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Critiques de Jess Kaan (129)
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Et ça vous fait rire ?

Voici une anthologie d’imaginaire et d’humour, écrite par un collectif d’auteurs.



L’avantage, c’est que les univers sont vraiment diversifiés. Il y en a pour tous les goûts. Des histoires courtes, que vous pourrez savourer au gré de votre emploi du temps.



Ce recueil va vous entraîner dans des aventures extraordinaires, rocambolesques et loufoques !



Au long de votre lecture, vous allez rencontrer le pauvre Karl Kept qui se retrouve avec une double intelligence implantée dans son cerveau, des crapauds qu’il faut embrasser à la pelle, Caroline qui après une cuite mémorable est réveillée par son chef de rédaction car Dieu l’a choisie pour une entrevue, un échange épistolaire pas piqué des hannetons au sujet de la retraite des nains, et ce n’est pas terminé, vous croiserez aussi les colocataires Holmes et Watson au sujet d’un martien rose retrouvé dans Hyde Park, puis un extra-terrestre rencontré un soir de beuverie !



Ensuite, retour en classe avec des étudiants qui étudient la dernière espèce d’intelligence supérieure (bah non, ce n’est pas moi…), puis il vous faudra courir avec le palefrenier qui en pince pour une jouvencelle… Vous en voulez encore ? Alors il y aura des cocktails à l’hémoglobine, des dragons, un autre tour de Belgique (Eh oui!), vous croiserez Jack Potes, malice au pays des réveils, Dungeon Idol et la vie est une anomalie…



Voilà, je vous avais prévenu, c’est un véritable patchwork, il y en a pour tous les goûts ; mais il y a tout de même un point commun, aucune histoire n’est sérieuse, elles ont toutes vocation à vous faire rire et le but est atteint.



Ce recueil fort sympathique sortira en version papier au mois de septembre, vous pourrez l’emporter partout avec vous pour prendre une petite dose de rire dès que vous avez quelques minutes ! Attention toutefois ! Ce livre est fortement déconseillé si vous vous rendez à un enterrement ou dans un endroit où une crise de fou rire serait mal perçue. Sinon vous pourrez le consommer sans modération en toutes occasions ! Ensuite, en fin d’année il y aura les cadeaux de Noël, ce livre trouvera tout naturellement sa place au pied du sapin de votre famille, vos amis mais aussi pourquoi pas de tous les grincheux que vous connaissez !



Bref, ce livre sera un véritable remède contre la morosité et sera donc bienvenu à la rentrée.



À lire installé(e) sur une couette moelleuse (à chaque fois que vous aurez le cafard), en sirotant un Bloody Mary ou un jus de tomate avec un peu de céleri en grignotant des cacahuètes...



Mon compte Instagram : @la_cath_a_strophes
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En chasse !

Ce qui m’a attiré dans ce livre ? Son titre et sa couverture…



Ce que j’y ai découvert ? Un sujet brillamment mené, malgré une intrigue qui remue les tripes !



Le viol n’est pas une mince affaire à explorer, pourtant l’auteur s’en sort avec brio ! Mais, à travers ce sujet, il touche les fondements de notre société, avec notamment le traitement apporté à ces affaires à la limite du supportable…



Le livre débute d’ailleurs sur scène de viol, dont il dépeint l’horreur, l’abject qui côtoie la peur de la victime, c’est très visuel et certains lecteurs pourraient avoir envie de poser le livre. Pour autant, on a envie d’explorer plus en profondeur le propos que l’auteur souhaite aborder…



On sent une retenue dans la plume, une empathie pour ces victimes, que l’on découvre au fil du récit. Mais cette retenue est un sentiment sous-jacent, qui ne fait que mettre en exergue l’empathie, sans jamais tomber dans la pitié, dont font preuve, les enquêteurs.



Mettre les mots, sur les maux, c’est bien là ce qu’évoque l’auteur. Les victimes, n’ont pas besoin de pitié, elles ont besoin de réponses et d’être entendues. Leurs voix sont criantes de vérité à travers une plume, sans concession, l’auteur laisse libre cours à la parole, qui se veut délivrance. Une délivrance qui même si, elle n’efface pas l’horreur, est salvatrice. Être reconnue en tant que victime, permet de se construire, alors même que cela semble impossible…



Jess Kaan, aurait pu tomber dans la facilité en tombant dans le voyeurisme gratuit, mais il évite ce travers, en élevant l’humanité des personnages au plus haut degré. L’écoute, la retenue, la bienveillance… Même si nous savons que cela n’est pas une généralité, on sent le désir profond de l’auteur, que cela le soit.



C’est une lecture qui marque, dont le sujet ne peut laisser indifférent. Car, si l’on creuse un peu, comme j’aime le faire, on y découvre une étude sociétale approfondie. Plusieurs sujets, sont abordés en filigrane, la famille, le cancer, les SDF… Mais aussi les voix qui s’élèvent et crient leur indignation, leur envie de rentrer dans le lard et de mettre à terre la perversité…



Des femmes violées, humiliées, sans possibilités de reconstruction, face, non seulement à l’injustice qu’elles subissent, mais parfois, face au pire, qui reste à venir, alors que l’horreur est passée.



Un thriller qui ne laisse pas insensible, où l’horreur côtoie la réalité, jusqu’à la toute fin où le coup de grâce apporte la délivrance.
Lien : https://julitlesmots.com/202..
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Silencieuse et perfide

SEP, initiales de la sombre et pernicieuse maladie qu'est la Sclérose En Plaques.



SEP, acronyme que ce recueil de nouvelles à détourné en Silencieuse Et Perfide, douloureuse définition de la maladie en question.



Un recueil de qualité pour une bonne action (les bénéfices seront reversés à l'AFSEP, Association Française des Sclérosés En Plaques).



14 écrivains pour un ouvrage Sympa Et Pertinent, Salvateur Et Précieux.



Avec ce genre de bonne action, il y a toujours le risque de se retrouver avec étalage de bons sentiments, mais qui ne ressemble pas à grand chose au final.



Ici c'est tout le contraire. Peut-être parce que les auteurs présents viennent beaucoup du milieu du roman noir, les nouvelles proposées sont loin de faire dans la dentelle. Il y a bien évidemment quelques textes positifs (celui de Gaylord Kemp, initiateur du projet, est parfait pour introduire le recueil), mais d'autres récits sont au contraire très sombres.



Certains auteurs n’hésitent pas à développer des atmosphères sinistres ou violentes (mention spéciale à Gilles Caillot pour ça). D'autres se permettent de tourner en dérision le sujet (de manière intelligente) ou de le placer dans un contexte totalement inattendu.



Bref, c'est une belle preuve qu'un recueil de nouvelles est réussi quand aucune histoire ne ressemble à la précédente et qu'on sent que les auteurs ont vraiment cherché à développer leurs univers.



Inutile de détailler les différents récits, chacun y trouvera son compte selon sa manière de ressentir les choses. Pour ma part, j'ai simplement envie de citer plus particulièrement celui Samuel Sutra.



Ambiance sombre, récit d'anticipation ou fantastique, chronique drôle ou touchante, il y a de tout dans ce bouquin aussi distrayant qu'utile.



Vu le prix modique, il faudrait être sans cœur pour passer à coté de cette belle action doublée d'une bonne dose de plaisir littéraire.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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Fissures

Stephen King a son Maine, Jess Kaan a le Nord Pas de calais.

Dans ce recueil, il nous offre des textes qui font mal, des textes d'imaginaire où la réalité bascule vers le fantastique. Point de vampire, ni de loup garou, une volonté de revenir aux sources du fantastique.

