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Critiques de Jean Malaquais (25)
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Les Javanais



La vie continue malgré la misère.



Des baraques en bois coincées entre la mer et une voie ferrée, peuplées de femmes, d'enfants et surtout d'hommes, des étrangers.



Un train qui ralentit à peine, la course pour l'attraper et aller travailler à la mine. La mine : pourrie la mine, pas un français pour y descendre, trop dangereux. Il pourrait y avoir un accident, d'ailleurs il y en a un, un petit, deux morts, des étrangers, des qu'on ne connaissait même pas, alors on s'en fout, ce n'est pas grave.



Pour les Javanais, ceux qui vivent sur l'île de Java, joli nom donné au camp de baraques, le dimanche, c'est jour de repos. C'est aussi jour d'ennui, de cafard, on repense au pays, à la famille. Alors pour tuer le temps, il y a la buvette-épicerie de Mme Michel. Ce n'est pas qu'elle ne les aime pas ses étrangers, Madame Michel mais de là à leur faire crédit, vous comprenez avec ceux-ci, un jour ici, un jour là-bas et puis on ne comprend rien à ce qu'ils disent, ces javanais.



Il y a aussi le bordel pour tromper l'ennui et s'épancher de tous ses malheurs avec des filles toujours à l'écoute.





C'est un portrait très vivant et humain que nous dresse Jean Malaquais, un portrait de la vie quotidienne au sein de deux communautés qui se côtoient sans se mélanger. Un récit, dans une langue très fleurie, qui nous raconte une certaine misère, pas seulement sociale mais aussi psychologique face à l'indifférence, l'intolérance, le racisme ordinaire.

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Les Javanais

Ca commence dans la Pologne enneigée, où deux vagabonds repus de soupe populaire rêvent de pays chauds, de voyages et de Java. Java, justement, c'est "une île cachée au fond des bois", du côté de notre Côte d'Azur nationale. Un bidonville où cohabitent Espingouins, Ritals, Chleuhs, Rouskis, Polaks, Turcos, Arméniens, Norafs etc., et même un Nègre de la libre Amérique et un Frantsousse, et tous travaillent dans la mine d'argent dirigée par un Angliche, et partagent leur dimanche entre l'épicerie-vins de Madame Michel et le bordel d'Estève.

Dans ce récit publié en 1939, Jean Malaquais (né Jan Malacki à Varsovie) chronique le quotidien de cette communauté de Javanais, "des races sans papiers ni rien", mais avec des rêves et des idées plein la tête, du talent plein les mains, et du courage plein les tripes. Ce faisant, il rend hommage aux déracinés qui, sans attaches, ne peuvent qu'avancer, au gré de leurs espoirs, leurs révoltes, leurs défaites. Et s'il souligne leur sens de la solidarité, il pointe également leurs travers.

Cela m'a permis de (re-)découvrir le melting-pot qu'était la France de l'entre-deux-guerres. Il y avait de quoi s'en enorgueillir, même si les métèques n'étaient pas toujours bien perçus, et même si la Préfecture -déjà, et même si les cognes -déjà aussi.

J'ai beaucoup aimé le savoureux sabir franco-international pratiqué par ces Javanais, et la façon dont l'auteur malaxe la langue française, qu'elle soit pure ou argotique, pour la déchirer, l'exploser et la reconstruire de façon effrontée, vivifiante, et surtout magistrale. Quel pied !

Et bien que j'aie d'abord eu un peu de mal à m'adapter à cette Ile de Java, je n'avais plus envie de la quitter à la fin, et c'est le coeur égratigné et les larmes aux yeux que j'ai refermé ce livre. La faute à sa douceur, sa drôlerie, sa mélancolie, son exubérance, et sa dignité. Et aussi parce qu'il m'a fait penser à mon grand-père qui lui aussi, à Cracovie, faisait la queue à la soupe populaire en rêvant d'une autre vie, avant de s'en aller manger le pain des Français. Grâce à lui, je me sens un peu javanaise.



Un grand merci à Croquignol qui, avec son beau billet, m'a donné envie de découvrir ce roman. Et je reprends en écho ses propos : "Mais qu'est-ce que vous foutez, les gars ? On peut pas laisser un tel brûlot prendre la poussière sur une étagère !"

Oh oui !, il est temps de redonner à ce livre le lustre qu'il mérite.
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Correspondance 1935-1950 : André Gide / Jean ..

Tour à tour , je fulmine , suis euphorique de retrouver quelques pépites oubliées dans mon abondante bibliothèque que je réagence dans de nouveaux rayonnages , qui vont du sol au plafond... et je tombe sur une correspondance étonnante, lue il y a plus de 10 ans (je relis avec étonnement mes soulignements au crayon, habituels dont je n'ai pas le moindre souvenir. !!!

Pourtant l'histoire de cette correspondance amicale est des plus inédites et uniques. Je désire parler de la Correspondance d'André Gide et Jean Malaquais, entre 1935 et 1950. C'est une magnifique correspondance, âpre , authentique entre deux êtres si différents, qui n'appartiennent pas à la même classe sociale.



Cf " note de l'éditeur: ils n'auraient pas dû se rencontrer, ils se rencontrent. Une conjonction promise à faire quelques étincelles. Quarante ans les séparent, mais bien d'autres choses encore.

