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Citations de Jean Rolin (139)


Lorsque dans la nuit je reviendrai de Strasbourg, quelques heures après qu'un orage crépusculaire d'une soudaineté tropicale eut en un tournemain dispersé les hordes de commerçants et de chalands mobilisés dans le centre par la braderie, la ville, chauffée à blanc tout le jour, transforme en abondantes vapeurs l'averse qu'elle vient de recevoir. Sur les bords de l'Ill - clochers, saules et vieux pignons émergeant d'une ouate lumineuse - le spectacle est déjà de qualité. Mais, quand, passé le palais de l'Europe (ce gros tas), on atteint le canal et la zone portuaire, on regrette d'avoir traité à la légère ces solitudes maintenant noyées de brumes, palpitantes de vagues ressacs, d'indécises pulsations de moteurs, où l'éclairage au sodium, parmi les grues, les silos et les tanks à pétrole, esquisse une vision contemporaine et suburbaine du "Crépuscule des dieux".
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Lorsque Brennecke m'autorisa à mettre pied à terre - ce que je fis en manquant de me fouler la cheville, car le cul du VAB dominait le sol de très haut, détail que j'avais noté en embarquant mais que j'avais dû oublier par la suite -, je vis sur l'autre rive la tour au toit tétraédrique qui brûlait comme une torche, et je me rappelai que c'était à moi - à mes observations scrupuleusement rapportées - qu'elle le devait. Je me demandais combien de malheureux avaient trouvé la mort dans l'incendie de cette tour, dont à la réflexion je n'étais plus aussi sûr qu'elle eût jamais abrtité ce fameux affût double.
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C’est entre Loury et Traînou que, pour la première fois, j’ai remarqué sur les talus des touffes blanches de pâquerettes, jaunes de pissenlits ou de coucous. Et sans doute aussi d’autres fleurs que je ne pus distinguer, faute d’en connaître les noms. Au pied des arbres blanchissaient d’autre part des haies de pruneliers, à moins qu’il ne s’agît, car il était difficile de le vérifier à cette distance, de cette bourre blanchâtre que les lianes de la clématite sauvage arborent en hiver. Bien que le paysage, de ce fait, présentât un aspect plus avenant qu’auparavant dans la traversée de la Beauce, mon inquiétude croissait, malgré tout, au fur et à mesure que je me rapprochais de Châteauneuf, où des informateurs plus ou moins dignes de foi m’avaient assuré que le pont sur la Loire – le dernier de son espèce dans toute la région – était accessible à la circulation, et gardé, s’il l’était, pat des miliciens relativement placides, qui me laisseraient passer moyennant le versement d’une petite obole. Entre Fay-aux-Loges et Châteauneuf, la route franchissait successivement un canal, puis une autoroute de nouveau, aussi déserte que la précédente, mais cette fois par au-dessus, enfin une voie ferrée en bordure de laquelle, dans un champ, j’observai que des grues cendrées étaient rassemblées en grand nombre.
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C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contre-sens et sur toute sa longueur. En dépit de la vitesse élevée que je parvins à maintenir sans interruption, entre les parages de la gare de l’Est et la place du Châtelet, j’entendais éclater ou crisser sous mes pneus tous les menus débris que les combats avaient éparpillés : verre brisé, matériaux de construction hachés en petits morceaux, branchettes de platane, boîtes de bière ou étuis de munitions. Ici et là se voyaient également quelques voitures détruites, parmi d’autres dégâts plus massifs. Sur le terre-plein central de la place du Châtelet, à côté de la fontaine, des militaires en treillis, mais désarmés, en application des clauses du cessez-le-feu, montaient la garde, ou plutôt allaient et venaient, autour de l’épave calcinée d’un véhicule blindé de transport de troupes. D’autres militaires, qui me firent signe de passer, avaient établi un barrage filtrant en travers du boulevard du Palais, puis, de nouveau, à l’entrée du boulevard Saint-Michel. Plus loin, devant le lycée Saint-Louis, dont le bâtiment central était éventré sur près de la moitié de sa hauteur, des gravats et du mobilier scolaire étaient amoncelés, à demi consumés et parcourus encore par quelques flammèches. Au niveau du carrefour de Port-Royal – où la guerre n’était représentée que par cette statue du maréchal Ney qui le montre le sabre érigé, coiffé de son bicorne et conduisant une charge virtuelle -, j’ai dû ralentir pour éviter un chien, tout d’abord, puis les deux types qui s’étaient lancés à sa poursuite, et dont l’un, le plus rapproché de l’animal, brandissait ce qui me parut être une broche de rôtissoire.
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"Au prix d'efforts surhumains, apoplectiques, le chauffeur parvint même à hurler en français une phrase entière - "Vive le camarade Joseph Staline" - que nous reprîmes en chœur, cette petite lâcheté nous valant de ne pas régler le prix de la course, car le Géorgien est aussi généreux qu'il est stal.