C'est un ouvrage très fort, noir parfois, Un ouvrage sans concession, un ouvrage en sensibilités.
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Dimension de Capes et d'Esprits, tome 1

Avec « Dimension de capes et d'esprits », les éditions Rivières Blanches nous proposent une sympathique anthologie de fantasy historique comprenant douze nouvelles d'auteurs plus ou moins réputés et habitués à ce genre de littérature. Tous rendent ici un vibrant hommage aux plus grands récits de cape et d'épée et aux auteurs qui leur ont donné le jour, que ce soit par le biais du thème choisi, des personnages ou bien du style. La totalité des textes se déroulent par conséquent entre le XVIe et le début du XIXe siècle et on peut d'ores et déjà saluer la variété des décors, loin de se limiter à la cour et ses intrigues, qui nous entraînent tour à tour à Versailles, en Angleterre, sur mer, dans le calme relatif d'un monastère, sur le champ de bataille... Le choix de l'époque à cependant fait l'objet de moins d'originalité, la majorité des auteurs ayant opté pour les règnes de Louis XIII et de Louis XIV ainsi que de leurs habiles ministres, les cardinaux Richelieu et Mazarin. Certaines nouvelles se démarquent malgré tout de leurs petits camarades et nous offrent des récits un peu plus innovants sur fond de guerres de religion, campagne d'Italie ou encore Révolution française.



Si l'initiative est louable et ne manquera pas de faire passer un agréable moment aux amateurs de capes et d'épées, il faut toutefois avouer que très peu de textes sortent du lot et que beaucoup laissent un arrière goût d'inachevé ou de déjà-vu. Heureusement, certains auteurs parviennent malgré tout à tirer leur épingle du jeu, en particulier ceux qui bénéficient aujourd'hui d'une certaine réputation. Nicolas Cluzeau signe ainsi avec « Dragons des mers » une excellente nouvelle (de loin la meilleure) nous plongeant habilement dans un duel maritime entre deux capitaines de navires pour la possession d'un aquadrac (ou dragon de mer), le tout sur fond d'Europe uchronique. Un vrai régal ! Lucie Chenu réussit également son coup avec « Ayeannah » dans laquelle elle nous relate l'histoire d'une dryade à la cour du roi Soleil, de même que David S. Khara qui se penche avec « La botte du Diable » sur le destin d'une confrérie des Maîtres d'Armes. Certains textes d'auteurs qui m'étaient jusqu'alors inconnus valent également le détour comme « La main du Diable » de Sergei Dounovetz, nouvelle très brève mais marquante, ou encore « Les hommes de l'ombre » de Pierre-Luc Lafrance qui nous entraîne pour une fois Outre-Manche.



Une anthologie très inégale, le très bon côtoyant le très moyen, mais qui rend malgré tout un bel hommage à ces histoires de capes et d'épées qui nous ont tous un jour fascinés. Difficile de résister à l'envie de découvrir le second volume, réunissant cette fois davantage d'auteurs confirmés qui, espérons-le, montreront autant d'enthousiasme que ceux qui les ont précédés. Car comme nous l'affirme Philippe Ward en conclusion de sa préface : « Si tu ne viens pas à la Rivière Blanche, c'est la Rivière Blanche qui viendra à toi ! »
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[Dons]



Après les recueils Santé ! ( 2013 ) et Irradié ( 2014 ), dont les droits d'auteur étaient reversés respectivement à la fondation maladies rares et à l'association Tchernobyl Nord Pas-de-Calais, l'atelier Mosesu publie cette fois un recueil au profit de France ADOT ( Association pour le Don d'Organes et de Tissus humains ).

Ainsi que l'illustre magnifiquement la couverture, le coeur d'un donneur d'organes peut se transformer en or pour un receveur compatible.



Etre donneur d'organes n'est pas encore ancré dans notre culture, même si la mort de Gregory Lemarchal à vingt-trois ans, en attente d'une greffe de poumons, avait provoqué un électrochoc et une brusque augmentation du nombre de donneurs.

Même si nous sommes tous donneurs potentiels, à moins d'être inscrit sur le registre national des refus de dons d'organes ( Qui ne dit mot consent ), la famille s'oppose souvent à ce que soient prélevés les reins, le coeur ou le foie de leur bien aimé disparu. Et comment les en blâmer ? Ils viennent de perdre un être cher et sont en état de choc. En outre la victime est en état de mort cérébrale mais les battements de son cœur sont encore maintenus artificiellement.

Et il est aussi dans notre culture de vouloir préserver les corps de nos défunts le plus longtemps possible, d'où l'embaumement funéraire.

Le malheur des uns peut faire le bonheur des autres, mais à moins d'être sûr que ces prélèvements ne soient la volonté du défunt, cette impression qu'on va mutiler le disparu ( parents, conjoint, enfants ) ne va faire qu'accroître la souffrance. D'où l'importance d'en parler de son vivant à ses proches sans en faire un sujet tabou.



Si théoriquement dès 2018 les familles n'auront plus leur mot à dire suite au vote du projet de loi de Marisol Touraine qui fait passer en force les dons d'organes en les présumant volontaires, ici les treize "auteurs du noir" n'imposent aucun point de vue et se contentent par le biais de courtes histoires de nous éclairer, d'aborder les dons d'organes sous un angle qui parlera ( ou non ) au lecteur, mais qui le laissera réfléchir par lui-même, sans le brusquer, l'amenant peut-être à se positionner sur un sujet si délicat.

Afin que sur les vingt et un mille personnes en moyenne qui attendent une greffe chaque année en France, plus du tiers actuel puisse être soigné.



Afin de nous sensibiliser, certains auteurs vont choisir de faire parler l'organe ainsi transféré d'un corps à un autre, pour bien montrer qu'une forme de vie peut continuer au-delà de la mort. C'est le cas de Max Obione qui, dans "Vis, Lola !" donne la parole au coeur de Frankie, décédé dans un accident de la route. C'est ce qui lui a permis de rejoindre la poitrine de Lola dans laquelle il bat désormais. Et même si ce nouveau corps lui demande de se réadapter, c'est un coeur énervé, excité et heureux de toujours vivre qui prend la parole pour témoigner brièvement de son sort.

Dans "Iris 216", Eric Maravelias décrit un véritable partenariat entre le narrateur et son hôte dans un univers futuriste où la guerre fait rage. L'organe sera finalement prélevé pour rejoindre un autre corps ( "J'avais un nouveau maître et nous ne faisions qu'un." ) qui cette fois sera un véritable carcan pour celui qu'on devinera rapidement être un oeil d'élite.

Dans les deux cas, l'oeil et le coeur garderont leurs souvenirs passés.



La mémoire cellulaire sera quant à elle justement évoquée à deux reprises. Il s'agit d'une théorie très controversée selon laquelle, lorsqu'on reçoit une greffe, des souvenirs ou des habitudes du patient décédé peuvent être également transférés en même temps que l'organe au receveur.

"La plupart des médecins refusent encore d'y croire. Mais d'autres au contraire se posent sérieusement la question, tant les témoignages des greffés sont nombreux et troublants."

Ainsi, Bob Garcia évoque cette hypothèse dans son très beau texte "Coeur à coeur ou le secret de Laura". Musicien alors en pleine séance d'enregistrement, Pierre est appelé au chevet de son épouse, hospitalisée d'urgence. Un cancer foudroyant lui a été diagnostiqué quelques semaines plus tôt. Quel secret cette ancienne infirmière tient tant à divulguer avant de rendre son dernier soupir ?

Quant à Olivier Norek, dans "J'ai tant de choses à vous dire", c'est également ce thème qu'il explore sous un angle que je vous laisse découvrir. Sachez simplement que dans sa nouvelle, il est question de deux petits garçons qui discutent dans une chambre d'hôpital, l'un victime d'un accident de la route et le second dont le coeur est trop fatigué.

