« Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron. Non non non non, rassurez-vous, ce n’est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir. Allons … »
Comment évoquer l’horreur de la Shoah en mêlant fausse naïveté et fausse légèreté ?
Jean-Claude GRUMBERG nous apporte la réponse avec ce conte.
Un conte qui commence comme tout les contes par : « Il était une fois ». On y retrouve un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne vivant dans une cabane dans les bois.
Tous deux sont très pauvres. La vie est dure. Ce, d’autant plus en temps de guerre.
Le pauvre bûcheron est requis à des travaux d’intérêt public tandis que la pauvre bûcheronne s’affaire toute la journée, dans la forêt, à trouver de quoi se chauffer et manger.
Une forêt traversée par un seul et unique train. Un « train de marchandises » selon le bûcheron.
« Marchandises », il n’en faut pas plus à la bûcheronne pour rêver. Elle cale désormais son rythme sur celui du train. Guette ses allers et retours. Elle prie devant son passage. Elle espère que celui-ci aura pitié de sa faim, pitié de sa situation, et qu’il lui offrira quelque chose. En attendant, tout ce qu’elle a, ce sont des bouts de papiers jetés à travers les fenêtres de ce train. La pauvre bûcheronne ne sait pas lire. Elle imagine que ces bouts de papier sont l’annonce d’un cadeau à venir. Alors, elle les garde précieusement. Elle les chérit.
Et, un beau jour d’hiver, elle reçoit enfin un cadeau de ce train. Un bébé jeté d’une des fenêtres de cette machine merveilleuse. La plus précieuses des marchandises. Elle n’en demandait pas tant, elle qui rêvait d’être mère. La voilà heureuse. La voilà comblée.
Derrière ce nourrisson jeté par l’une des fenêtres du train se cache un mari, un père de jumeaux, un ex étudiant en médecine devenu coiffeur à Drancy.
C’est lui qui est dans ce train avec sa femme, ses deux nourrissons et tant d’autres encore. Ce sont eux qu’on a entassé dans un train à bétail en partance de Drancy.
C’est lui qui voit le lait maternel de sa femme s’amenuir. C’est lui qui comprend que ces jumeaux ne survivront pas tous les deux au voyage. Lui qui prend la décision d’en sauver un. Au hasard. Celui qui restera avec eux aura toutes les chances de vivre. Du moins le croit-il. Il en prend donc un – au hasard – et le jette par la fenêtre.
Pour connaître la suite de ce merveilleux conte, je ne peux que vous en recommander la lecture. L’histoire est belle. L’histoire est triste. L’histoire est heureuse aussi. Et, on y parle d’amour.
Avec sa sublime plume, Jean-Claude GRUMBERG nous rappelle l’importance de l’amour dans des moments comme ceux-ci.
« Voilà la seule chose qui mérite d’exister dans les histoires comme dans la vraie vie. L’amour, l’amour offert aux enfants, aux siens comme à ceux des autres. L’amour qui fait que, malgré tout ce qui existe, et tout ce qui n’existe pas, l’amour qui fait que la vie continue. »
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