Malaquais- né Vladimir Malacki-, petit juif de Pologne parti de chez lui à dix-huit ans courir le monde , débarqué en France au début des années trente et y crevant la dalle au gré de cent boulots de galérien... mais allant se chauffer le soir en bibliothèque, apprenant tout Villon par cœur, et se piquant d'écrire en notre belle langue alors qu'il parle encore avec l'accent de sa quasi-Sibérie natale. (...)

Cette franchise bien râpeuse plaît à Gide, et une amitié commence là, turbulente parfois, qui durera jusqu'à la mort de l'aîné en 1951, sans défection d'un côté ni de l'autre. (p. 9)



Cela me donne une vive envie de relire les textes de André Gide, lu dans mon adolescence, en découvrant un visage inconnu de cet écrivain, que je trouvais à tort "bourgeois et frileux "!!!



Un bourgeois qui n'a pas eu besoin de travailler pour vivre, mais qui a aidé financièrement , moralement, pratiquement (corrections, conseils stylistiques) un grand nombre d'écrivains, en qui il croyait. Un homme narcissique, mais aussi généreux et exigeant, lorsqu'il pressentait du talent et de la sensibilité. De même, Gide s'est battu pour faire émigrer des Juifs en Amérique... dans cette période terrible...



Je dois préciser que l'écrivain, Jean Malaquais a des tripes et du style... Du moins ce que j'ai pu en "juger" à travers ces quelques lettres !!!



J'avoue humblement que je n'ai toujours pas lu son texte plus connu "Les Javanais"



Je trouve cette correspondance sensationnelle pour plusieurs raisons entrecroisées : on assiste à l'éclosion d'une amitié authentique où chacun des protagonistes garde sa personnalité et son franc-parler, où des vérités , pas toujours agréables, se disent, explosent... Parallèlement, on observe le vrai souci de Gide pour son ami, Malacki (Malaquais) , qu'i puisse puisse écrire, travailler son premier manuscrit ("Les Javanais"), avec moins de soucis financiers...



Au fil de ces lettres, on constate la progression très significative de l'écriture de Malaquais, la reconnaissance de son travail d'écrivain...par le milieu littéraire... les engagements humanitaires, amicaux de Gide...



Plus que "Les Javanais", cette correspondance m'a insufflé l'envie de lire son 2ème roman, "Planète sans visa"- Dans cette fresque, dont Marseille en 1941-1942 est le centre, des dizaines de personnages se battent face aux difficultés qu'engendre la guerre; parmi eux, Stephen Audry, dont le modèle est André Gide....

Une correspondance incroyable nourrie d'amitié, des engagements les plus forts (dont une longue période de guerre), un amour de la littérature et de l'écriture !! Pour tous les passionnés de "tout cela"... précipitez-vous... même en lecture d'été !!!



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Planète sans visa

J’ai découvert ce livre il y a deux ans, et je l’ai lu au galop, happée par le destin sans répit des personnages. Voyant bien qu’il y avait des merveilles dans tous les détours de ce texte, mais trop impatiente de connaître les dénouements – autant que de personnages – pour m’y attarder. Je le relis, c’est une nouvelle découverte, d’une richesse qui se dévoile à chaque page.



Comme « Suite française » est le livre qui dit la débâcle et l’exode, comme « Vie et Destin » est un regard immense sur la Russie et l’Allemagne au moment de la bataille de Stalingrad, « Planète sans visa » est le roman qui montre ce que fut le régime de Vichy en zone non occupée, dans toutes ses composantes, ses médiocrités, ses bassesses et ses héroïsmes. Monument qui explore ce dont l’homme est capable quand ses conditions de vie sortent du quotidien ordinaire, quand ses repères et ses certitudes tremblent sur leurs bases et sont mis à mal.



Marseille en 1942, est devenue l’escale de réfugiés de toutes les origines. Escale dans le meilleur des cas, car quitter Marseille et le sol français n’est pas donné à tous. Est donné à très peu, en fait. Marseille, comme une nasse sans issue.

Malaquais s’attache à un grand nombre de personnages, certains Marseillais pure souche, d’autres, représentants du régime de Vichy, et beaucoup échoués là par le jeu, souvent cruel, des circonstances. Petit à petit, on va découvrir les liens qui existent, accointances volontaires ou emprises imposées, entre les multiples acteurs de ce théâtre à l’échelle de la ville.



Faisant connaissance aux premières pages de Jules Garrigue, cafetier, comment ne pas supposer que Jean Dutourd s’en est inspiré pour créer son Poissonard, le crémier d’« Au Bon Beurre » ? Le même esprit franchouillard et étriqué, la même cupidité qui conduit aux pires comportements. On voudrait croire qu’il s’agit d’une caricature. Mais tous les caractères que l’on découvre dans ce livre, semblent décrits dans un excès de traits. Malaquais n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il plante ses personnages et décrit leurs comportements. Sa dérision n’épargne personne, même pas les innocents, victimes des règlements antisémites. Mais ceux-là en deviennent tellement innocents et tellement victimes qu’on en reste bouleversé.



Jules Garrigue n’est qu’une figure parmi d’autres, dans cette planète marseillaise pas encore occupée par les Allemands, mais sous administration vichyste : juteux marché noir, combines, opportunismes, ambitions dévoyées, côtoient des droitures et des courages de tous les âges.

Dont ceux qui tentent de fabriquer de faux visas pour les désespérés qui veulent fuir le territoire. Ou qui prennent le risque d’avertir les Juifs de la rafle projetée pour faire honneur à Pétain qui annonce sa visite.