Si cette théorie de mémoire cellulaire venait à être confirmée, ne serait-ce pas la meilleure motivation pour une famille de savoir que leur défunt transmettra un peu de son histoire, de son vécu, comme pour prolonger encore sa trop courte existence ?



Comme nous le rappellent Franck Thilliez et Jeanne Desaubry, les dons sont également possibles de notre vivant, en particulier pour les reins.

L'auteur de " Sharko" évoque dans "La croisée des chemins" un étrange couple. Un homme et un enfant qui marchent l'hiver dans la forêt, qui vivent de chasse, de cueillette et de pêche. L'enfant, Martin, a reçu un rein. L'adulte, Claude, a donné l'un des siens. Et pourtant, il ne s'agit pas d'un père et de son fils.

Pourquoi Martin cherche-t-il à fuir ?

Dans ce texte dépourvu de dialogues, Franck Thilliez aborde le don sur un ton aussi tragique que plein d'espoir. Et rappelle au passage que :

"Les organes ne sont pas comme ceux qui les portent, ils se fichent des races, des sexes et des religions."

La nouvelle de Jeanne Desaubry est très réussie également, en particulier la fin. Le lecteur pourra choisir entre deux conclusions celle qui lui conviendra le mieux. "Hebnie" ( qui signifie mon fils en arabe ) raconte l'histoire de Mimo et de sa mère, une famille monoparentale d'origine maghrébine. La mère est sous dialyse pour insuffisance rénale. Quant à Mimo, il n'écoute pas ses conseils avisés et continue à tremper dans les petits trafics de sa cité. Jusqu'au jour où ils se retrouveront tous les deux à l'hôpital. Mimo est prêt à donner à sa mère un de ses reins : c'est devenu une question de vie ou de mort.

"On peut tenir avec un seul rein, et lui, il veut vivre, peu importe comment, mais avec sa mère. Il n'est pas prêt à la solitude."

Mais peut-on oui ou non demander un tel sacrifice à son propre enfant ? Les deux hypothèses seront étudiées.



Préserver l'anonymat de chacun protège les donneurs et des receveurs. Une mesure que je comprends parfaitement étant donné les abus qui pourraient en découler ( le besoin pour une famille de rester en contact avec ce qui reste de leur enfant, l'obligation du receveur de tout réussir, et d'être toujours à la hauteur du cadeau qu'on lui a fait ) et qui parallèlement me paraît discutable. Ne rien savoir du ou des receveurs ne rend pas le don concret, n'en fait qu'un concept flou et demande par conséquent une abnégation totale de la part de personnes qui ont déjà trop souffert. Ce nouveau sacrifice pourrait paraître vain parce qu'impossible à imaginer, à matérialiser.

Plusieurs auteurs prendront des libertés avec cette législation pour donner plus d'impact à leur histoire.

Dans "Le fils d'Ariane", Claire Favan nous parle d'abord du jeune Elliott qui éprouve le besoin de retrouver les quatre personnes qui ont bénéficié d'une greffe suite au décès de sa mère.

"Notre identité n'est-elle pas censée être protégée ?"

Chacune d'elles nous sera ensuite présentée, et on verra à quoi ressemblait leur vie avant la greffe, et ce que l'opération leur aura permis de réaliser, la façon dont leur vie a pu évoluer. Peu importe le tour de passe-passe qui permettra au garçon de toutes les réunir, le sujet de réflexion étant davantage l'importance de pouvoir le faire pour des raisons qui seront dévoilées à la toute fin.



Stanislas Petrosky nous rappelle quant à lui que nul n'est à l'abri d'un besoin de greffe, et que ce serait une erreur de ne pas se sentir concerné par le sujet. Pour illustrer son propos il met en scène un couple de joggeurs dans "Mécanique cardiaque". L'homme, bon vivant, ancien fumeur, gros buveur, ne parviendra pas à suivre le rythme imposé par sa compagne. C'est elle pourtant qui va s'écrouler et à laquelle sera diagnostiqué une insuffisance cardiaque. Comment se procurer le coeur qui pourra sauver celle qui a prodigué tant d'amour ?

"Il fallait déjà une compatibilité de groupe sanguin, certains peuvent recevoir, d'autres donner, un beau bordel, et toi, comme par hasard, fallait que tu sois du groupe le plus chiant."



Pour éveiller les consciences, Jess Kaan choisit quant à lui la voie de la violence. Sa nouvelle "Pour Maëlle" n'est pas toujours tendre avec les médecins ( "L'impression que vous n'êtes plus humain, juste un numéro face à des toubibs au mieux surmenés, au pire blasés." ) et particulièrement virulente avec les laboratoires pharmaceutiques et leurs arrangements politiques.

Le narrateur est un pompier qui a perdu sa petite fille suite à des erreurs de diagnostic, de traitement et enfin par absence de greffon compatible.

Que va-t-il mettre en oeuvre pour se venger tout en attirant l'attention du public, et la notre par la même occasion ?



Les autres nouvelles de ce recueil sont peut-être moins axées sur la réflexion, ou en tout cas ne font pas spécialement avancer le débat sur l'importance des dons d'organe.



La nouvelle de Cécile Bontonnou aurait davantage eu sa place dans le recueil "Santé !" en réponse à "Lettre à toi" de Gaëlle Perrin. Alors que dans le premier recueil le cancer lui-même s'adressait à sa victime en lui faisant comprendre qu'il ne la lâcherait pas, la nouvelle ici présente "Deux rounds pour une vie" semble être la réponse de la victime aux métastases qui ont failli l'emporter et avec lesquelles elle a livré un véritable matche de boxe. Un bel hymne à la vie, une leçon de courage, mais qui n'avait pas forcément sa place dans le recueil.



Le don évoqué par François Legay dans "Auto-Immun" est celui du sang. Son texte parle d'un homme qui hait son prochain.

"J'aurais voulu voir sombrer, disparaître, se volatiliser l'humanité."

Même tendre la main à un sans-abri, il en est incapable.

Est-ce que son dégoût d'autrui, sa solitude et son aigreur ont un lien avec la paralysie progressive de tout son côté droit ?



Armelle Carbonel et Jacques Saussey n'ont quant à eux pas quitté l'univers noir du polar qui leur est si familier.

"L'horrorscope" ( un beau titre pour la necromancienne ! ) raconte comment une photographe de scènes de crimes interviendra sur un double meurtre dans un chalet de haute montagne. Le petit Pierrot a-t-il été témoin de l'agression de ses parents ? A-t-il vu qui a énucléé son père et qui a arraché le coeur de la poitrine de sa mère ?

En tout cas, l'horoscope qui annonçait "Restez sur vos gardes, les élans du coeur pourraient surgir là où vous ne les attendez pas" se vérifiera bel et bien dans des circonstances glaçantes.

Jacques Saussey quant à lui a imaginé une intrigue machiavélique avec beaucoup d'humour noir où le mot quiproquo prendra un sens inattendu. "En pièces détachées", c'est l'histoire d'un couple charmant qui a pour particularité de s'être connu par l'intermédiaire d'un site de rencontres mettant en lien des personnes en fin de vie.

Les greffes semblent en tout cas particulièrement inspirer l'auteur, qui inaugurait le recueil "Santé !" avec une autre histoire diabolique sur le même thème.



L'humour, c'est également ce qu'a privilégié Ian Manook qui dans "Une belle jambe" raconte l'histoire futuriste d'un écrivain qui a porté réclamation contre la FDG ( française de greffe ) parce que la prothèse de sa jambe droite couine, ce qui met en péril sa vie sexuelle. S'ensuit tout un dialogue complétement absurde bourré de jeux de mots et d'hypothèses farfelues avec les deux commerciaux venus essayer de trouver une solution amiable à ses doléances.

