AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Joaquim Maria Machado de Assis (60)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le philosophe ou le chien Quincas Borba

« Eh bien ! pleurez les deux êtres qui viennent de mourir, si vous savez pleurer. Et si vous savez seulement rire, riez. C'est la même chose. »



Quincas Borba ou le philosophe chien. le parti du qu'en rira-t-on. Quelle comédie ! Obragido Joaquim Maria !



***



Mulâtre, descendant d'esclaves, celui qui fondera l'Académie des lettres du Brésil, sera célébré comme un immense écrivain alors même que l'esclavage ne sera aboli qu'en 1888, et aura droit à des funérailles nationales.



Le grand romancier lusophone, reconnu d'Anatole France à Salman Rushdie en passant par Philip Roth, nous invite à ne pas nous prendre au sérieux et n'a aucune intention de s'effacer derrière les personnages de son roman.



Le lecteur apprend à le connaitre, par intermittence, au fur et à mesure que se déroule la farce, le narrateur prend autant de plaisir que le lecteur et n'est pas en reste de petits commentaires acerbes et mondains sur les turpitudes, les marivaudages et les faiblesses d'égo de ses personnages.



Machado de Assis est plein d'attention pour son lecteur, tout au long du livre, il nous claque des doigts à l'oreille de peur que nous somnolions, nous chambre au besoin si nous n'avons pas pris assez de recul sur un évènement du livre, avec malice et courtoisie grâce à un procédé, l'une des six fonctions du langage : la fonction phatique.



Cette fonction, découverte par le linguiste Jakobson, sert à s'assurer que « la communication passe bien », contrairement à l'information qui délivre un énoncé, la fonction phatique s'intéresse à l'interaction sociale, à la façon dont le locuté reçoit le message du locuteur (exemple : la ligne téléphonique est brouillée vous interrompez votre propos pour dire « allo, vous m'entendez bien là ? »).



« Un monde de larmes serait monotone, un monde de rires, lassant ; seul un judicieux mélange de pleurs et de polkas, de sanglots et de farandoles, peut donner à l'âme du monde sa nécessaire diversité : ainsi s'établit l'équilibre qui caractérise la vie. »



Néanmoins, Machado de Assis et sa douce ironie ne tournent jamais en dérision les personnages de ce roman. A la dérision, Machado oppose le dérisoire. Dérisoire des conventions, des mondanités, des coquetteries, des folies, des orgueils et des dépenses.



« Écoute donc, ignare ! Je suis Saint Augustin. Je m'en suis avisé avant-hier : écoute et tais-toi. Tout coïncide ». le philosophe fou Quincas Borba ouvre ce livre et lui donne son nom, ainsi qu'à son chien.



Puis vient son ami et héritier Rubião personnage principal du livre, sorte de « candide au pays des cariocas ». Originaire de Barbacena, il monte à Rio : « la capitale est terrible ; on y attrape une passion comme on attrape un rhume ; un filet d'air, et l'on est pris » et voyez vous-mêmes comme Machado de Assis en tire le portrait : « Rubião avait plus de crédulité que de convictions ; il ne voyait jamais de raisons de contester ni de soutenir un point de vue ; ou pouvait semer à l'infini dans son esprit, le sol restait toujours comme vierge, prêt à accueillir n'importe quoi. »



Et enfin la figure de Sofia Palha, jalouse de sa beauté : « elle était de ces femmes que le temps, sculpteur patient, ne porte pas d'un coup à leur plus haut point de beauté mais s'attarde à polir ». Séductrice nonchalante, prise au piège de son physique, elle est poussée à s’assurer toujours qu’elle est intéressante, même lorsqu’elle n’est pas intéressée.



« Il pesta intérieurement contre l'homme qui l'arrachait ainsi à ses souvenirs. Souvenirs sans beauté, certes, mais précieux parce que anciens – anciens et médecins de l'âme : se plonger en eux, c'était boire un élixir qui guérissait du présent. » Les personnages de ce roman très théâtral nous offrent certes quiproquos, badinages et loufoqueries mais tout cela avec une attention extrême au détail, notamment dans le jeu mondain entre les pensées et les actes, une finesse qui confine à la sociologie, et qui ne manquera pas d'évoquer chez le lecteur des moments vécus.



« Mon cher monsieur, si l'on regarde de près, la vie ne dispose que de quatre ou cinq situations fondamentales, et ce sont les variantes apportées par les circonstances qui nous les font innombrables. » le livre ne manque pas non plus de réflexions par exemple sur les apparents choix de vie qui se réduisent comme peau de chagrin et ne se singularisent que par quelques nuances dans les coloris de la tapisserie mondaine, de la variété des climats sous lesquels nous vivons nos passions et nos soumissions.

J'ai lu ça chez Paul Valéry pour qui « L'homme est comme prévu pour plus d'éventualités qu'il n'en peut connaître », mais également chez D.H Lawrence pour qui le monde – supposé plein de possibilités – se réduit à quelques-unes pour la plupart des êtres humains.

Est-ce que les écrivains font ce constat dans leur vie ou est-ce au moment de créer une oeuvre que finalement, sous leurs feuillets, la diversité de situations, d'existences et de trajectoires les poussent à cet humble constat, à savoir que l'on passe sa vie à écrire le même livre ?



On rit haut (de Janeiro) dans cette comédie très fluide, effervescente et bien ciselée, sachez seulement que vous n'entrez pas seul dans ce roman, votre guide, Machado de Assis, vous attend de pied ferme : « suis-moi, ami lecteur ».