Tous n’y échapperont pas. La description de l’arrestation de deux familles est d’une telle force que les images naissent entre les lignes. En quelques pages, Malaquais juxtapose la bêtise brute des agents français qui font irruption dans la nuit, la réticence de certains concierges à indiquer les appartements, l’empressement servile et immonde d’autres à indiquer les bonnes portes, l’incrédulité terrifiée de ceux que l’on vient chercher et leurs tentatives timides de présenter leurs papiers, espérant encore qu’un simple contrôle donnera satisfaction, la curiosité des voisins qui assistent à la violence des arrestations et qui, pour certains, s’en montrent révoltés. Ce chapitre IX est d’une puissance réaliste quasiment insoutenable.



La deuxième partie du roman oblige à des allées et venues entre Marseille et Paris : un groupe de résistants, jeunes pour la plupart, français ou étrangers fuyant la Russie et son régime stalinien, se font piéger dans un chantage insupportable : dénonciation du réseau contre vie sauve du père de l’un d’eux, marxiste russe rescapé des geôles de Staline, dont les convictions communistes inébranlables ne peuvent plaire à la Gestapo.



Se retrouvent dans cette partie, un peu de « L’armée des ombres » pour les dilemmes déchirants que la survie d’un réseau impose, et un peu de « Vie et destin » avec le constat que les totalitarismes nazi et stalinien n’ont rien à s’envier dans leurs méthodes de répression.



Tous les personnages ont une épaisseur réelle, au moral comme au physique. Il n’est pas difficile de leur donner chair et âme, en lisant leurs faits et gestes, en les écoutant penser. Si les « bons » le sont parfois avec excès, les « méchants » conservent aussi une part d’humanité, des faiblesses, une faille, qui font vaciller le jugement que l’on pensait définitif à leur endroit.



La force du texte de Malaquais réside dans son style : à première vue, familier, simple, mais fabuleusement riche du langage populaire, argotique, et des expressions de la région marseillaise. Riche incroyablement de cette verve des rues, qui ne s’encombre pas de syntaxe et qui fait pourtant une littérature magnifique, vivante, pleine de couleurs, d’accidents savoureux, d’accents divers, d’une langue orale que l’auteur adapte à chacun de ses personnages, en fonction de son caractère, son origine et son éducation. C’est sans doute l’auteur lui-même qui définit le mieux son écriture quand il évoque l’éloquence de l’un de ses héros : « … (il) dit comme s’il mettait l’objet de sa narration dans la main de qui l’écoute et lui en faisait éprouver la matière. Il y a une vertu tactile dans son art de conter, et une mordacité très particulière, qui pourtant ne tient pas de la médisance. »

Pas de médisance, non : une dérision d’une lucidité impitoyable ou d’une infinie tendresse.



Et puis par instants des notations magnifiques qui immergent le lecteur dans le temps et l’heure de l’histoire : « Le jour baissait quand le tonnerre essaya d’entamer le ciel d’ardoise au-dessus des toits de « l’Evêché ». Il y eut un énorme bruit d’éclatement qui n’entama pas la moindre lamelle à la voûte de schiste, puis se perdit par degrés au fond d’un dédale de gradins et de galeries sonores. Une atmosphère d’étuve vernissait la pierre, elle en exprimait l’âme et l’étalait au pinceau. »



Ecrivain exigeant qui répondait à son ami Norman Mailer, auteur de la préface : « je suis incapable d’être autre chose qu’écrivain. Parce que le seul moyen que j’ai de savoir si une chose est vraie, c’est de la sentir bouger à la pointe de ma plume. »









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Planète sans visa





Je me sens obligé de sortir de ma réserve habituelle concernant les œuvres de fiction pour vous parler de ce roman, que personne ne semble avoir lu ici-bas, ce qui est absolument triste.



A cette époque de réseaux et d'encyclopédies en ligne, je ne prendrais pas le temps de vous parler de Jean Malaquais, une rapide recherche documentaire via les moyens informatiques dont nous disposons tous suffira amplement à vous forger une idée du personnage.



Et maintenant, voici Marseille ! Marseille en 1942, sous le contrôle du gouvernement de Vichy, en "Zone libre" donc, avant que les autorités allemandes (et italiennes) ne se décident à occuper le territoire, suite au débarquement allié en Afrique du Nord. Marseille, goulot d'étranglement pour tout ceux qui cherchent à se barrer de cette Europe transformée en gigantesque coupe-gorge par une bande de barbares en uniformes. Se côtoient donc, dans une promiscuité étouffante, les locaux, comme échappés d'un roman de Pagnol, qui vivotent comme ils le peuvent en ces périodes de pénuries (plus de pastis !) et toute une faune interlope de juifs fuyant les rafles et d’opposants politiques fuyant la Gestapo et/ou le NKVD, qui végètent dans l'attente d'obtenir un visa de sortie. Je vous laisse imaginer ce qui peut fleurir dans un terreau pareil : crapules opportunistes, policiers louvoyants, indicateurs visqueux, combattants de l'ombre, fonctionnaires carriéristes, bref, une joyeuse bouillabaisse de poissons moyennement frais...



