Citations de Jean-Jacques Sempé (132)
- La certitude que j'ai, c'est cette admiration immense que j'ai pour l'être humain qui sera capable, qui est capable, de faire des choses fantastiques. L'être humain trouve toujours.
- Le même être humain est capable de choses monstrueuses aussi?
- Bien sûr !
- Alors, pourquoi est-ce l'admiration qui l'emporte chez vous ?
- Ah ! (Silence.) Parce que sans ça, je serais très triste.
- A quel moment avez-vous pris conscience que le monde était dur, insupportable, compliqué... Combien de temps a duré votre insouciance?
- Je crois n'avoir jamais été insouciant. Et j'ai toujours été d'une stupidité remarquable. J'avais l'impression que quand je changeais d'endroit, j'abandonnais la bêtise ou la cruauté et qu'ailleurs ce serait mieux. J'ai toujours eu cette impression et je me demande même si ça ne continue pas, tout en me disant que j'ai tort.
- Vous avez déménagé combien de fois ?
- Beaucoup. (p.99)
Parfois, je me dis que peut-être nous avons perdu le goût de nous amuser.
(Pique-nique champêtre avec convives masqué, p.23)
Le surveillant, on l'appelle le Bouillon, quand il n'est pas là, bien sûr. On l'appelle comme ça, parce qu'il dit tout le temps : "Regardez-moi dans les yeux", et dans le bouillon il y a des yeux. Moi non plus je n'avais pas compris tout de suite, c'est des grands qui me l'ont expliqué.
"- J'aurais aimé que tu fusses - quand je t'ai rencontré - un artiste pauvre et malade. Je t'aurais soigné. Je t'aurais aidé de toutes mes forces. Nous aurions eu des périodes de découragement, mais aussi des moments de joie intense. Je t'aurais évité, dans la mesure de mes possibilités, tous les mille et un tracas de la vie afin que tu te consacres à ton art. Et puis, petit à petit, ton talent se serait affirmé. Tu serais devenu un grand artiste admiré et adulé, et, un jour tu m'aurais quittée pour une femme plus belle et plus jeune. C'est ÇA que je ne te pardonne pas !"
Jean-Jacques SEMPE, Quelques romantiques, 1986, Denoël (p. 33).
Le fil qui unit deux amis est tellement ténu qu'on ne peut jamais le rafistoler lorsqu'il est coupé.
- Il ne me dira jamais «tu es belle » mais « T’es pas mal aujourd’hui ». Il ne me dit pas non plus « C’est bon ton dîner » mais « C’est pas mauvais ce que tu as fait ». Bref, j’ai envie de lui dire « Je m’en vais », mais je lui dis « Je me demande pourquoi je reste ».
J'aurais voulu rencontrer un homme riche que j'aurais aimé pour d'autres raisons que son argent.
Taburin Raoul, lui, ne vivait pas en harmonie avec sa réputation. Un poids mal réparti entre l’être et le paraître déséquilibrait cette nature pourtant stable. Le poids du secret. Un secret d’autant plus lourd que personne n’aurait pu l’envisager : il ne savait pas monter à vélo. Il était incapable de faire du taburin.
J'ai froid, j'ai faim et je veux de l'amour!
"Si l'on veut bien mettre de côté, pour l' instant, les tracas existentiels et les angoisses métaphysiques, on peut dire qu'il était heureux".
"- J'aurais aimé que tu sois (quand je t'ai rencontré) un artiste pauvre et malade. Je t'aurais soigné. Je t'aurais aidé de toutes mes forces. Nous aurions eu des périodes de découragement, mais aussi des moments de joie intense. Je t'aurais évité, dans la mesure de mes possibilités, tous les mille et un tracas de la vie afin que tu te consacres à ton art. Et puis, petit à petit, ton talent se serait affirmé. Tu serais devenu un grand artiste admiré et adulé, et, un jour tu m'aurais quittée pour une femme plus belle et plus jeune. C'est ça que je ne te pardonne pas !"
Jean-Jacques SEMPE, Sauve qui peut, 1964, Denoel.
"Par la fenêtre du wagon, j'aperçois, dans le paysage qui défile à une allure vertigineuse des gens qui s'enfuient, effrayés par le monstre de feu et d'acier qui m'emporte vers Saulieu, d'où je posterai cette lettre qui vous parviendra dans cinq jours. Nous nous connaissons depuis quatre ans à peine, mais depuis qu'au mois de mars, vous m'avez laissé embrasser votre main, mon coeur tressaute d'impatience.Pouvez-vous me dire (répondez-moi à Madrid, que j'atteindrai, c'est inouï, dans moins d'une semaine) si je puis espérer qu'un jour nous célébrerons nos fiançailles. Nous sommes en juillet. Réfléchissez. Donnez moi votre réponse dans les premiers mois de l'année à venir. Je sais que ce délai est bref. Je ne veux pas vous affoler, Elisabeth, mais que voulez-vous, nous sommes entrés dans l'ère de la vitesse, et je suis un homme de mon époque."
On est dans une basse-cour où tout le monde caquette en même temps, je ne vois pas l'utilité d'y ajouter mes propres caquètements et de me mettre, tant pis si l'image est osée, à hurler avec les poules.
-Les Inrockuptibles n°844-
J'ai une immense admiration pour l'écrivain qui a trouvé cette formule extraordinaire : « L'homme est un animal inconsolable et gai » (…) On ne peut pas vivre si l'on n'est pas gai. Même si rien ne va, il y a la gaieté. On pourrait appeler ça la joie de vivre, la joie d'être. Et inconsolable, on l'est, on est complètement inconsolable. Je fais avec les deux...
Ce n'est pas commode d'aller voir votre mari tous les jours à la clinique, mais d'un autre côté, ça a quelque chose de rassurant, quelqu'un qui, à notre époque, pète les plombs.
- J'ai débuté à la SFAT qui a fusionné avec la SPOFI pour devenir la STOCAFIT. Là, on m'a confié la direction d'une filiale, la SUFITA, qui, prenant de l'extension, est devenue la POFITEF. Belle réussite en somme. Mais parfois je pense : PFUIT...
(Conversation entre deux cadres au pied d'un immense siège de société).
- Vous pensez que le mensonge fait partie de l'enfance?
- Oui, et je souhaite que ça continue longtemps ! Je ne suis pas du tout pour la fameuse transparence. Vous vous rendez compte : si tout le monde disait la vérité, ce serait un enfer total. Si je disais ce que je pense de vous, mon pauvre ami, mais ça serait une catastrophe ! Et vous-même disant ce que vous pensez de moi, vous me blesseriez profondément, j'en suis persuadé.
- Ne pas dire, c'est du savoir-vivre. Mais on peut aussi mentir avec la ferme volonté de tromper, de fanfaronner ou de s'amuser... [...] Dans votre enfance, vous étiez heureux quand vous inventiez votre vie ?
- Oui, quand je rêvais ma vie... Mais est-ce que nous ne sommes pas tous comme ça ? (p.58)
J'engage le premier qui fait disparaitre l'autre.
c'est ce moment où tout est encore possible que j'apprécie le plus.