Qu'en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          9611
L'Aliéniste

C'était un premier contact avec cet auteur classique brésilien du XIXème siècle mais probablement pas le dernier.

J'ai été de suite séduite par son ton aux accents voltairiens, faits d'humour, d'ironie et de fausse naïveté destiné à enfoncer le clou d'un propos toujours bien plus profond et philosophique qu'il n'y paraît de prime abord.

Joaquim Machado de Assis nous présente donc, dans ce petit roman sis en une ville provinciale du Brésil, Itaguaí, les frasques effrayantes d'un scientifique austère, froid et minutieux.

Le docteur Simão Bacamarte veut connaître LA vérité, LA poursuivre jusqu'au tout dernier trou de souris où ELLE se terre traitreusement, LA disséquer pièce par pièce jusqu'en son ultime atome, et, pour ce faire, ne reculer devant aucun moyen, quelque infâme qu'il puisse être, pour arriver à cette fin.

Son sujet d'étude, c'est la folie. Son objet d'étude sera donc la population d'Itaguaí.

Pour ce faire, il va patiemment et consciencieusement mettre sur pied une structure efficace, c'est-à-dire un asile d'aliénés désigné sous le tendre nom de " La Maison Verte ". (N. B. : les créateurs de la marque de détergent homonyme ont tablé sur une méconnaissance de ce roman par les consommateurs, sans quoi ils n'auraient pas osé y faire référence !)

Peu à peu, dans un souci toujours (toujours ?) scientifique (scientifique ?), toute la population va séjourner dans la Maison Verte. Bien sûr, à Itaguaí, ceci ne va pas sans heurts ni sans soulever quelques interrogations...

Les questions que nous soulève Machado de Assis, pour nous lecteurs, sont encore plus intéressantes voire terrifiantes.

Quelle utilisation le pouvoir peut-il faire d'une telle structure ? (L’Allemagne nazie, Les États-Unis, L'U.R.S.S. ou la Chine, pour ne citer qu'eux, ont malheureusement donné largement raison à l'auteur.)

Qu'appelle-t-on folie ? Où se situe la limite ? Qu'est-ce que la normalité ? Qu'est-ce qu'être sain d'esprit ?

C'est là que les questions de L'Aliéniste prennent toute leur force et revêtent un aspect inquiétant. Sommes-nous TOUJOURS sain d'esprit ? Quelle QUANTITÉ de folie contient telle décision, tel comportement ? Où se situe la limite ? Qui situe la limite ?

Un captivant questionnement, en somme ; une écriture vive et plaisante par son humour naïf, qui est loin de l'être ; et donc, pour moi, une excellente impression. Mais — est-ce folie de l'avouer ? — ce n'est que mon impression, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          763
Un Capitaine de Volontaires

Un Capitaine De Volontaires est une nouvelle écrite au tout début du XXème siècle par l'un des plus grands écrivains brésiliens de tous les temps, Joaquim Maria Machado de Assis et qui était à l'origine incluse dans un recueil intitulé : Relíquias da Casa Velha (qui doit signifier, d'après mes faibles lueurs en portugais, quelque chose comme " vieilles reliques domestiques " ou à peu près ; les lusophones me corrigeront au besoin).



C'est un format, un thème et une écriture qui conviendrait admirablement à un public d'âge du lycée. On y parle essentiellement d'amour et ce avec un parfum d'exotisme qui nous téléporte sans peine dans un univers sud-américain à la Corto Maltese ainsi qu'un je-ne-sais-quoi de grandeur d'âme d'une époque révolue. Bref, tout pour faire palpiter vos petits cœurs sensibles, mesdemoiselles.



La narration gravite autour de trois personnages, même s'il est fait mention de deux ou trois autres ; un homme de belle prestance, que l'auteur désigne pudiquement sous le titre de X***, une femme plus jeune, Maria, admirablement belle, qui vit maritalement avec ce dernier après avoir été mariée toute jeune, et enfin, le narrateur lui-même, Simão de Castro, ami commun des deux précédents.



C'est donc une magnétique montée en puissance du sentiment amoureux que Machado de Assis nous dépeint entre le narrateur et cette belle et mystérieuse Maria et ce, en dépit même, du respect et de l'amour réciproque qu'il ont vis-à-vis de X*** qui suscite l'admiration de tous.



J'ai trouvé là-dedans un petit quelque chose à la Stefan Zweig, pas désagréable même s'il y a peut-être un peu trop de beaux sentiments à mon goût, moi qui ai dépassé l'âge du lycée depuis des lustres. Mais, fait notable, cette nouvelle m'a fait me pencher sur un conflit dont j'ignorais tout jusqu'à présent, à savoir, la Guerre de la Triple Alliance.



Il s'agit de la plus grande guerre survenue jusqu'à ce jour en Amérique du sud depuis l'indépendance des différents pays constitutifs. Elle opposa dans la seconde moitié de la décennie 1860 le Paraguay, d'une part, à une coalition faite du Brésil, de l'Argentine et de l'Uruguay, d'autre part. Il en résulta une perte substantielle de territoire pour le Paraguay au bénéfice du Brésil et de l'Argentine.