Du coup, on s’attend à l'habituel récit des bassesses humaines, qui renaissent spontanément dans ce genre de contextes. Mais ce n'est pas le plat que l'on sert là, même si les ingrédients sont là. Car les multiples personnages dont nous allons suivre les pérégrinations sont bien plus ambigus que ce que l'on pourrait s'imaginer. S'inspirant très souvent de personnes réelles, Malaquais nous entraine dans un univers peu manichéen, même si les crapules y sont légions, et nous rapproche au plus près possible du monde tel qu'il est perçu par les individus concernés, ce qui particulièrement bien rendu par le parti-pris littéraire qu'il a choisi. En effet, dans ce récit choral, pour chaque protagoniste, nous aurons le droit à un style d'écriture bien spécifique. Si nous suivons une petite frappe imbue d'elle-même, légionnaire du SOL, gouailleur comme c'est pas permis, çà va causer "popu", çà va l'ouvrir à tout-bout-de-champ, et çà va pas être finaud-finaud dans ses réflexions. Et si nous suivons un vieux révolutionnaire russe désabusé, avatar fictionnel de Victor Serge, vas-y que je te pratique la dialectique, que je ressasse mes déception politiques, que je me complet dans mon personnage un brin mythique de "celui qui as participé à 1917". Et ainsi de suite, pour une quinzaine de personnage.



Comme le mentionne à juste titre le quatrième de couverture, on est donc dans une approche qui est autant réaliste que lyrique. On retrouve dans ce roman à la fois une représentation fidèle de certains lieux et de certains personnages emblématiques de cette période historique (même si les noms ont été changés) et une approche résolument humaniste de ces personnages, qui s'attache à éclairer avec une grande finesse la réalité vécue par ceux qui se retrouvent contraint de vivre dans ces situations troubles, et qui nous conduit, de fait, à développer de la sympathie aussi bien pour un haut-fonctionnaire de Vichy issu de la grande bourgeoisie aristocratique française, que pour un jeune résistant trotskyste idéaliste issus du prolétariat russe.



Un récit subtilement immersif, signifiant, véritable réflexion sur les implications humaines de ce genre de situation historique, dans un Marseille dont nous n'aurons que les visions subjectives de ceux qui y vivent, et qui finalement, ne sera qu'une scène discrète pour les petites et grandes tragédies qui s'y trament. Je recommande chaudement ce roman à ceux qui aiment autant l'humanité qu'ils la haïssent. Vous l'aimerez et la haïrez d'autant plus.

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Les Javanais

L’écriture est savoureuse, très vivante et le parfait reflet de la région décrite ici, véritable Babel en Provence. J’ai du relire certaines phrases bien des fois pour être bien sûr d’avoir compris, et tel ne fut pas toujours le cas.



Cette écriture singulière fait l’objet des louanges de beaucoup de membres Babelio et même d’illustres contemporains de ce prix Renaudot 1939, comme Gide par exemple. Moi, c’est exactement ce qui m’a un peu laissé au bord de l’île Java. Ma nature classique pourtant effritée avec le temps et des lectures éclectiques, a gardé trop de vernis que pour apprécier pleinement ce roman social.



J’aime pourtant Celine, et même Rabelais a qui on compare Malaquais. Ces comparaisons me paraissent un peu flatteuses. Histoire de goût, comme toujours!
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Planète sans visa

Il s'agit d'un roman choral puissant écrit en exil entre 1942 et 1947 par Jean Malaquais, qui ne se fixe rien moins comme objectif que de raconter la France de 1942, juste avant l'invasion de la zone non occupée par les Allemands. Une époque où pour ceux qui n'ont d'autre choix que l'exil, on peut encore espérer passer entre les mailles du filet. Belle ambition, donc, et parfaitement aboutie.



Basé à Marseille, grand port de départ vers l'inconnu et de petites magouilles, avec son satellite le camp des Miles, s'exportant à Paris, Vichy et sur la frontière espagnole, le roman entrecroise de multiples destins, ceux des petits comme des puissants et des profiteurs, des humiliés comme de ceux qui croient être du côté de la victoire, des révoltés comme des collaborateurs, des traqués comme des policiers, mouchards et autres gardes-chiourme, des apatrides comme des nationalistes. Toute l'humanité est là, vit, s'active, se cache, se démène, réfléchit , aime.....



Sans refuser le pathétique et le lyrisme, s'accompagnant d'humour et d 'ironie, empreint d'humanité, Jean Malaquais nous donne à voir tous les membres de cette société déboussolée, leurs petites et grandes vilenies, leurs bonheurs et leurs courages, leurs majestueuses élégances.



Jean Malaquais est un romancier expert, tout à la fois intelligent et bon, maitrisant un récit démultiplié, plein de rebondissements, de digressions, de détours, tout cela sans (trop perdre son lecteur (à qui je recommande cependant de bien se concentrer dès le début). Il y met une prose éblouissante d'inventivité, unique, splendide. C'est bluffant.



Planète sans visa fait partie de ces rares romans qu'on lit avec ses tripes, son cerveau et son coeur, se demandant perpétuellement comment on a pu ignorer son existence jusque-là, comment il se fait que ce n'est pas un classique. C'est l’œuvre d'un écrivain singulier, fascinant, un roman déchirant de beauté, qu'il serait bien dommage d'ignorer plus longtemps.
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Journal de guerre (suivi de) Journal du métèq..

Début septembre 1939, Malaquais se trouve embarqué comme simple soldat dans « la drôle de guerre » et se retrouve en assez piètre compagnie à remuer de la boue et du ciment en Lorraine en prévision de l’invasion teutonne qui se doit de passer en ces lieux.

Si ce journal, fruit de ces circonstances particulières, démarre assez lentement et quelque peu laborieusement, notre auteur va progressivement trouver le rythme correspondant à cet exercice particulier et surtout, grâce à ses talents d’observation acérés, se saisir pleinement de l’esprit de cette époque où prédominent l’absurde et la confusion.

