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Citations de Jean-Yves Le Naour (171)


1932
Tout a commencé par l'enflure dont seul Louis Ferdinand Destouches, alias Celine est capable. Le 14 avril 1932, ce médecin de la banlieue parisienne adresse ainsi le manuscrit de "Voyage au bout de la nuit" à Gaston Gallimard : «C'est du pain pour un siècle entier de littérature. C'est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l'heureux éditeur qui saura retenir cette oeuvre sans pareil, ce moment capital de la nature humaine". Pour un type qui n'a jamais été publié, C'est tout de même une sacrée preuve d'assurance, pour ne pas dire d'arrogance. Mais Gallimard reste froid. Il commence par repousser l'épais manuscrit puis se laisse fléchir par ses lecteurs professionnels, mais à condition qu'il y ait des allègements, un élagage en règle, voire des coupes sombres. En tournant autour du pot, la NRF a trop tardé. Céline signe de son côté avec Robert Denoël qui, lui, manifeste immédiatement son enthousiasme devant une prose révolutionnaire.
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Il faut bien venir en aide aux malheureux poilus et soigner les malades du mieux que l'on peut. Deux méthodes s'imposent alors qui reflètent l'ambiguïté du corps médical face à la guerre, entre secours à l'humanité en souffrance et exigence patriotique de la guérison la plus prompte pour renvoyer des soldats au front. Au service des hommes, les spécialistes préconisent la méthode douce, le repos, la balnéothérapie, l'héliotherapie, les massages, la nourriture abondante. Au service de la patrie, ne voyant dans les malades que des soldats défaillants que l'on doit rapidement remettre sur pied au nom de la défense nationale, ils utilisent des méthodes dites «brusquées», consistant essentiellement en traitement électrique plus ou moins agressif. La douleur, pour ne pas dire la torture électrique, devient alors un élément thérapeutique de premier ordre qui, en faisant mal au patient, l'amène à quitter son état hystérique, sorte de nid douillet où le soldat s'est réfugié pour quitter la réalité trop déprimante des tranchées. Le médecin aide-major André Gilles, qui l'emploie sur ses malades, ne voit pas le problème et nie même la question de la douleur: «Pour pénible qu'elle soit, elle est très supportable» Ceux qui oseraient refuser un tel traitement que l'on baptise du doux nom de «torpillage» sont aussitôt perçus comme des suspects, du gibier de conseil de guerre...
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- La preuve de notre innocence, je l'ai !
- Ah oui ?
- Notre officier nous a vus tomber après l'explosion d'un schrapnell, un obus à balles. Vous n'avez qu'à lui demander son témoignage.
- Cela demanderait un certain temps... un temps précieux que nous n'avons pas.
- C'est pas juste !!
- Détrompez-vous, les cours martiales en ont l'autorisation.
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Loin de traumatiser les poilus, la guerre a constitué au contraire une merveilleuse épreuve régénératrice et hygiénique, qui, la vie au grand air aidant, a contribué à viriliser la bonne vieille race française. « Il est remarquable de voir plus sains, plus vigoureux que jamais des hommes qui depuis des mois, n’ont couché que sur le sol ou sur la paille et cela devant l’ennemi. […] Nos hommes ont perdu des tissus inutiles au profit de leurs muscles progressivement plus développés. […] »

Débitant les mêmes âneries sur la « tranchée hygiénique », caractéristiques d’un discours de l’arrière ignorant des terribles réalités du front, un médecin soutient dans La Lanterne que la guerre rend plus fort : « Tous les jours, nous notons des exemples de soldats qui avant d’être appelés souffraient d’affections diverses empoisonnant leur existence et auxquelles aujourd’hui ils ne songent plus. […] ; des anémiés privés de leur habituel fortifiant se portent à merveille ; les obèses retrouvent leur souplesse, et des gens malingres acquièrent des muscles et des couleurs. . » Vive la guerre ! « Plus d’un soldat la regrettera », lance Gustave Le Bon, à demi hystérique, du fond de son fauteuil. 