En somme, une belle petite nouvelle, bien écrite, assez dépaysante et pour laquelle je remercie chaleureusement tant Babelio que les éditions La Découvrante et Les Arêtes qui m'ont permis de la découvrir dans le cadre de Masse Critique. Je rappelle enfin que tout ce que j'ai écrit n'est qu'un ressenti brut de lecture, donc le reflet d'une forte subjectivité, c'est-à-dire, bien peu de chose en vérité.
Commenter  J’apprécie          720
Dom Casmurro et les yeux de ressac

Ah! quel magnifique récit derrière ce titre énigmatique dont le narrateur nous donne rapidement la clé: Dom Casmurro et les yeux de ressac, publié en 1899, quelques semaines avant la mort de l'auteur. Troublant.

Un doigt divin a du orienté mon choix sur ce septième roman de Joaquim-Maria Machado de Assis.



Un récit qui se présente comme une autobiographie où le narrateur interpelle son lecteur et le prend à partie:  « Mon but évident était de relier les deux extrémités de ma vie, et de recréer dans ma vieillesse mon adolescence. »

Je suis tombée dans le panneau et je suis devenue le temps de ses confessions, souvenirs de moments inoubliables, une auditrice attentive et me suis transformée en une Dona, Dona Helena pour être précise, à ne pas confondre avec Dona Flor et ses deux maris, une des héroïnes de Jorge Amado.



Je reprends.

Comment ne pas être séduite par ce personnage, j'ai nommé Dom Casmurro, un homme qui communie avec les cocotiers!

Mais avant de devenir Dom Casmurro, surnom signifiant le bourru, le narrateur a été un adolescent plein de rêves, dévoré par l'amour. Amour inconditionnel qu'il voue à sa divinité, j'ai nommé l'inoubliable Capitolina ou Capitou.

En lisant ses mémoires, nous entendons les réflexions, les idées de Dom Casmurro, nous accueillons ses émotions. C'est cela le miracle!

Ses aveux nous permettent de comprendre comment Bento Santiago, Bentinho, le bel et vif adolescent destiné à la prêtrise par sa mère, est devenu peu à peu Dom Casmurro, cet homme de 60 ans silencieux et absorbé, taciturne... pourtant malgré sa sincérité apparente il sème aussi en nous le doute.



Lectrice assidue, je suis donc devenue son amie et je me suis amusée.

J'ai adoré retrousser mes jupes révélant sur mes bas les jarretières de soie bleue pour lui faire tourner la tête, dévoiler mes bras pour rivaliser avec la beauté de ceux de Capitou.

J'ai profité d'une galerie de portraits teintés d'humour qui m'ont permis de percevoir les différentes classes sociales.

J'ai apprécié bien d'autres choses que je ne dirais pas pour vous laisser languir, des curiosités qu'il faudra découvrir vous-même.



Nous sommes au Brésil, à Rio de Janeiro sous le règne de Dom Pedro II et, nous évoluons dans une famille représentative de l'élite terrienne dont est originaire notre Bento. L'auteur esquisse en toile de fonds voire en pointillé son environnement contemporain, avec les chacaras où s'affairent les esclaves, avec un indispensable représentant des agregados, hommes libres attachés à une riche famille. Mais oublions le décor car le sujet est bien un voyage intérieur. Nous pénétrons la conscience du narrateur, un beau voyage dans son âme tourmentée.



Une écriture moderne qui gomme l'espace temps, je me suis régalée.

Un roman d'amour, un roman sur l' incommunicabilité, la jalousie.

Un auteur à redécouvrir et de mon côté à approfondir.

Un petit bijou!



Commenter  J’apprécie          6712
L'Aliéniste

À la fin du 19e siècle, Simon Bacamarte est un jeune homme fortuné mais il est tout occupé à la tâche qu’il s’est donné. Diplômé aliéniste (ce qu’on nommerait aujourd’hui psychiâtre), il réussit à convaincre les autorités de sa région natale du Brésil, Itaguaï, d’ouvrir un asile pour accueillir les malades mentaux. Tous applaudissent cette initiative. Ne le feriez-vous pas ?



Les premiers cas sont intéressants, mais rapidement tous les locaux qui présentent des comportements inaccoutumés (sans être nécessairement signes de folie aux yeux de leurs concitoyens) sont internés. Et ceux qui osent critiquer sont les prochains suspectés de démence. Après tout, pourquoi voudrait-on libérer un malade mental ? On agrandit et agrandit l’hôpital jusqu’au point où la moitié de la population est sous la garde de l’aliéniste.



Pendant ce temps, les passions se déchainent, les locaux insatisfaits marchent vers l’asile, cette « Bastille d’Itaguaï ». La garde dépêchée pour arrêter les émeutiers se joint à eux, c’est le désordre total ! La rébellion renverse les autorités et proclame un nouveau conseil municipal. Pour l’aliéniste, de telles manifestations de violence sont symptômatiques d’un trouble. Et pareillement pour les supporters de ce gouvernement. Il faudrait les interner…



Comme vous voyez, il n’y a aucune solution. L’aliéniste trouverait le moyen de confiner dans son asile autant ceux qui disent blanc que noir. Malgré cela, on ne peut que suivre la logique inébranlable de Bacamarte. En même temps, on comprend toute l’ironie qu’elle contient, et la critique (sous couvert d’humour) qu’elle fait de la politique et des sciences sociales. Peu importe qui détient le pouvoir, il est toujours dangereux et on doit l’utiliser avec la plus grande prudence.



Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Après avoir reconnu que plus de la moitié de la population soufre d’une santé mentale fragile, ceux qui sont sains d’esprit forment dorénavant une minorité, un cas d’anormalité. Ne serait-ce pas eux qu’on devrait interner ? Comme c’est inquiétant.