De ce qui aurait pu n’être qu’un simple témoignage individuel, il dresse un tableau plutôt accablant d’une France vivant dans de ridicules illusions et qui n’allait pas tarder à sombrer dans les plus médiocres renoncements et ignominies de la collaboration et du pétainisme.

Pas prétentieux le soldat Malaquais qui, alors qu’il patauge pour rien dans les champs de Moselle, apprend par son éditeur début décembre que son roman « Les Javanais » a décroché le prix Renaudot, événement qui restera pratiquement sans conséquences sur sa situation.

Ce qu’il pressent du désastre à venir, à travers ce qu’il constate, le tracasse beaucoup plus ; alors même que l’état-major y va encore de ses déclarations sur « l’invincible armée française ».

On sait la suite : c’est la Belgique qui subira l’assaut principal de l’armée d’Hitler et le dispositif "stratégique" de cet État-major s'écroulera comme un château de carte . Estimant avoir poussé l’abnégation assez loin, Malaquais s’évade avec un compagnon d’une colonne de prisonniers et après un long périple rejoint avec lui Paris le 13 juillet 1940.

Débute alors la seconde partie de l’ouvrage, dite Journal du Métèque.

Si Malaquais se désigne lui-même ainsi, c’est qu’il est d’origine juif-polonais et que la généreuse république française malgré son appel « sous les drapeaux » l’a laissé dans un statut d’apatride, tout désigné pour les camps d’extermination. Aussi ne se fait-il guère d’illusion avec sa compagne d’origine russe sur cette France d’alors où il voit que « Le diable ne sait plus où donner de la tête, tant le sollicite de toutes parts quiconque pense avoir un brin d'âme à vendre. »

En ce Paris désert de l’été 40, et malgré l’incertitude de sa situation, Malaquais sait encore saisir la poésie de l’instant, « Beauté de ce Paris vide de gens, de voitures, de fracas mécanique. Tout au long du jour, où que l'on regarde, et malgré la lueur du ciel, c'est l'aube. C'est l'heure paisible où la ville s'appartient, où la pierre est à la pierre. Émerveillement d'apercevoir un cycliste au loin, une charrette à bras, présences insolites qui soulignent la précarité de l'homme. »

Ce qui ne l’empêche pas de constater, « De même que le prétendu communisme stalinien, la peste brune vise la surexploitation toujours plus féroce du travail salarié. Tout habillage idéologique - nation, patrie, race – ne fait qu’occulter cette vérité première : plus que jamais, il n’y a guerre que de rapine. »

En octobre, Malaquais rejoint le sud de la France et Marseille où il va survivre tant bien que mal, en travaillant entre autre à la Coopérative Croquefruit, aussi avec l’aide d’André Gide et de Jean Giono. Pour comprendre la situation de tous les opposants fuyant les régimes totalitaires européens, dans lesquels il faut intégrer de nombreux antistaliniens, il faut se rappeler l’infâme article 19 de la convention d’armistice signé par le gouvernement pétainiste avec les nazis, par lequel celui-ci s’est engagé à livrer sur simple demande à ceux-là tous les ressortissants étrangers désignés. Ce qui correspondait à un passeport direct pour les camps d’extermination. Marseille était donc bien alors, pour tous ces réfugiés, la principale issue pour fuir la mort, où chacun espérait un visa pour le Mexique, l’Amérique du sud ou les Etats-Unis. Sachant également que la presse national-collaborationniste, par la voix des Rebatet, Brasillach, Maurras, Céline et leurs émules, crachait à jets de fiel continus sur les « ennemis de l’intérieur », appelant à leur extermination. A quoi Malaquais répond dans ce journal : « Nationalismes … Toute borne est arbitraire, qui désunit et compartimente les peuples. Tels qui, ici ou là-bas, exaltent leur chaumière, leur clocher natifs trucideraient, la conscience tranquille, leurs analogues que le sort aura fait naître de l’autre coté du poteau frontalier. Pour moi, qui récuse la moindre allégeance politique à l’idée d’Etat, de nation, il n’y a jamais eu de patriotisme que chauvin et belliqueux. »

Ce n’est que fin septembre 1942, que Malaquais et sa femme Galy réussiront à quitter la France et après avoir traversé l’Espagne avec de faux papiers, à embarquer à Cadix sur le Cabo de Buena Esperanza. Le 12 novembre 1942, les troupes allemandes rentraient à Marseille.

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Planète sans visa

Pourquoi ressortir ce vieux roman ? Il évoque le Marseille de 40-45 , lieu de convergence de tous les réfugiés de l Europe envahie par les nazis qui espèrent fuir les persécutions et une mort certaine et surtout pcq il nous parle de Varian Fry



,Le roman -biographie concernant cet homme singulier signé Julie Orringer était dans ma pile à lire « the flight porfolio « , je découvre qu il est ,non traduit en français , donc difficile de vous en parler ici , je mets donc « Planète sans visa « à sa place .



Mon intérêt pour le titre de Orringer avait été ravivé après avoir découvert par hasard ( suite à une critique dans un journal )la chouette série “transatlantic “ sur Netflix ,retraçant la vie de l américain Varian Fry qui organisa la fuite de nombreux intellectuels et artistes hors de l Europe occupée par les Nazis

Tout cela me donne l envie de lire cet autre roman sur le même sujet écrit par un français .