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... dès 1862, les écrivains-rentiers Edmond et Jules de Goncourt participent aux «dîners Magny» qui réunissent deux fois par mois tout ce que Paris compte alors d'écrivains, d'artistes, de journalistes et de scientifiques. C'est à l'occasion d'un de ces repas que les deux frères auraient eu l'idée de créer une «société littéraire» portant leur nom et poursuivant un double objectif : d'une part, faire passer leur patronyme à la postérité - ce que leur oeuvre littéraire ne suffisait pas à leur garantir ; d'autre part, édifier une «contre-Académie française» afin de mettre en valeur le genre romanesque qui était alors méprisé par les Immortels du quai Conti. Les frères Goncourt se posent en effet comme les défenseurs du roman, et notamment du roman naturaliste : Germinie Lacerteux, qu'ils rédigent à quatre mains en 1865, se veut un véritable manifeste en faveur du naturalisme. Après le décès prématuré de son cadet Jules en 1870 -emporté à 39 ans par les conséquences d'une syphilis contractée une vingtaine d'années auparavant-, Edmond n'aura de cesse de faire vivre le projet, qui devient désormais une facon de rendre hommage à ce frère tant aimé.
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Reste une question que l'historien Jules Isaac ne cesse de se poser pour comprendre les origines somme toutes mystérieuses du conflit : « Comment expliquer que la guerre, tant de fois prévue prédite depuis 1905, quand elle éclata dans l'été 1914, parut tomber sur le monde comme une avalanche ? » Longtemps, pour répondre à cette interrogation, les historiens ont élaboré de vastes constructions politiques, diplomatiques ou économiques démontrant le caractère inexorable et mécanique de I'affrontement, sans toutefois convaince absolument, puisque aucun fait mis en avant ne suffisait à avoir rendu la guerre inévitable. La compétition coloniale ? Mais celle-ci avait d'abord opposé la France à la Grande-Bretagne! La confrontation des ambitions économiques à l'âge du capitalisme impérial ? C'est oublier que les milieux libéraux prônaient la paix comme plus profitable aux affaires et aux échanges. L' Alsace- Lorraine? Une vieille lubie qui ne préoccupait plus grand monde, en vérité. L'engrenage fatal des alliances diplomatiques ? On avait pourtant eu le courage d'arrêter cette mécanique lors des crises précédentes, et cela ne disait pas pourquoi on n'avait pas voulu la stopper en 1914. Et tous les historiens d'énumérer avec plus ou moins de conviction ces éléments sans pouvoir dire vraiment ce qui a été déterminant. Avouons-le : si les origines du conflit sont restées insaisissables en dépit des miliers d'ouvrages consacrés au sujet, c'est peut-être parce que les facteurs objectifs sont insuffisants pour comprendre comment la moitié de l'Europe a décidé de prendre l'autre à la gorge.
Après tant de grandes synthèses indécises ou erronées, il était temps de mobiliser les ressources de l'histoire culturelle pour envisager de nouvelles pistes. Un fait est certain : l'Europe de 1914 avait peur et c'est certainement de cette peur qu'est née la guerre.
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-Vous n'auriez pas vu la Joconde par hasard ?
-Les femmes passent leur temps à se faire belles, allez voir à la restauration...
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Dans ces régions du Nord et de l’Est d’où provenaient avant guerre 92 % du fer, 81 % de la fonte, 77 % du zinc et 55 % de la houille, les Allemands ont brisé les machines d’extraction qu’ils n’ont pu emporter avec eux, fait sauter les chaudières, les compresseurs et les cuvelages, inondant les puits de mines. Et, avec cela, une dette passée de 35 milliards en 1913 à 221 milliards en 1918. Au moment où le pays doit relever ses ruines, la France qui a tant besoin d’argent est écrasée par les crédits
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En janvier 1914, à l'heure des vœux, les voyants français font connaître leurs sentiments sur la nouvelle année. "Il n'y aura pas de guerre en Europe", prétend Mme André, spécialiste du marc de café ; une opinion que nuance Mme Méra, dont la science du tarot est réputée et qui concède "des craintes de guerre" sans croire un seul instant "à la réalisation de ce cliché funeste". Sa consoeur, Mme Lorenza, qui tire les cartes comme personne confirme allégrement : «Je ne prévois pas d'événements graves -telle une guerre -pour l'année 1914. » La nouvelle année se distinguera donc par son calme, si l'on en croit Mme Marceau, la fameuse numérologue, tandis qu'une charlatane du même acabit, Mme Maria-Thérésa, évoque une "année de prospérité!" Les dés, les cartes, les lignes de la main, les astres et autres boules de cristal l'affirment bien haut : 1914 sera une année de paix.