Et qu’en est-il de l’aliéniste ? A-t-il été diagnostiqué ? Devrait-il le faire ? Par lui-même, sans doute. À jouer à Dieu, il finit par se croire infaillible. D’où l’importance de ne pas concentrer tous les pouvoirs entre les mêmes mains. Je suppose que l’auteure savait de quoi il parlait, l’Amérique du Sud a vécu plusieurs changements de régime depuis… toujours.



Sous couvert d’aventures rigolotes, le roman L’aliéniste soulève de bonnes questions. Je m’attendais à une lecture agréable et drôle, et ce l’était effectivement, mais beaucoup plus en même temps. J’aime de tels romans, qui réussissent à me faire réfléchir sans en donner l’impression. Joaquim Maria Machado de Assis, que je découvre avec ce roman, vient de gagner un lecteur. Sa plume, tant par son style que par son propos, est d’une incroyable modernité, même cent cinquante ans plus tôt.
Commenter  J’apprécie          502
Le conte de l'école

Pilar, un enfant rêveur et intelligent, hésite entre son école et les endroits qu'il affectionne pour jouer à Rio de Janeiro. Mais le souvenir de la correction que son père, très autoritaire, vient de lui infliger, l'incite plutôt à rejoindre sa salle de classe, où règne un maître non moins terrifiant. En ce mois de mai splendide Pilar préférerait gambader dehors avec d'autres enfants vagabonds. Raimundo, le fils du maître, enfant chétif et lent, fait à Pilar une proposition étrange : une petite pièce en argent en échange de quelques leçons. Pilar ne peut renoncer à l'attrait de cette pièce; mais, très vite, ce marché sera dénoncé par un autre enfant, Curvelo, qui n'avait cessé de les épier. Dans ce conte plein de subtilité Machado de Assis évoque aussi une période très sombre de l'histoire du Brésil, celle de La Régence sous le règne de Pedro II.
Commenter  J’apprécie          496
L'Aliéniste

En cette fin de 19ème siècle, le docteur Simon Bacamarte revient dans sa ville natale d'Itaguaï, à quelques encablures de Rio de Janeiro. Fort des nouvelles connaissances qu'il a acquises en Europe et de son diplôme d'aliéniste, il porte désormais un regard aigu et assuré sur les choses de l'esprit humain, en particulier sur la folie : il y a la folie et il y a la normalité. Bardé de son savoir, il convainc les autorités locales de construire un asile, la Maison Verte, où seraient internés et soignés les aliénés de la ville. Un projet jugé louable, responsable et progressiste, donc aussitôt accepté. Et aussitôt pris en charge, les malades mentaux et autres coupables de comportements anormaux. Premier accroc dans la belle théorie : qu'est-ce donc que la normalité ? Manifestement, aux yeux du bon docteur, beaucoup d'habitants de la ville en manquent, et sont donc internés illico. Y compris son épouse, qui développe une "passion anormale" pour le luxe. A ce rythme, c'est plus de la moitié de la population qui séjourne gracieusement à la Maison Verte. D'où le deuxième couac : si les fous sont majoritaires, c'est que la folie est normale, et qu'il faut donc enfermer les gens raisonnables. A force de telles aberrations, troisième hic : la population se révolte et marche sur la Maison Verte comme sur la Bastille, prend le pouvoir de force, ce qui est complètement fou, de sorte qu'elle doit être internée.



D'un retournement à l'autre, le docteur Bacamarte réalise que sa théorie ne se vérifie pas en pratique, que la folie n'est pas unique mais multiple, qu'on peut être fou et normal, en même temps ou pas, et dans une infinité de proportions. Il en arrive à la seule conclusion sensée de son expérience : peut-être est-ce lui qui est fou...



Conte philosophique jubilatoire, écrit à une époque où la science prend le pas sur la religion, "L'aliéniste" pose la question de la définition de la folie mais aussi celle de l'usage des hôpitaux et autres expérimentations psychiatriques lorsqu'ils tombent aux mains de personnes moins préoccupées de santé mentale que de leurs propres intérêts et ambitions de pouvoir, politique ou économique... le bien, le mal, la folie, la raison, l'arbitraire et le libre arbitre, des questions vertigineuses ramassées dans ce tout petit roman ironique et brillant.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          412
Le philosophe ou le chien Quincas Borba

Au Brésil, à la fin du 19ème siècle, Rubião est un modeste professeur qui tient lieu d'homme de compagnie et de garde-malade au philosophe millionnaire (ou l'inverse) Quincas Borba. A la mort de ce dernier, qui flirtait avec la folie depuis un certain temps (mais n'allez pas le répéter au notaire, cela pourrait remettre en question son testament), Rubião hérite de son immense fortune, à une condition : s'occuper du chien, également dénommé Quincas Borba, du vieil homme.

Voici donc le pauvre (enfin, façon de parler, désormais) Rubião tout ébaubi par ses nouvelles richesses, qui décide de s'installer à Rio. Il en découvre bientôt les fastes, la vie culturelle et sociale, les mondanités. Naïf, le candide ex-professeur se fait rapidement de nouveaux « amis », intéressés par son principal trait de caractère : sa générosité dispendieuse. Rubião se trouve ainsi embarqué dans des affaires commerciales douteuses, endosse les dettes des uns et des autres, prête de l'argent à la première demande, devient mécène d'un projet journalistico-politique fantoche. Mais il n'y voit aucun mal, ne flaire jamais les profiteurs et les escroqueries, ni l'hypocrisie, comprend à peine dans quoi il investit. Il faut dire que notre homme est amoureux : la belle Sofia, épouse de son associé, lui fait tourner la tête, au point qu'il pourrait bien la perdre tout à fait. Parce qu'on se demande quand même si Quincas Borba, en plus de sa fortune et de son chien, ne lui aurait pas aussi légué sa folie (des grandeurs).