C est dans le courrier des lecteurs de la critique du New York TImes de « the flight portfolio “qu un lecteur américain cite cet ouvrage un peu oublié en français sur le même sujet , bingo !je le trouve car encore édité par Phoebus qui trouve des trésors

Je m aperçois que des babeliens ont lu et apprécié le roman de Jean Malaquais



Eh oui , contrairement à ce que pensait ila critique du roman CYnthia Ozick , Varian Fry était bien un « closet homosexual « c est son fils qui l affirmé dans ce même courrier des lecteurs ,
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Planète sans visa

Marseille, 1942, quelques mois avant l’invasion de la zone libre par les Allemands. L’occupant est loin, mais la ville n’en est pas moins sous la férule d’un despote, le régime collaborationniste de Vichy. Vers Marseille ont convergé des réfugiés des quatre coins de l’Europe, fuyant la tyrannie, l’oppression et la guerre, et espérant décrocher le visa de sortie qui leur permettra d’embarquer sur un de ces cargos en partance pour la liberté et la paix. Parmi eux, un révolutionnaire bolchevique de la première heure qui a connu les camps staliniens, un républicain espagnol, et surtout des juifs d’Europe de l’est, tous indésirables et en butte aux tracasseries et persécutions de la bureaucratie policière de Vichy.



Le roman fut publié en 1947 et ne fut pas beaucoup lu. Les Français voulaient oublier cette période récente de leur histoire. Ils ne voulaient pas se rappeler ces collaborateurs issus du peuple qui avaient profité de la situation pour prendre une revanche sociale. Ou ceux issus de la grande bourgeoisie, servant l’Etat français mais n’hésitant pas à trafiquer pour préserver leurs intérêts personnels. Ou encore ces policiers raflant les juifs sur ordre de la préfecture, avant la visite à Marseille du maréchal. Cet épisode, un des passages les plus saisissants du livre, se conclut sur ces lignes : « Les gens sur le trottoir regagnent un à un leur gîte, sentant peut-être qu’avec ce rapt une part d’eux-mêmes s’en va dans la nuit qui recouvre tant de terres hostiles, de fosses communes, de ravages innommables, et d’espoirs aussi, trop tenaces pour qu’aucune ignominie jamais n’en vienne à bout ».



L’espoir est représenté par ces anonymes luttant, chacun avec ses armes, contre le totalitarisme qui s’est abattu sur la France : intellectuels anti-fascistes, fabricants de faux papiers, arnaqueurs captant les capitaux destinés à la fuite vers l’étranger, passeurs, etc. Mais les motivations ne sont pas toujours pures, et la fin justifie des moyens parfois douteux : « Les grands salauds ont toujours leurs petites bontés, et les grands bonshommes ont toujours leurs petites saloperies du dimanche ». Les véritables héros sont rares dans la France de Vichy.



Jean Malaquais brosse un portrait sans concession de cette période trouble. Il met en scène une multitude de personnages dont les trajectoires se croisent. Il alterne descriptions réalistes, introspections psychologiques et évocations lyriques, utilisant tous les registres de la langue française qui vont du parler populaire à l’expression la plus précieuse, façon XVIIIe siècle. Une maîtrise sidérante chez cet écrivain, de son vrai nom Wladimir Malacki, Polonais, juif, qui n’apprit qu’à l’adolescence notre langue, alors qu’il était un jeune immigré. Cet autodidacte, acharné au travail, écrivit Planète sans visa de 1942 à 1947, au fil de sa fuite de Paris au Mexique, en passant par Marseille et l’Espagne, et le remania jusqu’à l’aube de sa mort en 1998, à l’âge de 90 ans. Un livre d’une lecture parfois difficile, mais d’une richesse incontestable. J’ai préféré pour ma part Les Javanais, prix Renaudot 1939, récit joyeux de la vie d’une colonie de métèques trimant dans une mine de Provence. Le meilleur moyen d’entrer dans l’œuvre de cet immense poète.


Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Le gaffeur

Représentant en produits cosmétiques, Pierre Javelin voit brusquement sa vie basculer : il découvre un couple installé dans son appartement, comme s’il y vivait depuis des années ; sa femme est introuvable ; leurs noms ont disparu des registres administratifs.

(...)

Écrit par un auteur méconnu, il donne envie de découvrir ses autres titres.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Les Javanais

Java, c'est une espèce de campement où s'est regroupée tout une communauté d'hommes et de familles immigrées, des étrangers sans statut social, fuyant leur misère ou leurs oppresseurs respectifs, chacun baragouinant son jargon approximatif. A côté de Java, il y a la mine, qui éreinte et nourrit vaguement son homme, il y a le village de Vaugelas, où il fait bon boire un coup - ou plusieurs - ou tirer un coup au bordel de M Estève. Ils sont acceptés "ces gens-là" tant qu'ils travaillent et ne bousculent pas, acceptant des tâches et conditions que nul autre ne subirait. Puis viendra le temps de les jeter, M le Directeur, Monsieur le gendarme, M l'adjoint au maire sont là pour protéger les honnêtes gens..



Jean Malaquais dresse un puissant portrait naturaliste de ce ghetto où les hommes vivent en cercle fermé, grandes amitiés, petites bassesses, quotidien où l'on pêche obstinément les moments consolateurs pour tenir. Il distribue son attachement respectueux pour ces êtres déboussolés et sa dérision délicieusement vachard contre les petits et moyens chefs.