"Vous n'êtes pas satisfait du pack d'éléments motriciels de mobilité augmentée inférieur droit que nous vous avons greffé ?"

Les deux partis pourront-ils s'entendre sur un compromis ?



La qualité de tous ces textes varie beaucoup, mais j'en ai apprécié la grande majorité. Tous ces auteurs réunis autour d'une cause noble ont beau être regroupés sous l'appellation générale "Les auteurs du noir", beaucoup se sont éloigné de leur terrain de jeu favori et les nouvelles, bien qu'unies par un même thème, sont très hétéroclites. Privilégiant l'humour, la noirceur ou la sensibilité ; la science-fiction, le drame ou le polar, chacun a eu son approche personnelle ( certes parfois tirée par les cheveux ) pour nous faire vivre une petite histoire pleine de suspense ou riche de réflexions, et le plus souvent les deux à la fois.



Et puis aucun ne donne de grande leçon de morale, aucun ne cherche à nous faire culpabiliser ou n'insiste sur l'importance d'être donneur. Le sujet est complexe et la démarche très personnelle même si elle nécessite d'être évoquée avec son entourage. Chacun a ses croyances, ses convictions, son seuil de tolérance à la douleur.

Je n'arrivais pas à me positionner réellement sur le sujet, faute également de m'y être intéressé de près. Et à vrai dire je n'y parviens toujours pas même si je me sentirais hypocrite d'accepter le don dont je pourrais un jour avoir besoin si je n'offre pas potentiellement la même contrepartie.

Au moins maintenant je commence à me poser des questions, et j'ai même eu envie d'évoquer les nouvelles les plus marquantes avec mon entourage.

Et c'est déjà un pas en avant.

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Investigations avec un Triton

J'ai adoré tout simplement, je me suis rarement autant amusée en lisant un livre de fantasy. Il est au moins aussi décapant de Pratchett ou Dufour. Merlin est un méchant qui veut dominer le monde et le detective triton a la facheuse tendance de se transformer en dragon à la moindre contrariété.

C'est dans un univers assez déjanté (il n'y a qu'à voir le résumé pour le comprendre) qu'on l'on plonge pour une sombre enquête. Les jeux de mots et situations cocasses sont omniprésentes. C'est un anti-héros marin attachant qui enchaine les bétises accompagnés d'une paire de magiciens incompétents et du nobliau pas très "brave heart".



On y retrouve des questionnements éthiques sur le chomage des tritons, la crise environnementale et financière, des moules hallucinogènes, des montagnes jaunes, un roi complètement allumé et à coté de la plaque, un méchant qui ne peut pas mentir.
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En chasse !

Or donc, dans En chasse !, il ne sera ni question de pan-pan les p’tits zozios ni de la relique que saint Delafon apporta en l’église de Notre-Dame-du-cabinet-d’aisance le 29 février 1237. Et pourtant, même sans chasse, ça traque sévère dans le dernier bouquin de Jess Kaan !





Direction le nord de la France, vers ce bout du bout qu’on appelait autrefois le Nord-Pas-de-Calais. Depuis, le nom a changé, vu qu’on a récupéré Calais aux Anglois et qu’il ne reste plus rien de nordique dans cette région promise à devenir le centre névralgique de la production mondiale d’ananas grâce au réchauffement climatique. En attendant que les maraîchers du cru se lancent dans le fruit tropical made in France et épongent la dette nationale de leurs petits bras musclés et glyphosatés, la moitié septentrionale des Hauts-de-France reste égale à elle-même : grise et pauvre. Pendant ce temps, la partie méridionale, la Picardie, prépare son indépendance sous ma houlette, mais on parlera une autre fois du coup d’État que je fomente.

Or donc, dans ce Nord-Pas-de-Calais-ni-d’ananas, nous retrouvons les personnages introduits dans Punk Friction. Retour aux affaires pour le trio issu de cet organe répressif que d’aucuns appellent la police : le lieutenant Boris Lisziak, la capitaine Garance Fazrus et le commandant “Ah bon il a pas de prénom” Demeyer. Comme nous sommes dans une œuvre de fiction, ces trois flics se livrent à un véritable travail de police, à savoir mener une enquête et non pas tabasser des manifestants. Voilà qui redéfinit la notion de suspension d’incrédulité dans un pays où les forces de l’ordre portent très bien leur nom en affirmant haut et fort être à la solde du pouvoir et pas du tout au service des citoyens.





Sur quoi enquêtent les pieds nickelés ? Si je te le raconte, je te spoile tout le bouquin. L’auteur et son éditeur risquent de m’en vouloir et de me dépêcher en représailles une horde de spadassins. Pas que je craigne pour ma santé, j’en ai maté des pires, comme disait Manius Curius Dentatus à Pyrrhus, mais là, tu vois, je suis à court de place dans le jardin pour enterrer des corps. Je ne sais pas trop où je les caserais, les nervis dézingués. Sur l’intrigue, je vais donc devoir rester vague, tel Patrick Swayze dans Point Break.

Niveau arrière-plan, fil parallèle et intrigue secondaire, on trouvera un tueur en série appelé le Moraliste, une famille évaporée dans la nature et trois fûts métalliques chouravés au père Jean. “Je sais c’est un peu décousu mais moi je vous retranscris ça pêle-mêle aussi.” (Serge Karamazov, professeur émérite au Centre Universitaire Lillois)

Du côté de l’intrigue-principale-dont-on-ne-doit-pas-trop-dire-le-nom, le Voldemort narratif en quelque sorte, une double traque qui donne son nom au bouquin. D’un côté, un groupe de types pas recommandables pour deux sous qui pratique à la chasse à l’homme mais avec des femmes, et se livre à des viols collectifs en série. De l’autre, la maréchaussée qui leur court après.

Bref, c’est un “roman policier mais pas que…” comme c’est marqué sur la couverture.





À partir de là, t’as deux écoles. Celle du premier degré de lecture qui se contentera du polar, et l’autre à laquelle j’appartiens.

En chasse ! est très bien ficelé, pas de problème. Le gars Kaan connaît son affaire. Si tu aimes les bons polars, c’en est un, avec tout le cortège policier : enquête, interrogatoires, fausses pistes, suspects, indics… Il ne manque pas un ingrédient, avec en prime un bon tour de main de l’auteur pour que sa tambouille ne ressemble pas à une recette.

Parce que chez les auteurs aussi, on trouve deux écoles.

Tu as ceux qui ont lu L’anatomie du scénario ou autre ouvrage théorique du même tonneau, suivent le manuel à la lettre en petits tâcherons et te sortent un texte qui ressemble moins à un roman qu’à un cahier des charges pour une production hollywoodienne formatée. Tu vois les ficelles, les étapes, les items, comme si les chapitres étaient intitulés “1 – Présentation du héros”, “3 – Fausse piste”, “6 – Mort d’un personnage pour créer de la tension dramatique”, “8 – Mettre des boobs pour réveiller l’attention du lecteur”, et cetera. Travail de foutriquet, zéro finesse.

À l’opposé, on trouve les auteurs qui méritent cette appellation (pour ceux du paragraphe précédent, on parlera au mieux de gribouilleurs), qui ont pour la plupart lu les mêmes bouquins théoriques, mais qui ont su s’en approprier l’esprit pour créer leur propre méthode d’écriture au lieu de plaquer leurs idées sur le canevas d’un autre. Eux, ils savent polir le truc pour faire disparaître les raccords et camoufler la mécanique. Ils proposent un récit, pas un catalogue d’éléments narratifs. C’est ce que fait Kaan, qui t’embarque dans son histoire sans laisser transparaître les artifices de la construction littéraire. Ce même Kaan qui te livre un polar régional sans tomber dans l’excès pittoresque courant dans cette veine, où beaucoup se croient obligés de te trimballer dans tous les bleds de la région en te casant l’inventaire exhaustif des noms de rue, chaque curiosité du coin et des exposés barbants d’une histoire locale dont tout le monde se bat les flancs, à commencer par les indigènes.