« Quincas Borba » est une comédie très fluide, faite de très courts chapitres qui s'enchaînent rapidement, dans laquelle l'auteur s'amuse à interpeller directement le lecteur. Manifestement il prend aussi plaisir à raconter l'histoire de Rubião, mais sans jamais se moquer cruellement de son malheureux héros. Machado de Assis est plutôt du genre à égratigner ou ridiculiser la haute bourgeoisie carioca, sa superficialité et sa tyrannie des apparences et des conventions, plutôt qu'à s'acharner sur un pauvre type tel Rubião, dépassé par son destin. Et ce qui rend cette critique sociale encore plus savoureuse, c'est que l'auteur y intègre le thème de la folie et du fantasme qui se jouent de la réalité. Un bijou d'ironie et de finesse d'analyse.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          404
Iaiá Garcia

Pas très loin du coup de coeur pour ce récit dramatique qui prend pour contexte le Rio de la fin du XIXème siècle, autant dire un environnement et une période qui me sont complètement étrangers. Non seulement je ne suis pas calée en littérature sud-américaine mais encore, je ne connais rien de l'histoire du Brésil. Rien que pour m'avoir un peu décrassée, je suis reconnaissante à Machado de Assis.



C'est donc avec un oeil vierge et des attentes non définies que je me lançai dans ma lecture. Très vite, j'ai été séduite par le style et le rythme avant d'être happée par le personnage de Jorge, ses aventures et ses infortunes. Bien qu'il s'agisse ici d'un triangle amoureux, l'auteur ne donne pas dans l'académisme. Avec simplicité et sincérité, il noue un drame sentimental sur plusieurs années, donnant à chaque protagoniste une personnalité fine et travaillée.



Ce sont d'ailleurs les interactions entre les différentes psychologies qui donnent au roman sa couleur et sa profondeur. Compatibilités ou incompatibilités se mélangent pour former un puzzle dont le lecteur ne sait pas jusqu'à la fin s'il parviendra à l'achever.



Le roman est très centré sur les personnages, ne vous attendez donc pas à parcourir le Brésil d'il y a 150 ans par monts et par vaux. Si Machado de Assis nous en révèle beaucoup des mentalités, notamment par les nombreux dialogues, il reste discret sur le contexte. C'est cette tendance à aller à l'essentiel qui donne à "Iaia Garcia" son intensité de roman d'apprentissage. Une belle peinture de sentiments beaux et entiers.





Challenge XIXème siècle 2020

Challenge MULTI-DEFIS 2020

Challenge COEUR D'ARTICHAUT 2020
Commenter  J’apprécie          360
Mémoires posthumes de Bras Cubas

Les Mémoires posthumes de Bras Cubas de l'écrivain brésilien Machado de Assis (1839-1908) a tout d'abord été publié en 1880, dans une revue (Revista Brasileira) avant d'être réédité sous forme de livre en 1881. C'est un classique à nul autre pareil, loin des codes romantiques ou naturalistes de son époque. La forme est inventive et drôle. le fond est pessimiste et sans complaisance.

Le narrateur Bras Cubas est mort. Il nous raconte ses funérailles sous la pluie avec quelques personnes présentes dont une mystérieuse Virgilia. Selon Bras Cubas, la véritable cause de sa mort ne fut pas une pneumonie mais son « idée fixe » à inventer un « emplâtre » contre la neurasthénie. Et de nous raconter sa vie à rebours. le « défunt auteur » a ainsi le loisir d'examiner en détails ce qui a dysfonctionné dans son existence banale et de philosopher sur l'absurdité du monde en général. Sans arrêt les péripéties du récit rétrospectif sont différées par des digressions, des apartés, des clins d'oeil au lecteur, ce qui donne une saveur très dix-huitième au roman. Les chapitres sont brefs et plaisants à lire. Mais le fond est très sombre ! Bras Cubas est un bourgeois gâté tout à fait cynique, cupide, futile, "un composé parfait de banalité et de présomptueuse assurance" Et pourtant on l'aime bien, Bràs. Il faut dire que les autres ne sont pas meilleur(e)s que lui. Machado de Assis dézingue à tout va la bonne société bourgeoise de son époque et la vie politique brésilienne avec beaucoup d'ironie. Il s'en prend également à la conception romantique de l'amour à travers les aventures amoureuses totalement amorales de Bras qui occupent le coeur du livre. La partie suivante plus philosophique a été je l'avoue beaucoup plus obscure pour moi. Bràs Cubas plus neurasthénique que jamais élabore des théories fumeuses pour l'aider à comprendre sa vie insupportable. Il adhère à l'Humanitisme de son ami d'enfance Quincas Borba un philosophe positiviste à la Auguste Comte à moitié cinglé. Un fiasco. le dernier chapitre intitulé « Négatives » tire le bilan de tous ses échecs.



Merci beaucoup Fabinou !