Ce qui donne sa grande singularité au récit, c'est une prose d'une richesse, d'une fantaisie, d'une créativité époustouflantes. C'est ciselé, pétillant d'intelligence et d'invention, entre humour et poésie. il y a bien certains moments où cette fécondité passe à la démesure, déborde, déstabilise et fait vaciller la lectrice ("Non mais qu'est-ce qu'il raconte, là, faconde ou divagation?). Il n'en demeure pas moins que c'est brillant, brillantissime.
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Le gaffeur

pas compris le fond de l'histoire et lorsque je m'ennuie je me sauve !
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Le gaffeur

Si la Cité fait sien le langage, « dès lors votre voix isolée, précisément parce qu’isolée, s’appelle légion ». Censure, surveillance, bureaucratie, broyage de l’individualité : Le Gaffeur peut rappeler Le Procès, 1984 ou Brazil ainsi qu’indiqué sur la quatrième de couverture. Il s’en démarque cependant par son humour, sa gouaille et une certaine forme d’optimisme dont ne se départissent ni l’auteur ni son protagoniste. Volontairement coupable de « lèse-Cité », Pierre Javelin s’exprime et s’emporte avec liberté et ne se laisse ni manipuler ni réintégrer.
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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Planète sans visa

Marseille, 1942 . Dans quelques jours/mois ce qui reste de la France non occupée va disparaitre et les nazis seront les maîtres absolus.

Jean Malaquais dans un roman choral nous dépeint cette période avec une précision de chirurgien ou d'horloger.

On suit ainsi le destin de quelques personnes tentant d'échapper à l'oppression et la guerre mais aussi de personnes pour qui l'occupation permet de donner libre cours à leurs instincts tandis que d'autres sans être des héros au sens premier du mot feront plus que leurs devoirs face à l'adversité.

Un tableau tour à tour tendre , cruel , pathétique , mesquin mais surtout terriblement humain de cette période noire de notre histoire.
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Le Nommé Louis Aragon ou le Patriote professi..

Et maintenant je vais me laver les mains et me rincer la bouche





En ces temps ou la « nation » et son exceptionnalité semblent reprendre du souffle… au nom de la crise, le déni par certain-e-s de l’impérialisme français et de son complexe militaro-industriel, de la barbarie colonisatrice et des territoires toujours colonisés – sans oublier la négation du droit à l’autodétermination des peuples… un petit retour sur le cas particulier d’un ex-poète, ex-surréaliste, devenu nationaliste cocorico et nationaliste stalinien.



Gérard Roche présente le texte de Jean Malaquais. Il revient sur son contexte, les évolutions de Louis Aragon, André Gide… et en référence à Anatole France, « il n’y avait plus lieu de « s’alarmer outre mesure que cet homme comme à faire de la poussière » ».



« Je ne connais pas de mélange plus curieux de hargne, de glande lacrymale et de constipation chronique que cette dame qui se sent toute chose quand sur un manche à balai on hisse les couleurs de « sa » patrie, ce monsieur qui s’étrangle d’émotion quand bat le tambour de « son » régiment ». Jean Malaquais, avec un humour souvent dévastateur, s’en prend à la « fanfreluche officielle », à ces « notre » – « nos », à celles et ceux qui pensent que leur pays à inventé « la plupart des choses dont parlent les encyclopédies, depuis l’amour romantique jusqu’au fil à couper le beurre », aux démagogues de cirque et à leurs gammes oratoires, à Louis Aragon en rappelant son passé et son évolution à rebours, sa liquéfaction « sous la dissolvante emprise des normes bourgeoises », sa passion « celle de la Russie sous Staline ».



Jean Malaquais parle du « bénitier stalinien », de prose et de morale, de rimes et de balles, d’André Gide, des procès de Moscou, des soutiens à la grande boucherie de 1914, de celles et ceux qui propagèrent la soit-disant « démocratie soviétique », des xénophobes à tous crins, des funambules macabres… Les citations choisies sont bien des moments de « poésie de la bassesse »…



« Que le patriote bêlant dont l’oreille et le foie s’épanouissent au cocorico d’Aragon ne se gêne pas ; il le trouvera dans la poubelle au bas de mon escalier, et il peut l’y ramasser. Et maintenant je vais me laver les mains et me rincer la bouche »



Le texte est compété par une petite biographie de Jean Malaquais, apatride par choix, auteur entre autres de Planète sans visa, ainsi que part un dossier Aragon dont des pages à la gloire du « camarade Staline ».



« Toute l’eau de la mer ne suffirait pas à laver une tache de sang intellectuelle » – Lautréamont



Et relire par exemple Benjamin Péret… (Barthélémy Schwartz : Benjamin Péret l’astre noir du surréalisme)
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Correspondance : Jean Malaquais / Norman Ma..

Norman Mailer et Jean Malaquais, un écrivain français d’origine polonaise un peu oublié aujourd’hui, se sont rencontrés à Paris en 1947. S’ils se montrèrent méfiants l’un vis-à-vis de l’autre au premier abord, parait-il (Norman Mailer soutenait alors la campagne du démocrate Henry Wallace à la présidentielle de 1948, ce qui ne plaisait guère au sympathisant marxiste qu’était Malaquais), ils se revirent l’année suivante à New York où Malaquais enseignait, et ils ne tardèrent pas à entamer une amitié qui dura jusqu’à la mort de Malaquais en 1998, ainsi qu’une correspondance de plusieurs décennies. « Jean Malaquais n’était pas seulement mon meilleur ami, il était mon mentor », a écrit Mailer. Dans cette correspondance alternent considérations politiques (Oswald est-il oui ou non le seul meurtrier de JFK ?...) et littéraires, notamment concernant leur travail d’écrivain, avec des considérations plus triviales, des nouvelles de leur vie quotidienne, de leurs familles. Ils se demandent et se donnent des conseils, parfois se chamaillent un peu (« dans la mesure où j’ai six enfants et toi deux, je n’apprécie pas que tu m’instruises de mes devoirs… »). D’utiles notes et commentaires replacent certaines lettres dans leur contexte. Une lecture instructive et passionnante.
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Le gaffeur

Critique complète sur le site.