Soit à l’arrivée un excellent polar sur le fond (l’enquête) comme sur le procédé (la narration).

Mention spéciale au premier chapitre. À la sortie d’Un long moment de silence, je me rappelle d’une discussion avec Paul Colize autour des premiers chapitres de polar/thriller. La mode est au trash. Toujours plus de sang, toujours plus de tripes, toujours plus gore pour choquer à fond le lecteur d’entrée de jeu. Surenchère qui finit par aboutir à du grand n’importe quoi dans un paquet d’ouvrages récents, avec des tueurs en série toujours plus caricaturaux, plus hollywoodiens, plus hors sol qu’un championnat de saut à la perche. Quand tu regardes IRL, la plupart des serial killers se contentent de buter des gens sans rituel ésotérique de fou furieux autour, sans signature grandiloquente, sans machinerie nécessitant un bac +12 et une formation d’ingénieur. Dans En chasse !, le premier chapitre frappe fort puisqu’il met en scène le viol de la petite Marie. Le passage est dur, cru, réaliste. Il ne cache rien… et en même temps, il y a une forme de pudeur et de retenue dans le sens où Kaan ne brode pas vingt pages de détails outranciers et tapageurs juste pour le douteux plaisir d’en mettre plein la vue au lecteur. Propre et moche à la fois.





Ici, on en revient à la deuxième école de lecture, celle qui va surtout s’intéresser au “mais pas que…”.

Un texte de Kaan ne serait pas du Kaan sans sa dimension sociale et sociétale, en un mot humaine. Loin des dorures du festival de Cannes, celui de Kaan s’attarde sur les petites gens, les classes populaires, le Français moyen, les pauvres, les exclus, les éclopés, bref cette masse de “sans-dents” et de “ceux qui ne sont rien” si chère (?) à nos dirigeants.

Et puis il y a cette formidable nature humaine qu’il dépeint. La violence, la haine sur les réseaux sociaux, les conflits mesquins entre voisins, les crêpages de chignon entre ex-époux, les jeunes délinquants qui se croient malins, les petits chefs qui se croient tout-puissants, l’homophobie, la respectabilité de façade, les viols, les meurtres… Et l’impunité, surtout. Qu’est-ce que tu peux risquer dans un pays qui laisse circuler les Balkany ou les Cahuzac et porte aux nues les Polanski, Sartre, Beauvoir, Cohn-Bendit ?





En chasse ! est donc beaucoup plus noir que Punk Friction, tu l’auras compris. Logique. Un tueur en série, la distanciation est possible en jouant sur le côté épouvantail, la figure archétypale du cinéma et la littérature et le fait que t’en croises pas tous les jours. Avec le thème du viol, on touche à quelque chose de plus plus proche, plus quotidien, plus ancré dans le réel qu’un assassin de carnaval.

Tu connais forcément quelqu’un à qui c’est arrivé.
Lien : https://unkapart.fr/en-chass..
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[Dons]

Le don d’organe est une question de vie ou de mort. L’affaire de tous. Les auteurs de romans noirs ne sont jamais les derniers pour défendre une cause et donner de leurs plumes.



Dons est un recueil de nouvelles dont les droits d’auteurs majorés sont reversés à France Adot, la Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains. Un plaisir doublé : soutenir une bonne cause tout en se faisant plaisir.



Et croyez-moi, ce recueil est plein de réjouissances pour les lecteurs, tant les textes sont variés, touchants, forts et parfois originaux. La greffe a clairement pris pour l’ensemble des auteurs aux cœurs d’or qui ont accepté de jouer le jeu.



Dons, ce sont 14 nouvelles avec chacune sa propre couleur, son propre battement :

Cécile BONTONNOU, pour un bon commencement

Armelle CARBONEL, œil pour œil

Jeanne DESAUBRY, histoire de filiation

Claire FAVAN, histoire de pardon

Bob GARCIA, amour à deux

Jess KAAN, engagé

François LEGAY, version aigrie

Ian MANOOK, désopilant

Éric MARAVÉLIAS, version anticipation

Olivier NOREK, enfantin

Max OBIONE, sensuel

Stanislas PETROSKY, amoureux

Jacques SAUSSEY, partageur

Franck THILLIEZ, histoire de séquestration.



Vous devriez vraiment venir participer à cette transplantation de bonnes âmes.



(PS : mention spéciale à Ian Manook qui prouve qu’on peut proposer une histoire hilarante sur un sujet grave)
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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Créature du miroir

Voilà donc la belle découverte que j'ai faite. Créature du miroir est un roman incroyablement touchant grâce à ses deux héros principaux, mais aussi terriblement inquiétant, frôlant parfois le roman horrifique. La créature qui hante la ville fait vraiment peur, le lecteur frémit et frissonne, je vous promets. J'ai suivi Aleks et Ludwik avec passion, j'ai été inquiète pour eux, bref j'ai vécu leur aventure en étant au premier plan. Je ne connaissais pas Jess Kaan jusqu'à présent et si tous ses romans sont du même acabit, je vais me laisser tenter pour en découvrir d'autres. En attendant je vous conseille vraiment de lire celui-ci que vous soyez jeune ou moins jeune, vous allez vous régaler.


Lien : http://bookenstock.blogspot...
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Les Héritiers d'Homère

« Les héritiers d'Homère », ouvrage sous la direction de Nathalie Dau (auteur bien connue dans le monde de la littérature de l'imaginaire), est une anthologie composée d'une vingtaine de nouvelles faisant intervenir aussi bien des auteurs confirmés que de jeunes écrivains « amateurs » qui tour à tour s'attaquent aux plus grandes figures de la mythologie grecque, d'Orphée et Eurydice en passant par Héraclès, Oreste ou encore Dionysos. Chaque auteur privilégie évidemment une approche différente, et celles-ci se révèlent assez variées. Certains textes optent ainsi pour une réinterprétation de ces mythes au moyen d'une transposition dans un cadre contemporain : Eurydice est présentée comme une camée acro au « Snake Bite » (morsure du serpent), Midas un as de la spéculation boursière, Persée un baroudeur chevauchant une moto appelée P-Gas...



On retrouve toutefois dans d'autres nouvelles l'époque antique, avec ses divinités, ses héros et ses pratiques cultuelles : on en apprend plus sur l'histoire d'amour d'Hadès et Perséphone, sur le caractère ombrageux d'Athéna ou encore sur les rituels liés à la déesse chasseresse Artémis. Si le thème abordé est, certes, intéressant, le tout est cependant un peu inégal, certains textes m'ayant laissé plutôt indifférente tandis que d'autres interpellent franchement. Je pense notamment au dérangeant mais efficace « Mayday » de J. A. Debats, nouvelle d'à peine quatre pages inspirée de l'histoire de Jason et Médée qui m'est longtemps resté à l'esprit, ou encore « Prisonnier de son image » de T. K. Ladlani consacré au personnage de Narcisse. En bonus à la fin de l'ouvrage : un dictionnaire des auteurs proposant une description succincte, pleine d'humour et d'auto dérision des participants.
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Emblèmes n°9 : La Route

Après Le livre d'or de la science-fiction centré sur les auteurs américains,

après Les Utopiales qui cherchent les perles dans les quatre coins du monde,

je découvre la collection Emblèmes, qui présente surtout des auteurs français.



Bon, l'illustration laisse à désirer, mais la qualité des nouvelles proposées est très bonne.

L'écriture en particulier est très soignée dans chacune d'entre elles, je parlerai donc peu.