Parce que la prophétie est toujours conformiste et traduit les aspirations du présent, faut-il en déduire que les Français de 1914 ne songent pas à la guerre ? En fait, s'ils la conjurent avec optimisme, ils n'en sont pas moins préoccupés par la question, mais sans trop y croire, à la manière d'un débat abstrait. Ils en parlent volontiers, la presse de droite comme celle de gauche lui consacrent nombre d'articles anxieux, mais, au fond, ils n'imaginent pas qu'une telle aberration soit possible après quarante années d'équilibre et de paix - fût-elle armée - entre les grandes puissances européennes. En parler toujours, n'y penser jamais, pourrait résumer leur comportement.
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... la majorité des médecins chargés de traiter les affections des combattants voient dans ces hystériques de simples prédisposés, des alcooliques, des syphilitiques ou des sujets à l'hérédité chargée, en un mot des faibles qui seraient de toute façon tombés malades dans la vie civile. La guerre, que l'on présente comme régénératrice dans les premiers mois du conflit, n'y est donc pour rien. Pire, les praticiens se méfient de ces hommes traumatisés et se demandent s'ils ne sont pas des simulateurs, des petits malins qui jouent la comédie pour s'embusquer dans un hôpital, le plus loin possible du front. En l'absence de blessure, comment être certain que le soldat est bien un malade et non un mauvais sujet? Comment s'assurer, en admettant qu'il ne mente pas et qu'il ait réellement perdu la raison quelques instants, qu'il ne se complaît pas dans l'exagération du mal pour profiter d'une généreuse évacuation ?
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Ernest Renan peut bien considérer que le talent de l'historien consiste "à faire un ensemble vrai" avec des éléments qui ne le sont qu'à moitié, on peut tout à fait lui opposer que les faits en tant que tels n'ont pas de sens et que la narration repose uniquement sur l'interprétation de l'historien, interprétation qui fatalement construit et reconstruit l'histoire en lui donnant une cohérence qu'elle n'a pas eue forcément ou qui n'a pas été ressentie comme telle.
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L'autorité est souvent moins une question de personnalité que de circonstances.
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Tous les coups sont donc permis pour abaisser l’ennemi et le discréditer, à l’instar du Dr Bérillon qui voit dans l’Allemand le maillon manquant entre l’homme et le putois. Dans une communication présentée à l’Académie de médecine, le 29 juin 1915, ce médicastre en folie expose sa théorie de la « bromidrose fétide » par laquelle les sujets de Guillaume II sont censés suer et puer, sentir des pieds et des aisselles, exhaler une haleine de bouc et laisser flotter derrière eux un fumet peu ragoûtant ! L’explication de ce trait physique que, curieusement, personne n’avait identifié avant 1914, viendrait d’un dérèglement des sécrétions qui rapprocherait l’Allemand de certains animaux « tel que le putois […] ».

[…] Au demeurant, Bérillon a réponse à tout et, pour ne pas confondre les Alsaciens dans ses insultes, prétendra plus tard que ce peuple, germanique de sang mais français de cœur, ne partage pas le déséquilibre hormonal des Allemands. Qu’on se le dise, « l’odeur de la race allemande a toujours produit les impressions les plus désagréables sur la fonction olfactive de nos compatriotes d’Alsace-Lorraine. » 
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Fin 1907, Paul Léautaud notait déjà dans son journal que le Goncourt revêtait "un certain caractère subversif" : "Si l'on couronne des livres pouvant l'être par l'Académie Française, à quoi bon ?" ...
