici une histoire d’une fatalité implacable qui prend aux tripes.



Les déchirements du héros sont presque trop poignants.



Magistral !
Commenter  J’apprécie          40
I am not your Negro

I am not your negro "James Baldwin/Raoul Peck"

Corollaire du documentaire "I am not your negro" le livre nous présente des informations et une réflexion concernant la tragédie que le peuple noir à vécu aux Etats Unis du temps de la ségrégation raciale jusqu'à nos jours car ils le subissent encore.

La manière dont se perçoit James Baldwin au regard des caucasiens est qu'au delà du fait d'être un (négro) il est un homme avant tout, ce qui est une réalité sachant qu'il n'y a pas plusieurs races mais une seule , la race humaine. Très utopique au vue de la conjoncture actuelle mais ce qui est tout de même une réalité complexifié par l'encrage psychologique lié à l'éducation visuelle et mémorielle dont les gens se sont aguerris.

Plusieurs exemples connus du grand public ont été relaté à l'instar de Malcolm X, Martin Luther King et Medgar Evers. Son combat est mené a viser tous les racistes sans pour autant mettre tous les blancs dans le même panier.

Une histoire qui n'est pas belle bien au contraire.
Commenter  J’apprécie          00
La conversion

John est un jeune adolescent noir, vivant à Harlem dans les années 30. En tant que fils aîné, il est prédestiné à devenir un homme de Dieu, comme son père.



Cependant, John ne veut pas de cet avenir. Il ne veut pas reprendre le flambeau de son père, cet homme saint, respecté de sa communauté, qui bat sa femme et ses enfants.



John voudrait autre chose, loin de Harlem, loin du poids pesant des secrets de famille.



Ce roman, le premier de James Baldwin, est un vrai coup de cœur. J’avais eu envie de découvrir cet auteur en lisant l’essai de Melikah Abdelmoumen, Baldwin, Styron et moi, et mon choix s’est porté sur ce premier roman.



J’ai découvert un récit très riche qui aborde tant la question du racisme que de la foi.



En effet, à travers les différents personnages, James Baldwin aborde le racisme et la violence subie par les noirs américains.



Cette violence qui conduit à courber le dos lorsque l’on croise des blancs dans la rue, pour éviter de se faire lyncher. De la pauvreté des quartiers de Harlem, du manque de perspective.



Le jeune John sait que certaines boutiques ne lui sont pas accessibles de par sa couleur de peau ; et que si jamais il réussissait d’une façon ou d’une autre dans la vie, il serait coincé entre deux mondes : plus jamais compris des siens et pas accepté par les autres.



Cependant à travers les pages c’est aussi la question de la foi qui se pose, de la rédemption des péchés commis. Chacun des personnages abordés bataille avec ses limites et ses démons, condamné néanmoins à faire souffrir les autres.



Un auteur qui m’a ébloui par son histoire et par sa plume et dont je vais certainement lire le reste des œuvres.
Commenter  J’apprécie          80




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de James Baldwin Voir plus

Quiz Voir plus

La culture manga, niveau difficile

"Manga" est un mot japonais, ça veut dire quoi en français?

'Dessin sublime'
'Image dérisoire'
'Bande dessinée'
'Le Japon vaincra'

7 questions
147 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , japon , bande dessinéeCréer un quiz sur cet auteur

{* *}