À l'exception de la dernière, le thème est respecté à la lettre, ce qui n'est pas si courant dans les recueils.



Il y a en bonus une petite étude bien documentée sur le thème de la route, ainsi qu'une liste de romans assez fournie (à laquelle on ajoutera bien sûr La Route, de Cormac McCarthy, publié après).





Vado Mori – Léa Silhol (20p) *** (Urban Fantasy)



La fuite éternelle de deux amants. Lui, le « changeling » (quoique dans le texte il ne soit question que de « fays »). Elle, qui le suit par amour.

Bon, j'ai détesté ! C'est un road movie lent et dramatique dans les plus purs clichés du Young Adult, variante bad boy « différent » et amoureuse éperdue. Les amants maudits parlent avec une gravité qui donne l'impression qu'ils savent tout de la vie. Comme dans les comédies américaines, le nœud de l'intrigue consiste évidemment en une confidence qui est retardée au maximum, à grand renfort de je-te-coupe-la-paroles.

Ceci étant dit, si vous appréciez le genre, vous aimerez peut-être, car tout y est, les codes et l'esthétique sont respectés à la lettre, et l'écriture détonne par sa beauté.

En parlant d'écriture, j'ai quand même bloqué sur l'usage systématique de mots anglais pour rendre l'univers Fantasy (les fays, Frontier, mais aussi les noms des personnages : Shade, Fallen...). C'est à la fois facile et inapproprié je trouve.

La fin laisse un sentiment d'inachevé. Du reste, j'ai cru comprendre que ce texte faisait partie d'un univers, ou d'un recueil plus vaste. Il faut peut-être alors le prendre comme une porte d'entrée, mais en tant que nouvelle, on reste sur sa faim.

Thèmes abordés :

Amour, ségrégation, communauté, trahison, monde caché



TransSelvaExpress – Jean-Michel Calvez (20p) ***** (Fantastique)



Un magnat décide de faire construire une route traversant l'Amazonie, pour ses seuls intérêts privés. La tracé établi passe malheureusement par un village d'autochtones. Un problème ? Pas quand on fait la pluie et le beau temps sur la politique du pays.

Un pur régal, qui fleure bon « La forêt d'émeraude » pour le thème principal (les bulldozers aussi). On pense aussi au film « Le jaguar » pour le comique de situation très réussi entre l'ingénieur, l'interprète et l'indien (je parle de la nouvelle).

Jean-Michel Calvez ne déçoit pas avec cette nouvelle. Et ce n'était pas gagné, car avec sa structure en trois parties hétérogènes dans la tonalité, la proposition était risquée. Finalement cela fonctionne à tous les étages et finit avec panache, comme l'auteur sait si bien le faire.

Le parallèle avec la structure et les thèmes du film récent « Sans filtre » est étonnant : un film également en trois parties où, après un focus sur les mondanités, le rapport de force entre ultra-riches et pauvres est montré de manière très crue et choquante mais avec des séquences très drôles, puis la donne change dans la dernière partie.



Thèmes abordés : critique du capitalisme et des ultrariches, critique de la colonisation, Indiens d'Amazonie, pouvoir, chamans



Wanderlust – M. Christian (10p) **** (Fantastique)



Un homme sillonne les routes des États-Unis. À chaque halte, il suscite un sentiment vif auprès des personnes qu'il croise. Mais quel est donc son secret ?

Un road movie tout bien ficelé qui rappelle le grand succès de Patrick Süskind. Très classique dans les thèmes et dans la construction. Une chute qui ne déçoit pas, tout à fait conforme au genre. On en aimerait plus, mais en même temps tout est dit, et le dire si bien en si peu de mots est une preuve de maîtrise.

Thèmes abordés : road movie, envoûtement



Gênez pas la circulation – Antoine Lancou (10p) **** (Space opera)



Les routes de l'espace rapportent beaucoup, mais il faut les entretenir. Et quand des extraterrestres se mettent à bloquer la circulation pour revendiquer on ne sait quoi, mieux vaut faire appel aux briscards du chantier !

Un joli petit divertissement qui fait dans le loufoque. Le style familier porté par la narration à la première personne est parfaitement adapté et maîtrisé.

La chute n'est peut-être pas tonitruante, mais l'ensemble est très sympathique et réussit à faire rire, c'est l'essentiel.

Thèmes abordés : conquête spatiale, exploitation industrielle, extraterrestre, Contact, conflits sociaux, critique du capitalisme.



Cross Road – Sire Cédric (20p) ***** (Fantastique)



Un vieil homme s'apprête à prendre la route. À pied, comme il se doit. Oh, cette route, il l'a déjà prise il y a bien longtemps. Aujourd'hui il est vieux, certes, mais aussi libre en lui.

Peter Pan revisité.

Une petite nouvelle qui ne paie pas de mine. Une histoire d'enfance. Mais si la naïveté, l'innocence et l'imagination sont au cœur du sujet, l'écriture n'est en rien naïve, et bien vite elle parvient à capturer la sensibilité et la candeur du jeune âge. Et puis, il y a une histoire, une vraie. Une histoire qu'on croit ou pas, enfin ça, c'est vous qui voyez !

On a même droit à une chute bien amenée, classique, qui vient comme parachever la beauté éthérique du récit.

Thèmes abordés : imagination, enfance, croyance, amitié



Notre patrie se nomme Asphalte – Jérôme Noirez (10p) **** (Fantastique)



Dans une dictature crépusculaire, une poignée de vigiles sont chargés de surveiller les portes d'une cité agonisante. Ces portes sont au nombre de quatre. Une pour chaque point cardinal, d'où partent les autoroutes. Quant aux créatures qui rôdent sur l'asphalte...

Un thriller très bien construit, classique dans sa forme. C'est poétique et efficace à la fois. Un bel effort d'imagination sur un thème maintes fois traité.

La chute est un peu attendue, mais à la hauteur du récit.

Thèmes abordés : mort, massacre, tragédie, dictature, pardon, conscience collective.



Tous les vœux – Esther M. Friesner (20p) ** (Fantastique)



Un jeune orphelin parcourt les routes en direction de Washington, en plein hiver, avec deux protecteurs : un homme bon mais sans le sou qui l'a prit sous son aile, et le fantôme d'une femme asiatique.

Je n'ai pas accroché. J'ai trouvé le récit long et ennuyeux, même pénible avec le parler du gamin. Ses visions et ses dialogues avec le fantôme n'arrangent rien. On reste dans le brouillard jusqu'à la toute fin. Une fin qui tente de lever le mystère – les mystères. Malheureusement je ne suis pas sûr d'avoir tout bien compris.



Thèmes abordés : mort, guerre du Vietnam, violence familiale, pardon, fantômes, prière, religion.
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Le tueur des contes de fées

Bonjour amis lecteurs,

Je remercie chaleureusement les Éditions Le Héron d’Argent pour l’envoi en service presse du livre de Jess Kaan: « Le Tueur des Contes de Fées ». L’auteur nous entraîne dans un thriller redoutable, captivant et violent. L’intrigue est complexe et même tortueuse et fait la part belle à de multiples rebondissements qui nourrissent un final inattendu . Un tueur monstrueux sévit en décimant des jeunes de la haute société en s’inspirant des contes de fées de notre enfance comme scène de crime. Le personnage principal, un prêtre guidé par sa foi, se montre sous le jour d’un être émouvant et torturé. Le lecteur ressent ses angoisses, ses émotions et ses interrogations. L’auteur use d’une écriture percutante et visuelle. L’atmosphère est très sombre et angoissante. Un très bon moment de lecture.
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Les Héritiers d'Homère

Ici, il s'agit d'une anthologie de plusieurs nouvelles retranscrivant les mythes grecs principaux comme Hades et Persephone ou Narcisse. Les histoires sont assez bien écrites et mettent bien en avant l'ambiance à la fois mythologique et fantasy des personnages. Je ne mets que trois étoiles car malgré une bonne lecture et un moment agréable j'étais loin du coup de cœur.
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Emblèmes n°9 : La Route

La route : le thème peut surprendre pour une anthologie consacrée aux littératures de l’imaginaire. Il suffit pourtant de contempler la couverture gris d’asphalte réalisée par PFR, ces éclats de route brisée par les silhouettes troubles d’un chat noir ou d’un être saisi en pleine course, pour comprendre ce qu’elle incarne, le passage vers Ailleurs, la promesse de l’inconnu, l’excitation et le danger du voyage. Et c’est avec un frisson de plaisir anticipé que l’on se met en marche, sous la double conduite de Greg Silhol et de Jess Kaan.