Commenter  J’apprécie          355
La Montre en or

Comment faire pour chronique un recueil de nouvelles ? Les résumer toutes (onze* en l'occurrence) puis donner un avis sur chacune ? Fastidieux pour tout le monde (surtout moi ;-)). Je me contenterai donc de faire les présentations puis d'essayer de dégager l'un ou l'autre fil rouge.

Or donc, voici Joaquim Maria Machado de Assis, né en 1839 à Rio de Janeiro, Brésil, et mort en 1908 au même endroit. Ce métis, après avoir exercé de nombreux métiers, devient à la fois journaliste, poète, romancier, critique, chroniqueur, et crée l'Académie brésilienne des Lettres. Prophète en son pays, il est considéré comme le plus grand auteur brésilien, mais est resté peu connu ailleurs sur la planète littéraire. Après une période romantique, il prend un tournant plus réaliste.

Dans ce recueil, il décrit la bourgeoisie du Rio fin de siècle, sous le règne de l'empereur Pedro II, et à une époque où l'esclavage n'est pas encore aboli. le point fort de Machado de Assis, c'est son sens aigu de l'analyse psychologique de la nature humaine. Sans complaisance et avec beaucoup d'ironie, il détaille des comportements irrationnels, inexplicables. Et inexpliqués, car il laisse le doute planer et la place aux suppositions : était-ce un grain de folie qui germait sous une carapace de normalité ? Un besoin irrépressible d'excentricité sous le masque des convenances sociales compassées, quelques grammes de fureur et de violence dans un monde de bonnes manières ? Allez savoir, et après tout qu'importe : parfois pessimistes, souvent cruelles, à l'occasion teintées de fantastique, toujours écrites dans un style très classique, ces onze nouvelles sur la comédie des apparences sont autant de petits plaisirs de lecture. C'est ce qui compte, non ?



*Cette chronique se réfère à l'édition de 1998 (Métailié-Suites)
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          352
Le philosophe ou le chien Quincas Borba

Le philosophe Quincas Borba,ancien clochard devenu millionnaire ,meurt ,léguant toute sa fortune à Rubaio,modeste professeur de province,à condition que ce dernier adopte son chien,appelé également ,Quincas Borba.

Un superbe récit sur la Vie,les hommes,la réalité,les fantasmes et la folie.

Ecrit par un des plus grands auteurs sud-américains (Brésil)du XIXème siècle,un pur bonheur de Lecture!
Commenter  J’apprécie          347
L'Aliéniste

Une fable parfaitement calibrée - entre satire et conte moral - qui met brillamment en scène la dialectique du fou : tout fou est l'insensé du sensé. Et vice-versa.



A méditer, quand on aura fini d'en rire, car dans ces cas-là la fiction et la réalité ont tendance à copier l'une sur l'autre.
Commenter  J’apprécie          260
La Montre en or

Si j'avais adoré L'aliéniste, ici je me trouve un peu déçu. Beaucoup moins original ce recueil n'éveille pas toujours un grand intérêt. Si Machado de Assis reste maître de la forme courte, en revanche son imagination plafonne un peu et m'a laissé un peu de côté. Dommage...
Commenter  J’apprécie          200
Mémoires posthumes de Bras Cubas

Un livre rafraîchissant et résolument moderne.

Une écriture drôle et subtile qui emporte le lecteur dans la vie mouvementée de Bras Cubas.

Aussi, on peut lire en filigrane une critique satirique de la société brésilienne du XIX ème siècle.
Commenter  J’apprécie          150
L'Aliéniste

Imaginez Itaguai, une petite ville tranquille du Brésil à la fin du XIXème siècle. Lorsque Simon Bacamarte revient dans cette ville de sa jeunesse, c’est en tant qu’aliéniste, ainsi qu’on nommait les psychiatres à cette époque. Il obtient des autorités locales de quoi construire la Maison Verte, un endroit où les aliénés seront soignés et étudiés. Car le Dr Bacamarte prétend cartographier la folie, en déterminer toutes les formes, et de là, en déduire un procédé universel de soins appropriés. Il commence par l’étude des quelques cas locaux connus, puis en vient à faire enfermer, dans une toute-puissance très étonnante, ceux qui présentent des traits de caractères trop marqués, ou qui se rebellent contre ses dictats. Cela rappelle de trop nombreux dirigeants de pays ou des conjoints pervers qui assoient leurs emprises sur un prétendu déséquilibre de leur compagne. Quoique l’aliéniste ne fasse pas cela pour le pouvoir, mais uniquement pour la science, dit-il.



Bien sûr, puisque nous sommes dans un conte moral (ou immoral), l’auteur brésilien pousse la logique de Bacamarte jusqu’au bout. À un moment la moitié de la population va être enfermée, d’autres vont se rebeller et faire leur révolution, leur Bastille, comme ils disent, mais cela ne s’arrêtera pas pour autant.

Cette lecture m’a permis de découvrir Joaquim Maria Machado de Assis, écrivain et journaliste brésilien (1839-1908), autodidacte né au sein d’une famille très modeste. Il semblerait que toute son œuvre soit teintée d’humour, ce qui la rend assez inclassable. L’aliéniste est une satire féroce et poussée très loin des sociétés autoritaires et de la science. Il pose la question des définitions de la folie et de la normalité. Cela semble plus simple de nos jours, où c’est le mal-être du patient qui provoque une demande de soins, et où il s’agit plus de lui rendre sa sérénité que de poser un diagnostique. Cela était malheureusement moins évident à l’époque décrite.