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C’est un cimetière oublié. Près de 900 tombes à moitié écroulées sur elles-mêmes, souvent anonymes, avec, au milieu, un carré militaire et une simple plaque : « Les anciens combattants de la Gironde à leurs camarades mutilés du cerveau. » Un journaliste de L’Humanité qui, en 2005, parcourt les allées du cimetière des fous de Cadillac, remarque avec écœurement que des mâchoires, des fémurs et des éclats de crâne se mêlent au gravier et aux herbes folles. Voilà ce qui reste de ces poilus qui ne sont pas morts au front. Ce sont des morts oubliés dont personne ne se soucie. Annexé à l’asile psychiatrique de Cadillac, ce cimetière en jachère témoigne du peu de cas que l’on a fait des « blessés nerveux » et autres commotionnés de la Grande Guerre qui n’ont jamais eu droit à la reconnaissance publique parce qu’ils n’étaient pas tout à fait des blessés comme les autres.  « Honneur aux poilus, ils nous ont fait cette victoire », avait lancé Clemenceau du haut de la tribune parlementaire, le 11 novembre 1918, mais ces psycho-névrosés, avec leurs yeux hallucinés, leurs délires, leurs cauchemars et leurs cris terrifiants, ces blessés sans blessures, personne ne voulait les voir. De ces héros-là, on en avait honte. S’il était difficile de soutenir le regard des « gueules cassées », au moins le pays s’inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu’ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l’héroïsme dont la société d’après-guerre couvrait les poilus et les anciens combattants. La guerre, pourtant, il faut avoir le courage de la regarder dans les yeux.  
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[François-Ferdinand]: Il va voir ce qu'il va voir, ce vieux débris...
[Sophie, son épouse]: Ne parle pas comme cela de l'empereur, il croit faire pour le mieux en conservant la tradition.
[F-F]: Épouser des femmes que l'on n'aime pas et confier ses enfants à des gouvernantes. C'est ça leur tradition!
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Surtout, que les bonnes âmes ne viennent pas s’émouvoir et faire la leçon aux spécialistes qui savent ce qu’ils font. […] Et puis, l’heure n’est pas à la faiblesse. Patrie oblige, en France comme ailleurs. […] ; quant à l’Allemand Fritz Kaufmann, ses méthodes « persuasives » sont si douloureuses que plusieurs de ses patients préféreront se suicider plutôt que de subir à nouveau une séance d’électrochocs. Quand l’objectif patriotique prend le pas sur l’éthique, l’efficacité sur l’humanité, alors il n’y a rien d’étonnant à ce que les médecins se comportent comme des bourreaux en blouses blanches. 
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Rappelle-toi de ce que je t'ai dit quand je t'ai embauché : si tu me voles, je te pardonne.
Si tu touches à ma femme, je te tue !
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Quant à la France, est-il vrai, comme la voient les Allemands, qu'elle soit une nation guerrière et revancharde, incapable de détourner le regard de la ligne bleue des Vosges ? Une fois encore, les perceptions allemandes sont faussées : la France républicaine professe un patriotisme défensif et ne songe à aucun moment à agresser I'Allemagne. Somme toute, le caractère agressif du nationalisme dont la royaliste Action française s'est fait le porte-voix est plus dirigé contre la république laïque et radicale que contre l'Allemagne elle-même. Il y a bien le souvenir de l'Alsace-Lorraine, mais contrairement à une légende tenace, l'évocation des provinces perdues en 1871 ne relève plus que du registre sentimental, et il est bien loin le temps où Gambetta recommandait d'y penser toujours et de n'en parler jamais. On en parle encore de temps à autre, Comme une vieille antienne, mais l'on n'y pense plus guère. En fait, le nationalisme revanchard n'existe plus depuis les années 1880. Paul Déroulède, le chef de la Ligue des patriotes toujours prêt à grimper sur la statue de Strasbourg "Comme une chèvre sur son rocher" (Paul Morand), est bien à l'image de ce bellicisme : une vieille ruine. Ses obsèques, le 3 février 1914, ressemblent à l'enterrement de la ligue elle-même qui n'est plus qu'un groupuscule. Est-ce à dire que la France a complètement oublié l'Alsace-Lorraine? Si elle s'est fait une raison, l'oubli n'est pas vraiment possible, étant donné que son patriotisme s'est aussi construit autour de cette blessure qui empêche la réconciliation avec l'Allemagne. Les provinces perdues sont bel et bien perdues, mais les français demeurent attentifs à leur sort et, par sentimentalisme, incapables de tourner officiellement la page alors que le deuil est fait depuis longtemps.
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Le problème avec la calomnie, c'est qu'il en reste toujours quelque chose.
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