Et les jeunes vont et viennent sous les arcades, le menton en avant, le derrière arrogant, sans un regard pour les personnes plus âgées, comme s'il n'y avait qu'eux au monde. Et ça parle de tout, avec une assurance ! Et ça se déhanche, garçons et filles, d'une façon ! L'âme ? Vous les feriez rire aux éclats, si vous leur parliez de l'âme.
"L'Histoire, dit-on, ne se répète pas, mais les erreurs des hommes, même lorsqu'elles ont été sanctionnées par la plus cruelle expérience, se reproduisent dans toute leur intégralité, comme les pattes de certains batraciens repoussent après ablation."
Chaque fois qu'André faisait "ce qu'il ne faut pas", c'est-à-dire chaque fois qu'il déviait de la route idéale que lui traçait sa mère, s'écartait du code moral qu'elle aurait voulu lui imposer, Mme Comarieu ne grondait pas, ne punissait pas, ne privait pas de dessert... Non, c'était bien pire que tout cela. Mme Comarieu souffrait.
La cinquantaine marquait ce visage, sans doute, mais comme les siècles et le sel marin rongent une statue engloutie : l'érosion mord la matière sans détruire la beauté.
Si j'avais à recommencer , je ne marierais pas.Le mariage vous installe sur des rails ,il abolit des virtualités des possibles...Entre vingt et trente ans , il faudrait vivre comme ces hippies qui parcourent le monde avec quatre sous en poche...Et même plus âgé ...Être disponible!Les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas leur chance.
On peut en effet être intimidé par des gens que l'on méprise ou dont on se gausse intérieurement. La timidité n'est pas toujours fondée sur un sentiment d'infériorité, mais très souvent sur la conscience que le jeu social est faussé, que l'adversaire se sert de cartes que nous ne possédons pas (l'argent, la puissance) et ignore les nôtres (la sensibilité, la culture, etc.). C'est pourquoi les riches qui sont en même temps des imbéciles ont un tel pouvoir paralysant, alors que l'on parvient très vite à se sentir de plain-pied avec les riches possédant quelque qualité spirituelle. Ceux-ci tiennent compte des atouts que nous pouvons posséder.
Monsieur et ami,
Depuis le commencement de ces troubles politiques, sociaux, biologiques, je ne sais, qui élu pour siège le quartier de Paris où se dispense le Savoir, et n’ont même pas épargné le Collège de France, sanctuaire pourtant inviolé de la pensée la plus pure, la mieux protégée des commotions temporelles, M. Teste, ainsi que je vous l’ai dit dans ma dernière lettre, semblait être la proie d’un combat mental exacerbé. En vérité, je ne me souviens pas l’avoir jamais vu se débattre aussi farouchement contre son ange, ou son démon ?
(A la manière de Paul Valéry)
On vit à côté d'une personne depuis plus de vingt ans.On croit la connaître à fond.On la prévoit.On peut,même, à volonté provoquer chez elle telle ou telle réaction précise.Mais lit- on dans ses pensées?Sait- on quelles images hantent son sommeil, ses rêves ?Pas davantage.Chacun a son jardin secret , ses souterrains , ses zones d'ombre .
Il n'y avait plus qu'un homme dans la foule.Quelqu'un.Quelconque.Une personne .Personne.Un mortel ,parmis des milliards de mortels sans visage.
Francis était assis sur le tapis du salon, au milieu de journaux éparpillés, tous les journaux qu'il avait pu trouver chez l'unique libraire de la ville. Il avait le sentiment que ce n'était pas un jour comme les autres. Et en effet, ce ne l'était pas : il suffisait de jeter un regard sur le journal La Révolution nationale, par exemple. "Il n'y aura pas un nouveau Mers el-Kébir. Nos marins, fidèles à leur devoir, s'opposent avec la dernière énergie à la honteuse agression américaine".
Certes, cette nouvelle modifiait les pensées de millions et de millions d'individus, par toute la terre, et déjà faisait crépiter dans le ciel les routes hertziennes, porteuses de sarcasmes, d'anathèmes ou de messages d'espérance.
(incipit)