Ce fut donc une lecture intéressante, un brin de philosophie de temps à autre ne fait pas de mal, et ce conte m’a souvent fait sourire. Je serais curieuse d’un autre ouvrage de l’auteur pour voir s’il se trouve être aussi de cette veine.

A noter que la préface est très détaillée et gagne donc à être plutôt lue... après !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          130
L'Aliéniste

Joaquim Maria Machado de Assis, auteur brésilien de la seconde moitié du XIXe siècle nous donne à lire un très court roman aux allures de conte philosophique.



L'histoire de L'aliéniste se déroule au Brésil alors que la psychiatrie s'est institutionnalisée et que les asiles se multiplient en Europe puis dans le nouveau monde. Dans un style sobre et avec une pointe d'un humour discret, Machado de Assis dévoile le récit de Simon Bacamarte, psychiatre qui revient après ses études sur le vieux continent dans une petite ville brésilienne et entreprend d'enfermer tous les fous de la cité dans sa "Maison Verte". Action qui si elle arrange bien les familles de la ville, trop heureuses de se débarrasser à peu de frais de leurs malades mentaux, va davantage les inquiéter au fur et à mesure que le docteur élargi la définition de la folie...



Ce livre court (moins de cent pages) et satyrique nous pousse à un questionnement sur la subjectivité de la folie mais plus largement aussi sur les enjeux et le contrôle de la science (personnifiée ici par Bacamarte) ainsi que sur le pouvoir des institutions de toute nature.



Un petit ouvrage, tout à fait recommandable qui combine simplicité et réflexion.



P.S. : Attention, les éditions Métailié ont cru bon de placer un court résumé de l'oeuvre qui dévoile le déroulement de l'intrigue et la fin du récit. Même si on lit rarement ce type de livre avant tout pour son suspense, je conseille aux lecteurs possédant cette édition de commencer directement à la page 25 et de revenir à la préface ensuite.
Commenter  J’apprécie          130
Iaiá Garcia

Un article du monde daté du 25 juin 2020 à propos d’un écrivain brésilien du 19ème m’avait intrigué. En effet, cet article mentionnait que sur la photo officielle de Joaquim Maria Machado de Assis, né en 1839 d’un père noir et ouvrier et d’une mère portugaise et brodeuse, celui-ci apparaissait aussi pâle que sa chemise blanche. J’ai pu vérifier les deux photos, l’une retouchée où en effet il apparaît blanc, l’autre le montrant tel qu’il était, à savoir la peau noire d’un métis. Beaucoup de lecteurs brésiliens ont découvert récemment la vraie couleur de peau de Machado de Assis. Bien sûr, cet article m’a engagé à découvrir cet écrivain majeur de la littérature brésilienne du 19ème siècle et j’ai acheté deux de ses romans que j’ai précieusement conservés dans ma PAL. Peu de temps après, sur Babelio, que je consulte très fréquemment, je vois apparaitre la nouvelle liste de livres proposés dans le cadre des Masse Critique, à savoir le roman dans une traduction inédite du brésilien en français : Iaiá Garcia. J’ai bien sûr candidaté pour recevoir ce livre, ce qui fut fait et je tiens naturellement à remercier les éditions du Jasmin ainsi que Babelio. Ce roman de la phase « romantique » de l’auteur mêle la vie de trois personnages principaux, Jorge, Estela et Iaiá, dans une relation qui se développe subtilement et ironiquement. Dona Valeria, la mère de Jorge, souhaitant mettre fin à cet amour naissant entre Estela et Jorge, s’arrange pour que son fils soit contraint de partir à la guerre du Paraguay. Il revient après quatre années changé et plus mature. Iaiá a désormais seize ans et en paraît dix-huit. Estela est le personnage qui apparaît le plus dans le roman. Au début du roman, elle est décrite par l’auteur comme une belle fille de seize ans d’une beauté naturelle. On comprend bien que l’amour de Jorge pour Estela, très froide, distante, fière et orgueilleuse est voué à l’échec. Machado de Assis confère aux personnages féminins une forte personnalité qui se renforce avec le développement du récit et sont en quelque sorte les « moteurs » de l’histoire. On est là dans une œuvre précieuse avec pour principales qualités, le lyrisme, les jeux psychologiques et la conduite des deux femmes, Estela et Iaiá, qui sont dans des pôles complètement différents, à savoir une qui nie la réalité et l’autre qui a peine à s’imposer. Ce roman est avant tout un roman d’amour qui analyse des relations rendues impossibles notamment par les différences de classes sociales. C’est un roman qui se lit en quelques jours avec beaucoup de plaisir, les relations entre les personnages sont emprunts de beaucoup de finesse et d’un humour toujours discret mais bien présent.
Commenter  J’apprécie          124
Esaü et Jacob

Rio de Janeiro, 1879. Deux jumeaux (oui, pléonasme, mais c’est ainsi qu’il est noté dans le livre) naissent. Comme dans la Bible, tels Esaü et Jacob, ils se querellent dans le ventre de leur mère.



Opposés par une haine farouche, Paulo l’admirateur de Robespierre et Pedro qui vante les vertus de Louis XVI, tombent amoureux de la même femme, qui, incapable de choisir, en mourra.



Tout était dit dans le résumé et entre le début et la fin, on a du remplissage… Beaucoup de remplissage.



Il vaut mieux ne pas commencer à lire ce roman après une semaine chargée, parce que je peux vous garantir qu’il vous fera sombrer dans les bras de Morphée très vite.