Léa Silhol, « Vado Mori » : L’anthologie démarre à grande vitesse avec ce texte superbe, violent, conduit de bout en bout par un sentiment d’urgence. Sur les routes d’une Amérique en guerre contre l’altérité, l’histoire d’une fuite en avant qui est surtout une course vers le gouffre.

Thomas le Rimeur, « Les Trois Routes » : Impossible de parler de routes vers l’Ailleurs sans évoquer celle qui mène à Féerie, telle qu’elle est présentée dans cet extrait bien connu de la belle balade racontant l’enlèvement de Thomas par la Reine des Fées. Un passage que je relis avec un plaisir toujours neuf.

Jean-Michel Calvez, « TransSelvaExpress » : Quel poids peuvent avoir une poignée d’indiens, quand les caprices d’un riche industriel exigent que leur village soit rasé pour faire place à une route ? Le regard moqueur que porte Jean-Michel Calvez sur un monde corrompu ne suffit à occulter les menaces qui planent sur les protagonistes de cette triste affaire…

M. Christian, « Wanderlust » : Une nouvelle prenante sur les liens très particuliers qui attachent un représentant de commerce à la route.

Antoine Lencou, « Gênez pas la circulation » : Même sur les autoroutes de l’espace, des mécontents peuvent s’acharner à perturber la circulation ; et c’est au personnel d’exploitation du réseau qu’il revient de se débrouiller pour mener d’insolites négociations…J’ai moins accroché à cette nouvelle qui vaut surtout pour son portrait tendrement amusé des agents d’entretien des routes.

Sire Cédric, « Cross-Road » : Les adultes ont peut-être oublié, mais les enfants savent bien, eux, que la route bouge, et qu’à la lueur de la lune rouge, elle peut vous mener en d’étranges endroits. Magnifique et touchante nouvelle sur le regard de l’enfance, l’une des plus belles que j’aie pu lire sous la plume de Sire Cédric.

Jérôme Noirez, « Notre Patrie se Nomme Asphalte » : Quand l’autoroute devient pour les hommes un territoire hostile, un monde dont il faut se garder… Noirez livre ici un texte emblématique de son talent, un récit de cauchemar puissant et foisonnant, où l’épouvante s’en vient des routes pour engloutir les horreurs qu’ont façonnées les mains humaines.

Esther M. Friesner, « Tous les Vœux » : L’émouvant portrait de deux sans-abri, un gamin et son vieux protecteur Sammy en marche sous la pluie pour tenir un ancien vœu. Un récit tendre et grave, superbe.



Encore une belle résussite que ces textes où défilent les différents visages de la route, lieu de terreur ou de refuge. Qu’ils se déroulent à toute vitesse, poussés par le besoin de fuir l’horreur ou l’appel d’un autre monde, ou bien qu’ils fassent savourer au lecteur le plaisir du chemin et des intéressantes rencontres qui s’y font, ils explorent avec bonheur quelques pans de ce ruban d’asphalte ou de terre qui ne cesse d’appeler même les plus sédentaires d’entre nous.

Pour prolonger le plaisir, Jess Kaan nous livre avec « Ce qui s’attelle à nos pas » un passionnant panorama des êtres que la légende associe à la route, avant de suggérer au lecteur aventureux d’autres voies à parcourir par le biais de la traditionnelle et toujours judicieuse bibliographie.



[Impression de lecture jadis publiée sur Le Coin des Lecteurs]
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Dérobade

Le maître mot pour qualifier ce recueil est diversité. Le lecteur passe de l’horreur au fantastique, de l’humour à la SF et de l’écriture engagée aux délires les plus fous. Ambiances différentes, problèmes de société, son écriture efficace nous fait entrer dans des mondes où l’espoir est parfois absent.

Certains thèmes reviennent sous des angles différents : face cachée des grandes villes, leur côté obscur ; la revanche de la nature sur l'homme (notamment dans la nouvelle Dérobade où nous voyons la forêt se venger des ravages de l'homme...). Du rire à la terreur, de la douceur à la douleur, Jess Kaan emmène son lecteur à travers les émotions les plus variées.
Lien : http://cendresombre.canalblo..
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Le tueur des contes de fées



5 raisons de lire ce roman :

- Un thriller original

- Des rebondissements assez fou

- Une atmosphère angoissante

- Un roman captivant

- Les contes de fées que vous connaissez vont devenir vos pires cauchemars

.

J’ai beaucoup aimé l’originalité de ce thriller. Nous sommes entraînés dans une intrigue farfelue, passant par quelques rebondissements qui rendent la plume prenante. Si vous arrivez à trouver le meurtrier… Chapeau à vous ! Même en mettant ma casquette d’agent du FBI, je n’ai pas réussi ! 😭 Le seul bémol pour moi est que je n’ai pas réussi à entrer dans l’univers de l’auteur 🥺


Lien : https://www.instagram.com/fe..
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Investigations avec un Triton

Le livre à peine terminé, et j'ai déjà envie de connaître la suite des aventures de ce triton pas comme les autres.



L'histoire commence avec Merlin, qui n'est pas le sage enchanteur que nous connaissons mais un tyran prêt à tout pour contrôler le monde. A celui-ci s'oppose Eidonus, détective triton de son état, Circé une magicienne et Geoffroy de Monthardi, preux chevalier, toujours prêt à voler au secours d'une gente damoiselle. Au cours d'un combat contre Merlin, toute l'équipe et Merlin se retrouvent projeter dans un autre monde via un vortex spatio-temporel. Là commence les aventures d'Eid et sa bande pour rentrer chez eux!



Si le sujet même du livre a mis un peu de temps à se mettre en place, l'histoire se lit très bien. Le début m'a beaucoup fait penser à H2G2, avec son côté voyage de planètes en planètes et son humour décalé. Ensuite l'intrigue se met en place et on se retrouve au coeur d'une enquête pleines de rebondissements.



J'ai adoré l'utilisation des jeux de mots.On cherche tout le temps à associer un personnage, une situation ou un organisme à son équivalent dans la vie réelle. Chaque jeu de mots de notre langage courant trouve son équivalent poseidonien. C'est un vrai plaisir de les découvrir.

Le personnage de Shell Eidonius est une réussite. J'ai retrouvé avec lui un peu de l'ambiance des films de détectives privés à la Nestor Burma.



En conclusion, un livre vraiment agréable à lire, bien construit et une fin qui présage d'une suite!

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Punk Friction

Le Off de Oph pour Collectif Polar

C’est avec beaucoup d’humour que Jess Kaan nous entraîne dans une double enquête, entre Lille et Auchel (le Pas de Calais pour les non ch’ti), dans mon plat pays.



Il y a beaucoup de choses à dire sur ce roman, qui je dois l’avouer ne m’a pas émue, mais touchée. Touchée parce qu’il est une véritable critique de notre société. Avec des prises de positions assumées et une grande habilité, l’auteur amène son lecteur à réfléchir sur des sujets qui sont tout sauf légers.



