Les grands débats qui ont fait la France de
Jean Lebrun
"Le pays n'a pas été consulté. On lui a systématiquement caché la vérité. On essaie maintenant d'accommoder les faits à une doctrine inventée pour les besoins de la cause. Races supérieures, races inférieures, c'est bien tôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco- allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs.
Race inférieure, les Hindous !Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste, avec cette grande efflorescence d'art dont nous voyons encore aujourd'hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois, avec cette civilisation dont les origines sont inconnues ! Inférieur, Confucius !
Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été apportée ici et qui n'est pas autre chose que la proclamation de la primauté de la force sur le droit. L'histoire de France depuis la Révolution est une vivante protestation contre cette inique prétention. C'est le génie même de la race française d'avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d'avoir compris que le problème de la visualisation était d'éliminer la violence de rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence des rapports des nations entre elles.
Vous nous dites : voyez, lorsque les Européens se sont trouvés en contact avec des nations que vous appelez barbares - et que je trouve très civilisées - n'y a t il pas eu un plus grand développement de moralité, de vertu sociale? En êtes vous bien sûr? Regardez l'histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares, et vous y verrez la violence, tous les crimes déchainés, l'oppression, le sang coulant à flots, et le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur. Voila l'histoire de notre civilisation. Prenez la où vous voudrez et quand vous voudrez, et vous verrez combien de crimes atroces, effroyables, ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l'Européen apporte avec lui : de l' alcool, de l'opium qu'il répond partout, qu'il impose s'il lui plait. Et c'est un pareil système que vous essayez de justifier en France, dans la patrie des droits de l'homme?
On nous dit : le recueillement, l'abstention, l'effacement c'est la décadence, c'est la rien. Je commence par constater que c'est la première fois qu'on recommande à un peuple, comme un système, les expéditions guerrières continues. Tous les gouvernements, quel qu'ils fussent, ont préconisé la paix. C'est la première fois qu'un homme qui a été à la tête d'un gouvernement vient rétrospectivement faire la théorie de sa politique et dire : Ma politique, c'est la théorie, non pas du rayonnement pacifique, mais du rayonnement par la guerre. Ma politique,c 'est une succession d'expéditions guerrières aux quatre coins du monde. Ma politique c'est la guerre. (.....) Quand un homme d'état ose même regarder en face un pareille oeuvre, lorsqu'il ne trouve rien à conseiller à une nation, sinon de partir en guerre aux quatre coins du monde, s'il ne comprends pas que la première condition du progrès qu'il veut servir, c'est la paix, s'il formule une doctrine de guerre, c'est peut être un grand homme dans le sens vulgaire du mot, ce n'est pas un démocrate. " Clémenceau 1885.
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