Staline, c'est indéniable, jouit d'une immense faveur dans cette ville de Tbilissi. Non seulement le parc couronne les hauteurs de la ville porte son nom, mais aussi le quai de la Koura - dont les Tbilissiens retirent une fierté prodigieuse, sous prétexte qu'il est bâti dans un granit imitant assez le béton armé-, et son effigie officielle, en bas-relief, apparaît à deux reprises, une fois en médaillon et une autre fois de pied en cap, sur la façade de l'Institut du marxisme-léninisme, un grand palais néoclassique dû à l'architecte Chtioussev, l'un des grands maîtres de l'académisme stalinien, et sans doute l'architecte favori du père des peuples. Enfin l'Infotouristne se gêne pas pour recommander l'excursion à Gori, ville natale du petit Joseph, comme l'une des deux ou trois choses que le touriste se doit de faire en Géorgie, sans parler de la visite du séminaire où il fit ses premières armes, de l'imprimerie où il imprima ses premiers tracs, etc.
En dehors de tout contexte officiel, il est fréquent à Tbilissi de trouver le portrait de Staline dans les autobus, dans les échoppes, dans de petits ateliers de cordonniers ou de réparateurs de montres, et ceci d'autant plus, en règle générale, que le local est plus minable, et plus pauvres ses usagers." (...)p.263-264,
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Le paysage que j'avais vu à l'aller paré de ses couleurs habituelles, qui déjà étaient assez ternes, baignait désormais dans un éclairage monochrome et terreux de fin du monde. Peu avant d'arriver à destination, le long de l'aéroport international de Dubaï dont le trafic était interrompu, je remarquai un amas de pétunias plus foisonnant encore, plus vaste et plus touffu, que tous ceux que j'avais observé auparavant dans la région, et dont les massifs qui le composaient, cet amas, balayés et tordus par le vent, fouettés par le sable en rafales, m'évoquèrent irrésistiblement, bien que de manière incongrue, un troupeau de boeufs musqués que dans un reportage télévisé j'avais vu lutter désespérément, regroupés en carrés, contre une tempête de neige au coeur de l'hiver arctique.
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Comme tout ce qui s'apparente à la chasse, le métier de paparazzi comporte de rares moments d'excitation, ceux de l'approche et du tir, enchâssés dans des périodes d'inaction que l'on dirait infinies, d'autant plus éprouvantes qu'aussi longtemps qu'elles se prolongent, et ce peut être pendant des journées ou des nuits entières, l'attention du chasseur ne doit jamais se relâcher, faute de quoi le court instant où le gibier se dévoile risquerait de lui échapper.
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Qui lit la press people ou regarde les émissions de téléréalité? fulminait-il, les femmes!"
" Et pourquoi? Parce qu'elles se détestent entre elles, et qu'elles n'aiment rien tant que de voir souffrir d'autres femmes!
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Désormais, commentait le jeune homme, nous sommes occupés de l'intérieur comme de l'extérieur
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En repassant devant le strip-tease, je me rappelai que cela faisait longtemps que je n'avais pas eu d'activité sexuelle, et je me promis d'y remédier prochainement.
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Dans la dernière partie du chemin de Pissefontaine, le 26 janvier 2021 en fin de matinée, celui-ci était creusé de profondes ornières, recouvertes d’une couche de glace assez épaisse pour qu’on ne pût la briser qu’à l’aide d’un caillou, et encore fallait-il que ce caillou fût assez gros et lancé avec assez de force : c’est ce à quoi je me suis employé quelque temps avec succès et en y prenant un vif plaisir, spécialement quand l’impact de mon projectile, en même temps qu’il soulevait dans la flaque un nuage de boue, faisait se propager de grosses bulles sous la couche de glace qui les retenait prisonnières. Dans un extrait de son journal daté du 4 février 1936 et publié dans le premier volume de ses œuvres complètes aux éditions Ivrea, j’ai découvert récemment que George Orwell n’avait pas craint de s’adonner à ce même jeu et de le rapporter en ces termes : « Passé un bon bout de temps à lancer des pierres sur la glace. Un gros caillou aux arêtes vives glissant sur la surface produit un son exactement semblable au sifflement d’un chevalier gambette. » (Comment ne pas aimer, plus que d’autres, un écrivain susceptible aussi bien de risquer sa vie sur le front d’Aragon que de lancer des cailloux sur la glace ou de reconnaître le chant du chevalier gambette ?)