Ainsi Jess décrit une jeunesse perdue et désabusée:

« Quatre paumés du Nord, le genre de gosses comme il en existe des milliers, une génération sacrifiée par un système à bout de souffle. Enfants cassés, enfants broyés par des rouages socio-économiques les dépassant. Difficultés familiale au sein de tribus éclatées, borderline, échec scolaire lié à leur différence, aucune perspective et aucune possibilité de rémission. »



Il parle d’une région qui souffre de l’abandon des politiques élus:

« les bâtisses rappelaient surtout qu’Auchel avait grandi avec les mines, comme d’autres villes du bassin avant que tout s’arrête; subitement. Parce que les politiciens gouvernaient sans prévoir. Parce que les travailleurs trimaient pour finir le mois. »



Mais il rend aussi hommage aux habitants de la région, car s’il joue avec les clichés (qui ne sont pas nés de rien), l’accent, la consommation d’ alcool etc… il met en lumière une population qui galère plus qu’ailleurs, ces personnes courageuses qui donneraient tout pour leurs enfants:

« A côté, tu as un tas de braves gens qui triment ou essayent de gagner leur vie et qui s’en sortent tant bien que mal. Plutôt mal que bien. En tous cas de pire en pire, ceux-là, tu n’en entends jamais parler. Ils paient leurs impôts, il essaient d’envoyer leurs gosses dans de bonnes écoles pour qu’ils aient un avenir correct et ils ont le sentiment d’être jetés par tous les partis politiques. »



Effectivement, comme le dit la ligne éditoriale « roman policier mais pas que… »



Mentions spéciales:

Une rencontre avec une vieille « boyau rouge » qui m’a rappelé les petites vieilles de Carvin (dans le Pas de Calais aussi), toudis cachées derrière leurs rideaux ou assises sur leur pas de porte à épier la vie de leur petite ville, mais surtout de leurs voisins!

L’utilisation du « parlé » du bassin minier qui renforce la crédibilité des propos… l’immersion est totale!



« Punk Friction » m’a touché mais m’a aussi beaucoup fait sourire. Les sujets si graves soient-ils sont abordés finement et avec humour pour ne pas tomber dans le pathos,les préjugés. La critique est acerbe mais tellement bien amenée. Une intelligence d’écriture qui marque.

L’exercice n’était pas simple et Jess y est arrivé haut la main!
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Punk Friction

En route pour le cercle polaire français, on s'offre une virée à Auchel avec un détour du côté de Lille. Les amateurs de draches septentrionales en seront pour leurs frais : c'est l'hiver, il tombe de la neige (un genre de pluie croisée avec du coton dans un laboratoire céleste, de l'EauGM en quelque sorte).

Le Nord-Pas-de-Calais sans flotte, pourquoi pas ? Ça n'a l'air de rien, mais ce n'est pas rien justement. Les considérations météorologiques, en général, je m'en tamponne le haricot. Ici, elles font sens. Ce détail est symptomatique du bouquin qui joue sur les attendus et les archétypes pour mieux les contourner. Ou les détourner, ça marche aussi (mais pas péritourner, parce que ce verbe n'existe pas).

Ainsi la traditionnelle pluie de ch'Nord devient chute de flocons. Idem le duo de flics. Non, les deux gus ne se transforment pas en bonshommes de neige, laisse-moi finir la démonstration. D'un côté, Demeyer, le briscard qui a tout vu dans sa carrière au point d'y perdre une part de son humanité. de l'autre, Lisziak, le petit jeune, règlement-règlement, des idéaux de justice plein la tête. Duo classique que tout oppose… sauf que l'idée n'est pas de pondre un buddy movie de papier, où l'un dit “blanc”, l'autre “noir”, et à la fin ils sont super potes et claironnent “gris” en choeur. le binôme s'enrichit de Garance Fazuras pour devenir à la fois trio et doublé de duos avec Lisziak comme pivot. le roman y gagne sur tous les tableaux avec un traitement plus intéressant qu'un bête mode binaire mille fois vu et un personnage féminin qui n'est ni une super-héroïne invincible ni une princesse potiche à la Disney.





On en dira autant de l'enquête… Enfin non, on en dira moins pour ne pas spoiler. Un corps cramé dans un cimetière, une étudiante massacrée… deux affaires avec les mêmes enquêteurs… Si on était dans Les Experts ou le polar d'un auteur lambda, les deux trames seraient liées avec cinquante mètres de scotch et vingt bobines de grosse ficelle. Ok, on se doute bien qu'il y a un rapport entre les deux, mais Kaan se montre malin en t'emmenant toujours ailleurs que là où tu le prévoyais. Et pas n'importe comment, hein, la direction qu'il prend tient la route. Tout ça pour arriver à une fin parfaite, un vrai final de roman noir qui ne louche pas vers le rose.

Punk Friction est une réussite en matière de polar. Il joue des codes et des archétypes, les respecte dans leur essence, tout en leur tordant le cou dans son développement pour ne pas t'assommer de clichés. Ce roman ne se contente pas de de cocher des items dans le cahier des charges, il contient de la surprise, denrée qui commence à se faire rare dans le flot des productions formatées.





Le décor et le contexte bénéficient du même traitement. le cadre d'ancien bassin minier en pleine crise est indissociable de la région, comme ses personnages issus de la classe populaire. C'est le Nord-Pas-de-Calais avec son quotidien gris, ses pauvres, ses chômeurs, ses forçats qui se crèvent pour des clopinettes. Cliché ? Non, portrait très juste d'une région en crise qui n'a pas su se reconvertir, pas aidée par ceux qui auraient pu et ont préféré se concentrer sur les délocalisations ou le brassage d'air électoral.

Indissociable, disais-je, oui et non. La réalité socio-économique dépeinte dans Punk Friction transcende son contexte local. Partout ailleurs dans l'Hexagone comme dans les DOM-TOM, tu retrouves les mêmes petites gens avec les mêmes gros problèmes. le bon peuple à qui on n'arrête pas de promettre la lune et qui l'a toujours pile à cet endroit. La police qui doit faire face au manque d'effectifs et de moyens… Les ministres hors-sol qui débarquent, se pavanent et repartent au chaud dans leur bureau parisien… Les édiles locaux plus soucieux de leur image que de leurs administrés… Ces mêmes administrés pour qui la notion de perspective se résume à ça, une notion, sans rien de concret derrière, aussi tangible que l'horizon si cher à Flanby. le monde avance, l'Etat recule, comment veux-tu… Tout ça, c'est partout en France.

Punk Friction te raconte l'échec d'un modèle étatique, économique, social qui fonctionne en roue libre. L'histoire aussi des marges qui occupent petit à petit les trois quarts de la feuille. Les punks, les pauvres, les jeunes, des gens qui ne comptent pas vraiment, parce qu'“ils n'avaient qu'à”. Qu'à quoi, on ne sait pas… En attendant, c'est no future pour tout le monde, pas seulement ceux qui portent des crêtes bariolées. le thème de la jeunesse occupe une place majeure dans le roman, mais tu peux oublier le bon temps des rires et des chants. Pour les gamins, il n'y aura pas de futur non plus et, pire, ils en sont conscients. Désoeuvrés mais pas que : désespérés.





Noir, c'est noir, et cetera. Punk Friction distille aussi des bouffées de légèreté, d'humour même, dans le ton ou certaines formules. Bon moyen de ne pas rendre chaque page plus anxiogène que la précédente et d'accentuer le contraste avec les passages les plus glauques.

On ne le répètera jamais assez, Kaan a une plume superbe, sur le fond comme sur la forme. Il le prouve encore une fois avec cette "freaktion".
Lien : https://unkapart.fr/punk-fri..
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