Le Gaffeur est un livre résolument enthousiasmant, un cri de liberté et d’émancipation poussé en 1953 qui resurgit aujourd’hui et que je vous encourage tous à lire.
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Journal de guerre (suivi de) Journal du métèq..

Déception.

Grande déception .
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Le gaffeur

Pierre Javelin, la trentaine entamée, est un employé modèle à l’institut national pour la beauté et l’esthétique dans la Cité (la ville n’est jamais nommée), et marié depuis deux ans à Catherine. Une vie rangée et paisible. Jusqu’à des coups de fil intempestifs d’un inconnu au bureau de Catherine, qui prévient son mari. Et c’est ainsi que tout bascule.



Javelin rentre chez lui le soir même mais s’aperçoit que son appartement est occupé par un couple qui prétend l’habiter. Le décor a changé, rien ne reste de l’agencement que Javelin a quitté au matin. Il croit tout d’abord à une farce (son employeur vient de l’augmenter et Catherine aurait pu avoir l’idée d’organiser une petite fête), mais bientôt il déchante. « Dans une pièce que je ne connaissais pas, sous une suspension que je voyais pour la première fois, mon assortiment de pots et de flacons s’alignait au complet sur une table à laquelle je n’avais jamais mangé ».



Dans ce roman riche et copieux, l’anti-héros va affronter une bureaucratie toute kafkaïenne afin de prouver son identité, va se cogner à des tas de personnages énigmatiques, froids et distants, et ne va pas tarder à douter de sa propre existence dans un cadre austère fait de bâtiments et quartiers labyrinthiques. Dans une ville où toute liberté a disparu, où chaque citoyen est épié, où chaque mot peut être retenu contre vous, il faut faire preuve de vigilance. Javelin tente de remonter sa propre histoire tout en se heurtant à un autoritarisme masqué. « Il n’y avait plus de rois, pas même pour les cartes à jouer ». Le voilà parti en quête de sa femme Catherine, pour le meilleur et pour le pire.



L’environnement se fait de plus en plus glacial et sans âme. « On ne voyait pas le bout de la vaste salle. Très longs, très nombreux, des bancs de bois sans dossier la traversaient dans le sens de la largeur. Plutôt surélevés du côté où on les abordait – même il fallait prendre son élan pour s’y hisser -, ils allaient s’abaissant de la droite vers la gauche, dans la direction d’une série de portes latérales qui donnaient accès aux bureaux. Après avoir rempli les questionnaires d’usage, laissé ses empreintes digitales sur une fiche appropriée et reçu un numéro d’ordre, on était admis dans la salle où l’on s’installait en haut des bancs, jeunes et sveltes d’une croupade, vieux et obèses avec l’assistance de leurs concitoyens ». Mais MALAQUAIS en profite pour aborder la vie sous un prisme philosophique, fait de questionnements qui ne trouvent pas toujours une réponse.



Dans un univers de démence, MALAQUAIS crée un monde parallèle qui ressemble pourtant au nôtre au sortir de la seconde guerre mondiale. Car « Le gaffeur » a été écrit entre 1949 et 1953 et dépeint une société totalitaire par le biais d’une seule ville. Il est même visionnaire par ses écrans omniprésents et la sophistication technologique. Il est difficile de ne pas ranger « Le gaffeur » aux côtés de KAFKA (« Le château » et « Le procès) et du « 1984 » d’ORWELL. Là où il se distingue pourtant, c’est dans l’atmosphère. Malgré ce climat étouffant, cloisonné et aseptisé, imperméable à toute influence extérieure, l’écriture est pleine d’humour voire de désinvolture, les scènes sont décalées et narrées sur un ton humoristique, rappelant le rire du condamné, l’énergie du désespoir, un désespoir à son comble jusqu’à la chute finale, la descente aux enfers.



MALAQUAIS est né juif polonais en 1908. Arrivé en France en 1926, il va apprendre la langue, jusqu’à écrire en français. Il fait partie de ces combattants de l’ombre, des révolutionnaires de la littérature, par le style et les convictions. Par sa rareté aussi. Car s’il est décédé en 1998 à 90 ans, il ne laisse derrière lui que trois romans, « Le gaffeur » est son dernier. Il parut d’abord en 1953, puis en 2001, c’est en 2016 que les éditions L’échappée proposent cette réédition superbe dans leur formidable collection Lampe-Tempête. La police de caractères en est étrangement de couleur verte. Si le titre du roman pourrait laisser penser à une immense farce, il n’en est rien, car en argot « gaffer » signifie « surveiller », comme l’est ce Javelin. La préface est signée Sebastián CORTÈS, la postface Geneviève NAKACH. « Le gaffeur » est de ces livres qui auraient dû devenir incontournables, parmi les classiques des classiques, il n’en fut rien. Et c’est peut-être pour cela qu’il faut le lire. Il n’a rien à envier à ces illustres titres toujours encensés.



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