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Quiconque emprunte la ligne D du RER entre les gares de Garges-Sarcelles et de Villiers-le-Bel-Gonesse-Arnouville ne peut manquer de remarquer ceci : en contrebas de la voie, du côté droit, entre les HLM de Garges et les pavillons d’Arnouville, s’étendent des prairies, baignées par un cours d’eau aux berges cimentées, dont on aimerait pouvoir écrire qu’elles sont pues par des vaches, comme c’est le cas, si le dictionnaire ne nous assurait que ce participe passé du verbe paître n’était usité qu’en fauconnerie (d’ailleurs, à tout prendre, je préférerais écrire que ces prairies sont paissées par des vaches, plutôt que pues : sans compter que là où paître fait défaut, on a aussi la ressource de se tourner vers pâturer). Enfin toujours est-il qu’il y a des vaches, tout un troupeau, et déployées, quand elles sont de sortie, sur toute la surface de ces prairies, comme une force d’interposition des Nations unies entre deux territoires occupés par des parties en conflit.
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Quelques minutes à peine après avoir gagné la campagne, on tombe sur une première décharge – elles sont si nombreuses, en Île-de-France, qu’il y a quelque chose de fastidieux à les mentionner toutes, mais peut-être cette insistance, à la longue, contribuera-t-elle à les faire disparaître, ou au moins à couvrir d’opprobre leurs auteurs.
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Le jeudi 17 décembre, vers onze heures du matin, j’ai noté que le chemin des Glaises, à la sortie de Chaponval, s’était révélé très boueux. Que le chemin des Glaises soit justement boueux, c’est le genre de petites satisfactions que ménage de temps à autre une entreprise aussi vaine que la recherche de la limite entre ville et campagne.
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Dans les jardins se voyaient des cerisiers dont certains étaient chargés de fruits, une circonstance assez rare, cette année-là, en raison des gelées tardives. Et toujours une grande abondance de roses. En approchant de ce bois que la carte au 1/25 000e désigne comme le bois d’Amour, il me sembla entendre des coups de feu, puis j’observai le vol ondulé d’un pic-vert. En contrebas de la route, juste avant le bois, un chemin que je n’avais pas encore emprunté filait droit au milieu des blés.
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… la traversée d’un cavalier. Lequel m’accusa au passage d’avoir fait peur à son cheval, mais sur un ton si outrageusement snob qu’il ne pouvait s’agir que d’une parodie. En m’éloignant dans la direction de Poissy sur le chemin de la Bidonnière, je ruminais l’incident minuscule qui venait de se produire, me demandant si le cavalier avait effectivement voulu rire en s’adressant à moi sur ce ton.
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Des 4X4 hérissés d'antennes, battant pavillon de ces agences ou de ces associations innombrables, vouées à l'endiguement de toutes sortes de fléaux, et dont on peut se demander si leur prolifération, à la longue, n'en constitue pas un nouveau.
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Les autorités iraniennes soutiennent, d'autre part, que cet afflux de réfugiés traduit l'enthousiasme des populations irakiennes pour la révolution islamique. Ce qui revient à dire que, lorsqu'il y a le feu à bord d'un navire, tous les passagers qui se jettent à la mer témoignent ainsi de leur amour de l'eau.
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Et il est de fait qu’au mois de mai 2015 un traquet kurde mâle, solitaire, a été observé pendant deux ou trois jours, photographié à plusieurs reprises et formellement identifié, au sommet du puy de Dôme – soit à quelques
milliers de kilomètres tant de sa zone d’hivernage que de sa zone de reproduction –, posé parmi les rochers et les blocs de pierre d’un site archéologique connu sous le nom de temple de Mercure. À ce sujet, on ne peut manquer de remarquer qu’environ trois mois avant cette visite inopinée, une milice kurde d’obédience marxiste-léniniste (bien qu’elle affirme désormais s’être émancipée de cette doctrine), appuyée par des bombardements de l’US Air Force, était parvenue, non sans mal, à repousser un assaut de l’État islamique contre la ville de Kobané, sur la frontière entre la Syrie et la Turquie. Car si fortuite que soit cette coïncidence, il est probable que sans le regain de sympathie pour la cause kurde suscité par les événements de Kobané, le caractère également kurde du traquet égaré au sommet du puy de Dôme n’aurait pas éveillé le même intérêt.
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Dans le fond, au-dessus de la rue Decauville, où les flaques d'eau demeurées dans l'ombre toute la matinée sont encore recouvertes d'une fine et craquante couche de glace, un silo gris-blanc et massif, environné de pigeons, domine le paysage. Il en sort une bande transporteuse, ou un convoyeur à bande, par le truchement de laquelle, ou duquel, des céréales stockées dans le silo se déversent dans la cale d'une péniche, cependant qu'un héron cendré lâche en vol, au-dessus du fleuve, tout un chapelet d'excréments, émettant par la suite un « couac » sonore qui doit être l'expression de son soulagement.
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