Au moins, ma sieste fut bonne, meilleure que cette lecture dont je ne voyais pas le bout du tunnel (oups) et où j’ai fini par lire en diagonale.



Et dans le final, je me suis dit "tout ça pour ça ?".



On pourra dire la même chose de ma chronique, d’ailleurs : tout ça pour si peu ?? Non, je n’ai rien de plus à dire…


Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          110
Mémoires posthumes de Bras Cubas

260 pages d'un cynisme primesautier et matois qui décrivent avec perfection et humour noir le Brésil de la fin du XIXème siècle, et donc un peu celui d'aujourd'hui....



Publié en 1881, ce troisième roman de Joaquim Maria Machado de Assis apporta à son auteur la consécration, et acquit au fil du temps la stature d'une œuvre fondatrice de la littérature brésilienne.



Bras Cubas, désormais décédé d'une pneumonie, rédige ces "mémoires posthumes" avec la liberté de ton que seule, enfin, la mort peut donner au sein de l'ultra-policée bonne société brésilienne du XIXème siècle finissant.



Après deux romans sociaux classiques, Machado de Assis, selon la formule de Roberto Schwarz, écrit enfin ce "roman réaliste aux techniques anti-réalistes". Récupérant une forme d'écriture primesautière, enlevée, pleine de clins d'œil au lecteur, de digressions, d'apparents coqs-à-l'âne, qui doit beaucoup au Laurence Sterne de "Tristram Shandy" ou encore au Diderot de "Jacques le fataliste", l'auteur a une idée de génie, qui crée la rupture et la réussite littéraire : plutôt que de tenter de donner pour la n-ième fois le point de vue narratif à un "opprimé" ou à une "victime", il renverse toute la perspective en faisant de Bras Cubas, le mort narrateur, un membre éminent de la classe dirigeante brésilienne, dont le lecteur incrédule découvre peu à peu, insidieusement, la somme à peine imaginable d'auto-satisfaction et de cynisme qui le caractérisent. Riche fainéant aux ambitions intellectuelles démesurées (et sans rapport avec ses moyens tels qu'ils sont dévoilés, cocassement, de sa plume posthume même, au lecteur), dont la position de rentier sûr de lui repose avant tout sur l'esclavage et le clientélisme à grande échelle, caractéristiques presque fondatrices de cette société brésilienne de grands propriétaires et de riches commerçants, qui ne laissera avec réticence abolir l'esclavage qu'en 1888, provoquant directement la chute du (trop) libéral (pour l'époque) empereur Pedro II et l'instauration pour 40 ans de la république des oligarques et des "coronels"..., Bras Cubas nous enchante à chacun de ses 160 brefs paragraphes, grâce à l'art consommé d'un auteur machiavélique qui utilise avec subtilité toutes les ressources, à rebours, que peut procurer un "narrateur non fiable".



Une œuvre immense, tant par ce qu'elle dit d'un moment social et historique qui n'a jamais vraiment disparu, au Brésil ou ailleurs, que par le raffinement de sa technique littéraire qui provoque, lorsque l'on commence à réaliser ce que l'auteur nous a mijotés, une furieuse envie d'applaudir !



"Le lecteur a là, en quelques lignes, le portrait physique et moral de la personne qui devait avoir plus tant d'influence sur ma vie. Elle était ainsi à seize ans. Toi qui me lis - si tu es encore au monde, quand ces pages verront le jour - toi qui me lis, Virgilia chérie, ne remarques-tu pas quelque différence entre le langage d'aujourd'hui et celui qui fut le mien la première fois que je te vis ? Crois bien que j'étais aussi sincère alors que maintenant ; la mort ne m'a rendu ni acariâtre ni injuste.

- Mais, diras-tu, comment peux-tu ainsi discerner encore la vérité de ce temps-là et l'exprimer après tant d'années ?

Ah ! Curieuse ! Ah ! Grande ignorante ! Mais c'est cela justement qui fait de nous les maîtres de la terre, c'est ce pouvoir de faire revivre le passé, afin de toucher du doigt l'instabilité de nos impressions et la vanité de nos affections. Laisse Pascal affirmer que l'homme est un roseau pensant. Non ; l'homme est un erratum pensant, cela oui. Chaque âge de la vie est une édition, qui corrige l'édition antérieure, et qui sera corrigée elle-même, jusqu'à l'édition définitive, que l'éditeur distribue gratuitement aux vers."



"138 - À un critique

Mon cher critique,

Quelques pages plus haut, après avoir dit que j'avais cinquante ans, j'ai ajouté : "On sent bien déjà que mon style n'est pas aussi léger que les premiers jours." Peut-être, connaissant mon état actuel, trouves-tu cette phrase incompréhensible ; mais j'appelle ton attention sur la subtilité de cette pensée. Je ne veux pas dire que je sois plus vieux maintenant que lorsque j'ai commencé ce livre. La mort ne vieillit pas. Ce que je veux dire, c'est que, à chaque phrase de la narration de ma vie, j'éprouve les sensations correspondantes... Dieu me protège ! Il faut tout expliquer."

Commenter  J’apprécie          90




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Joaquim Maria Machado de Assis (459)Voir plus

Quiz Voir plus

Marathon-quiz : 50 classiques français

Qui a écrit "Les Fourberies de Scapin" ?

Corneille
Racine
Molière
Marivaux

50 questions
1292 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique français , littérature française , classiqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}